UN INTÉRÊT ÉVIDENT

Le mode opératoire de cette recherche étant précisé, avant de résumer les principaux résultats obtenus, il faut probablement mettre en garde contre certaines interprétations infondées. En observant l'évolution de la part des fonds propres dans les « supports finals » des actifs financiers détenus par les ménages, on pourrait être tenté d'en faire un indicateur du risque qu'ils supportent. Cette interprétation ne serait évidemment pas correcte puisque, si les ménages ont préféré passer par des intermédiaires plutôt que de détenir directement des actions ou des obligations, c'est beaucoup précisément pour réduire le risque attaché à la détention directe de ces produits. De ce point de vue, on signalera, par exemple, que nous ne faisons pas ici de distinction, en matière d'assurance vie entre les supports à taux garanti dont le risque est porté par les sociétés et les supports en unités de compte dont le risque est porté par le souscripteur.

Mais si cette étude n'a pas pour but d'apprécier le véritable niveau de risque supporté par l'épargnant, elle permet de porter un jugement d'ensemble quant au rôle joué par les choix de placements et les évolutions des marchés dans le poids relatif pris, dans l'ensemble du patrimoine financier des ménages, par l'un des trois « supports finals » mentionnés ci-dessus. Les choix de placements en cause sont, bien sûr, en premier lieu, ceux des ménages eux-mêmes, mais aussi naturellement ceux des trois catégories d'intermédiaires distingués. Cela du côté de la demande ; mais, si l'on veut bien ne pas négliger non plus le rôle de l'offre, il est clair que les comportements d'émission des APU et les choix de financement des entreprises non financières ne sont pas neutres non plus en ce qui concerne la composition des « supports finals » de ce patrimoine. C'est donc, de proche en proche, l'ensemble des comportements financiers des agents (financiers et non financiers) que résume cette étude.

DES RÉSULTATS D'UNE GRANDE RICHESSE

Rapidement dit, à s'en tenir à la seule composition des encours, les résultats obtenus pour l'affectation finale des patrimoines financiers des ménages sont les suivants : en 1995, les « fonds propres » représentaient moins du cinquième du patrimoine financier des ménages ; ces « fonds propres » s'opposaient à 23% de « produits de taux » transitant par les marchés (emprunts publics, obligations) et à 58% de « prêts » sous des formes diverses à des agents non financiers. Fin 2000, point culminant de la période, les fonds propres atteignent 37% des « supports finals » du patrimoine financier des ménages, ce qui représente donc une très forte progression prise toute entière sur les « créances diverses sur les agents non financiers » dont la part tombe à 38% ; celle des produits de taux transitant par le marché a en effet plutôt eu tendance à croître quelque peu à près de 25%. En 2001, changement de décor, la part des fonds propres retombe au-dessous de 32%, celle des « créances diverses » rebondit à près de 42% et celle des produits de taux repasse au-dessus de 16%. Mais il ne s'agit là que d'une vue très partielle des résultats obtenus.

Pour les flux (caractéristiques des choix de placements), comme pour les « encours » dont l'évolution dépend aussi de l'évolution des prix sur les marchés, on peut, pour un niveau donné d'affectation, parcourir les différentes années de la période étudiée ; mais, pour une année donnée, on peut aussi s'attacher aux changements observés lorsqu'on passe de l'affection initiale à l'affectation intermédiaire et de cette dernière à l'affectation finale.

On comprend donc bien pourquoi l'interprétation des résultats obtenus est d'une grande richesse. Elle peut suivre l'une ou l'autre des deux dimensions principales de l'étude : celle du déroulement temporel entre 1995 et 2001 ; au cours de cette période, que livre l'analyse en « supports finals » de plus qu'une interprétation au premier degré des TOF dans la nomenclature officielle utilisée ? Ensuite, en un point donné du temps - par exemple, pour l'une des sept années de la période considérée - le passage de l'affectation initiale à l'affectation finale permet-elle de préciser le rôle dans les choix de placements des différents types d'intermédiaires utilisés par les ménages ?

En s'en tenant aux encours, on commencera par développer ce second type d'analyse, avant d'en venir au premier.

1. A tout moment, l'intermédiation accroît l'ouverture des placements des ménages sur les titres cotés français et étrangers et sur les créances sur les agents non financiers

Le passage de l'affectation initiale à l'affectation intermédiaire permet de mettre en relief le rôle en tant qu'intermédiaires des organismes de placements collectifs et des sociétés d'assurance.

La transparence des organismes de gestion collective et des sociétés d'assurance n'accroît pas la part des créances sur les agents non financiers : ce n'est pas en effet, en France, l'habitude des sociétés d'assurance de prêter directement aux entreprises et aux ménages. A ce stade, n'est pratiquement pas modifié non plus la part des actions non cotées, ni des autres participations : cela n'est pas surprenant, il ne s'agit pas de placements privilégiés par ces deux catégories d'intermédiaires. L'intermédiation des établissements de crédit s'accroît en revanche sensiblement pour autant que les sociétés de gestion collective et les sociétés d'assurance sont elles-mêmes des déposants auprès des établissements de crédit.

Mais les augmentations les plus spectaculaires concernent les titres cotés français et étrangers : la part des obligations françaises émises par les entreprises ou les APU est pratiquement décuplée ; il en est de même de la part des titres de taux émis à l'étranger : là encore, il n'y a pas réellement de surprise quand on sait notamment la part qu'occupent ces titres dans les portefeuilles des sociétés d'assurance. La part des actions cotées françaises est quant à elle, multipliée par un facteur de l'ordre de trois, cependant que la part des actions étrangères l'est par un facteur compris entre trois et quatre. Nul doute donc que le passage par ces deux catégories d'intermédiaires ne renforce considérablement la part des valeurs mobilières cotées et tout spécialement celle des valeurs étrangères.

Tableau 1 : De l'affectation initiale à l'affectation finale en 2001 (encours détaillés)

Affectation initiale

Affectation finale

Affectation finale/
affectation initiale

Fonds propres

16,3

31,7

1,95

Actions cotées

3,2

10,3

3,2

Actions non cotées

8,9

12,0

1,4

Autres participations

3,1

4,0

1,3

Actions étrangères (RDM)

1,1

5,4

4,9

Produits de taux

1,8

26,4

14,7

Titres courts et longs émis par les sociétés non financières

0,3

4,7

15,7

Titres courts et longs émis par les APU

0,9

12,1

13,4

Titres courts et longs émis par le RDM

0,6

9,6

16,0

Crédits et créances diverses émis par les agents non financiers

7,1

41,8

5,9

Dépôts auprès des APU et du RDM

3,7

4,9

1,3

Crédits bancaires (ménages, entreprises, APU et RDM)

0,6

30,8

51,3

Diverses créances sur les ménages, entreprises et APU

2,8

6,1

2,2

Intermédiations

74,8

0,0

Ns

Etablissements de crédit

32,7

OPCMV

10,0

Sociétés d'assurance et fonds de pension

32,1

Total

100,0

100,0

0,0

Le passage de l'affectation intermédiaire à l'affectation finale souligne le rôle joué par les établissements de crédit. Une façon simple de mettre en relief ce rôle consiste à partir des affectations initiales hors intermédiations (le calcul de la composition en % du patrimoine se fait donc sur les trois supports « finals » : fonds propres, produits de taux et créances sur les agents non financiers) et à rapprocher cette structure de celle des affectations finales. C'est ce qui a été fait dans le tableau ci-dessous.

Tableau 2 : Influence des intermédiaires dans le poids relatif des affectations finales (en %)

Affectations initiales (hors intermédiations)

Affectations finales

en points de pourcentage

Fonds propres

64,7

31,7

-33,0

Produits de taux

7,1

26,4

+19,3

Créances sur les agents non financiers

28,2

41,8

+13,7

Total

100,0

100,0

0,0

L'influence positive la plus forte en 2001 s'exerce sur les produits de taux dont la part augmente de plus de 19 points : on reconnaît là le poids des sociétés d'assurance dont le portefeuille en France est encore composé à près des trois quarts d'emprunts et obligations. La seconde influence positive s'exerce sur le poids relatif des créances sur les agents non financiers : ce sont ici les banques et établissements assimilés qui sont en cause avec leurs actifs qui comprennent beaucoup de crédits accordés aux entreprises, aux APU ou aux ménages ou même à des agents localisés dans le RDM. En revanche, la part des fonds propres est en forte régression (+33 points) : les actions non cotées, en particulier, sont évidemment davantage détenues directement par les ménages que par les sociétés d'assurance, les banques ou les organismes de placements collectifs.

On aurait certes pu reprendre la même analyse pour toutes les années de la période concernée : le sens et l'amplitude des influences décelées ne seraient pas très différentes des résultats mis en relief pour 2001.

2 Sur la période, en ce qui concerne les actions et les créances sur les agents non financiers, les évolutions observées au niveau initial se retrouvent amplifiées dans l'affectation finale ; il n'en est pas de même pour les évolutions concernant les produits de taux

Dans l'affectation initiale des encours, la part des produits de fonds propres passe d'un peu plus de 11% en 1995 à 19% en 2000, soit une multiplication par un coefficient de 1,67. Dans les affectations finales, la croissance de cette part est de 19% à plus de 37% entre 1995 et 2000, soit une multiplication par un coefficient 1,96. Même amplification, mais cette fois en sens inverse, pour les créances sur les agents non financiers : leur part baisse d'environ un cinquième dans l'affectation initiale entre 1995 et 2001, alors que cette baisse est très supérieure à un quart dans l'affectation finale.

S'agissant au contraire des produits de taux, dans l'affectation initiale, un sensible reflux de plus de 3 à moins de 2% est observé entre 1995 et 2001, alors que dans l'affectation finale, c'est la stabilité autour de 25% qui prévaut au cours de la période.

Graphique 1.1a - Les intermédiations en % du total 1995-2001

Ainsi donc au total, à un moment donné du temps , les choix d'actifs observés sur la composition des encours dans les affectations finales sont loin d'être homothétiques de ceux qu'on observait dans les affectations initiales : la « suppression » de l'intermédiation accroît certes, de façon mécanique, la part des trois « supports finals », mais elle les accroît dans des proportions variables ; en outre, dans le temps , les évolutions observées dans l'affectation initiale sont le plus souvent, soit amplifiées, soit contredites, par celles que l'on observe dans les affectations finales.

Graphique 1.1b - Affectation initiale en % du total 1995-2001

Tantôt, entre 1995 et 2001, les évolutions de l'affectation initiale sont donc amplifiées dans l'affectation finale, tantôt elles sont contredites. Sur les trois grandes catégories de produits retenues et pour la période étudiée, on n'a pas mis en évidence de cas de simple « reproduction » des évolutions des affectations initiales dans les affectations finales. Preuve, s'il en était besoin, de l'autonomie de choix d'actifs qui caractérise les trois catégories d'intermédiaires distinguées par rapport aux choix faits par les particuliers eux-mêmes.

Graphique 1.2 - Affectation finale, en %, 1995-2001

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