3. Un décalage préoccupant dans une conjoncture déprimée

a) Les rigidités et les fragilités du budget de l'Etat

Le budget de l'Etat, en raison du niveau des dépenses et de leur rigidification croissante, apparaît dès lors, par comparaison avec d'autres pays européens, particulièrement sensible à un retournement de conjoncture.

Les dépenses de l'Etat, qui s'établissent en loi de finances initiale pour 2003, à 273,8 milliards d'euros, se partagent en trois grandes masses :

Décomposition du budget général 2003


Source : rapport du gouvernement en vue du débat d'orientation budgétaire pour 2004

(1) Les charges de la dette et de pension

Les charges de la dette et de pension, qui représentent 74 milliards d'euros, présentent un caractère inéluctable. La charge de la dette exerce une pression de plus en plus forte sur les dépenses. Elle représente aujourd'hui 14 % des dépenses.

Charge brute de la dette

(en milliards d'euros)

2000

2001

2002

2003
(prévision en LFI)

38,7

39,3

40,7

41,3

Certes, le budget général bénéficie d'un effet-taux particulièrement favorable en ce qui concerne la charge de la dette, qui masque en grande partie l'effet volume. L'effet favorable de la baisse des taux d'intérêts, qui a permis une augmentation limitée à 1,5 milliard d'euros de la charge de la dette entre 1997 et 2001, se poursuit en 2003 et compense pour beaucoup le dérapage occasionné par l'augmentation de l'endettement de l'Etat.

Évolution de la charge nette de la dette

Le budget de l'Etat vit néanmoins sous l'épée de Damoclès de la charge de la dette. En cas de retour à la hausse des taux d'intérêt dans les prochains mois, les dépenses subiront de plein fouet l'effet-volume de la dette ;

La décomposition en « effet-taux » et « effet-volume » de l'augmentation annuelle de la charge de la dette

1. Principe de la décomposition

Prenons l'hypothèse que l'Etat emprunte au cours d'une année 100 milliards d'euros au taux de 5 %. Ces 100 milliards permettent de financer un déficit budgétaire de 40 milliards et de refinancer 60 milliards d'emprunts anciens arrivés à échéance et qui avaient été émis il y a dix ans au taux de 9 %.

L'accroissement en volume du stock de la dette est de 40 milliards, auquel s'applique le taux de 5 %.

L'effet-volume est donc égal à 40 x 5 % = 2 milliards.

Les 60 autres milliards empruntés ne servent qu'à refinancer des emprunts anciens arrivés à échéance, mais à un coût plus faible de 4 % = (9 % - 5 %).

L'effet-taux est donc égal à 60 x (- 4 %) = - 2,4 milliards.

Au total le stock de la dette a augmenté de 40 milliards, mais la charge de la dette a diminué de - 2,4 + 2 = - 0,4 milliard.

2. Application à la charge de la dette en 2001

La charge nette de la dette négociable a augmenté de 1,25 milliard d'euros en 2001. Sa décomposition entre « effet-volume » et « effet-taux » est perturbée à la marge par l'existence d'un troisième type d'effet, dit « effet calendaire » tenant à des reports de charges d'une année sur l'autre.

L'augmentation de 1,25 milliards de la charge nette de la dette négociable entre 2000 et 2001 peut être décomposée en :

- un alourdissement de 1,65 milliard d'euros lié à un « effet-volume » imputable à hauteur de 1,25 milliards aux OAT émises en 2000 et dont la première échéance a été payée en 2001 et à hauteur de 0,4 milliards de BTF. La dette a en effet augmenté en volume, pour 24 milliards en OAT et pour 24,8 milliards en BTF; la dette due aux BTAN est restée stable ;

- un « effet-taux » favorable de - 0,81 milliard d'euros qui concerne tous les compartiments. Le gain sur les taux d'intérêt est surtout élevé pour les OAT (le taux moyen des 15 milliards d'OAT refinancés en 2000 est tombé de 7,52 % avant refinancement à 4,89 % après refinancement, soit un gain de - 2,63 %). Le gain en taux moyen avant et après refinancement pour les BTAN n'est que de - 0,6 %, mais le volume refinancé s'élève à 43 milliards d'où une réduction de charge de - 0,27 milliard d'euros. Enfin le gain de taux pour les BTF est de - 0,34% , du fait de la baisse des taux courts en 2001 ; il engendre un effet-taux de - 0,15 milliard d'euros;

- un alourdissement de 0,41 milliard d'euros de la charge nette dans l'année des opérations de l'année et tenant pour l'essentiel à des effets calendaires.

En conclusion en 2001, l'effet-taux négatif a compensé 50 % de l'effet-volume positif.

(2) La masse salariale

La masse salariale, qui s'élève à 85 milliards d'euros, est, sur le court terme du moins, en raison des effets GVT (Glissement-Vieillesse-Technicité), rigide à la baisse.

(3) Les autres dépenses

Les autres dépenses, pour un montant de 115 milliards d'euros, sont pour certaines particulièrement exposées à un retournement de conjoncture. Il s'agit là d'une autre spécificité française. En effet, la précédente législature a connu la création d'un nombre sans précédant de « droits de tirage sociaux » sur le budget des administrations publiques dont le coût est, soit pérenne, soit en forte augmentation lorsque la croissance faiblit. Les dépenses sont ainsi de plus en plus élastiques à la croissance.

On peut ainsi citer :

- les transferts aux ménages (coût : 19 milliards d'euros) ;

- les aides à l'emploi (coût : 14 milliards d'euros) ;

- une partie de la politique d'intervention de l'Etat par rapport au logement ;

- la CMU (coût : 1,2 milliard d'euros en 2002) et l'aide médicale d'Etat au profit des étrangers en situation irrégulière (coût : 0,5 milliard d'euros en 2002, 0,8 milliard d'euros en 2003).

b) Des conséquences désastreuses en 2002

Dès la construction de la loi de finances initiale pour 2002, le choix a été fait de ne pas baisser significativement les dépenses. Les charges nettes du budget général devaient ainsi augmenter de 2 % en valeur, à 269 milliards d'euros, soit 0,5 % en volume contre 0,2 % en 2001.

Compte tenu des éléments disponibles dans l'audit de MM. Bonnet et Nasse, le gouvernement a été amené dans le collectif du 6 août 2002 à réévaluer nettement les dépenses, en augmentant les ouvertures nettes de crédits de 5,0 milliards d'euros, soit 1,8 %, réparties, selon le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, entre 3,15 milliards d'euros pour la couverture des besoins avérés en 2002 et 1,81 milliard d'euros pour la couverture des engagements des années précédentes non financés en loi de finances initiale.

La loi de finances rectificative du 30 décembre 2002 a marqué une certaine stabilité : le total des crédits ouverts s'établit à 274 milliards d'euros, soit 1,9 % de plus que prévu en loi de finances initiale pour 2002. Il convient évidemment d'ajouter la consommation des crédits de report. D'autres évolutions ont encore eu lieu durant la période complémentaire.

Au final, en exécution, les dépenses du budget général pour 2002 s'établissent à 280,1 milliards d'euros, à comparer avec les 269 milliards d'euros prévus.

L'année 2002, entre prévision et exécution, a donc connu un dérapage des dépenses, pour le seul budget général, de 11 milliards d'euros, dont l'impact sur le déficit est majeur.

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