C. UN INSTRUMENT JUGÉ NÉCESSAIRE MAIS INSUFFISANT

1. Un diagnostic largement partagé

Les interlocuteurs de votre rapporteur ont été unanimes, à quelques nuances près, pour considérer que la défiscalisation était sinon utile pour le développement de l'outre-mer, du moins indispensable pour éviter une dégradation de la compétitivité de ces économies, qui font face à des handicaps structurels spécifiques.

Le sentiment général était néanmoins que la défiscalisation ne peut constituer le seul instrument d'une politique de développement économique de l'outre-mer car elle n'est pas susceptible de corriger l'ensemble des handicaps structurels .

Le problème du coût du travail semble désormais plus préoccupant que celui du coût des investissements, malgré la mise en place d'exonérations de charges spécifiques à l'outre-mer par la loi « Perben » de 1994, reconduites en 2001 par la loi d'orientation pour l'outre-mer.

La mauvaise desserte aérienne et le climat social dégradé sont également souvent revenus dans les propos des interlocuteurs de votre rapporteur ainsi que, s'agissant de la Guyane, la question du respect, voire de l'existence, d'un véritable Etat de droit. Dans le secteur stratégique du tourisme, la question de la qualité de l'accueil a fréquemment été mise en avant.

2. Un diagnostic difficile à étayer

Les analyses communiquées à votre rapporteur doivent être prises au sérieux car elles reflètent le sentiment de spécialistes des économies ultramarines. Malheureusement, l'information économique permettant de les appuyer (ou de les infirmer) est particulièrement pauvre. Les services de l'Etat ne se sont pas souvent préoccupés de l'évaluation de l'impact économique et social de la défiscalisation, cette évaluation n'ayant d'ailleurs jamais été demandée par le législateur.

L'absence de travaux consacrés aux effets économiques de la défiscalisation s'explique peut-être aussi par les difficultés résultant de la pauvreté de l'information économique relative à l'outre-mer. L'information disponible est souvent très ancienne. Dans les monographies consacrées par l'Institut d'émission des départements d'outre-mer (IEDOM) et l'Institut d'émission d'outre-mer (IEOM) aux départements, territoires et collectivités d'outre-mer relatives à l'année 2001, les dernières données disponibles en matière de produit intérieur brut datent de 1997. De même, lorsqu'un groupe de travail interministériel a réalisé en 1998 un rapport sur le bilan de l'application des dispositifs de défiscalisation, il n'a pu travailler qu'à partir de données antérieures à 1994.

L'information économique relative à l'outre-mer est par ailleurs souvent inexistante. Pour l'élaboration du présent rapport, votre rapporteur a demandé au ministère de l'outre-mer de lui fournir des données relatives à l'évolution du taux d'investissement des entreprises outre-mer. L'information n'a pu lui être communiquée. Dans les différents rapports de l'inspection générale des finances, ou des groupes de travail qu'elle a « piloté », celle-ci insiste sur les difficultés méthodologiques auxquelles elle se heurte, et qui sont dues autant à la fiabilité toute relative de l'information statistique qu'aux entreprises ultramarines qui prennent souvent des libertés avec leurs obligations déclaratives en matière fiscale. Le groupe de travail de 1998 a exclu du champ de son étude les territoires d'outre-mer, mais aussi la Guyane.

Les difficultés d'évaluer l'impact économique et social de la défiscalisation tiennent aussi à l'impossibilité d'isoler, dans l'analyse des données, les effets de la défiscalisation de ceux d'autres dispositifs.

3. Les conclusions des travaux existants

Dans son rapport de septembre 2001, l'inspection générale des finances parvient au constat, qui rejoint les analyses des interlocuteurs de votre rapporteur, selon lequel la défiscalisation permet de « rendre viables de nombreux investissements, qui ne seraient pas réalisés dans des conditions normales ». Ces investissements étant « indispensables à la poursuite de l'activité d'une entreprise », il est possible d'en conclure que la défiscalisation vient « atténuer certains des handicaps structurels que connaissent les économies d'outre-mer ».

Le groupe de travail interministériel de 1998 établissait un diagnostic plus complet et jugeait que la défiscalisation avait permis le décollage de certains secteurs (le tourisme et l'hôtellerie en particulier), qu'elle avait surtout permis de moderniser les principaux secteurs d'activité, qu'elle avait bénéficié au secteur du logement tout en contribuant à l'inflation des loyers et que, dans le cas des services publics industriels et commerciaux, elle avait servi de substitut aux subventions publiques. Ce rapport confirmait par ailleurs que la défiscalisation permettait de diminuer de manière significative le seuil de rentabilité des investissements, mais que cette attractivité pouvait aussi conduire les entreprises à prendre des décisions erronées.

Le groupe de travail de 1998 appelait à « mettre en place progressivement des solutions de rechange ». Cinq ans après ce constat, le présent rapport formulera un jugement plus nuancé. Le dispositif s'est affiné et le renforcement des mécanismes de contrôle permet désormais une bonne sélectivité des projets aidés. L'efficacité du dispositif peut néanmoins encore être améliorée.

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