2. Une crispation sur la question du financement

a) Le débat sur les aides directes

Alors que le processus d'élargissement aux PECO avait théoriquement été pris en compte dans les perspectives financières 2000-2006 arrêtées à Berlin en mars 1999, la discussion des modalités pratiques d'application de la PAC aux nouveaux Etats membres a très vite achoppé sur la question des aides directes .

Il est vrai que les Quinze avaient considéré, au moment de la réforme de l'Agenda 2000, que les nouveaux adhérents n'avaient pas vocation à percevoir dans l'immédiat ces aides directes, dès lors que celles-ci sont censées compenser des baisses de prix garantis qu'ils n'ont pas eu à subir. En outre, une intégration immédiate dans le régime des paiements directs risquait de générer des distorsions de revenus par rapport aux autres secteurs économiques et de retarder, de ce fait, la modernisation de l'agriculture.

Cependant, le mécontentement des pays candidats, dénonçant un « élargissement au rabais », et la position prise par certains Etats membres, comme l'Espagne et la France, qui considèrent que le bénéfice des aides directes fait partie intégrante de l'acquis communautaire, ont conduit la Commission européenne à proposer dans une communication 3 ( * ) présentée en janvier 2002, d'allouer, dès 2004, à un taux réduit, les paiements directs aux agriculteurs des nouveaux Etats, ce taux devant être progressivement relevé pour atteindre 100 % en 2013.

Cette proposition restait dans le cadre des plafonds de dépenses pour l'élargissement, fixés pour la période 2004-2006 (40,16 milliards d'euros, dont 9,7 milliards pour l'agriculture). Toutefois, elle ne réglait nullement le risque d'une augmentation du coût de la PAC pour l'après 2006.

Dans ce contexte, par crainte d'une explosion du budget de la PAC, l'Allemagne, le Royaume-Uni, la Suède et les Pays-Bas se sont déclarés défavorables à l'attribution, dès 2004, des aides directes aux nouveaux pays adhérents. Premier contributeur net au budget européen, l'Allemagne a, dès lors, décidé de lier la décision sur les aides directes à la présentation d'un projet de réforme de la PAC tendant à en réduire le coût.

Cet affrontement sur la question du financement de l'élargissement, en particulier dans le domaine agricole, a paru compromettre l'aboutissement des négociations d'élargissement .

b) Le compromis franco-allemand et l'accord de Bruxelles

Une solution sur les modalités financières de l'élargissement a toutefois pu être trouvée, à l'initiative du couple franco-allemand, peu avant le Conseil européen de Bruxelles.

Lors d'une entrevue, le Président de la République, M. Jacques Chirac, et le Chancelier allemand, M. Gerhardt Schröder, sont convenus, pour les perspectives financières 2007-2013, d'un plafonnement des dépenses agricoles à leur niveau de 2006, en contrepartie d'un engagement que la PAC demeurerait inchangée d'ici cette date.

En outre, la France a obtenu l'assurance que ce principe de stabilité budgétaire s'appliquerait également aux autres dépenses européennes, telles que les aides régionales, et permettrait de mettre en cause l'abattement de la contribution au budget européen dont bénéficie le Royaume-Uni depuis 1984.

Entérinant ce compromis au Conseil européen de Bruxelles des 24 et 25 octobre 2002 , les chefs d'Etat et de Gouvernement sont parvenus à un accord sur le financement de l'élargissement.

En ce qui concerne les dépenses agricoles, les conclusions du Conseil distinguent deux périodes :

- pour les années 2004, 2005 et 2006, le plafond déterminé par l'accord de Berlin de mars 1999 devra être respecté ;

- pour la période 2007-2013, les dépenses de marché et de paiements directs seront plafonnées au niveau prévu par l'accord de Berlin, d'une part pour les dépenses de l'Union européenne à Quinze, d'autre part pour celles des nouveaux Etats membres.

En revanche, l'accord ne prévoit pas de stabiliser les autres dépenses du budget communautaire.

Le plafond retenu sera majoré de 1 % pour tenir compte de l'inflation. Compte tenu du fait que l'inflation réelle (2 % environ) est supérieure à ce taux, et de la montée en charge du versement des aides directes aux nouveaux Etats, le plafonnement du budget du premier pilier de la PAC possède bien un caractère dégressif.

De fait, les dépenses du premier pilier devraient s'élever, en prix courants, à 45,306 milliards d'euros en 2007 et à 48,574 milliards en 2013.

PLAFONDS DE DÉPENSES DU 1 ER PILIER POUR L'UE À 25
SUR LA PÉRIODE 2006-2013

en millions d'euros

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

45 306

45 759

46 217

46 679

47 146

47 617

48 093

48 574

Source : Commission européenne

Le Conseil européen a, d'autre part, arrêté les modalités d'attribution des aides directes aux nouveaux Etats . Elles sont conformes à la proposition présentée par la Commission européenne au début de l'année 2002. Ainsi, elles passeront progressivement de 25 % du niveau des aides perçues dans l'Union européenne en 2004 à 100 % en 2013 .

Enfin, il a été décidé que les nouveaux Etats membres recevraient une compensation budgétaire s'il s'avérait qu'ils devenaient contributeurs nets au budget de l'UE entre 2004 et 2006. Il convient, à cet égard, de rappeler que la décision concernant les ressources propres leur est applicable dès la première année de leur adhésion.

c) La conclusion des négociations d'adhésion

L'épineuse question financière étant tranchée, les négociations d'adhésion ont pu aboutir au Conseil européen de Copenhague des 12 et 13 décembre 2002.

Fixant au 1 er mai 2004 la date d'entrée des dix nouveaux Etats dans l'Union européenne, ce Conseil a pris plusieurs décisions concernant les modalités d'application de la PAC aux nouveaux membres , conformes aux propositions formulées par la Commission européenne le 30 janvier 2002.

L'introduction progressive des aides directes , à 25 % du taux plein communautaire en 2004, pour parvenir à 35 % en 2006 et à 100 % en 2013 a été confirmée.

En outre, il a été convenu que les nouveaux Etats membres pourront compléter ces aides directes par des crédits nationaux, voire par des crédits perçus au titre du développement rural, dans la limite d'un certain plafond 4 ( * ) .

Une mise en oeuvre simplifiée de ces paiements directs a, par ailleurs, été prévue. Ainsi, dès 2004, les nouveaux Etats verseront les aides directes sous la forme de paiements à la surface , sans lien avec le volume de production. Instauré pour trois ans, ce régime simplifié sera renouvelable deux fois pour une durée d'un an, les nouveaux Etats devant ensuite s'aligner sur le système en vigueur dans le reste de l'Union. Sans doute, la Commission européenne espère-t-elle que d'ici là, le découplage des aides sera en vigueur partout.

Le Conseil de Copenhague a également décidé l'instauration de quotas de production fondés sur des périodes de référence historiques récentes.

Enfin, une politique de développement rural renforcée sera mise en oeuvre dans les nouveaux Etats membres et dotée, pour la période 2004-2006, d'une enveloppe de 5,1 milliards d'euros. Ainsi, les mesures applicables dans le cadre du deuxième pilier seront cofinancées à 80 % par l'UE, contre 50 % -en l'état actuel de la réglementation- dans le reste de l'Union.

Au final, le budget destiné à l'agriculture des nouveaux venus pour la période 2004-2006 représentera 9,7 milliards d'euros . Votre rapporteur rappelle à cet égard que, pour cette même période, la dépense s'élèvera, à 25,5 milliards d'euros pour les fonds structurels et que le coût total de l'adhésion (non corrigé de la contribution des nouveaux membres) sera de 40 milliards d'euros.

* 3 Note d'information : cadre financier commun 2004-2006 pour les négociations d'adhésion, 30 janvier 2002

* 4 Plafond de 55 % du taux plein en 2004, de 60 % en 2005 et de 65 % à partir de 2006, ou plafond égal au taux correspondant au montant des aides directes perçues par les agriculteurs avant l'adhésion, majoré de 10 %.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page