B. DOSIMÉTRIE

Comment évaluer le Débit d'Absorption Spécifique (DAS), c'est-à-dire la puissance absorbée par unité de masse, en watts par kilogramme, de tissu vivant soumis à l'appareil en fonctionnement ? La mesure du DAS, par le biais du champ électrique ou de la température, nécessite l'utilisation d'une sonde. La forte hétérogénéité des tissus et la mise en place d'une sonde dans les tissus rendent difficiles les mesures in vivo .

L'imagerie médicale et les méthodes numériques de calcul électromagnétique permettent l'estimation des champs, électrique et magnétique, dans les tissus ; mais cette approche numérique se heurte à la difficulté de modéliser des systèmes aussi complexes que les radiotéléphones.

L'approche expérimentale, qui repose sur l'utilisation de téléphones commercialisés, ne rencontre pas ce type de problème, mais elle est limitée par les difficultés liées à la mesure dans les tissus.

1. L'approche numérique

Elle a pour base la modélisation numérique des tissus. Le modèle numérique de la tête est donc un élément fondamental de la simulation.

Il doit être représentatif de la tête d'un utilisateur et permettre une analyse de la puissance absorbée dans les différents tissus. Les modèles numériques existants sont, pour une grande majorité, basés sur l'imagerie médicale et notamment l'IRM qui est capable de discriminer les tissus mous. Une reconnaissance des tissus, la segmentation, est opérée sur ces données. Un modèle développé par le centre de recherche de France Telecom (FTRD) en collaboration avec l'ENST comprend 10 tissus (peau, os, muscle, liquide céphalo-rachidien, matière grise, matière blanche...).

Les caractéristiques électromagnétiques des tissus (permittivité et conductivité) sont celles qu'utilise couramment la communauté scientifique. Ce modèle permet l'étude de la distribution de l'énergie dans les principaux tissus.

Avec un radiotéléphone modélisé sur un boîtier parallélépipédique, et opérant à 900 MHz et avec une puissante crête de 2 watts, les simulations indiquent un DAS de 1,1 Watt /kilogramme. L'analyse dosimétrique montre également que la tête absorbe environ 50 % de la puissance émise par le radiotéléphone, la peau absorbant 15 %, le muscle 10 %, le liquide céphalo-rachidien 5 % et le cerveau 13 %. Avec le modèle de radiotéléphone utilisé, l'absorption est principalement localisée dans la zone proche de l'oreille : 30 % de l'énergie est absorbée dans un cube de 5 cm de côté centré sur l'oreille interne. Au sein de ce volume restreint, la peau absorbe une part importante : la peau appartenant au cube absorbe 70 % de la puissance absorbée par l'ensemble de la peau. A la fréquence de 1 800 MHz, la proportion de la puissance absorbée par les tissus périphériques est augmentée.

La zone proche de l'oreille interne absorbe une grande partie de l'énergie émise par les radiotéléphones et est d'une grande complexité. Avec la résolution habituelle de l'imagerie médicale, l'oreille interne est mal définie. Pour analyser le DAS dans l'oreille interne, un modèle spécifique est nécessaire. Celui qui a été réalisé par l'ENST et le CHU de Nîmes a permis d'arriver aux résultats suivants : le DAS maximum estimé dans l'oreille interne est de l'ordre de 0,4 Watt/kg pour une puissance de 250 mW et à une fréquence de 900 MHz.

2. L'approche expérimentale

Elle est indispensable pour compléter l'approche par modélisation numérique. Toutefois, l'approche expérimentale se heurte aux difficultés de la mesure in vivo. Outre les problèmes éthiques que pourrait poser ce type de mesure, la forte hétérogénéité des tissus limite aussi cette approche.

Il est donc indispensable de définir un modèle de tête expérimental homogène.

La définition, forme et contenu, du fantôme est fondamentale. La forme doit être représentative de la population et elle doit, ainsi que ses caractéristiques électromagnétiques garantir que le DAS mesuré et moyenné sur 10 grammes ne sera jamais inférieur aux valeurs réelles. Une étude a été réalisée pour définir un fantôme représentatif, ce fantôme est aujourd'hui utilisé par le CENELEC (Comité européen de normalisation électrotechnique) et l'IEEE (Institute of Electrical and Electronics Engineers) pour certifier les radiotéléphones. En utilisant, sur une large bande de fréquence (300 MHz, 3 GHz), un modèle basé sur plusieurs couches de tissus, ou en comparant, pour certaine fréquence, les résultats obtenus avec des fantômes hétérogènes et homogènes, comme dans le cadre du programme COMOBIO (Communication Mobile et Biologie) du RNRT (Réseau National de Recherche en Télécommunications), les caractéristiques électromagnétiques des liquides équivalents ont été définis.

Avec ce type de fantôme, on obtient les mesures suivantes :

Valeur moyenne de la puissance absorbée par les tissus avec un téléphone générique dont la puissance est celle réellement émise par les radiotéléphones dans le réseau. (5 ( * ))

Puissance absorbée (mW)

Peau

9,3

Muscles

6,8

Crâne

2,5

Yeux

0,009

LCR

2,2

Cerveau

8,7

Le groupe d'experts du Pr Zmirou précise que :

« La part de la puissance absorbée dans la tête est environ de 40 % de la puissance émise (au maximum 100 mW pour le GSM 900. Sur une tête de 3 kg, le DAS correspondant est en moyenne de l'ordre de 30 mW/kg. Cependant, comme la puissance absorbée décroît exponentiellement en fonction de la profondeur, le DAS local est d'autant plus important qu'il est calculé sur un petit volume : pour 10g, il est de 0,4 à 1 W/kg. »

* (5) « Communication mobile. Effets biologiques ». Actes du Symposium international organisé en avril 2000 par l'Académie des Sciences, le Conseil pour les applications de l'Académie des Sciences (CADAS) et l'Académie Nationale de Médecine.

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