IV. LES MUTATIONS TECHNOLOGIQUES AMPLIFIENT LES DÉSÉQUILIBRES LIÉS À L'ÉVOLUTION DES MARCHÉS

Les problèmes de financement rencontrés par les producteurs français ne sont que le révélateur d'une crise plus profonde liée à un clivage de plus en plus marqué entre les deux systèmes économiques qui coexistent au sein de l'industrie du cinéma, et qui traditionnellement s'équilibraient, se complétaient et s'enrichissaient l'un l'autre : l'un sous-tendu par une logique de marché , l'autre par une logique de création. Cet équilibre est en situation d'être rompu.

La diversification croissante des modes de diffusion a entraîné une segmentation des marchés. Elle s'est traduite par l'émergence de nouvelles fonctions commerciales, et de nouveaux acteurs en mesure de gérer des droits d'exploitation, sur période longue, au niveau international, pays par pays, support par support. Comme pour la télévision, devenue le principal vecteur d'exploitation des films, un « cinéma de la demande » s'est progressivement substitué, sur ces nouveaux marché, à un « cinéma de l'offre ».

Le développement des technologies numériques, en multipliant les possibilités de diffusion ne pourra, dans un premier temps du moins, qu'accentuer cette segmentation et ses conséquences : l'internationalisation des marchés et le poids croissant des groupes intégrés.

Le cinéma, quel que soit son ancrage national, est devenu partie prenante du processus de mondialisation 112 ( * ) .

Le volet qui apparaît aujourd'hui le plus déstabilisant dans ce mouvement, parce que le plus éloigné des logiques de la production cinématographique, que ce soit celles des producteurs ou celles des auteurs, est celui qui résulte de la financiarisation du secteur et des effets en retour des ratés de la convergence.

Le système français de soutien au cinéma a été conçu à l'origine autour de l'exploitation en salles sur un marché national protégé, aura du mal sous sa forme actuelle, à résister aux évolutions qui se dessinent. Et pourtant, le cinéma français bien que menacé ne manque pas d'atouts pour s'adapter aux mutations à venir : la « biodiversité » qu'il a réussi à préserver ne le met pas en position moins favorable que les lourdes productions hollywoodiennes, qui ne peuvent trouver leur équilibre économique que dans une fuite en avant, en multipliant les exploitations dérivées de plus en plus coûteuses à développer et de plus en plus incertaines à rentabiliser.

* 112 Cette évolution n'est pas sans ouvrir un débat parmi les cinéastes français, illustré par les prises de position d'Olivier Assayas, dans le n° 568 des Cahiers du Cinéma consacré au cinéma français autour du monde, revendiquant « une conception apatride du cinéma » et déclarant « je ne supporte pas le chauvinisme diffus du discours économique sur le cinéma français. Qu'est-ce que j'en ai à faire que des navets français gagnent des parts de marché ...». Sans aller aussi loin, Charles Tesson, rédacteur en chef des Cahiers du Cinéma constate : « qu'un cinéma d'auteur ambitieux puisse se maintenir grâce à sa reconnaissance internationale est une donnée nouvelle. L'exportation est au coeur de la définition esthétique du cinéma français ».

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