II. DES RÉFORMES AUX EFFETS NUANCÉS ; UN PANORAMA DE CONCURRENCE FISCALE OÙ LA FRANCE EST MAL PLACÉE

Les recettes tirées de l'imposition société n'ont pas reculé malgré les baisses de taux mises en oeuvre par les Etats. On pourrait en déduire que la concurrence fiscale, prévisible en théorie, a épargné l'Europe. Cette conclusion serait erronée. La prise en compte de nombreux indicateurs micro-économiques et l'absence de progrès substantiels dans l'harmonisation des prélèvements sur les entreprises en Europe convergent vers le diagnostic de l'existence d'une concurrence fiscale, que la France est mal placée pour affronter.


LES MÉTHODES DE COMPARAISON DES CHARGES
PESANT SUR LES ENTREPRISES

De nombreuses méthodes de comparaison des charges pesant sur les entreprises ont été développées. Outre la comparaison des taux légaux d'imposition, on peut distinguer deux grands types de méthodes : celles qui sont fondées sur des taux apparents d'imposition rapportant des recettes fiscales effectives à leurs assiettes économiques (type IS/EBE - impôt sur les sociétés rapporté à l'excédent brut d'exploitation) et celles qui sont fondées sur des taux simulés - taux effectifs moyens ou marginaux - portant sur des investissements fictifs .

La comparaison des taux légaux est limitée par l'existence d'une grande diversité des règles d'assiette en matière de fiscalité des entreprises et par celle des autres prélèvements pesant sur les entreprises.

La comparaison des taux apparents de taxation consiste souvent à analyser le poids dans le PIB des recettes d'impôt sur les sociétés. Mais, cet indicateur de pression fiscale apparente, est sensible au partage de la valeur ajoutée. Aussi est-il préférable de rapporter les recettes fiscales à un indicateur du revenu des entreprises, l'excédent net d'exploitation (ENE) en règle générale.

Ce deuxième indicateur peut être amélioré de deux manières : d'une part, seul le revenu des entreprises soumises à l'IS devrait être pris en compte, et non l'ENE de l'ensemble de l'économie. D'autre part, d'autres impôts - notamment la taxe professionnelle en France - doivent être intégrés dans la charge fiscale pesant sur les entreprises. On définit ainsi le taux implicite de taxation , rapport de l'ensemble de la charge fiscale pesant sur les entreprises au revenu des entreprises soumises à l'IS.

A côté de ces indicateurs macroéconomiques , des indicateurs microéconomiques sont proposés. Il s'agit de calculer des taux d'imposition en appliquant la législation fiscale à des cas-types d'entreprises ou d'investissements.

Cette seconde catégorie d'indicateurs, les taux effectifs d'imposition , a pour objectif de permettre les comparaisons internationales de pression fiscale en se fondant uniquement sur les paramètres de législation fiscale. Il s'agit d'une méthode qui reste assez largement expérimentale. Par conséquent, les résultats sur lesquels elle débouche doivent être considérés avec beaucoup de précautions. Leurs calculs sont généralement complexes dans la mesure où ils dépendent du type d'investissement considéré. Plus précisément, il faut formuler une hypothèse sur le bien financé (matériel, bâtiment...), les différents biens ouvrant droit à des amortissements différents, et sur les modalités de son financement (autofinancement, émission d'actions, emprunt), celles-ci ayant des traitements comptables et fiscaux différents.

Il s'agit dans tous les cas de comparer la charge fiscale pesant sur un investissement d'un rendement donné. Cette méthode peut être appliquée à une entreprise , elle débouche alors sur l'élaboration de taux effectifs moyens d'imposition . Elle peut être appliquée à un investissement marginal et débouche alors sur la mise en évidence de « coins fiscaux marginaux ».

A. UNE STABILITÉ GLOBALE

Comme pour l'imposition du revenu des ménages, la baisse des taux légaux d'imposition ne s'est pas toujours traduite par un recul des recettes tirées par les Etats de la taxation des entreprises.

La considération des taux apparents d'imposition des sociétés conduit à mettre en évidence une stabilité globale et une faible dispersion .

Le poids de l'impôt sur les sociétés (IS) exprimé en points de PIB est relativement proche. Seuls se distinguent, l'Autriche et l'Allemagne (avec des recettes nettement inférieures à la moyenne), le Luxembourg et, dans une moindre mesure, le Royaume-Uni (avec des recettes d'IS légèrement supérieures à l'ensemble des autres pays). Au cours de la décennie 1990, le poids de l'IS - qui s'était beaucoup accru dans les années 80 - n'a que légèrement progressé dans l'ensemble des pays de l'UE. Cette progression est en grande partie due aux évolutions conjoncturelles et aux conditions de partage de la valeur ajoutée entre les salaires et les profits, au bénéfice de ceux-ci. En outre, elle laisse à penser que les modifications structurelles opérées dans les pays membres au cours des dernières années se sont compensées .

Impôt sur les sociétés en % du PIB

 

1980

1990

1996

1997

1998

1999

2000

2001*

2002*

Autriche

1,4

1,3

1,8

1,8

1,8

1,7

1,7

1,8

1,8

Allemagne

1,8

1,8

1,7

1,9

1,9

2,0

2,1

1,9

1,9

Belgique

2,2

2,4

3,1

3,5

3,6

3,5

3,5

3,5

3,4

Danemark

1,5

2,6

3,4

3,7

3,6

3,6

3,5

3,5

3,5

Espagne

1,2

3,1

2,1

2,1

2,1

2,1

2,1

2,1

2,1

Finlande

1,2

2,0

3,0

3,7

3,7

3,7

3,8

3,6

3,5

France

2,1

2,4

1,9

2,2

2,7

2,9

2,9

2,8

2,8

Grèce

0,5

1,7

2,2

2,4

2,9

3,2

3,3

3,3

3,2

Irlande

1,5

2,2

3,6

3,7

3,7

3,7

3,5

3,4

3,3

Italie

2,4

3,7

4,2

4,3

3,9

4,1

4,1

3,9

3,9

Luxembourg

7,6

6,6

6,9

8,3

8,3

8,2

8,2

8,0

7,6

Pays-Bas

3,0

3,4

4,1

4,6

4,5

4,5

4,4

4,2

4,2

Portugal

0,9

2,5

2,7

2,8

2,8

2,9

3,0

3,1

3,1

RU

2,9

4,1

3,8

4,3

4,7

4,7

4,8

4,7

4,7

Suède

1,2

2,0

3,1

2,8

2,9

2,9

2,8

2,7

2,6

Europe

2,2

2,9

2,7

3,0

3,1

3,2

3,2

3,2

3,1

* Estimations/Prévisions.

Sources : Commission européenne/Eurostat.

La part de l'impôt sur les sociétés dans les recettes fiscales, qui s'était réduite entre 1970 et 1986, s'est renforcée depuis.

Part de l'IS dans les recettes fiscales

 

1970

1975

1980

1986

1991

1995

1997

Allemagne

8,1 %

6,9 %

7,9 %

8,4 %

6,3 %

4,4 %

5,9 %

Belgique

6,9 %

7,3 %

5,7 %

5,8 %

5,4 %

6,6 %

7,5 %

Espagne

8,2 %

8,2 %

7,9 %

10,7 %

9,8 %

8,7 %

9,6 %

France

8,7 %

8,3 %

8,0 %

7,9 %

7,6 %

8,3 %

9,3 %

Grèce

1,7 %

3,6 %

3,9 %

4,1 %

5,3 %

7,8 %

7,4 %

Italie

6,8 %

6,4 %

7,9 %

10,7 %

9,8 %

8,8 %

9,6 %

Pays-Bas

6,7 %

7,7 %

6,6 %

7,3 %

7,3 %

7,4 %

10,5 %

Portugal

14,5 %

8,8 %

7,9 %

5,5 %

9,7 %

8,2 %

11,0 %

Royaume-Uni

8,7 %

6,2 %

8,4 %

10,6 %

9,4 %

9,4 %

12,1 %

Source : OCDE, calculs des auteurs

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