3. Le hors-bilan : des charges pour l'Etat auxquelles il faut se préparer à faire face

En leur état actuel, les documents comptables de l'Etat ne permettent pas d'appréhender de manière exhaustive l'ensemble de la dette publique et de ses contreparties. Cet état de fait est appelé à être modifié, conformément à la volonté exprimée par le législateur dans la loi organique du 1 er août 2001, dont l'article 27, applicable à compter du 1 er janvier 2006, dispose que « les comptes de l'Etat doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle de son patrimoine et de sa situation financière ».

La situation financière de l'Etat ne peut être reflétée de manière fidèle si l'évaluation de la dette, retracée dans le bilan et le compte de résultat dont dispose l'Etat depuis l'entrée en vigueur en 1988 de l'actuel plan comptable, ne s'accompagne pas de celle des engagements hors-bilan.

Comme le rappelle le rapport de présentation du compte général de l'administration des finances (CGAF) pour 2002, le plan comptable général impose à toute personne ayant l'obligation d'établir des comptes annuels de produire une annexe qui doit comporter « toutes les informations d'importance significative destinées à compléter et à commenter celles données par le bilan et le compte de résultat », et en particulier le montant des engagements financiers.

Pour la quatrième année consécutive, le CGAF pour 2002 s'efforce de préciser les contours de ces engagements financiers. Il identifie trois catégories d'engagements qui « correspondent à des dettes certaines au plan juridique, mais dont le montant et la date de dénouement sont déterminés par une série de paramètres exogènes » :

- les engagements de retraite des fonctionnaires et agents publics relevant de régimes spéciaux ;

- les engagements liés à des garanties accordées par l'Etat ;

- les engagements liés aux droits à prime acquis dans le cadre des dispositifs d' épargne logement .

La Cour des comptes contribue également à la définition des contours du hors-bilan de l'Etat. Dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 2001, elle estime que les engagements de financement matérialisés par un acte juridique contraignant doivent être retracés en hors-bilan dès lors que leur mise en oeuvre dépend de conditions dont l'Etat n'est pas maître. A l'aune de cette définition, elle s'interroge sur la nécessité d'inscrire dans le hors bilan deux types d'engagements :

- les sommes correspondant à la quote-part de la contribution de la France au budget européen non appelée, mais que notre pays serait tenu de verser si, dans la limite du plafond de 1,27 % du PNB, le montant de la contribution de la France était réévalué ;

- les engagements trouvant leur source dans la signature par l'Etat des contrats de plan Etat-région , de même que l'ensemble des engagements de financement pluriannuels vis-à-vis de tiers (collectivités territoriales, établissements publics, entreprises publiques ou privées, associations, etc.).

Parallèlement à sa définition, le chiffrage du hors-bilan de l'Etat est progressivement précisé.

Le CGAF retrace depuis plusieurs années l'évolution de la « dette implicite » liée aux engagements liés aux droits à prime acquis dans le cadre des dispositifs d' épargne logement . Celle-ci était évaluée à 7,6 milliards d'euros dans le CGAF pour 2000, à 7,2 milliards d'euros dans le CGAF pour 2001 et s'établirait en 2002 à 10 milliards d'euros , dont 8 milliards d'euros au titre des plans épargne logement. Le constat de l'accélération du rythme de versement des primes, qui s'explique selon le CGAF par « l'arrivée à maturité de nombreux plans ouverts entre 1993 et 1996 », justifie pleinement a posteriori, si besoin était, les dispositions de l'article 80 de la loi de finances pour 2003, issu d'une initiative de votre commission des finances, qui conditionnent le bénéfice de la prime liée aux plans d'épargne logement à la réalisation d'un prêt immobilier.

Pour la première fois, le CGAF pour 2002 fournit une évaluation de la dette implicite liée aux engagements en matière de retraite des fonctionnaires et des agents publics relevant des régimes spéciaux. Les données fournies sont identiques à celles, issues de la direction du budget, auxquelles la Cour des comptes faisait référence dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 2001 : entre 600 et 800 milliards d'euros .

Les conditions dans lesquelles la dette en matière de retraite devra être acquittée sont précisées dans le « jaune » budgétaire annexé au projet de loi de finances pour 2003 et consacré aux rémunérations et pensions des agents publics : la charge brute liée aux pensions des fonctionnaires de l'Etat passerait 58 ( * ) d'environ 30 milliards d'euros en 2003 à près de 60 milliards d'euros en 2020 et à environ 90 milliards d'euros en 2040.

Le « compte à rebours » des finances publiques

Le constat du doublement du montant des charges de retraites au cours des vingt prochaines années, pour un montant en 2020 supérieur au niveau actuel du déficit de l'Etat, signifie qu'en matière de finances publiques, le « compte à rebours » a commencé :

Il faudra être en mesure de faire face à ces engagements en 2020, au besoin en recourant au déficit budgétaire ; pour recourir au déficit budgétaire, il faut que le niveau d'endettement supplémentaire qui en résulte soit soutenable ; le niveau d'endettement actuel de l'Etat et des administrations publiques, tant en valeur absolue qu'en pourcentage du PIB, s'accroît ; pour inverser cette tendance, il faut à la fois mener une politique économique favorable à la croissance et éviter d'augmenter la dette par l'accumulation des déficits ; pour soutenir la croissance, il faut alléger les prélèvements obligatoires et laisser jouer les stabilisateurs automatiques lorsque la conjoncture se dégrade ; pour éviter que l'allégement des prélèvements obligatoires et le jeu des stabilisateurs automatiques ne dégradent le déficit et ne relancent la spirale de la dette, il faut un déficit structurel proche de l'équilibre ; pour réduire le déficit structurel, il faut à la fois réduire le montant de nos dépenses publiques et en modifier la structure pour les rendre moins rigides.

Compte tenu des masses financières en cause et de la lourdeur des ajustements nécessaires, il faut considérer que le choc budgétaire de 2020 est quasiment « pour demain ». Dans ces conditions, c'est aujourd'hui, sans attendre, que doivent être mises en oeuvre les réformes de structures sans lesquelles la « soutenabilité » à long terme de nos finances publiques ne serait pas assurée.

* 58 Hors prise en compte des changements de réglementation qu devraient résulter de l'adoption du projet de loi sur les retraites en cours de discussion au Parlement à la date du présent débat d'orientation budgétaire.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page