ANNEXES

- Annexe n° 1 : Lettre de saisine du président de la commission des affaires sociales.

- Annexe n° 2 : Comptes rendus des auditions

ANNEXE N° 1

LETTRE DE SAISINE DU PRÉSIDENT
DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

COMMISSION

DES

AFFAIRES SOCIALES

LE PRÉSIDENT

Madame Gisèle GAUTIER

Sénateur de Loire Atlantique

Présidente de la Délégation aux

Droits des Femmes et à l'Egalité des

Chances entre les Hommes et les Femmes

PALAIS DU LUXEMBOURG

Paris, le 10 décembre 2002

Réf. : S/2002.431

Madame la Présidente,

Vous avez bien voulu me faire part de la décision de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes de demander à la commission des Affaires sociales de la saisir du projet de loi n° 189 (2001-2002) adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la bioéthique.

J'ai l'honneur de porter à votre connaissance que la commission des Affaires sociales, lors de sa séance du 10 décembre 2002, a pris en considération votre demande et a accepté de saisir la délégation que vous présidez du projet de loi précité.

Je vous prie d'agréer, Madame la Présidente, l'hommage de ma considération la plus distinguée.

Nicolas ABOUT

ANNEXE N° 2

COMPTES RENDUS DES AUDITIONS

MARDI 17 DÉCEMBRE 2002

_______________

Audition de Mme Chantal Lebatard, administrateur à l'Union nationale des associations familiales (UNAF).

Accueillant Mme Chantal Lebatard, Mme Gisèle Gautier, présidente , a insisté sur l'utilité d'entendre le point de vue des familles sur un sujet tel que l'AMP. Elle a également rappelé que Mme Chantal Lebatard est membre de la Commission nationale de médecine et de biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal (CNMBRDP).

Mme Sylvie Desmarescaux , rapporteur , a ensuite remercié Mme Chantal Lebatard pour sa venue. Elle a souhaité entendre son point de vue sur la montée très forte du désir d'enfant depuis une vingtaine d'années.

Mme Chantal Lebatard a rappelé la position de l'UNAF, selon laquelle le désir d'enfant ne saurait créer un « droit à l'enfant », A cet égard, elle a indiqué qu'il fallait veiller à ce que l'offre technique ne suscite pas une aggravation de la demande, celle-ci créant à son tour une obligation de résultats. Elle a insisté sur le droit de l'enfant à une famille.

Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur , a ensuite interrogé Mme Chantal Lebatard sur l'accompagnement psychologique des couples, en relevant que celui-ci était, à l'heure actuelle, très insuffisant.

Appuyant ces propos, Mme Chantal Lebatard a souligné l'importance des dispositifs d'accompagnement du couple, notamment en cas d'échec, et a déploré l'insuffisance du suivi actuel. Elle a relevé que les couples en situation d'échec étaient renvoyés à une « sorte d'errance de centre en centre », voire, pour certains, à l'étranger, afin d'y trouver des solutions purement techniques à leur problème. Elle a estimé nécessaire qu'une proposition d'entretien psychologique soit faite aux couples.

Mme Chantal Lebatard a également évoqué la difficulté des hommes à accompagner les femmes dans ce processus, liée à leur manque d'implication. Elle a insisté sur la nécessité que l'information s'adresse au couple en tant que tel, mais aussi à chaque personne individuellement.

A cet égard, elle a souligné l'importance de la notion d'équipe médicale et mis en garde contre la multiplication actuelle des praticiens et des centres au détriment de la constitution des équipes.

Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur , a ensuite interrogé Mme Chantal Lebatard sur les liens entre l'AMP et l'adoption, et sur la difficulté pour les couples à faire leur deuil de l'enfant « biologique ».

Rappelant que le législateur avait « sagement » prévu, en 1994, que l'information relative à l'adoption devait être donnée aux couples dès le premier entretien, Mme Chantal Lebatard a indiqué que l'adoption ne devait pas apparaître comme un palliatif en cas d'échec de l'AMP. Elle a également relevé que le développement d'un certain « acharnement procréatif » rendait les échecs plus douloureux encore.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a également insisté sur le fait que l'adoption ne doit pas apparaître comme un pis-aller, mais au contraire rester une démarche distincte.

Soulignant l'importance, pour les couples, d'une information transparente, Mme Chantal Lebatard a déploré la concurrence économique entre les centres, qui aboutit à une obscurité certaine des résultats. Il conviendrait, a-t-elle noté, que les résultats communiqués comprennent des chiffres sur les taux de naissance par tentative, sur les taux d'échecs, sur l'âge des femmes accueillies, permettant d'effectuer des comparaisons entre centres.

Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur , a ensuite interrogé Mme Chantal Lebatard sur les missions dévolues à l'Agence de la procréation, de l'embryologie et de la génétique humaines dans le projet de loi, en relevant que celle-ci, à la différence de l'Autorité de la fécondation et de l'embryologie humaine en Angleterre, n'avait aucune mission d'information à l'égard du public.

Mme Chantal Lebatard a déploré qu'il n'existe en France aucune instance pour prendre en compte les problèmes de stérilité comme une réalité médicale à part entière et a considéré que l'APEGH pourrait remplir ce rôle. Elle a également insisté sur les interactions entre les phénomènes psychologiques et physiques, en rappelant qu'il existait un certain nombre de cas, non négligeables, de stérilités inexpliquées, et de grossesses inattendues. Elle a souligné que « la médecine conjugale, et plus encore féminine, reste largement inexplorée », et a ajouté, citant le professeur Claude Sureau, que « l'intérêt pour la gynécologie a longtemps été très faible » .

En réponse à Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur , Mme Chantal Lebatard a indiqué que de nouvelles techniques d'AMP suscitent des interrogations croissantes, en raison du risque qu'elles pourraient faire courir aux enfants, et s'est interrogée sur les moyens de mieux encadrer la mise en place de ces nouvelles méthodes et d'assurer le consentement éclairé des couples.

A cet égard, elle a relevé que le dispositif du projet de loi sur ce sujet comportait «quelque chose de fondamentalement choquant », puisqu'il prévoit des protocoles d'évaluation aux termes desquels les embryons ne sont ni conservés ni transférés. Dans ce cadre, les embryons seraient donc créés uniquement à des fins de recherche, ce que Mme Chantal Lebatard a vivement critiqué. Elle a souhaité en conséquence que soit encouragée l'expérimentation animale, tout en soulignant que celle-ci coûte cher. En tout état de cause, elle a noté que le consentement des couples n'était pas un blanc-seing en la matière, car ceux-ci étaient en situation de détresse.

En second lieu, relevant que le suivi des enfants, voire la « PMA-vigilance », risquait d'être extrêmement stigmatisant pour les enfants, elle a souligné qu'un tel dispositif ne pouvait être conçu que sur la base d'un volontariat. A Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur , qui s'inquiétait des risques liés à l'ICSI, y compris au-delà de la première génération, Mme Chantal Lebatard a réaffirmé ses réticences face à l'idée d'un suivi obligatoire des enfants nés de ces techniques. En tout état de cause, elle a relevé que le dispositif prévu par le projet de loi ne prévoyait pas d'évaluer les nouvelles techniques au-delà de la phase in vivo.

Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur , a ensuite interrogé Mme Chantal Lebatard sur le problème de la pénurie d'ovocytes, et notamment sur la pratique qualifiée de « don relationnel » de certains centres consistant à privilégier les couples amenant une donneuse. Mme Chantal Lebatard , après avoir noté que le don d'ovocytes relevait de la solidarité féminine, et ne posait pas de problème de principe à l'UNAF, a néanmoins souligné les contraintes liées au don pour les femmes. Elle a également remarqué que les pratiques mentionnées par Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur , pouvaient laisser craindre des pressions, y compris financières, s'exerçant sur les donneuses, et déploré le fait que la demande semble entraîner des dérapages dans certains centres. Elle a ensuite indiqué que la pénurie était aggravée par la congélation des embryons, dans la mesure où la décongélation entraînait des pertes de l'ordre de 30 %.

Abordant les moyens de remédier à la situation actuelle de pénurie, Mme Chantal Lebatard a insisté sur la nécessité de développer l'information à l'égard du public, et de valoriser le don, en mettant en avant les principes de solidarité et de transparence. Elle a également estimé nécessaire de limiter le nombre de centres agréés pour la gestion du don, afin que ceux-ci soient, à l'instar des Centres d'études de la conservation des oeufs et du sperme (CECOS), réellement spécialisés dans le don d'ovocytes. Elle a ainsi rappelé que les CECOS avaient élaboré une Charte de déontologie avant même que le législateur n'intervienne, ce qui montrait l'intérêt de faire de la gestion du don d'ovocytes une véritable spécialité à l'intérieur de l'AMP.

Elle s'est ensuite félicitée des dispositions du projet de loi prévoyant que le consentement du conjoint de la donneuse soit exigé et révocable à tout moment.

Interrogée sur le décret relatif à la congélation obligatoire des embryons, Mme Chantal Lebatard a rappelé qu'aux termes des travaux du groupe de travail constitué au sein de l'UNAF sur ce sujet, il apparaissait que les praticiens de l'AMP étaient très favorables à la révision de ce décret, mais qu'aucun spécialiste n'était encore en mesure de confirmer l'absence totale de risques sanitaires. Elle a conclu que l'UNAF, favorable à un assouplissement des conditions du don, n'aurait pas de réticence particulière face à une révision de ce décret.

Elle a également relevé le problème particulier posé par l'accueil de l'embryon par un couple en cas de décès du père. En effet, les tests sanitaires qui doivent être effectués avant l'accueil d'un embryon par un couple ne peuvent pas, dans ce cas, être effectués sur la personne décédée, ce qui rend l'accueil impossible en cas de décès du père.

A propos du transfert d'embryons post mortem, Mme Chantal Lebatard a noté que les associations les plus réticentes, au sein de l'UNAF, étaient les associations de veuves et estimé, pour sa part, que le fait de refuser à une femme la restitution de ses embryons lui semblait difficile à accepter, sur le plan symbolique. Pour autant, elle a indiqué qu'on ne saurait invoquer le droit de la femme à disposer de l'embryon, et que le transfert de l'embryon post mortem devait rester une mesure exceptionnelle. Elle a relevé qu'une ouverture de cette possibilité, avec une décision au cas par cas, pourrait être une bonne mesure.

Répondant à Mme Gisèle Gautier, présidente , qui l'interrogeait sur la recherche sur les embryons, Mme Chantal Lebatard a indiqué qu'il était nécessaire de traiter l'embryon comme une personne humaine potentielle. Elle a ajouté qu'une recherche sur les embryons dits de réforme, qui ne sont pas viables, pouvait être envisagée.

Audition de Mme Chantal Ramogida, présidente de l'association « Pauline et Adrien ».

Accueillant Mme Chantal Ramogida, Mme Gisèle Gautier, présidente , a indiqué qu'elle était fondatrice et présidente de l'association Pauline et Adrien, dont le but est d'aider les couples infertiles à réaliser leur projet parental dans les meilleures conditions possibles.

Mme Chantal Ramogida a exposé son parcours personnel, marqué par le recours à l'AMP, en indiquant les difficultés qu'elle a rencontrées. Après avoir rappelé les circonstances de la fondation de l'association Pauline et Adrien, elle a indiqué que celle-ci comptait aujourd'hui 8.400 membres. Parmi les activités de cette association, elle a notamment évoqué l'organisation annuelle d'une journée nationale de la fertilité, ainsi que la tenue d'une permanence hebdomadaire à l'hôpital Antoine Béclère, dans le service du professeur René Frydman.

Soulignant que le guide des bonnes pratiques médicales recommandait un suivi des enfants nés par AMP, elle a relevé que les patients étaient eux-mêmes demandeurs de ce suivi. Elle a également évoqué la parution prochaine d'un avis du Comité consultatif national d'éthique sur l'ICSI et ses répercussions sur les enfants.

Elle a ensuite estimé que l'accueil dans les hôpitaux pouvait être amélioré par la participation des patientes bénévoles.

Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur , a ensuite interrogé Mme Chantal Ramogida sur la question de l'équilibre actuel entre le désir et l'attente légitime des femmes d'avoir un enfant « biologique » et la protection de leur santé, aussi bien physique que psychologique.

Mme Chantal Ramogida a souligné que l'équilibre actuel n'était pas satisfaisant. Soulignant que les patientes avaient tendance à aller d'une équipe à l'autre, en cas de refus, elle a déploré qu'en cas d'échec de l'AMP, les patientes puissent aller voir en dernier recours un gynécologue de ville, susceptible de prescrire des inducteurs d'ovulation. Elle a insisté sur la nécessité d'harmoniser les pratiques des spécialistes des centres et des médecins de ville et proposé que ces derniers fassent un rapport d'activité annuel au ministère, à l'instar des centres. Elle a ainsi suggéré l'instauration d'un « carnet de fertilité », afin d'éviter la répétition des examens et « l'oubli » par les couples de leurs embryons congelés. Elle a, enfin, évoqué la grande souffrance des femmes confrontées à l'impossibilité d'avoir des enfants et rappelé que la stérilité touche davantage les hommes, proportionnellement, alors même que le problème de la fertilité masculine est peu abordé.

Mme Chantal Ramogida a ensuite dénoncé avec vigueur les pratiques de clonage reproductif.

A Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur , qui l'interrogeait sur la nécessité d'un suivi psychologique, Mme Chantal Ramogida a indiqué que certaines femmes ne jugeaient pas utile de voir un psychologue. Elle a relevé qu'il était surtout important d'être confrontée à de petites équipes, à taille humaine, ayant le temps de s'entretenir avec les patients. Elle a souligné l'importance de l'entretien des patients avec le biologiste, capable de donner, sur l'évolution de l'embryon, des explications que le clinicien n'est pas toujours en mesure de fournir. Elle a ajouté que l'infertilité devait être considérée comme une maladie psycho sociale et qu'il serait nécessaire de prévoir une formation spécifique sur la stérilité pour les psychologues.

Mme Gisèle Gautier, présidente a ensuite interrogé Mme Chantal Ramogida sur les propositions concrètes de l'association.

Evoquant le don d'ovocytes, Mme Chantal Ramogida a rappelé que très peu d'hôpitaux pratiquaient le don d'ovocytes, et que le professeur René Frydman avait décidé d'interrompre cette activité. Elle a mentionné l'initiative du docteur André Hazout, visant à créer une association pour gérer le don et a regretté l'échec auquel celui-ci s'est heurté pour obtenir l'agrément de la Commission nationale de médecine et de biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal (CNMBRDP).

Mme Chantal Ramogida a également souligné que la donneuse, n'était pas assez « reconnue ». Elle a indiqué la nécessité de lui donner un véritable statut et de la valoriser et a cité, à titre d'exemple, l'Espagne où une somme est allouée aux donneuses pour l'ensemble du défraiement. Elle a également relevé que, lors de la journée nationale de la fertilité organisée par l'association Pauline et Adrien, les donneuses recevaient une médaille. Elle a enfin déploré le manque d'information, conduisant les donneuses potentielles à chercher des informations sur Internet.

Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur , s'est ensuite interrogée sur les pratiques des centres privilégiant les couples amenant des donneuses.

Mme Chantal Ramogida a souligné que dans le plus gros centre, l'attente était de sept ans.

Elle a également abordé la question de la congélation des embryons, en insistant sur la nécessité de modifier le décret de 1996, au regard de l'absence de cas de séroconversion observé depuis 1996. Elle a ensuite déploré le manque de mobilisation autour de l'infertilité, au regard, notamment de la mobilisation autour du SIDA.

Répondant à Mme Gisèle Printz qui soulignait la différence de gravité entre ces deux phénomènes, Mme Chantal Ramogida a déploré le manque de moyens et le manque de visibilité du problème de l'infertilité.

Mme Danièle Pourtaud a souligné l'intérêt de disposer d'une comparaison entre les différentes législations de l'Union européenne sur ce sujet.

Mme Chantal Ramogida a regretté le manque de moyens financiers pour informer le public.

A Mme Gisèle Printz qui demandait si la consultation de l'association était prise en charge par la sécurité sociale, Mme Chantal Ramogida a répondu par la négative, en précisant que les couples cotisaient annuellement à l'association, et que les médecins subventionnaient également l'association.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a conclu en rappelant les avancées considérables accomplies en matière de bioéthique depuis 1994.

Audition de Mme Frédérique Dreifuss-Netter, professeur à la Faculté de droit de l'Université Paris V, directeur du Centre de recherches en droit médical de la Faculté de droit de Paris V.

Après avoir remercié Mme Frédérique Dreifuss-Netter, Mme Sylvie Desmaresaux, rapporteur , l'a interrogée sur la nécessité de renforcer la pluridisciplinarité des équipes d'AMP.

Mme Frédérique Dreifuss-Netter a souligné l'importance pour les couples de pouvoir s'entretenir avec un spécialiste de l'équipe, notamment un psychologue, dont l'intervention n'est obligatoire que pour l'AMP avec donneur. Elle a insisté sur la nécessité de donner aux centres les moyens nécessaires pour qu'un soutien psychologique effectif puisse être proposé aux couples. Elle s'est félicitée des nouvelles dispositions prévoyant un agrément pour les centres clinico-biologiques, et non plus des agréments séparés.

Abordant la question de l'appréciation des critères sociaux d'accès à l'AMP, Mme Frédérique Dreifuss-Netter a fait part de ses réticences à l'égard d'un éventuel renforcement du pouvoir décisionnel de l'équipe médicale. En effet, les candidats à l'AMP sont des patients demandant une aide pour procréer et non, comme en matière d'adoption, des candidats à l'accueil d'un enfant dont l'Etat a la charge. Elle en a conclu que l'équilibre actuel entre la liberté des couples et le pouvoir de décision des praticiens était satisfaisant, puisqu'aux termes de l'arrêté du 12 janvier 1999, les médecins peuvent écarter des demandes dans l'intérêt de l'enfant.

Répondant à Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur, Mme Frédérique Dreifuss-Netter a souligné que les deux voies, de l'AMP et de l'adoption n'étaient pas forcément exclusives.

Interrogée, ensuite, sur les missions de l'APEGH, Mme Frédérique Dreifuss-Netter a souligné l'importance du rôle du juriste au sein de la Commission nationale de médecine et de biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal (CNMBRDP), et regretté que la composition de l'APEGH ne prévoie qu'une représentation insuffisante de la société civile. Elle a rappelé la faiblesse des pouvoirs de contrôle de la CNMBRDP, et souhaité que l'APEGH dispose de moyens plus importants, notamment pour améliorer la communication avec les citoyens, à l'image de l'Autorité de la fécondation et de l'embryologie humaine de la fécondation en Angleterre.

A propos du transfert d'embryons post mortem, Mme Frédérique Dreifuss-Netter a noté que la situation actuelle était humainement très contestable, puisque la femme devait choisir entre la destruction de ses embryons ou son accueil par un couple tiers. De plus, elle a souligné que l'accueil des embryons était irréalisable, car soumis à des tests sanitaires sur la personne de l'homme, impossibles à effectuer en cas de décès.

Mme Frédérique Dreifuss-Netter a toutefois relevé que l'autorisation du transfert post mortem soulevait aussi des problèmes sérieux. Elle a d'abord évoqué l'intérêt de l'enfant à naître qui, dans ces conditions, naîtrait orphelin et occuperait une position tout à fait particulière d'« enfant du deuil ». Elle a également mentionné le risque que les couples persuadent les praticiens de pratiquer systématiquement des fécondations in vitro avant un traitement potentiellement stérilisant, afin que les embryons puissent être fécondés en cas de décès. Afin d'éviter ce type de dérives, visant à contourner l'interdiction d'insémination post mortem, il conviendrait d'ouvrir la possibilité du transfert d'embryons post mortem au cas par cas sous le contrôle d'une commission.

Mme Danièle Pourtaud a exprimé ses réticences face au pouvoir accordé à une commission de délivrer des autorisations au cas par cas, en soulignant qu'il s'agissait du libre choix de la femme.

Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur, ayant évoqué le cas des femmes enceintes qui deviennent veuves, Mme Frédérique Dreifuss-Netter a répondu en insistant sur le risque, en cas d'institutionnalisation du transfert, que le projet de naissance soit associé au deuil futur. Une telle pratique conduirait de plus à une augmentation du stock d'embryons surnuméraires.

Puis, sur la question du droit de la filiation, elle a souligné que les dispositions votées par l'Assemblée nationale lui semblaient peu pertinentes.

Elle a noté que la solution proposée par le projet de loi était extrêmement lourde et a déploré que soient apportées au code civil des modifications si importantes pour quelques cas particuliers. Elle a relevé que le recours systématique à des textes de circonstance était extrêmement dangereux dans un domaine qui touche aux structures fondamentales de la société.

Elle a ainsi évoqué le cas des couples non mariés, pour lesquels le projet prévoit que l'autorisation donnée par l'homme à l'équipe médicale de poursuivre le projet après son décès vaut reconnaissance. Elle a rappelé que la reconnaissance était un acte juridique solennel dirigé envers un enfant déterminé, né ou à naître, qui doit être effectué devant un officier public (officier d'état civil, notaire ou juge).

Elle a suggéré de prévoir un système assez simple par lequel la mère de l'enfant se verrait délivrer par le centre une copie du consentement paternel et une attestation de la fécondation et du transfert. Pour la femme veuve, la production de ces documents à l'officier d'état civil lui permettrait d'obtenir directement un acte de naissance d'enfant légitime. Pour la femme non mariée, il lui faudrait saisir un juge par une requête gracieuse, en vue d'obtenir une constatation judiciaire de la paternité.

Abordant les dispositions relatives au contentieux de la filiation, elle a relevé que, contrairement à l'AMP avec donneur -où, en l'absence d'un lien génétique, c'est la volonté qui fait la filiation- il n'était pas nécessaire d'élaborer un dispositif si compliqué s'agissant d'une fécondation in vitro interne au couple, où la filiation juridique correspond au lien biologique.

En effet, si une action en contestation de la filiation était introduite, elle serait vouée à l'échec puisque l'enfant est bien celui de l'homme décédé. En outre, la jurisprudence a considéré que la participation d'un homme à un processus d'AMP vaut possession d'état à l'égard de l'enfant à naître, or la possession d'état fait en elle-même obstacle à de nombreuses actions en contestation, notamment pour la filiation légitime. Pour la même raison (la possession d'état), elle a estimé inutile de modifier l'article 313-1 du code civil comme cela a été prévu par l'Assemblée nationale. Enfin, les actions dirigées contre la paternité dans le cas où elles seraient encore possibles (par exemple, l'action en désaveu exercée par les héritiers dans les six mois de la naissance) se heurteraient à une difficulté de preuve puisque le père est décédé. En pratique donc, la contestation de la filiation paternelle aboutirait seulement si l'enfant n'est pas issu de l'AMP, mais d'un amant de sa mère, vivant et dont on peut se procurer un échantillon d'ADN.

Mme Frédérique Dreifuss-Netter en a conclu qu'il n'y avait pas de raison de sécuriser la filiation de l'enfant né d'une AMP post mortem plus que celle de l'enfant transféré du vivant de son père.

Elle a toutefois relevé que le texte n'a pas distingué suivant que les embryons ont été conçus selon une technique de FIV interne au couple ou avec tiers donneur. Elle a indiqué que, si les embryons proviennent d'une FIV avec don de sperme, il faudrait combiner les règles de l'AMP avec tiers donneur avec celles de l'AMP post mortem, ce qui apparaît extrêmement difficile.

Elle a suggéré de ne reconnaître le transfert post mortem qu'au cas par cas, et sans bouleverser l'économie du droit de la filiation.

Mme Danièle Pourtaud a souligné la lourdeur du processus et des formalités obligatoires dans un tel système, notamment pour les couples les plus modestes.

Mme Frédérique Dreifuss-Netter a fait observer que de telles formalités étaient déjà exigées en cas d'insémination artificielle avec tiers donneur.

Répondant à Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur, qui l'interrogeait sur la question de l'évaluation des nouvelles techniques d'AMP, Mme Frédérique Dreifuss-Netter a souligné que celle-ci était indispensable.

Rappelant que l'article voté par l'Assemblée nationale était contraire à l'interdiction de créer des embryons à des fins de recherches, elle a toutefois souligné qu'il était inacceptable de revenir à la situation antérieure, caractérisée, comme pour l'ICSI, par une expérimentation directe sur les couples et les enfants à naître, avec une information insuffisante et des études menées après la naissance.

Elle a suggéré deux types de réflexion :

- en premier lieu, elle a fait valoir que le texte voté par l'Assemblée nationale n'était pas contraire à l'interdiction de créer des embryons pour la recherche. En effet, on peut penser que seule la création d'un embryon in vitro à des fins qui lui sont extérieures est prohibée (par exemple, pour la recherche sur les cellules souches ou sur des substances médicamenteuses d'origine embryonnaire). En revanche, dans le cas de l'évaluation des nouvelles techniques, aucune utilisation n'est faite des embryons obtenus, surtout pas pour la recherche. Quant aux recherches proprement dites, elles portent sur la phase antérieure à la fécondation et sur la fécondation elle-même. L'embryon a été créé « dans le cadre d'une recherche » mais pas « à des fins de recherche » ;

- en second lieu, en cas de suppression du dispositif voté par l'Assemblée nationale, elle a proposé que toute nouvelle technique en matière d'AMP, à quelque stade que ce soit s'insère dans un processus global qui va de l'induction de l'ovulation ou du prélèvement des gamètes jusqu'au transfert d'embryons et que ce processus constitue une recherche biomédicale sur la personne (celle de la femme chez qui le transfert sera un jour ou l'autre réalisé puisque telle est la vocation de l'embryon). Il conviendrait donc d'évaluer ces nouvelles techniques dans le cadre d'un protocole selon la loi Huriet. Mais comme la pertinence scientifique du projet ne peut être appréciée que par des spécialistes, il conviendrait de prévoir une double évaluation du protocole, par l' APEGH et par un CCPPRB.

Le projet nécessiterait un promoteur soumis à une obligation d'assurance. Il convient cependant de noter que, depuis l'article 1 er de la loi sur les droits des malades du 4 mars 2002 (dite « loi anti-Perruche »), l'enfant, même lourdement handicapé à la suite d'une technique malheureuse, ne saurait obtenir réparation de son préjudice personnel tandis que ses parents pourraient être indemnisés.

Mme Frédérique Dreifuss-Netter a souligné la lourdeur d'un tel processus, et la difficulté pour trouver des assureurs, mais a conclu en indiquant que la troisième possibilité consistait à expérimenter directement sur les enfants.

Mme Danièle Pourtaud s'est interrogée sur l'évaluation des techniques d'AMP en Angleterre, et le système d'assurance mis en place dans ce cadre.

Répondant à Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur , Mme Frédérique Dreifuss-Netter a ensuite indiqué que les praticiens qui font passer en priorité les couples qui leur procurent une donneuse ne sont pas en contravention avec la lettre de la loi, qui interdit seulement de « subordonner la prise en charge des couples à la désignation d'une donneuse ». Ceux-ci n'encourent donc pas la sanction pénale de l'article L1273-6 du code de la santé publique (principe de l'interprétation stricte de la loi pénale).

Elle a relevé qu'il existe, de la part des couples demandeurs, un risque de pressions sur des donneuses potentielles, n'excluant pas une contrepartie financière.

Elle s'est donc prononcée en faveur d'une réécriture de la loi pour interdire ces pratiques, en relevant qu'il était préférable d'autoriser les associations à jouer un rôle d'information plutôt que d'impliquer les couples demandeurs de don d'ovocytes dans le recrutement des donneuses.

Mme Danièle Pourtaud s'est exprimée en faveur de l'interdiction de telles pratiques.

MERCREDI 18 DÉCEMBRE 2002

_______________

Audition de Mme Hélène Letur-Konirsch, praticien hospitalier en médecine de la reproduction et gynécologie médicale à l'hôpital Necker-Enfants malades, co-présidente du GEDO (Groupe d'études sur les dons d'ovocytes)

Mme Hélène Letur-Konirsch , a évoqué la forte charge émotionnelle qui accompagne le recours à l'AMP pour les couples et la nécessité de l'intervention d'équipes pluridisciplinaires pour y faire face.

Tout en précisant que la prise en charge psychologique n'est pas systématiquement demandée par les couples, elle a insisté sur l'utilité d'un entretien d'une durée suffisamment longue, qui constitue un des facteurs principaux de réussite de l'AMP, et estimé qu'il convenait de dédramatiser l'entretien psychologique en permettant au couple de s'y exprimer librement.

Mme Françoise Férat , a observé qu'en pratique, les couples avaient parfois, en effet, du mal à « se livrer ».

Mme Hélène Letur-Konirsch a précisé que, dans l'ensemble des opérations relatives à l'AMP, la mise en présence des gamètes représente 5 à 10 % du travail, le reste étant consacré à des tâches de gestion.

S'agissant des dons d'ovocytes, elle a rappelé que, pour les donneuses, le don est volontaire, gratuit et anonyme. Elle a estimé que 90 % des donneuses sont aujourd'hui motivées par le fait qu'elles connaissent personnellement des couples qui souhaitent recourir à l'AMP pour avoir un enfant.

Elle a insisté sur la nécessité d'intensifier l'effort et les campagnes d'information qui permettraient de multiplier le nombre de donneuses volontaires.

Mme Hélène Letur-Konirsch a ensuite estimé à environ 30 % les pertes d'ovocytes dues à la décongélation ; elle a, en conséquence, souhaité que les textes réglementaires prévoient la possibilité, pour les couples, de choisir entre des ovocytes congelés ou non. Elle a précisé que, depuis 1996, le contrôle des donneuses permet une sécurité absolue du don.

Elle a indiqué que les donneuses, essentiellement motivées par le désir d'aider un couple qu'elles connaissent bien, étaient, d'après son expérience depuis 1985, extrêmement peu nombreuses à avoir fait l'objet de pressions morales ou financières.

Mme Hélène Letur-Konirsch a ensuite regretté l'absence de prise en charge du don d'ovocytes par l'assurance maladie. Elle a estimé souhaitable de demander aux donneuses d'exprimer leurs consentement par écrit en les informant des risques -faibles mais non-inexistants- encourus.

En réponse à une interrogation de Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur , elle a considéré qu'il était nécessaire de préserver la liberté de la recherche en matière d'embryons.

Evoquant la création d'une Agence de la procréation, Mme Hélène Letur-Konirsch a approuvé l'appellation de cet organisme et a préconisé le renforcement de ses pouvoirs et du poids de ses avis.

Interrogée sur le transfert d'embryons post-mortem, elle a évoqué, de manière générale, le problème symbolique de la transgression qui s'y rattache et s'est ensuite demandée si ce transfert ne risquait pas de perturber le travail de deuil des femmes. Elle s'est également interrogée sur le devenir des enfants conçus dans ces circonstances.

Mme Danièle Pourtaud s'est demandée si la décision d'interdire le transfert d'embryons ne risquait pas de favoriser, dans certains cas, un acharnement thérapeutique pour la survie du mari et a évoqué la nécessité d'éviter les épisodes « sordides » liés à des enjeux financiers en matière d'assurance.

Elle a estimé que la décision de transfert d'embryons post mortem relevait du libre choix de la femme et que le délai de six mois lui paraissait d'ores et déjà suffisamment long.

Mme Hélène Letur-Konirsch a jugé de façon générale que le délai de quelques mois paraissait trop court. Elle a estimé qu'en tout état de cause, le corps médical était, sans nul doute, prêt à adapter les modalités de ce processus pour tenir compte des cas particuliers.

Mme Hélène Letur-Konirsch s'est inquiétée du dispositif qui prévoit le retrait de l'autorisation d'effectuer des analyses en vue d'établir un diagnostic prénatal en cas d'insuffisance du volume et de la qualité des résultats obtenus dans un établissement public de santé ou un laboratoire d'analyse.

Elle a redouté qu'en raison du durcissement du dispositif de retrait, les cas difficiles, qui présentent un risque d'échec plus important, soient moins aisément acceptés.

En réponse à une question de Mme Danièle Pourtaud, Mme Hélène Letur-Konirsch a souhaité une meilleure protection du droit des équipes médicales sur leurs idées.

Mme Danièle Pourtaud s'est interrogée sur les possibilités juridiques susceptibles de répondre à cette préoccupation.

Audition de M. Jean-Loup Clément, psychologue d'un CECOS (Centre d'études et de conservation des oeufs et du sperme humains)

Mme Sylvie Demarescaux, rapporteur , a remercié M. Jean-Loup Clément, et souligné que ses thèmes de recherche, portant notamment sur l'information en faveur du don de gamètes, les modalités et les motivations de recrutement des donneurs, étaient des questions essentielles pour la délégation. Elle l'a ensuite interrogé sur la prise en charge des couples ayant recours à l'AMP.

M. Jean-Loup Clément a insisté sur l'importance de la pluridisciplinarité des équipes, et sur la nécessité que les psychologues aient un poste au même titre que les cliniciens et les biologistes. Il a relevé qu'un psychologue venant de l'extérieur pouvait donner l'impression aux couples de ne pas être partie prenante dans le processus, et de n'avoir qu'un rôle d'expert.

Evoquant la question de l'information sur le don d'ovocytes, M. Jean-Loup Clément a indiqué que l'article L. 1211-3 du code de la santé publique soulevait des problèmes d'interprétation, liés à la difficulté de distinguer précisément les notions d'information, autorisée, et de publicité pour le don, interdite. Il a exposé les actions d'information sur le don de sperme menées par le CECOS de Lyon, notamment la diffusion de tracts dans la rue, d'affiches dans les gares, et de diapositives sur les quais du métro. Il a considéré qu'il s'agissait d'information et non de publicité car des indications étaient données sur les CECOS dans leur ensemble, et non celui de Lyon seulement. Il a également souligné que l'interdiction de la publicité en faveur d'un établissement visait, à l'origine, à éviter le clientélisme entre les établissements, privés, qui géraient le don. Cette justification a disparu aujourd'hui, puisque les établissements sont publics.

En réponse à une question de Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur , M. Jean-Loup Clément a indiqué qu'à l'heure actuelle, rien n'était fait pour informer la population sur le don d'ovocytes. Il a évoqué la campagne menée en 1998 par le ministère chargé de la santé, et insisté sur le manque de moyens, notamment financiers. Il a également déploré que l'information sur le don d'ovocytes donnée lors de cette campagne minimise les contraintes liées à la ponction ovarienne, et omette notamment de mentionner l'anesthésie générale. Il a également relevé que l'Agence de la procréation, de l'embryologie et de la génétique humaines pourrait servir de plate forme pour délivrer une information transparente.

Répondant à Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur, qui l'interrogeait sur l'existence de pressions sur les donneuses, dans le cadre des pratiques de « don relationnel », M. Jean-Loup Clément a confirmé la réduction du délai d'attente pour les couples amenant une donneuse, et a souligné son opposition à un tel système. Il a également rappelé que l'absence d'anonymat du don entre 1987 et 1994 avait conduit à des situations problématiques pour les enfants, par exemple dans le cas de don d'ovocytes entre soeurs.

Au sujet de l'assouplissement des critères relatifs aux donneuses, M. Jean-Loup Clément a estimé nécessaire que les femmes engagées dans un tel processus soient elles-mêmes mères, et a regretté la suppression de la condition d'être en couple. A cet égard, il a relevé l'importance du recueil du consentement conjoint pour le don.

Abordant la question du devenir des enfants, il a évoqué sa propre étude sur les enfants majeurs conçus par insémination artificielle avec tiers donneur, et noté que tous étaient contents de leur mode de conception, et évoquaient le « courage » de leurs parents. Il a souligné l'importance d'élever l'enfant dans la transparence sur son mode de conception et, à l'inverse, la nécessité de conserver strictement le principe de l'anonymat du donneur.

Répondant à Mme Janine Rozier , qui mentionnait l'existence légitime de « secrets de couple », M. Jean-Loup Clément a évoqué le cas problématique de femmes se heurtant au refus de leur mari de révéler la vérité aux enfants.

En réponse à une question de Mme Danièle Pourtaud , il a ensuite indiqué que les études de pédopsychiatrie ne démontraient pas que les enfants conçus par IAD pouvaient constituer une « population à risque » -comme avaient pu l'être les enfants adoptés.

Répondant à Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur, qui l'interrogeait sur la question du transfert d'embryons post mortem, M. Jean-Loup Clément a indiqué qu'il y était opposé. Il a relevé que, sur un plan philosophique, « le désir s'arrête dans la mort », et que, sur un plan psychologique, un tel transfert est peu favorable à l'intérêt de l'enfant, notamment dans le cas des IAD. Il a rappelé que le travail de deuil, qui consiste non pas à oublier, mais à limiter la souffrance liée à un événement, était incompatible avec le transfert d'embryons post mortem.

Interrogé sur le cas des hommes gravement malades, ou en phase de réanimation, engagés dans un processus de fécondation in vitro, M. Jean-Loup Clément a indiqué que le critère pour effectuer le transfert devait être le consentement donné par l'homme, présent physiquement.

Un débat s'est ensuite engagé entre M. Jean-Loup Clément et Mme Danièle Pourtaud à propos du transfert d'embryons post mortem. Celle-ci a notamment souligné qu'une telle décision relevait du libre choix de la femme, et a attiré l'attention sur le cas des femmes enceintes dont le mari décède, qu'il n'est pas question d'obliger à avorter. Elle a également insisté sur la notion de projet commun, mené conjointement par l'homme et la femme. M. Jean-Loup Clément a fait part de son opposition à l'idée d'une « conception dans la mort », et indiqué que l'intervention du corps médical dans le processus de procréation obligeait à fixer des limites.

Mme Janine Rozier a estimé que la présence d'un couple était nécessaire à la conception d'un enfant, et qu'en conséquence, on ne pouvait invoquer le seul droit de la femme.

Reprenant la question de l'information sur le don d'ovocytes, M. Jean-Loup Clément a souligné l'efficacité de campagnes évoquant les causes de l'infertilité, comme les ménopauses précoces, ou les traitements stérilisants, souvent ignorées, et qui pourraient toucher des donneuses spontanées.

Répondant à Mme Danièle Pourtaud, M. Jean-Loup Clément a rappelé que l'anonymat du don n'avait pas été accepté immédiatement par les donneurs, en raison de l'ignorance sur la destination des gamètes. Il a, à cet égard, souligné la nécessité d'organiser un « contre don » permettant aux donneuses de rencontrer des couples potentiellement receveurs pour « se conforter dans le bienfait du don ».

Répondant à Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur, sur les motivations des donneuses spontanées, M. Jean-Loup Clément a mis en avant la solidarité, beaucoup plus grande entre les femmes qu'entre les hommes, et souligné l'efficacité de l'information.

Il a relevé que la pénurie d'ovocytes pouvait conduire des gynécologues à se tourner vers le don d'embryons, et souligné son opposition à une telle pratique, qui conduirait à utiliser les embryons surnuméraires pour pallier la pénurie de gamètes, alors même que l'accueil d'embryon doit rester exceptionnel.

Audition de Mme Brigitte Feuillet-Le Mintier, professeur des Universités, directeur du Centre de recherche juridique de l'Ouest, laboratoire de l'université de Rennes rattaché au CNRS

Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur , a remercié Mme Brigitte Feuillet-Le Mintier pour sa venue, et rappelé sa connaissance particulière de la législation bioéthique et de son application.

Mme Brigitte Feuillet-Le Mintier a d'abord exposé son point de vue sur les dispositions du projet de révision des lois sur la bioéthique.

En premier lieu, Mme Brigitte Feuillet-Le Mintier a évoqué l'Agence de la procréation, de l'embryologie et de la génétique humaines. Elle a fait part de ses réticences face à la création d'une nouvelle agence, alors même qu'il existe déjà beaucoup d'instances de ce type. Elle a estimé nécessaire de réfléchir à la mise en place d'une seule agence compétente pour tout le domaine des pratiques médicales, afin d'avoir une vision globale de celles-ci. Elle a également souligné que le plus important résidait dans la fonction de contrôle et d'évaluation dévolue à l'agence, en insistant sur la nécessité que les contrôles soient effectifs. Elle a à cet égard rappelé que figurait, parmi les missions de l'Autorité de la fécondation et de l'embryologie humaine en Angleterre, une inspection annuelle des centres.

Abordant le problème de la composition de l'Agence, Mme Brigitte Feuillet-Le Mintier a considéré que les médecins et les scientifiques devaient nécessairement y être minoritaires, dans la mesure où ceux-ci sont à la fois juges et parties. Elle a noté que la présidence de l'agence anglaise n'était jamais assurée par un médecin. Elle a également souhaité que les femmes représentent au moins la moitié des membres, dans la mesure où le domaine de la procréation les concerne particulièrement.

En second lieu, Mme Brigitte Feuillet-Le Mintier a évoqué la question de l'évaluation des nouvelles techniques d'AMP. Evoquant les protocoles d'évaluation prévus par le projet de loi, elle s'est interrogée sur leur éventuelle contradiction avec l'interdiction de créer des embryons à des fins de recherche. Insistant sur l'absolue nécessité d'évaluer les nouvelles techniques, elle a estimé qu'il fallait limiter la recherche effectuée sur les embryons créés dans le cadre de l'évaluation des nouvelles techniques à cette unique finalité. Dans ces conditions, elle a estimé que la contradiction pouvait être levée.

Par ailleurs, Mme Brigitte Feuillet-Le Mintier a suggéré un meilleur encadrement de la pratique de l'ICSI, et indiqué trois solutions possibles : imposer aux médecins une stricte obligation d'information, en distinguant les techniques selon qu'elles sont éprouvées, à l'état de recherche ou à l'état d'expérience, encourager la profession médicale à établir des codes de bonne conduite sur ces pratiques, ou interdire l'ICSI.

Mme Sylvie Desmarescaux a insisté sur le rôle de l'équipe pluridisciplinaire, particulièrement du psychologue, dans l'information sur les risques des différentes techniques. A cet égard, Mme Brigitte Feuillet-Le Mintier a déploré le remplacement de la notion d'équipe « pluridisciplinaire » par celle d'équipe « clinico-biologique ».

Elle a ensuite émis le souhait d'un meilleur encadrement de la stimulation ovarienne, en rappelant que les études montraient les risques de celles-ci sur la santé des femmes, et l'augmentation du nombre de grossesses multiples. Elle a souligné que le code de bonnes pratiques adopté en 1999 n'avait qu'une portée limitée, et estimé nécessaire un encadrement législatif. Elle a suggéré d'améliorer l'information des femmes sur les risques, ainsi que la formation des médecins, et suggéré de réglementer de façon spécifique la stimulation ovarienne pratiquée en dehors de l'AMP.

Mme Brigitte Feuillet-Le Mintier a ensuite indiqué ses réticences face à la disposition du projet de loi concernant le retrait d'agrément des centres d'AMP en cas de volume d'activité trop faible Elle souligné que cette disposition risquait de pénaliser des centres souhaitant limiter le recours à l'ICSI, et risquant d'avoir de moins bons résultats.

Enfin, elle a évoqué le transfert des embryons post mortem, et s'est prononcée en faveur de la possibilité d'un tel transfert, en insistant sur le sort réservé à l'embryon en cas d'interdiction de celui-ci.

Dans un second temps, Mme Brigitte Feuillet-Le Mintier a évoqué les points que le projet de loi n'aborde pas. Elle a soulevé, notamment, trois problèmes liés au don d'ovocytes. Elle s'est interrogée sur la nécessité d'une congélation obligatoire des embryons issus de don d'ovocytes, en précisant que le débat n'était pas tranché. Concernant l'anonymat, elle a rappelé que celui-ci était un principe nécessaire, et a condamné la pratique du don relationnel. Enfin, elle a souligné la nécessité de développer l'information sur le don d'ovocytes, d'organiser des campagnes nationales d'information à intervalles réguliers, et de mieux sensibiliser les femmes, notamment dans les maternités, à ce sujet.

Abordant la question des conditions d'accès de l'AMP, Mme Brigitte Feuillet-Le Mintier a fait remarquer que le législateur n'avait pas tranché la question de l'accès des transsexuels à l'AMP, actuellement permise par la lettre de la loi, pour les transsexuels ayant changé leur état civil. Elle a fait valoir que cette question ne devait pas être tranchée par les médecins, mais relevait de la compétence du législateur.

Mme Brigitte Feuillet-Le Mintier a ensuite évoqué des questions plus générales ne figurant pas dans l'actuel projet de loi. En premier lieu, elle a émis le souhait que figure dans la loi la notion d'intérêt de l'enfant, afin que les médecins puissent s'y référer en cas de difficulté. Elle a noté que l'agence anglaise avait prévu cette référence à l'intérêt de l'enfant, alors que cette notion n'apparaissait, dans les textes français, que dans les dispositions relatives à l'accueil d'embryon.

En outre, Mme Brigitte Feuillet-Le Mintier a évoqué la question des conditions sociales, psychologiques et médicales de mise en oeuvre de l'AMP,. Elle a à cet égard noté que la relativité de certains critères, par exemple celui de l'âge des donneuses, conférait aux médecins un pouvoir de contrôle social. Elle a suggéré que puisse être offerte aux couples la possibilité d'un recours au juge, garant des libertés individuelles, en cas de refus du médecin. Elle a estimé que le juge devait être compétent pour contrôler les conditions d'ordre social, le médecin l'étant, lui, pour les conditions d'ordre médical.

Mme Sylvie Desmarescaux a émis des réserves à l'égard d'une appréciation des critères sociaux par le juge, en rappelant les réticences des médecins face à une telle hypothèse et en soulignant que le rôle du juge était d'appliquer la loi.

Elle a également insisté sur la complexité de la question du transfert d'embryons post mortem, en rappelant les arguments en présence : d'un côté le libre choix de la femme, de l'autre la nécessité d'une présence des deux parents dans l'intérêt de l'enfant.

BIOÉTHIQUE

La délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a été saisie par la commission des Affaires sociales pour donner un avis sur le projet de loi n° 189 (2001-2002), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la bioéthique.

Page mise à jour le

Partager cette page