PREMIÈRE PARTIE

UNE PRÉSENTATION SUBJECTIVE DE LA DISCUSSION

La richesse et la diversité des propos échangés lors du colloque interdisent toute présentation systématique des débats . On peut se reporter aux procès-verbaux annexés au présent rapport si l'on souhaite prendre connaissance de leur matière brute.

Les développements qui suivent se veulent donc une lecture personnelle des propos des intervenants . La présentation raisonnée de ces propos n'engage donc que la responsabilité de votre rapporteur.

Votre Délégation ayant appelé au mois de novembre denier à une réforme du pacte de stabilité et de croissance 3 ( * ) , ses propositions sont mises en regard des propos des intervenants.

Si ceux-ci n'ont pas été exempts de nuances, voire d'oppositions, il est frappant de constater qu' un consensus existe sur la nécessité de réformer le pacte de stabilité et de croissance . Ce consensus confirme et renforce la position prise par votre Délégation, et que la commission des finances du Sénat partage, qu'un statu quo serait pernicieux pour l'Europe.

Il reste à traduire cette volonté de réforme et l'état de la construction européenne donne trop peu de place aux parlements nationaux pour que ceux-ci ne comptent pas sur la détermination des gouvernements.

En adoptant ce rapport, votre Délégation veut par conséquent tout à la fois informer le Sénat de ses travaux sur un sujet majeur et aider le gouvernement à prendre des initiatives afin d'améliorer le cadre de la politique économique en Europe et, partant, le cadre de la croissance en France.

CHAPITRE I

FAUT-IL, EN MATIÈRE BUDGÉTAIRE,
AVOIR UNE RÈGLE SUPRANATIONALE ?

Cette question primordiale revêt au moins deux dimensions . La première d'entre elles est de savoir s'il est justifié d'encadrer la souveraineté budgétaire des Etats participant à l'union monétaire européenne . La seconde renvoie à la capacité de règles à représenter une modalité acceptable d'encadrement de cette souveraineté , les règles étant entendues comme s'opposant à une modalité plus discrétionnaire de pilotage budgétaire que constituerait idéalement un gouvernement économique de la zone euro.

I. FAUT-IL ENCADRER LA SOUVERAINETÉ BUDGÉTAIRE DES ETATS ?

La marche vers l'euro puis son adoption ont créé une solidarité nouvelle entre des Etats partageant une monnaie commune et une politique monétaire unique. Privé de souveraineté monétaire, chaque Etat participant à l'Union économique et monétaire continue de disposer d'une liberté d'usage de sa politique budgétaire, mais d'une liberté encadrée. La justification de cette limitation de souveraineté semble aller de soi. Pourtant, les débats du colloque ont montré que le consensus conduisant à cette solution est finalement assez fragile.

Votre Délégation, sans mésestimer les facteurs naturels de discipline budgétaire et les limites d'une approche des externalités entre Etats dotés d'une même monnaie centrée exclusivement sur les besoins de financement public a eu à plusieurs reprises l'occasion de se rallier au principe selon lequel une surveillance des comportements financiers des Etats se justifiait et, partant, justifiait un encadrement du comportement budgétaire de chacun.

A. UN CONSENSUS POUR LE « OUI » MAIS UN CONSENSUS AMBIGU

Il ne s'agit pas de savoir si une coopération entre Etats doit intervenir dans le domaine des politiques économiques, il s'agit de savoir si une limitation de la souveraineté budgétaire des Etats est nécessaire à la zone euro.

1. Un consensus pour le oui

Curieusement, cette question a été assez peu évoquée dans les débats. Elle n'a toutefois pas été totalement absente des débats et la nécessité de règles a été justifiée par trois considérations :

- le manque d'institutions solides fonctionnant correctement, argument qui relève d'une justification institutionnelle sur laquelle on revient plus loin (voir B. ci-après) ;

- les difficultés d'une coordination en continu des politiques économiques ;

- la nécessité de limiter les externalités négatives entre les pays européens.

Ce dernier argument a été développé par Jean PISANI-FERRY en ces termes :

« La deuxième chose concerne la nécessité des règles supranationales . Je crois effectivement que la règle supranationale doit traiter un problème identifié d'externalité entre pays européens. Le problème identifié est un problème de soutenabilité , c'est-à-dire que le jour où un des Etats membres se trouve dans une situation d'insoutenabilité de la dette publique il y a un réel danger pour les autres parce que cela pose un problème de stabilité financière et de possibilité de marges de manoeuvre effectives de la politique monétaire. C'est cela qu'il faut traiter. »

Des intervenants ont cependant exprimé un doute sur la nécessité d'un encadrement supranational des politiques budgétaires des Etats européens.

Malgré ces doutes, votre rapporteur relève qu'un certain consensus existe pour souligner la nécessité théorique d'une surveillance des politiques budgétaires en Europe. Ce consensus lui paraît justifié, d'autant que, si l'Union monétaire appelle à maintenir la capacité des Etats à conduire des politiques budgétaires autonomes, elle peut aussi accroître les risques de dérapages nationaux.

Si l'adoption de l'euro est susceptible d'améliorer l'efficacité des politiques budgétaires nationales, elle peut aussi en favoriser les excès. Elle atténue deux contraintes sur lesquelles venaient buter parfois les politiques budgétaires nationales excessives : leur sanction par les marchés à travers des tensions sur les taux d'intérêt ou sur la valeur extérieure de la monnaie, la sanction par le déficit extérieur, la contrainte extérieure, ayant été largement atténuée par le progrès de l'intégration européenne. En toute hypothèse, dans la zone euro, les primes de risque supportées par les Etats, sans avoir totalement disparu, sont réduites.

* 3 Voir le Chapitre IV du rapport n° 66 « Sur les Perspectives économiques à l'horizon 2007 et le Pacte de stabilité et de croissance ». Sénat - 20 novembre 2002.

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