III. LA REDÉFINITION DES RELATIONS STRATÉGIQUES DES ETATS-UNIS AVEC LA RUSSIE ET LES ALLIÉS DE L'OTAN

Les entretiens de la délégation au Conseil national de sécurité, au Pentagone et au Département d'Etat ont permis d'aborder deux grands volets des préoccupations stratégiques de l'actuelle administration américaine :

- l'établissement avec l'adversaire d'hier, la Russie, d'une relation liquidant définitivement l'héritage de la guerre froide et contribuant utilement aux intérêts de sécurité des Etats-Unis ;

- la recherche avec les alliés d'une nouvelle raison d'être pour l'OTAN, au moment où celle-ci s'interroge sur sa vocation.

A. UNE NOUVELLE RELATION STRATÉGIQUE AVEC LA RUSSIE

La signature le 24 mai à Moscou par les présidents Bush et Poutine d'un traité sur la réduction des arsenaux nucléaires a été présentée comme le symbole d'une nouvelle relation stratégique et d'un partenariat de portée historique, liquidant définitivement l'héritage de la guerre froide.

De fait, la relation russo-américaine semble obéir à une nouvelle logique, les sujets traditionnels de friction, comme l'élargissement de l'Alliance atlantique ou la défense antimissile étant relégués au second plan, alors que les domaines d'intérêt commun et de coopération potentielle, comme les échanges commerciaux ou la lutte contre le terrorisme sont mis en exergue.

Après le sommet de Crawford à l'automne 2001, la visite du Président Bush à Moscou au mois de mai dernier a consacré ce profond changement. Les attaques du 11 septembre 2001 ont rapproché les deux pays sur le thème de la lutte anti-terroriste. Le retrait unilatéral, le 13 décembre dernier, des Etats-Unis du traité ABM, jusqu'alors considéré par la Russie comme la pierre angulaire de la stabilité stratégique, n'a pas compromis les relations bilatérales. La présence militaire américaine en Asie centrale, comme dans le Caucase, avec l'envoi d'instructeurs en Géorgie, paraît aujourd'hui recueillir l'aval de Moscou. Enfin, la Russie sera associée plus étroitement à l'OTAN dans le cadre d'un Conseil à 20 dont le principe a été approuvé à Rome le 28 mai.

1. Un accord de réduction des armements stratégiques conforme aux préoccupations américaines

Analysé à la lumière de la Nuclear Posture Review , l'accord de réduction des armes nucléaires stratégiques du 24 mai dernier apparaît comme une simple validation de décisions dont les Etats-Unis avaient d'ores et déjà décidé la mise en oeuvre. Les plafonds et le calendrier retenus sont d'ailleurs identiques à ceux annoncés dès l'automne 2001 par le président Bush puis par le Pentagone au mois de janvier.

Certes, la Russie a obtenu que l'accord prenne la forme d'un traité qui devra être ratifié par le Sénat américain et par le Parlement russe. Cette forme juridique préserve l'apparence, au plan international, d'une parité avec Washington. Mais il est clair que face au vieillissement de son arsenal militaire, la Russie, ne disposant pas des moyens d'en financer la maintenance et le renouvellement, n'avait d'autre choix que de le réduire.

On relèvera également que le traité n'aborde pas la question des armes nucléaires tactiques, dont les stocks se montent encore à plusieurs milliers de charges nucléaires.

Lors de sa visite à Washington, la délégation a pu s'entretenir avec M. John Bolton, Secrétaire d'Etat adjoint américain chargé du désarmement et principal négociateur du traité. Ce dernier a rappelé l'ensemble des exigences que les Etats-Unis ont fait valoir tout au long d'une négociation qui s'est échelonnée sur plusieurs mois, et il apparaît que sur ces différents points, le traité reprend les vues américaines.

La Russie n'a pas obtenu des Etats-Unis d'engagement sur une quelconque limitation du système de défense antimissiles. Surtout, elle a dû renoncer à instaurer des mécanismes contraignants, le traité laissant à chaque partie une grande latitude dans la mise en oeuvre des réductions d'armes nucléaires , les têtes retirées du service pouvant notamment, à la discrétion de chacune des parties, être gardées en réserve active ou inactive et n'étant donc pas obligatoirement détruites.

Cette dernière clause, qui constitue le point fondamental du traité, apporte aux Etats-Unis la garantie de flexibilité et de réversibilité qu'ils voulaient préserver. Il crée une inégalité entre les deux signataires car, à l'évidence, le Russie n'aura guère la possibilité matérielle de reconstituer son arsenal.

Toutefois, cette concession faite aux Etats-Unis a sa contrepartie. Ayant subordonné au maintien du traité ABM sa ratification de l'accord Start II, que le Sénat américain n'a pas définitivement ratifié, la Russie s'estime déliée de cet accord et se considère désormais uniquement engagée par le nouveau traité du 24 mai 2002, beaucoup moins contraignant. La Russie juge que rien ne lui interdit désormais de déployer des missiles intercontinentaux à ogives multiples . Proscrite par Start II, cette possibilité offrirait pour Moscou l'avantage de pouvoir réduire beaucoup plus drastiquement le nombre de ses missiles, et donc le coût de maintenance de son arsenal, sans réduire dans une même proportion le nombre de ses têtes nucléaires.

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