b) Les unités touristiques nouvelles (UTN)
La loi « montagne » a mis en place une procédure relative aux unités touristiques nouvelles, dite « procédure UTN ». Le principal article concerné est l'article L.145-9 du code de l'urbanisme.
(1) Définition des UTN
L'article L. 145-9 du code de l'urbanisme distingue quatre
catégories d'UTN :
- les UTN en site vierge ;
- les UTN en discontinuité ;
- les UTN de plus de 8.000 mètres carrés de surface de
plancher hors oeuvre ;
- les UTN portant extension ou renforcement significatif des
remontées mécaniques, selon des seuils fixés par
décret en Conseil d'Etat. Ce seuil est actuellement de 4 millions
d'euros (article R. 145-10 du code de l'urbanisme)
60(
*
)
.
Ainsi, toute installation touristique n'est pas considérée comme
une UTN.
(2) Le cas des remontées mécaniques
Dans le
cas des remontées mécaniques, à la procédure UTN
s'ajoutent des contraintes spécifiques, découlant notamment du
fait que les remontées mécaniques, mêmes touristiques et
sportives, sont considérées comme des modes de transports publics
(et entrent donc dans le champ de la LOTI)
61(
*
)
. En particulier, les
remontées mécaniques sont soumises à une procédure
de double autorisation préalable (par le maire, sur avis conforme du
préfet), la première avant les travaux de construction, la
seconde avant la mise en exploitation
62(
*
)
. La mission commune d'information a
demandé à M. Edouard Lacroix, avocat à la Cour,
de réaliser une étude sur le régime des remontées
mécaniques
63(
*
)
qui
suggère un certain nombre de réformes, que la mission reprend
à son compte :
- remplacer la référence actuelle à un seuil
financier, servant à déterminer si la procédure UTN
s'applique, par un seuil relatif aux nombres de skieurs concernés (afin
de s'assurer que le domaine skiable a la capacité d'accueillir
l'accroissement des skieurs permis par des remontées mécaniques
plus performantes) ;
- alléger le contenu des dossiers destinés à la
demande d'autorisation et de construction ;
- préciser que les règles figurant dans la loi
« montagne » en matière de remontées
mécaniques concernent seulement celles dédiées au ski
ou à des loisirs assimilés (on voit mal pourquoi les
remontées mécaniques utilisées comme transports urbains
par des communes de montagne -comme le téléphérique de
Grenoble- devraient être soumises à cette loi, alors que ce n'est
pas le cas d'équipements analogues situés en plaine -comme les
funiculaires de Paris et Lyon).
Proposition n°
66.
: Modifier le régime
des remontées mécaniques sur les points suivants :
-
remplacer la référence actuelle à un seuil
financier, pour le déclenchement de la procédure UTN, par un
seuil relatif aux nombres de skieurs concernés ;
-
alléger le contenu des dossiers destinés à la
demande d'autorisation et de construction ;
- préciser que les règles figurant dans la loi
« montagne » concernent les seules remontées
mécaniques dédiées au ski ou à des loisirs
assimilés.
(3) Obligation de disposer d'un PLU
Une UTN ne peut être réalisée que dans une commune disposant d'un plan local d'urbanisme (PLU) opposable aux tiers (article L. 145-9 du code de l'urbanisme).
(4) La procédure UTN : une procédure décentralisée dans le cadre du SCOT, depuis la loi SRU
Avant la
création des commissions UTN au sein de chaque comité de massif,
les décisions étaient prises par la commission nationale des UTN,
instance centralisée mise en place par une circulaire de 1977. Ce
système centralisé a été rapidement
considéré comme insupportable par les maires des communes de
montagne.
C'est pourquoi la loi « montagne » a en partie
décentralisé cette procédure, cette
décentralisation n'étant effective -pour les communes
dotées d'un SCOT- que depuis la loi SRU.
(a) Le dispositif antérieur à la loi SRU était en pratique seulement déconcentré
Jusqu'à la loi SRU, qui crée le schéma de
cohérence territoriale (SCOT) en remplacement du schéma directeur
(créé par la loi du 7 janvier 1983), la loi prévoyait que
la procédure de droit commun était celle du schéma
directeur, la procédure d'exception étant, comme actuellement,
celle d'autorisation par le préfet de massif.
Cependant en pratique la procédure d'exception a été la
plus utilisée. Comme le soulignait le rapport de la commission
d'évaluation de la politique de la montagne, les schémas
directeurs élaborés et approuvés avant 1985 concernaient
souvent des zones urbaines de fond de vallée, de sorte que les zones de
montagne étaient rarement couvertes par un schéma directeur.
Ainsi, en pratique la procédure était seulement
déconcentrée.
(b) Une décision prise par l'EPCI chargé du SCOT
Depuis
la loi SRU, selon l'article L.145-11 du code de l'urbanisme, en l'absence de
SCOT ou de schéma de secteur approuvé, la création d'une
UTN est autorisée par le préfet de massif.
Ainsi, la procédure de droit commun est celle du SCOT ou du
schéma de secteur. Ce n'est qu'en l'absence de ces documents que la
création d'une UTN doit être autorisée par le préfet
de massif
64(
*
)
.
Les principales différences entre les deux procédures sont
indiquées par le tableau ci-après. Compte tenu d'une durée
analogue, la procédure de modification du SCOT pourrait sembler plus
souple, et donc plus intéressante.
PRINCIPALES DIFFÉRENCES ENTRE LES DEUX PROCÉDURES UTN EN VIGUEUR
|
Procédure de droit commun |
Procédure d'autorisation |
Niveau de prise de la décision |
EPCI compétent pour le SCOT |
Préfet de massif |
Niveau d'élaboration du projet |
Intercommunal |
Communal |
Délai pendant lequel doivent être entrepris les travaux |
Durée du SCOT |
4 ans |
Durée de la procédure (1) |
1 an |
1 an (préparation + 4 mois) |
(1)
Estimations avancées par M. François Servoin dans « Les
conséquences de la loi SRU sur les unités touristiques
nouvelles », revue
Géomètre
, mars 2002.
En zone de montagne, le SCOT «
précise, le cas
échéant, l'implantation et l'organisation générale
des unités touristiques nouvelles
65(
*
)
.
Par ailleurs, l'article 145-4 du code de l'urbanisme prévoit que le
périmètre du SCOT ou du schéma de secteur,
arrêté par le représentant de l'Etat, «
tient
compte de la communauté d'intérêts économiques et
sociaux à l'échelle d'une vallée, d'un pays, d'un massif
local ou d'une entité géographique constituant une unité
d'aménagement cohérent
».
Dans le cadre de cette procédure de droit commun, la décision est
donc prise par l'EPCI compétent pour le SCOT.
(c) La commission UTN ne joue qu'un rôle consultatif
Au sein
du comité de massif se trouve une commission, appelée
« commission spécialisée » par la loi
« montagne » puis « commission
spécialisée des UTN » par la loi SRU. Cette commission,
désignée par le comité de massif en son sein, est
composée majoritairement de représentants des régions, des
départements, des communes ou de leurs groupements.
Elle joue un rôle consultatif, dans deux cas de figure.
Tout d'abord, elle est chargée d' «
émettre un
avis sur les projets d'unités touristiques nouvelles
»
(article 7 de la loi « montagne »).
Ensuite, elle est consultée au sujet du projet de SCOT
«
lorsque le projet comporte des dispositions relatives à
la création d'une ou plusieurs unités touristiques
nouvelles
»
66(
*
)
.
Cette procédure s'applique également en cas de révision du
SCOT ou du schéma de secteur approuvé, de manière plus ou
moins complexe selon que la révision a ou non pour seul objet d'y
introduire une UTN (avec en ce cas deux passages devant la commission
UTN)
67(
*
)
.
(5) Problèmes posés et solutions envisagées
Malgré les aménagements importants introduits par la loi SRU, la procédure UTN continue de poser certains problèmes.
(a) Problèmes de fond
Tout
d'abord, les UTN doivent naturellement respecter les dispositions des
alinéas I, II et IV de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme. Or, on
a vu que les notions auxquelles ces dispositions font référence
sont souvent imprécises.
Ensuite, l'article L. 145-9 du code de l'urbanisme distingue quatre
catégories d'UTN, sans qu'il soit toujours évident de
déterminer si un équipement donné doit ou non être
considéré comme UTN.
Proposition n°
67.
: Préciser dans la
loi quels équipements sont considérés comme UTN.
(b) Alléger la procédure
En
outre, la procédure pourrait être allégée -par
exemple déconcentrée au niveau des communes- dans quatre cas de
figure.
Le premier, envisagé à l'occasion du congrès annuel de
l'ANEM en octobre 2001, est celui des
petites opérations,
notamment pour les projets situés en secteur vierge tels les refuges de
haute montagne. Alors que l'aménagement des grands équipements de
tourisme hivernal est terminé, les UTN concernent fréquemment de
petits équipements. Ainsi, la jurisprudence rend actuellement
nécessaire le recours à la procédure UTN pour des travaux
aussi peu importants que l'installation d'un fil-neige.
Dans le cas des petites opérations se pose également le
problème de leur prise en compte éventuelle par le SCOT. En
effet, selon le Conseil d'Etat l'existence et la localisation de l'UTN doivent
être prévues par le SCOT. Ainsi, dans l'état actuel du
droit, la réalisation d'une UTN non prévue par un SCOT n'est
possible qu'après la modification du SCOT. Il semble nécessaire,
dès lors, de revoir la relation entre SCOT et UTN. On pourrait ainsi
prévoir que le SCOT détermine, outre les principales UTN, un
plafond (défini selon des critères à déterminer)
en-dessous duquel de petites opérations seraient possibles. Si le
gouvernement a proposé de modifier en ce sens le dispositif actuel dans
le décret d'application de la loi SRU, le Conseil d'Etat a disjoint sa
proposition, la considérant comme contraire à la lettre de la loi
« montagne » -bien qu'elle eût été
certainement plus conforme à ce qui semble souhaitable du point de vue
de la gestion de l'urbanisme
68(
*
)
.
Proposition n°
68.
: Adopter une disposition
selon laquelle un SCOT peut prévoir une
« enveloppe » de petites UTN.
Le deuxième type d'allégement envisageable concerne les
situations d'urgence
(comme la reconstruction à l'identique d'un
équipement ayant subi un sinistre accidentel).
De même, le
remplacement d'une installation de remontée
mécanique
pourrait faire l'objet d'une procédure
simplifiée. Une étude d'impact serait nécessaire.
Enfin, la procédure pourrait être allégée dans le
cas des
petites communes.
En effet, comme le souligne le groupe de
travail de la commission des affaires économiques sur la modernisation
du droit de l'urbanisme
69(
*
)
,
la disposition selon laquelle une UTN ne peut être réalisée
que dans une commune disposant d'un PLU «
est irréaliste,
s'agissant de très petites communes qui, comme on l'a vu ci-dessus,
n'ont pas les moyens de réaliser un [tel document]. Aussi a-t-elle pour
effet d'interdire toute UTN sur leur territoire. Une procédure
respectueuse de l'environnement, prévoyant par exemple l'octroi d'une
dérogation, pourrait être mise en oeuvre afin d'exempter les
très petites communes de cette disposition
».
Proposition n°
69.
: Alléger la
procédure UTN pour les petites opérations, les situations
d'urgence, le remplacement d'installations de remontées
mécaniques et, sous certaines conditions, les petites communes.
(c) Réformer les commissions UTN ?
En
outre, il serait envisageable de réformer les commissions UTN.
Tout d'abord, le statut des commissions UTN est ambigu. En effet, elles sont,
selon la loi « montagne », constituées au « sein
» des comités de massif, mais ne sont pas des commissions
« du » comité de massif. En particulier, les membres
des comités de massif n'appartenant pas à la commission UTN n'ont
aucune vocation à être informés des travaux de celle-ci.
Ainsi, selon M. François Servoin, «
loin de dynamiser
l'action du comité [de massif], elle la confisque à son
profit
»
70(
*
)
.
Ensuite, selon les informations recueillies par la mission commune
d'information, les commissions UTN prendraient trop souvent leurs
décisions au cas par cas, sans élaborer de doctrine. On pourrait
envisager l'obligation, pour les commissions UTN, d'élaborer
périodiquement des règles générales
destinées à guider leur action.
Proposition n°
70.
: Mieux
intégrer les commissions UTN aux comités de massif, et rendre
obligatoire l'élaboration par chaque commission de règles
générales
destinées à guider son action.
(d) Reconnaître un droit à l'expérimentation des collectivités locales en matière d'UTN
Dans
l'étude précitée
71(
*
)
, demandée à
M. Edouard Lacroix, des propositions sont également faites
pour modifier le régime des UTN :
- reconnaissance d'un droit des collectivités territoriales
à l'expérimentation en matière d'UTN ;
- traitement différencié de la haute et de la moyenne
montagne ;
- transfert des compétences du préfet de massif à un
exécutif local en matière d'UTN.
Si les objectifs des deux dernières propositions semblent pouvoir
être atteints par certaines des réformes préconisées
par la mission commune d'information (allègement de la procédure
UTN et renforcement du rôle du SCOT pour les petites opérations),
la première mériterait de faire l'objet d'une étude
approfondie.
Proposition n°
71.
: Etudier
l'éventualité d'une expérimentation en matière
d'UTN.
(e) La mission conjointe des ministères de l'équipement, de l'environnement et du tourisme
A
l'occasion du Conseil national de la montagne de février 2001, le
Premier ministre a demandé la mise en place d'une mission conjointe du
ministère de l'équipement, du ministère de
l'aménagement du territoire et du secrétariat d'Etat au tourisme,
relative notamment à une éventuelle révision de la
procédure UTN
72(
*
)
.
Cette mission a été confiée à MM. Bernard Rousseau,
inspecteur général du tourisme, Alain Wauters,
représentant du conseil général des Ponts et
Chaussées, et Louis Blaise, inspecteur général de
l'environnement.
Auditionnés par la mission commune d'information, les membres de cette
mission ont envisagé, notamment :
- que la procédure d'autorisation d'une UTN ne concerne plus le
préfet de massif mais celui du département ;
- l'instauration d'une procédure analogue à celle des PPDT
(programmes pluriannuels de développement touristique) prévue par
le décret de 1977, afin d'inscrire les réflexions de la
commission UTN dans une perspective d'ensemble.
Les propositions à venir de cette mission devront naturellement
être prises en considération dans le cadre d'une éventuelle
réforme de la procédure UTN.
(f) Renforcer le rôle du service d'études et d'aménagement touristiques de la montagne
Enfin,
on pourrait envisager de renforcer le rôle du service d'études et
d'aménagement touristiques de la montagne (SEATM), rattaché au
secrétariat d'Etat au tourisme, afin de lui permettre d'apporter aux
massifs une véritable assistance technique.
A l'occasion de son audition par la mission commune d'information, le ministre
de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de
l'aménagement du territoire a envisagé une telle
éventualité. Il a précisé que cette suggestion
serait étudiée à l'occasion de la refonte des
décrets sur les comités de massif.
73(
*
)
Proposition n°
72.
: Renforcer le rôle du
service d'études et d'aménagement touristique en montagne(SEATM),
afin de lui permettre d'apporter aux massifs une véritable assistance
technique.