C. LES RELATIONS BILATÉRALES ENTRE L'ERYTHRÉE ET LA FRANCE SONT, POUR L'INSTANT, TRÈS LIMITÉES

L'Erythrée n'a guère que dix ans d'existence, et le temps a sans doute manqué à la France pour s'y impliquer plus fortement. Cependant l'attentisme de notre pays commence à être mal compris à Asmara.

1. Des relations politiques positives, mais réduites

La première tension internationale qu'a dû affronter l'Erythrée tient à un différend avec le Yémen sur la souveraineté sur l'archipel des Hanish, dans la Mer Rouge. La France a alors proposé sa médiation, qui s'est déroulée entre janvier et octobre 1996, et a été suivie par un arbitrage international. Deux sentences ont été rendues : la première, en octobre 1998, reconnaît la souveraineté du Yémen sur l'essentiel de l'archipel, mais une seconde, en décembre 1999, effectue un partage des eaux territoriales -et donc des zones de pêche-, qui avantage légèrement l'Erythrée.

L'action de médiation proposée, puis réalisée par la France, a été appréciée par l'Erythrée, tout comme l'attitude équilibrée manifestée par notre pays lors du conflit avec l'Ethiopie .

Le Président Afeworki a été invité à participer aux sommets franco-africains de Biarritz (1994), et de Paris (1998 et 2003). Il faut cependant souligner qu'aucune visite ministérielle française n'a été effectuée depuis l'indépendance de l'Erythrée, en 1993, et que la venue de la délégation sénatoriale était le premier déplacement de parlementaires français en Erythrée. Or notre diplomatie pourrait jouer un rôle positif vis-à-vis du Président érythréen , qui peine à passer du statut de combattant à celui de chef d'Etat. Une certaine rigidité naturelle, renforcée par une formation d'inspiration maoïste, et par les contraintes de la lutte armée pour obtenir l'indépendance de son pays, tout comme la nécessité de faire « advenir » un nouveau pays sur la scène régionale et internationale ont incontestablement conduit Isaïas Afeworki à l'isolement politique intérieur et international.

Il faut rappeler, à cet égard, que l'indépendance de l'Erythrée a été très mal perçue sur le continent africain, car elle constituait la première exception au principe édicté par l'OUA sur le caractère intangible des frontières coloniales.

Cet isolement a conduit à un raidissement et un renforcement autoritaire du pouvoir en place à Asmara, marqués notamment par la mise au secret, en septembre 2001, des quinze signataires, dont deux ministres en exercice, d'une lettre ouverte dénonçant cette dérive personnelle. Les journalistes l'ayant publiée ont subi le même sort.

Le ministre des affaires étrangères érythréen a soutenu, devant la délégation, que cette incarcération était destinée à « protéger ces personnes » et que la justice « suivait son cours » (aucun acte judiciaire n'a cependant été accompli depuis cette arrestation arbitraire), réponse qui n'est pas de bon augure. Ces arrestations arbitraires ont également conduit à l'expulsion, en 2001, de l'ambassadeur d'Italie qui les avait dénoncées, au nom de l'Union européenne.

Certes, les relations avec l'Union européenne et singulièrement l'Italie ont été, depuis, globalement normalisées, mais sans reprise de l'aide européenne, suspendue à cette occasion.

Lors de son entretien avec la délégation -qui a été très favorablement impressionnée par la simplicité de l'accueil et l'absence, au moins visible, de toute mesure de sécurité entourant le modeste bâtiment où se tenait la réunion- le Président Afeworki a particulièrement salué le rôle stabilisateur de la présence militaire française à Djibouti, et a souhaité que la France fasse pression pour obtenir la reprise de l'aide européenne.

En effet, il est à craindre que les difficultés économiques qui touchent gravement l'Erythrée -en partie du fait de la guerre menée contre l'Ethiopie- soient considérablement accentuées par une sécheresse annoncée, qui devrait réduire la récolte de 2003 à environ un quart de la production obtenue en 2002, déjà très insuffisante pour nourrir la population. Dans cette perspective, la période de « soudure » entre récoltes, située aux mois de mai et juin, sera particulièrement critique. De surcroît, l'Ethiopie refuse le transit sur son territoire de toute aide, même alimentaire, à destination de l'Erythrée, ce qui complique singulièrement son acheminement.

2. Un appui au développement qui reste à concrétiser

L'Erythrée a été incluse en 1999, tout comme l'Ethiopie, dans la zone de solidarité prioritaire (ZSP). Rappelons que cette zone a été définie par le gouvernement lors de la réforme de notre dispositif d'aide au développement, en 1998. Cette zone, qui se substitue au « champ » d'action du ministère de la Coopération, est destinataire de l'aide publique qui, engagée de manière sélective et concentrée, peut produire un « effet de levier » permettant un développement économique, politique et social significatif.

Cette zone regroupe, depuis février 2002, 54 pays 2 ( * ) parmi les moins développés en terme de revenus, n'ayant pas accès au marché des capitaux, et avec lesquels la France entend nouer un partenariat durable.

Cependant, l'appartenance de l'Erythrée à la ZSP ne s'est pour l'instant traduite par aucun projet lui permettant de bénéficier du Fonds de solidarité prioritaire (FSP). En revanche, l'Agence française de développement (AFD) y est active depuis l'indépendance, et a engagé pour 14 millions d'euros dans le pays . Ces sommes ont été notamment affectées à la remise en état de l'aéroport d'Asmara (1,8 M€) , à la réhabilitation du système d'adduction d'eau potable de la capitale (1,5 M€) et à l'appui au secteur de la pêche (2,4 M€).

La délégation a pu observer, lors de son bref séjour, les résultats tangibles de ces projets. Ainsi, à Asmara, l'aéroport est doté de structures modernes et fonctionnelles, et les travaux de rénovation du réseau urbain d'eau sont en cours d'achèvement (la délégation a participé à la réception des travaux, effectués par des entreprises françaises, le 17 février 2003).

La délégation a également visité, à Massawa, le laboratoire de contrôle de qualité des eaux et des produits de la pêche, qui fonctionne depuis le mois de septembre 2001 . Ce laboratoire, dont la réalisation a été effectuée par l'AFD en concertation avec le ministère érythréen de la pêche, dispose d'un équipement basé sur la norme internationale ISO-17025. Son apport est déterminant pour le développement du tourisme, que le gouvernement érythréen veut relancer à Massawa, par les garanties qu'il confère en matière de normes alimentaires. Il vise, par ailleurs, à permettre l'extension des activités de pêche, tant pour la consommation locale que pour l'exportation, qui réclament également le respect de normes strictes et garanties.

Ces projets font particulièrement honneur à la France, car elle a ainsi financé, par le biais de l'AFD, des projets-clés pour le relèvement économique de l'Erythrée, bien adaptés aux besoins locaux, et ciblés avec beaucoup de bon sens.

Malheureusement, aucun autre engagement n'est programmé en Erythrée par l'antenne régionale de l'AFD, basée à Djibouti, alors que des besoins concrets et réalisables sont exprimés par Asmara : développement de l'hydraulique villageoise -la sécheresse, on l'a vu, affecte durement les populations-, réhabilitation des télécommunications radio des ports d'Assab et de Massawa, notamment.

LE PROJET « SEA WATER FARMS » À MASSAWA

La délégation a visité, lors de son bref passage à Massawa, qui est le port sur la mer Rouge le plus proche d'Asmara, la première « ferme » intégrée implantée en Erythrée utilisant exclusivement de l'eau de mer.

L'originalité de ce projet américano-érythréen, comme la pérennité de son mode d'exploitation des ressources naturelles ne peuvent que retenir l'attention.

L'idée maîtresse du projet consiste à utiliser, aux différents stades d'exploitation, uniquement de l'eau de mer non traitée . Celle-ci est d'abord utilisée pour l'élevage de crevettes « Penaeus Vannamei », particulièrement adaptée aux conditions de température et de salinité de l'eau puisée dans la mer Rouge. Une fois adultes, ces crevettes sont exportées vivantes, sur un lit de glace, sur les marchés européens. Il a été précisé à la délégation que plusieurs restaurants parisiens réputés se fournissaient à Massawa. Cet élevage répond à l'ensemble des critères de qualité définis par l'Union européenne.

L'eau où ont grandi les crevettes est ensuite utilisée pour l'élevage d'une variété de poissons locaux, le tilapia, exporté depuis plus d'une décennie vers l'Europe. Ce poisson, à forte teneur en protéines, est également consommé localement. Sa peau épaisse, une fois tannée, imite le cuir, et peut servir à de multiples usages dont, par exemple, le galuchat pour la reliure.

Puis l'eau de mer est affectée à la culture de salicornes, qui sont utilisées comme légumes pour la nourriture humaine ou cueillies à un stade ultérieur de développement, puis réduites en poudre pour nourrir les crevettes d'élevage.

En poussant, la salicorne possède des propriétés élevées d'absorption du gaz carbonique -combattant ainsi l'effet de serre-, et de réduction de température. Dans une région où celle-ci peut atteindre près de 50° centigrades, cette réduction d'environ 5° centigrades est appréciable. Enfin, l'eau est recyclée dans des plantations de mangroves, qui fixent le terrain sableux, et accueillent de nombreuses espèces d'oiseaux prospérant dans des zones humides, de plus en plus réduites dans cette région d'Afrique.

Ce projet intégré procure emplois et ressources à une population qui en est cruellement dépourvue . La priorité d'embauche est accordée aux femmes seules, et notamment aux veuves de guerre. Leur travail à la ferme leur ouvre la possibilité d'être scolarisées, ainsi que leurs enfants. Outre ses avantages humains et écologiques, ce projet est également source de rentrées financières, essentiellement par la vente des crevettes et des poissons .

Les premières exportations ont débuté en 2002. Pour la période 2003-2004, le chiffre d'affaires escompté se monte à 20 millions de dollars U.S., avec des perspectives attendues de 100 millions de dollars US en 2005.

Ces profits financiers devraient permettre d'étendre largement ce type de cultures intégrées le long des 1.400 km de côtes que compte l'Erythrée.

Les investissements de départ ont été financés par des capitaux américains, dont la firme Texaco, mais l'ensemble du projet a été conçu et développé en collaboration avec le ministère érythréen des Pêches.

ETHIOPIE

______

Pays : Ethiopie

11 avril 2003

Capitale :

Addis Abeba

Superficie :

1.100.000 km²

Population : (million hab)

65 millions d'habitants

Langue(s) officielle(s), autre(s) :

Amhara (officielle)

Religion(s) :

Chrétienne orthodoxe (copte) musulmane

Populations :

Plus de 80 peuples dont Oromos (31%), Amharas (29%), Tigréens (6%)

Devise :

Birr

PNB : (en milliards de $)

6,2 (2001)

Répartition du PNB par secteurs

industrie (11,1%), agriculture (52,3%), services (36,5%)

PNB / h  et parité de pouvoir d'achat : ($)

95 (2001)

Indice de développement humain

168 sur 173 (2002)

Taux de croissance du PNB :

5,6% en 2002

Exportations totales:

15,4% du PNB (2000)

Importations totales :

30,7% du PNB (2000)

Exportations françaises vers l'Ethiopie :

32 M€ (2002)

Importations françaises d'Ethiopie:

17 M€ (2002)

Dette extérieure totale (Mds $):

3,3 Mds$ (2001 )

Premier ministre, chef de l'Exécutif:

M. Méles Zenawi (depuis 1995)

Prochaines échéances électorales :

Elections générales en 2005

Communauté française :

364 immatriculés (2002)

Source : ministère des affaires étrangères

* 2 On en trouvera la liste en annexe

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