CHAPITRE 4
UNE JUSTICE DES MINEURS
INCOMPRÉHENSIBLE POUR LES MINEURS

« Il nous faut sortir du faux dilemme, du faux débat entre prévention et répression dans lequel, depuis quarante ans, on a enfermé la réflexion sur la délinquance dans notre pays. Il faut réhabiliter la sanction d'un point de vue éducatif, et je rangerai la sanction du côté de la prévention.

« Sortons de ce faux débat qui nous a conduits à avoir un corps, celui des éducateurs, voulant éduquer sans sanctionner et un autre corps qui aurait la prétention de sanctionner sans éduquer. »

Jean-Marie Petitclerc 61 ( * )

La justice des mineurs en France n'est pas particulièrement laxiste. Elle est erratique .

Son fonctionnement est tel qu'un mineur peut s'enfoncer dans la délinquance malgré de multiples « réponses » de la justice, parce que ces réponses ne sont pas claires, pas progressives, pas mises en oeuvre... Lorsqu'une peine d'emprisonnement ferme est prononcée, elle suscite incrédulité et révolte chez beaucoup, qui ne croyaient plus cette sanction possible. Il est peu de dire que la justice des mineurs doit profondément évoluer .

I. L'ORDONNANCE DE 1945 : TOTEM ET TABOU

L'ordonnance du 2 février 1945 concentre sur elle depuis plusieurs mois tous les anathèmes ou toutes les louanges.

Pour les uns, ce texte est devenu totalement obsolète dans un contexte radicalement différent de ce qu'il était en 1945. Ceux-là sont nommés par les autres les répressifs.

Pour les autres précisément, l'ordonnance a tout prévu et ne saurait être modifiée. Ceux-là sont nommés par les précédents les angéliques.

Les uns et les autres ont-ils lu ce texte ?

A. L'ÉVOLUTION DU DROIT APPLICABLE AUX MINEURS

Avant d'évoquer le texte qui régit aujourd'hui la justice des mineurs, un bref rappel historique peut faciliter la compréhension de certains débats actuels sur la justice des mineurs.

- En droit romain, s'il n'existait pas de droit spécifique des mineurs , ceux-ci pouvaient néanmoins bénéficier d'atténuations de peines. Jusqu'à l'âge de sept ans, l'enfant était dans un statut d'incapacité et d'irresponsabilité absolue.

- L'ancien régime a, pour l'essentiel, conservé ces principes. Une ordonnance de 1268 prévoit pour les enfants un régime dans lequel les châtiments corporels tiennent une place essentielle. La protection particulière des mineurs peut disparaître en fonction des circonstances du crime, conformément à l'adage « malatia supplet aetatem » (la méchanceté prend le pas sur l'âge).

- Le code criminel de 1791 introduit la notion de discernement en prévoyant que tout mineur de 16 ans bénéficie d'une présomption de non discernement laissée au libre arbitre du juge. Ces principes ont été repris par le code pénal de 1810.

- Les lois du 25 juin 1824 et du 28 avril 1842 marquent un premier pas vers la spécialisation des juridictions pour mineurs en prévoyant une compétence du tribunal correctionnel pour les mineurs même en cas de crime, à condition que celui-ci ne soit pas trop grave.

- La loi du 19 avril 1898 constitue une étape importante dans l'élaboration d'un régime spécifique pour les mineurs. Cette loi, relative à la répression des violences à enfant, fut en effet amendée à l'initiative du sénateur René Baranger , afin que l'enfant délinquant puisse être protégé au même titre que l'enfant victime de violences.

- La loi du 12 avril 1906 a reporté la majorité pénale de 16 à 18 ans.

- Enfin, la loi du 22 juillet 1912 opère une évolution décisive dans l'élaboration du droit actuellement applicable aux mineurs. Elle a en effet prévu la création de tribunaux pour enfants et a instauré la mesure de liberté surveillée , permettant au juge de suivre le mineur au sein de sa famille.

- Un nouveau texte est adopté le 27 juillet 1942, qui prévoit notamment la création de centres d'observation, mais ses dispositions ne seront, pour l'essentiel, jamais mises en oeuvre.

* 61 Educateur spécialisé - audition du 27 mars 2002.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page