b) Rééquilibrer les relations entre collectivités locales et opérateurs privés
(1) La loi « montagne » prévoit la possibilité de contrats avec les opérateurs touristiques

L'article 42 de la loi « montagne » prévoit qu'en zone de montagne, la mise en oeuvre des opérations d'aménagement touristique s'effectue sous le contrôle d'une commune, d'un groupement de communes ou d'un syndicat mixte regroupant des collectivités territoriales.

Il précise que, sauf recours à la formule de la régie, cette mise en oeuvre s'effectue dans les conditions suivantes :

- chaque opérateur doit contracter avec la commune ou le groupement de communes ou le syndicat mixte compétent ;

- chacun des contrats porte sur l'un ou plusieurs des objets constitutifs de l'opération touristique : études, aménagement foncier et immobilier, réalisation et gestion des équipements collectifs, construction et exploitation du réseau de remontées mécaniques, gestion des services publics, animation et promotion.

La loi « montagne » prévoyait la conclusion de ces conventions dans un délai de quatre années. La loi n°88-102 du 30 décembre 1988, dans son article 64, a prolongé ce délai de 10 ans. Ainsi, toutes les conventions devaient être signées au 11 janvier 1999, ce qui a presque toujours été le cas.

(2) Une possibilité trop peu utilisée, à cause de relations déséquilibrées

Selon les informations recueillies par la mission commune d'information, il semble que cette possibilité ne soit guère utilisée qu'en matière de remontées mécaniques.

Ce phénomène s'explique en partie par le fait que les collectivités supports de station de montagne ont parfois des difficultés à élaborer leur cahier des charges et à analyser les offres. En particulier, la relation des petites collectivités avec les opérateurs est souvent déséquilibrée. Selon les termes utilisés devant la mission commune d'information par Mme Josette Brossolin, directrice régionale de Dexia Crédit Local, « les exploitants ont un pouvoir très important sur les collectivités et disposent de moyens humains et juridiques que les collectivités n'ont pas ».

Dans ces conditions, il pourrait être utile d'assister davantage les collectivités de montagne dans leurs relations avec les opérateurs. On pourrait en particulier envisager le recours à un conseil spécialisé chargé d'aider ces différentes collectivités à élaborer leur cahier des charges et à analyser les différentes offres.

Proposition n° 82. : Conforter les moyens techniques des collectivités locales et des opérateurs privés, par le recours à un conseil spécialisé chargé d'aider ces différentes collectivités à élaborer leur cahier des charges et à analyser les différentes offres.

(3) L'application conjointe des lois « montagne » et « Sapin » dans le cas des conventions de délégation de service public de remontées mécaniques

L'application conjointe de l'article 42 de la loi « montagne » et de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, dite « loi Sapin », suscite certaines difficultés au sujet des contrats de délégation de service public de remontée mécanique.

La mission commune d'information a demandé à M. Edouard Lacroix, avocat à la Cour, de réaliser une étude sur ce thème 99( * ) , dont s'inspirent largement les développements qui suivent.

(a) La loi « montagne » fixe à ces conventions une durée maximale de 18 ou 30  ans, source d'insécurité juridique

L'article 42 de la loi « montagne » prévoit actuellement que la durée des contrats ne peut excéder 18 ans que si elle est justifiée par la durée d'amortissement technique ou lorsque le contrat porte sur des équipements échelonnés dans le temps et ne peut, en aucun cas, être supérieure à 30 ans.

Cette disposition suscite une certaine insécurité juridique.

Tout d'abord, les conditions dans lesquelles doivent s'achever ces contrats sont incertaines, bien que l'article précité stipule que « les contrats (...) prévoient à peine de nullité les conditions de résiliation, de déchéance et de dévolution, le cas échéant, des biens en fin de contrat ainsi que les conditions d'indemnisation du cocontractant ».

Ensuite, la détermination de la durée maximale à prendre en considération (18 ou 30 ans) est source d'incertitudes. On peut en particulier s'interroger sur la légalité de certains avenants d'extension ou de prorogation de contrats. En effet, si les conventions et leurs avenants n'ont pas suscité à ce jour de contentieux significatif, les interprétations du droit effectuées dans le cadre du contrôle de légalité des préfectures relatif aux avenants ont pu varier d'un département à l'autre. En particulier, la jurisprudence du Conseil d'Etat semble incertaine, bien que le Conseil ait considéré, dans un avis du 2 septembre 1986, « qu'en cas de prorogation du contrat avec ou sans modification, la durée maximale de dix-huit ans, ou le cas échéant de trente ans, s'applique à nouveau à compter de cette prorogation ». Ainsi, certains opérateurs ne sont pas incités à envisager un investissement dans les quinze ou dix dernières années de leur convention.

Il faut souligner que ces contraintes en matière de délais ne proviennent pas de la loi « Sapin ». La loi « Sapin » prévoit en effet que, selon le droit commun, une délégation de service public peut être prolongée lorsque le délégataire est contraint, pour la bonne exécution du service public ou l'extension de son champ géographique et à la demande du délégant, de réaliser des investissements matériels non prévus au contrat initial, de nature à modifier l'économie générale de la délégation et qui ne pourraient être amortis pendant la durée de la convention restant à courir que par une augmentation de prix manifestement excessive. Cette prolongation n'est pas assortie de délais.

(b) La loi « Sapin » oblige à un appel à la concurrence pour le renouvellement des contrats

Les fins des contrats de délégation de service public de remontée mécanique constituent une échéance d'autant plus importante que la loi « Sapin » oblige les collectivités territoriales à effectuer un appel à la concurrence pour désigner le nouveau cocontractant, ou pour trouver une succession à la régie.

Les services de remontée mécanique sont en effet des services publics (Conseil d'Etat, Commune d'Huez, 23 janvier 1959), soumis à ce titre à la loi « Sapin ».

La législation actuelle peut donc conduire certaines collectivités locales à changer de partenaires contre leur gré, après des années de collaboration, et, pour un grand nombre de stations, des années de succès de leur politique d'aménagement touristique de la montagne et de développement économique.

(c) Aménager la durée des contrats

Dans ces conditions, il peut sembler souhaitable de modifier l'article 42 de la loi « montagne », en supprimant, dans le cas des services publics de remontées mécaniques, la disposition fixant aux contrats une durée maximale de 18 ou 30 ans. Ce serait alors le droit commun, défini par la loi « Sapin », qui s'appliquerait.

Proposition n° 83. : Supprimer, dans le cas des services publics de remontées mécaniques, la disposition fixant aux contrats une durée maximale de 18 ou 30 ans, afin que le droit commun, défini par la loi « Sapin », s'applique (possibilité de prolonger une délégation de service public afin de permettre l'amortissement d'investissements matériels nécessaires et non prévus au contrat initial).

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