2. Un effort de défense massif qui mérite d'être relativisé

Ces perspectives budgétaires, si elles se confirment, autorisent un renforcement « tous azimuts » de l'effort de défense américain , les programmes nouveaux liés aux enseignements de la guerre contre le terrorisme s'ajoutant aux programmes antérieurs.

Le montant de l'effort de défense américain est souvent mis en rapport avec celui des principaux pays européens. Il est difficile sur ce point d'établir des comparaisons totalement fiables. Les structures des budgets diffèrent selon les pays, tout comme les périmètres, les ministères de la défense n'assurant pas partout le même type de missions. Les budgets américains sont généralement présentés en autorisations de programme et non, comme en France, en crédits de paiement. Ces deux présentations ne donnent d'ailleurs pas d'indication sur les budgets exécutés, c'est à dire sur les dépenses réelles. Il faut donc s'en tenir aux ordres de grandeur qui sont suffisamment révélateurs :

- l' Europe , que l'on considère l'Union européenne ou les pays européens de l'OTAN, consacre à sa défense un effort inférieur à la moitié de l'effort américain ,

- le budget de défense américain dépasse à lui seul celui des neuf autres puissances suivantes,

- si le rapport entre l'Europe , prise globalement dans le sens Union européenne ou pays européens de l'OTAN, et les Etats-Unis est de 1 à 2 pour l'ensemble du budget et pour les dépenses d'acquisitions, il est plutôt de 1 à 4 en matière de recherche et développement .

On pourrait multiplier ainsi les comparaisons, que ce soit en dépense militaire par habitant ou par personnel militaire.

Sans minimiser les conséquences de tels écarts, il faut toutefois les analyser en tenant compte de plusieurs éléments.

D'une part, malgré ces augmentations, l'effort de défense américain rapporté au produit intérieur brut reste encore éloigné de ce qu'il était au début de la dernière décennie.

PART DE L'EFFORT DE DÉFENSE
DANS LE PRODUIT INTÉRIEUR BRUT DES ETATS-UNIS

Département
de la Défense

Total
défense nationale

1990

5,1

5,2

1991

4,4

4,6

1992

4,6

4,8

1993

4,2

4,4

1994

3,9

4,1

1995

3,6

3,7

1996

3,3

3,5

1997

3,2

3,3

1998

3,0

3,1

1999

2,9

3,0

2000

2,9

3,0

2001

2,9

3,0

2002

3,2

3,4

2003

3,3

3,5

Il est vrai que ce chiffre est notablement supérieur à ceux que l'on constate en Europe : de l'ordre de 2,5% du PIB pour le Royaume-Uni, moins de 2% du PIB pour la France et 1,5% du PIB environ pour l'Allemagne et l'Italie.

Mais la comparaison doit tenir compte des ambitions que nos pays assignent à leur défense et de la place qu'occupe la puissance militaire dans leurs objectifs nationaux, qui ne sont pas nécessairement les mêmes qu'aux Etats-Unis.

Enfin, au delà du caractère spectaculaire des chiffres annoncés, se pose la question de l'efficacité de cette dépense militaire . Le Congrès dispose d'un réel pouvoir d'amendement sur le budget et on estime qu'environ 30% des programmes seraient concernés par des réaffectations au cours de la procédure parlementaire. Ces modifications répondent souvent à des considérations locales et industrielles, et bénéficient à des programmes dont les états-majors ne voyaient plus l'utilité opérationnelle. Il y aurait donc, selon cette analyse, une certaine déperdition de l'effort de défense, liée aux pressions du lobby militaro-industriel.

En outre, si les états-majors voient parfois leurs souhaits contrariés par le Congrès, ils oeuvrent également activement auprès de ce dernier pour plaider la cause de leurs propres programmes et pour inverser des arbitrages défavorables opérés à l'échelon interarmées, ou par le secrétaire à la Défense lui-même.

La traditionnelle rivalité entre armées aux Etats-Unis est reconnue, entre autres conséquences, comme un facteur de surcoût très important pour le budget de la défense . Le développement parallèle de programmes concurrents, la poursuite d'investissements ne répondant pas à des besoins opérationnels prioritaires, la résistance à toute volonté de rationaliser les moyens sont autant de phénomènes fréquents qui conduisent à porter le budget militaire au delà du nécessaire.

En dépit du rappel permanent de l'exigence d'une coordination interarmées accrue, le coût budgétaire de ces rivalités subsiste et on peut même se demander s'il n'est pas implicitement admis, compte tenu de sa contribution, sinon à l'efficacité militaire immédiate, du moins au progrès technologique et à l'accentuation, sur le moyen terme, de la puissance militaire américaine.

Il n'en reste pas moins que l'effort est indéniable et que par les moyens consacrés à la recherche et au développement, il soutient et accentue l'avance technologique américaine.

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