b) Les comités de massif, outils de coopération interrégionale
(1) Les propositions ambitieuses du rapport Besson n'ont pas été retenues
Les
comités de massif devaient être la clef de voûte de la
réforme de la politique de la montagne, telle qu'envisagée, en
1982, par le rapport de commission d'enquête de l'Assemblée
nationale présidée par Louis Besson
114(
*
)
.
En effet, la proposition du rapport Besson était la suivante :
- l'instauration, dans chaque massif, d'un comité de massif
chargé d'élaborer un plan de massif ;
- l'instauration, dans chaque massif, d'une « agence de
développement et d'animation », chargée de
préparer de d'exécuter les décisions du comité,
mais aussi de jouer un rôle d'information et d'animation au niveau
local ;
- l'instauration d'un fonds spécialisé, le FIDAM (fonds
d'intervention pour le développement et l'aménagement en
montagne) pour financer l'action de l'agence, sur décision du
comité.
Comme le rappelle M. François Servoin, les espoirs étaient
grands. Ainsi, on avait pu parler d'un «
parlement pour la
montagne
»
115(
*
)
.
Ces propositions n'ont pas été retenues, à cause de
l'opposition des ministres des Finances et de l'Intérieur. Ce dernier,
M. Gaston Defferre, craignait en effet que la mise en place de
comités de massif aux pouvoirs importants ne crée de
difficultés supplémentaires dans la mise en oeuvre de la
décentralisation.
Ainsi, le comité de massif ne s'est pas vu reconnaître de
véritables pouvoirs, l'« agence de développement et
d'animation » n'a pas été instaurée, et le fonds
créé par la loi « montagne », le FIAM (fonds
d'intervention pour l'autodéveloppement en montagne), a
été de dimension beaucoup plus modeste que le FIDAM
proposé par le rapport Besson.
(2) La création du massif, simple circonscription administrative
(a) Une circonscription
administrative
Les
comités de massif, créés par l'article 7 de la loi
« montagne », sont un simple organe consultatif.
Circonscription administrative de l'Etat, ils sont dépourvus de la
personnalité morale et ne disposent pas de services propres. Leur
secrétariat est généralement assuré par un
fonctionnaire de la DATAR. Ce statut contribue vraisemblablement à
expliquer l'intérêt réduit des régions à leur
égard, en particulier dans le cadre de l'élaboration des CPER.
Ainsi, au lieu de la décentralisation préconisée par le
rapport Besson, la loi « montagne » a mis en place une simple
déconcentration. En particulier, jusqu'à la loi
n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la
démocratie de proximité, le comité de massif était
présidé par le préfet coordonnateur de massif.
(b) Une majorité d'élus
Selon la
loi « montagne », «
chacun de ces
comités est composé,
à titre majoritaire, de
représentants des régions, des départements, des communes
et de leurs groupements.
Il comprend également des
représentants des établissements publics consulaires, des parcs
nationaux et régionaux, des organisations socioprofessionnelles et des
associations concernées par le développement,
l'aménagement et la protection du massif
».
En outre, depuis la loi n° 95-115 du 4 février 1995 ces
comités sont dotés d'une
commission permanente
, elle aussi
composée en majorité d'élus locaux
.
A la suite d'un
amendement de votre commission des lois au projet de loi
« démocratie de proximité », son existence
est désormais inscrite dans la loi (alors qu'auparavant leur existence
résultait d'un décret en Conseil d'Etat).
La composition des différents comités de massif varie selon la
taille et la structure des massifs. Elle est indiquée par le tableau
ci-après.
COMPOSITION DES COMITÉS DE MASSIF MÉTROPOLITAINS (1)
Massif |
Nombre de membres |
|
|
Comité de massif (2) |
Commission permanente (3) |
Pyrénées |
47 |
15 au plus |
Jura |
47 |
|
Vosges |
51 |
|
Alpes du Nord (4) |
55 |
|
Alpes du Sud (4) |
55 |
|
Massif central |
75 |
(1)
Depuis la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse,
la composition et les règles de fonctionnement du comité pour le
développement, l'aménagement et la protection du massif de Corse
sont fixées par délibération de l'Assemblée de Corse
(2) Décrets n° 85-995 à 85-1001 du 20 septembre 1985.
(3) Décrets n° 95-1191 à 95-1195 du 6 novembre 1995.
(4) Les massifs des Alpes du Nord et des Alpes du Sud doivent fusionner, en
application de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative
à la démocratie de proximité.
Les décrets prévoient que les membres du comité de massif
sont nommés par arrêté du préfet de la
région :
- pour la durée de leur mandat électif pour les
représentants désignés par la région, les communes
et leurs groupements ;
- lors de chaque renouvellement triennal des conseils
généraux pour les représentants désignés par
les départements ;
- pour trois ans pour les autres membres.
La loi « montagne » étant muette sur le
fonctionnement du comité, les modalités de celui-ci sont
fixées par son règlement intérieur.
(c) Un rôle consultatif
Le
comité de massif se réunit sur la convocation de son
président, au moins deux fois par an.
Le comité joue tout d'abord un rôle de proposition et d'avis, par
son association :
- à l'élaboration des orientations du schéma
interrégional de massif ;
- aux dispositions relatives au développement économique,
social et culturel du massif contenues dans les plans des régions
concernées.
Il est en outre consulté sur :
- l'élaboration des prescriptions particulières de
massif ;
- les projets d'UTN.
Enfin, il est informé :
- au moyen d'un rapport annuel, établi par le préfet de
massif, des décisions d'attribution des crédits inscrits dans la
section locale à gestion déconcentrée du FNADT et
correspondant à des projets situés en zone de montagne ;
- annuellement, des programmes d'investissement de l'Etat, des
régions, des départements et des établissements publics
dans le massif, ainsi que des programmes de développement
économique, notamment des programmes de développement agricole.
LE CAS DE LA CORSE
L'institution du comité de massif a fait l'objet de
certaines
adaptations en Corse par la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 relative
à la Corse.
Ainsi, le président du conseil exécutif de Corse préside
le comité pour le développement, l'aménagement et la
protection du massif de Corse.
En outre, la composition et les règles de fonctionnement du
comité pour le développement, l'aménagement et la
protection du massif de Corse sont fixées par délibération
de l'Assemblée de Corse, qui prévoit la représentation des
personnes morales concernées par le développement,
l'aménagement et la protection du massif, notamment celle de l'Etat, des
autres collectivités locales de l'île et du parc naturel
régional.
Enfin, le conseil des sites de Corse (qui comprend des membres nommés
pour moitié par le représentant de l'Etat et pour moitié
par le président du conseil exécutif, et est
coprésidé par le représentant de l'Etat et le
président du conseil exécutif de Corse) exerce en Corse les
attributions dévolues, notamment, à la commission
spécialisée dans les projets d'unités touristiques
nouvelles au sein du comité de massif.
(d) Une coprésidence qui doit disparaître au profit d'une présidence par le président de la commission permanente
Depuis
la loi « démocratie de proximité », le
comité de massif est coprésidé par le représentant
de l'Etat désigné pour assurer la coordination dans le massif et
par le président de la commission permanente. Le constat avait pu
être établi que les préfets coordonnateurs de massif,
à la fois préfets de région et préfets de
département, accaparés par des tâches multiples,
n'étaient peut-être pas en mesure de consacrer à ces
instances toute l'attention qu'elles méritaient.
A contrario
, il
a été considéré qu'un élu local, élu
de montagne, serait sans doute plus intéressé à animer les
travaux et à susciter les débats et les réflexions au sein
du comité qu'il présiderait.
On peut s'interroger sur la pertinence de cette double présidence, qui
risque de susciter un désengagement de l'Etat ou une
ambiguïté supplémentaire.
Sans doute faut-il
considérer qu'il s'agit là d'une étape transitoire :
à terme, il serait souhaitable que le comité de massif soit
présidé par le seul président de la commission
permanente
.
Proposition n°
94.
: Instaurer une
présidence du comité de massif par le seul président de la
commission permanente.
(e) Un accroissement récent des pouvoirs du préfet coordonnateur de massif
Les
pouvoirs du préfet coordonnateur de massif ont été
récemment accrus par un décret du
4 juillet 2002
116(
*
)
.
Jusqu'alors, le préfet disposait des attributions prévues par un
décret du 10 mai 1982
117(
*
)
relatif aux politiques
d'aménagement du territoire concernant plusieurs
régions (animation et coordination de l'action des préfets
des départements et des régions intéressés,
programmation et ordonnancement des dépenses afférentes aux
crédits qui lui sont délégués dans le cadre de sa
mission, négociation et conclusion des conventions avec les
collectivités territoriales ou leurs établissements publics). Il
fallait pour cela que le Premier ministre lui ait confié, par
arrêté, une mission interrégionale de mise en oeuvre de
cette politique.
Désormais, le préfet coordonnateur exerce, dans le
périmètre du massif, les attributions définies au sujet
des missions interrégionales, «
notamment en ce qui
concerne la négociation et la conclusion, au nom de l'Etat, des
conventions interrégionales de massif
».
En outre, il décide de la programmation des dépenses
afférentes aux crédits qui lui sont délégués
dans le cadre de sa mission, après avis d'une conférence
interrégionale de programmation qu'il préside et qui
comprend :
- les préfets des régions concernées ou leur
représentant ;
- les préfets des départements inclus dans le
périmètre du massif ou leur représentant ;
- le trésorier-payeur général de la région du
préfet coordonnateur du massif ou son représentant.
Il présente annuellement un rapport sur la mise en oeuvre de la
politique de l'Etat dans le massif devant le comité de massif.
(3) Un bilan nuancé mais prometteur
Les
comités de massif n'ont jusqu'à présent joué qu'un
rôle modeste.
En particulier, il semble qu'aucun comité de massif n'ait utilisé
ses compétences de proposition en matière de directives
territoriales d'aménagement (DTA), prévues par l'article L.
145-7 du code de l'urbanisme.
Ce faible rôle semble pouvoir s'expliquer essentiellement par le fait
que, comme on l'a vu ci-avant, les comités de massif sont de simples
circonscriptions administratives de l'Etat, dépourvues de moyens et de
personnalité juridique, et qui ne dépendent pas d'une
collectivité locale.
Par ailleurs, ainsi que cela a été souligné, l'action du
comité de massif tend à être confisquée par la
commission UTN.
Le bilan des comités de massif semble néanmoins prometteur. En
effet, l'exemple de certains d'entre eux (comme celui du Massif central)
suggère que cet organisme peut jouer un rôle utile dès lors
que les collectivités locales le considèrent comme un instrument
de leur politique de la montagne.
(4) Perspectives d'avenir
(a) La réforme étudiée par la
DATAR
Le
ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de
l'aménagement du territoire a demandé à la DATAR
d'envisager une réforme importante des comités de massif. Il
s'agit de saisir l'occasion de la réforme des décrets
constitutifs des comités de massif destinée à organiser la
coprésidence.
La DATAR doit étudier en particulier trois questions :
- quelle est la composition du comité de massif la plus
adaptée ?
- quel est le mode de fonctionnement le plus approprié pour placer
le comité de massif au centre des décisions stratégiques
du massif ?
- quels sont les besoins en moyens humains et financiers du comité
de massif ?
La réalisation d'une telle réforme est indispensable si l'on
souhaite que les comités de massif puissent pleinement jouer leur
rôle.
Proposition n°
95.
: Améliorer la
composition et le mode de fonctionnement des comités de massif, et leur
donner davantage de moyens humains et financiers.
(b) Transformer les comités de massif en syndicats mixtes ouverts ?
Les
comités de massif, loin d'être des concurrents des régions
en matière de politique de la montagne, ont vocation à être
l'instrument privilégié de la politique de la montagne de ces
dernières, ce qui suppose qu'elles les contrôlent. Les
régions seront ainsi incitées à envoyer au comité
de massif des responsables dotés d'un véritable pouvoir de
décision.
Proposition n°
96.
: Afin de réconcilier
les régions et les comités de massif, faire de ces derniers des
instances décentralisées de réflexion, de proposition et
de coordination entre régions se partageant un même massif.
Il pourrait sembler utile de ce point de vue de transformer les comités
de massif en
syndicats mixtes ouverts
, afin d'en faire des instances
davantage décentralisées, contrôlées par les
régions concernées.
Proposition n°
97.
: Transformer les
comités de massif en syndicats mixtes ouverts.
Ce renforcement de l'action des collectivités locales en matière
d'aménagement et de développement de la montagne pourrait
être utilement accompagné d'un renforcement parallèle des
structures de l'Etat chargées de la politique de la montagne. Ainsi, il
pourrait être envisagé de déconcentrer davantage les
pouvoirs de l'administration au niveau des commissariats de massif, notamment
en matière de gestion des crédits de la politique de
la montagne, et d'accroître les moyens (en particuliers humains) des
commissariats de massif
118(
*
)
.
Proposition n°
98.
: Déconcentrer
davantage les pouvoirs de l'administration au niveau des commissariats de
massif, notamment en matière de gestion des crédits, et
accroître les moyens (en particulier humains) des commissariats de
massif.