b) Des écarts de revenu selon le type de travail proposé

D'importants écarts sont enregistrés, non seulement selon l'ancienneté ou la qualification, mais aussi selon le régime de travail auquel sont soumis les détenus et selon leur mode de rémunération.

De fortes disparités sont ainsi constatées selon le régime de travail auquel le détenu aura accès, tous les régimes de travail n'étant pas présents dans tous les établissements.

Ainsi, « paye le mieux » la R.I.E.P., le service général offrant des conditions salariales deux à quatre fois moindres :

Rémunération journalière moyenne (en euros)

Le mode de rémunération suscite également de forts écarts de revenu : les rémunérations peuvent être calculées à l'heure ou à la pièce, ce dernier mode de calcul, alors qu'il a quasiment disparu à l'extérieur, étant prédominant en prison. La coexistence de ces deux modes de rémunération génère certaines inégalités : pour les détenus les moins productifs, le salaire sera totalement différent selon qu'ils sont payés à l'heure, donc au temps passé, ou à la pièce, donc à la production.

C'est évidemment au sein des détenus payés à la pièce, les plus nombreux, que l'on constate l'éventail de salaires le plus large. Ce mode de rémunération, qui paraît totalement anachronique à l'observateur extérieur, est selon les réponses que votre rapporteur spécial a reçues de l'administration pénitentiaire, le mieux adapté au travail carcéral. A sa grande surprise, les détenus que votre rapporteur spécial a rencontrés dans les différents établissements se sont également montrés très attachés à ce mode de rémunération, les plus productifs et donc les mieux payés y étant davantage attachés que les autres.

Pour l'administration pénitentiaire, le salaire à la pièce est le mode de rémunération qui lui permet de « classer » au travail le plus grand nombre de détenus : selon elle, il lui permet de ne pas prendre en compte dans ses décisions de « classement » l'insuffisance professionnelle ou le faible investissement au travail sans pour autant mettre en péril l'équilibre économique parfois précaire des ateliers.

Pour les détenus, la rémunération à la pièce permet à chacun de savoir ce qu'il va gagner. Dans un milieu carcéral où existe un très fort individualisme, la rémunération à la pièce permet de ne pas dépendre des efforts des autres codétenus. Chacun travaille selon ses capacités, mais aussi selon ses besoins financiers. Tel est en effet un des effets pervers du salaire à la pièce en prison : certains détenus, quand ils ont atteint leur objectif de rémunération, lié souvent au budget nécessaire pour « cantiner », s'arrêtent de travailler, et désorganisent l'atelier qui doit, lui, pouvoir répondre aux commandes de l'extérieur sous peine d'obérer son équilibre économique. Un effet pervers exactement inverse est observé du côté des détenus les plus productifs qui travaillent parfois jour et nuit dans leur cellule, soit par besoin financier, soit par besoin d'oublier la prison et de « s'abrutir ».

On peut estimer que pour les détenus payés à la pièce, l'écart de rémunération varie entre 100 et 1.000 € par mois, soit de un à dix.

Au service général et à la R.I.E.P. ont été mises en place des grilles de salaire en fonction des qualifications et de l'ancienneté. Si celle du service général est relativement frustre, celle du R.I.E.P. est très proche de celle observée dans le monde du travail à l'extérieur.

La grille de rémunération du service général, qui tient essentiellement compte de l'ancienneté, se compose de trois catégories : A, B ou C.

Certains ateliers de la R.I.E.P ont eux fait de réels efforts qui permet au détenu de connaître, dans une certaine mesure, une progression de carrière, certes en fonction de l'ancienneté, mais surtout de la qualification qu'il a été en mesure d'acquérir sur son poste.

Grille de salaires de l'atelier d'imprimerie du centre de détention de Melun (Seine-et- Marne)
Taux horaires en euros année 2002

Pré qualification

1 mois

2 mois

3 mois

4 mois

2

3

2,82

3,11

Echelon

1

2

3

4

5

6

7

Durée

1 à 3 mois

1 à 3 mois

1 à 3 mois

3 à 6 mois

3 à 6 mois

3 à 6 mois

Au choix

Q1

3,11

3,18

3,24

3,30

3,37

3,44

3,51

Q2

3,30

3,37

3,44

3,51

3,58

3,65

3,72

Q3

3,51

3,65

3,79

3,94

4,10

4,22

4,35

HQ

4

Au choix

Qualification Q1 : aide conducteur ; magasinier

Qualification Q2 : contrôle qualité ; massicotier

Qualification Q3 : mécanicien d'entretien ; postier

Qualification technicien HQ : cette catégorie ne correspond pas à un échelon mais à un niveau de technicité permettant à l'opérateur de travailler avec un niveau d'autonomie important. Il pourra en outre participer à l'intégration de nouveaux opérateurs. Il sera polyvalent et pourra effecteur d'autres travaux.

Il existe dans les concessions privées, non de telles grilles, mais une prime pour le détenu « contrôleur », rôle qui correspond à celui de contremaître ou de chef d'atelier dans le monde du travail extérieur.

En conclusion, l'éventail des salaires des détenus est très ouvert. Si les moins productifs gagnent difficilement plus de 100 euros dans le mois , il a été donné à votre rapporteur spécial de rencontrer un détenu informaticien à la maison centrale de Poissy (Yvelines) travaillant en tant qu'indépendant dont les revenus mensuels avoisinaient 1.500 euros. Faible par rapport aux salaires constatés à l'extérieur dans le domaine de l'informatique, cette rémunération constitue en prison une vraie fortune, à tel point que les chefs d'établissement pénitentiaires s'efforcent en général de limiter la fourchette supérieure des salaires pour préserver la paix sociale.

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