PRÉAMBULE - HISTORIQUE DE LA PAC ET BILAN DES DERNIÈRES RÉFORMES

I. LA PAC : L'HISTOIRE D'UN COMBAT PERMANENT

A. UNE MISE EN ROUTE SEMÉE D'EMBÛCHES

1. L'architecture d'origine

La politique agricole commune de la Communauté européenne est peut-être née dans la nuit du 13 au 14 janvier 1962, vers 4 h 30 du matin, les pendules ayant été arrêtées depuis le 31 décembre 1961 afin que la « seconde étape » du Marché commun puisse courir à compter du 1 er janvier 1962.

Plusieurs règlements étaient adoptés qui allaient conforter l'architecture de base du marché commun agricole avec, notamment, le mécanisme des prix d'intervention (les prix garantis) et celui des restitutions à l'exportation qui s'ajoutaient au système des prélèvements variables , outil majeur de la « préférence communautaire » (avec ses prix de seuil), conçu dès le 20 décembre 1960.

Si les fruits et légumes se voyaient appliquer des normes communes de qualité et un calendrier de désarmement douanier à l'intérieur des frontières communautaires (1964 et 1965), le secteur céréalier (et les filières dérivées : porc, oeufs et volaille) bénéficiait d'une libre circulation à l'intérieur du marché commun, les prélèvements alignant le prix de revient du blé étranger, sinon encore sur un prix unique communautaire (arrêté le 15 décembre 1964 pour une application à compter de 1967), mais sur le prix du blé produit par le pays communautaire importateur.

Pour l'heure, le financement de la PAC (soutien des marchés, restitutions) était essentiellement assuré par les Etats membres, dans l'attente du développement de ressources liées aux prélèvements douaniers eux-mêmes en fonction du niveau des importations de la Communauté.

La politique agricole commune n'a jamais été une « promenade de santé » mettant tranquillement en oeuvre des principes qui auraient été fixés, une fois pour toutes, lors de la signature du Traité de Rome, le 25 mars 1957.

Au contraire, elle fut dès l'origine une sorte de « parcours du combattant » semé d'embûches et de crises, un combat permanent où de brèves périodes d'accalmie ont succédé à des remises en cause qui auraient très bien pu déboucher sur sa disparition pure et simple.

C'est bien souvent « sous pression », à la suite d'« épreuves de force » qui ont constitué autant de « psychodrames » européens, dans lesquels de nombreux autres enjeux étaient âprement discutés et mis aussi dans la « balance », qu'elle a pu continuer son chemin, voire enregistrer des « sauts qualitatifs ».

Les objectifs du Traité de Rome paraissaient pourtant pouvoir faire l'objet d'un large consensus. Ils restent d'une étonnante actualité à l'heure où d'aucuns envisagent comme une option possible, voire souhaitable, la dilution rapide de l'agriculture européenne dans le grand marché mondial.

L'article 39 (devenu article 33) du Traité de Rome énonce ainsi que la politique agricole commune a pour but :

- d'accroître la productivité de l'agriculture en favorisant le progrès technique, en assurant le développement rationnel de la production agricole ainsi qu'un emploi optimum des facteurs de production, notamment de la main-d'oeuvre ;

- d'assurer ainsi un niveau de vie équitable à la population agricole, notamment par le relèvement du revenu individuel de ceux qui travaillent dans l'agriculture ;

- de stabiliser les marchés ;

- de garantir la sécurité des approvisionnements ;

- d'assurer des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs.

Quoi qu'il en soit, deux « figures » ont, à l'évidence, principalement contribué à donner à la politique agricole commune le profil qui fut le sien durant une bonne trentaine d'années : le premier commissaire européen chargé des questions agricoles -le Néerlandais Sicco Mansholt- et le ministre français de l'agriculture, M. Edgar Pisani.

Pendant toutes ces années de « mise en route » de la PAC, la France et la Commission européenne ont agi très largement de concert pour jeter les bases d'une agriculture européenne fondée -on le sait- sur trois piliers : le marché unique , la « préférence communautaire » et la solidarité financière .

Au regard des objectifs que s'était fixée l'Europe des Six -et notamment ceux concernant la productivité et la sécurité des approvisionnements- faut-il rappeler que les succès de la PAC ont très rapidement dépassé toutes les espérances ?

Pour les céréales, les produits laitiers et la viande bovine, la production européenne a, très vite, enregistré une croissance d'environ 5 % l'an (soit un doublement en 15 ans), tandis que les rendements moyens en blé passaient, en France, de 30 quintaux à l'hectare au début des années soixante (avec une production supérieure dès cette époque aux besoins domestiques) à 65 quintaux à l'hectare vingt ans plus tard !

Focalisés que nous sommes depuis une quinzaine d'années sur les dérapages et les dysfonctionnements, on en arrive à faire l'impasse sur l'essentiel : que la politique agricole commune fût, avant tout, une formidable réussite en termes de modernisation et d'autosuffisance alimentaire.

Puissent les régions du monde qui sont encore très loin d'avoir atteint ces objectifs s'inspirer des règles et des mécanismes qui ont fait de la politique agricole de la Communauté européenne un exemple unique au monde.

Et pourtant, les épreuves n'ont pas manqué.

Passer en revue les trente dernières années, c'est prendre la mesure de la course d'obstacles à laquelle la PAC a été soumise depuis ses origines.

Dès 1960, soit sept ans avant la mise en place définitive des organisations communes de marché (OCM), les Etats-Unis prennent l'offensive en soutenant que la préférence communautaire -avec son mécanisme de prélèvements variables aux frontières de la Communauté- était contraire aux règles du GATT (les négociations commerciales internationales conduites dans le cadre du GATT s'appelaient alors le « Kennedy Round »).

Une difficile négociation débouchera sur un compromis provisoire qui continue, quarante ans plus tard, à produire ses effets : la Communauté maintient l'essentiel de ses « prélèvements » mais renonce à tout droit de douane sur le soja (1962) et le maïs (1967) pour l'alimentation animale.

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