III. L'IMPORTANCE D'UNE PART DÉTERMINANTE DE RESSOURCES PROPRES DANS LES RECETTES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

A. COMPARAISONS INTERNATIONALES

1. Les spécificités françaises

a) La structure du financement

Il convient de distinguer trois modes de financement des collectivités territoriales :

- par des dotations ;

- par le partage d'un impôt d'Etat (sans base locale ni fixation des taux par la collectivité territoriale) ;

- par des ressources fiscales propres (avec base locale et fixation des taux par la collectivité territoriale).

Comme l'ont rappelé la plupart des intervenants, les collectivités territoriales françaises se caractérisent en particulier par l'importance de la fiscalité propre dans leurs recettes.

L'importance de la fiscalité locale dans les ressources des collectivités territoriales françaises : une situation quasiment unique en Europe

1. Généralités

Contribution écrite de M. BUR

« En France, la fiscalité locale représente la moitié environ des budgets locaux, contre moins de 30 % en moyenne dans les Etats européens. Les marges de manoeuvre fiscales apparaissent de ce point de vue singulièrement plus élevées en France que dans la moyenne des autres Etats de l'Union, marqués par une part plus élevée des ressources fiscales provenant d'impôts d'Etat.

Cette situation est quasi-unique en Europe. Le poids de la fiscalité dans l'ensemble des ressources (hors emprunt) des collectivités territoriales françaises figure parmi les plus élevés (autour de 50 % actuellement), la Suède présentant un taux de 60 % et, à l'autre extrême, les Pays-Bas un taux de 12 % ».

Contribution écrite de M. PAINVIN

« En 2001, les recettes des régions italiennes se présentaient en moyenne de la façon suivante : 45 % de recettes fiscales propres (c'est-à-dire avec une marge de manoeuvre sur les taux d'imposition), 40 % d'impôts nationaux redistribués (une part du produit de la TVA et de la taxe sur les carburants dont les taux sont fixés par l'Etat) et 15 % de dotations.

En Allemagne, les Länder tiraient en moyenne 68 % de leurs ressources de recettes fiscales en 2001. L'essentiel de ces recettes fiscales provenaient d'impôts nationaux partagés avec le gouvernement fédéral mais sans aucune marge de manoeuvre sur les taux.

En 2000, les recettes fiscales représentaient en moyenne 48 % des recettes totales des cantons suisses. Il faut noter dans le cas suisse les très fortes disparités dans les structures de recettes des cantons : la part des impôts pouvait ainsi varier de 26 % à 74 % des recettes totales à cette date. Les transferts représentaient en moyenne 30 % des recettes cantonales, les 22 % restants étant composés des produits des services publics et du patrimoine.

Les statistiques consolidées sont particulièrement difficiles à obtenir dans le cas de l'Espagne. On peut toutefois noter que les recettes fiscales représentaient en moyenne 30 % des recettes totales des communautés autonomes en 2001 (avant application du nouvel accord-cadre financier) et devraient franchir la barre des 50 % en 2002 ».

2. Un avantage appréciable par rapport aux Länder allemands

Contribution écrite de M. PAINVIN

« La première idée reçue avec laquelle il convient de rompre est l'idée selon laquelle toute organisation de type fédéral serait fondée sur l'octroi d'une forte autonomie fiscale à ces composantes.

Ainsi, les Länder allemands sont considérés traditionnellement comme les régions européennes les plus puissants sur le plan économique. Certes la Rhénanie du Nord-Westphalie constitue de loin la plus importante collectivité locale européenne avec un PIB (459 milliards d'euros en 2001, soit 22,3 % du PIB allemand) supérieur à celui des Pays-Bas et formant environ 10 % de celui de l'Union Européenne. A cette puissance économique sont souvent associées de larges prérogatives budgétaires.

Or si les Länder allemands disposent de budgets très conséquents et d'une liberté de gestion très étendue, ils n'ont en revanche quasiment aucune autonomie en matière de recettes. Celles-ci sont décidées au niveau fédéral, échelon auquel ils ne peuvent faire entendre leur voix que de façon collective, via le Bundesrat. De même, leurs dépenses sont contraintes par les objectifs fixés par des instances de concertation et de planification composées de représentants de l'Etat, des Länder et des communes (ex : conseil de planification financière fixant des objectifs annuels en matière de progression des dépenses et de déficits publics). Bien que dotés de compétences très étendues, les Länder doivent donc tenir compte de l'équilibre financier général dans leur gestion individuelle. Si l'on ne craint pas l'oxymore, on peut estimer que les Länder sont très autonomes, mais en tant que collectif seulement ».

Contribution écrite de Mme SIROU

« L'Allemagne demeure le pays européen où les collectivités ont la plus faible proportion de recettes modulables. Le ralentissement économique et les décisions prises au niveau du gouvernement fédéral de modifier les taux et les règles fiscales ont eu un impact immédiat sur les performances financières des Länder et des municipalités, qui n'ont été qu'en partie atténués par la péréquation horizontale et verticale, qui constitue l'épine dorsale du système allemand. Avec une proportion de recettes fiscales sur recettes de fonctionnement très réduite (de l'ordre de 10 % en moyenne) et une très faible capacité à modifier les taux, les performances budgétaires (marge brute, capacité d'autofinancement) des collectivités territoriales allemandes se sont donc significativement dégradées ».

S'intéressant au risque financier, Mme SIROU souligne que les ressources fiscales des collectivités territoriales françaises sont diversifiées, d'où une dépendance relativement modérée au cycle économique.

Par ailleurs, M. HOORENS affirme que les marges de manoeuvre des collectivités françaises sont les plus importantes de l'Union européenne, Suède exceptée.

Mme SIROU et M. BUR rappellent cependant dans leurs contributions écrites que la part des ressources propres dans les ressources des collectivités territoriales a diminué ces dernières années, suscitant, selon Mme SIROU, une rigidité accrue des budgets et une pénalisation des collectivités territoriales disposant d'une économie dynamique.

La diminution des taux d'autonomie fiscale

Contribution écrite de M. BUR

« Les taux d'autonomie fiscale n'ont cessé de diminuer depuis 1999, en particulier sous l'effet d'une série d'allègements fiscaux qui transforment la fiscalité locale en dotations sur lesquelles les élus n'ont plus aucune marge de manoeuvre (suppression de la part salaires des bases de taxes professionnelles, réforme de la fiscalité applicable aux droits de mutations, suppression de la part régionale de la taxe d'habitation, suppression de la vignette automobile). Pour autant, la situation des collectivités territoriales, même marquée par cette tendance, reste contrastée. Si les départements, voire même les communes, tirent la moitié de leurs recettes hors emprunts de la fiscalité hors compensation, le niveau atteint par les régions n'est que légèrement supérieur au tiers ».

Taux d'autonomie fiscale* des collectivités territoriales

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Communes

49,3%

49,9%

48,5%

46,1%

42,5%

nd

Départements

58,0%

59,6%

56,5%

55,9%

52,3%

51,3% (1)

Régions

57,8%

57,6%

48,7%

50,2%

41,7%

37,3% (1)

nd : non disponible

(1) estimation à partir des budgets primitifs

* Le taux d'autonomie fiscale est calculé comme la part des recettes fiscales (hors compensations) dans les recettes totales hors emprunts.

Contribution écrite de Mme SIROU

« En période de croissance économique, l'effet de ces réformes fiscales sur les finances des collectivités françaises a été peu visible, le manque à gagner ayant été compensé par une croissance dynamique des recettes de la fiscalité indirecte notamment. Par ailleurs, le remplacement d'une ressource plus cyclique par des dotations de l'Etat, dont l'indexation est préétablie à l'avance, offre une certaine visibilité et peut avoir un effet d'amortisseur en cas de retournement durable de la conjoncture. Toutefois ces diverses réformes se sont traduites dans l'ensemble par une rigidité accrue des budgets des collectivités territoriales françaises dont la part des ressources modulables s'est réduite, la tendance est identique pour tous les niveaux et plus marquée pour les régions. Sur le long terme, il pénalise les collectivités territoriales disposant d'une économie dynamique, mais protège les collectivités dont la base économique est plus faible ».

Page mise à jour le

Partager cette page