2. Les propositions de votre Délégation

a) L'analyse de la situation actuelle

Votre Délégation souhaite rappeler ses propres analyses et propositions sur ce sujet.

On peut s'accorder sur le constat que la coordination des politiques économiques par le PSC fonctionne mal . Le PSC en lui-même en est une manifestation évidente . Le contenu du règlement 1466/97, censé donner de l'ampleur à la coordination des politiques économiques prévue par l'article 99 du traité que sont supposées incarner les Grandes orientations de politique économique (GOPE) adoptées par le Conseil, a été restreint au seul champ de la politique budgétaire , ce qui ne témoigne pas de l'efficacité du Conseil à coordonner les politiques économiques.

Le constat d'un dysfonctionnement de la coordination des seules politiques envisagées par le pacte , les politiques budgétaires , peut encore être fait par tout observateur. L'Europe, à l'inverse des Etats-Unis, n'a pas montré sa capacité à définir une politique budgétaire. Et même jugé à la seule aune de sa mission unique de surveillance, l'échec est patent. Certains Etats s'affranchissent des règles, des dissonances très fortes apparaissent périodiquement entre la Commission et le Conseil, le Conseil fait étalage de ses divisions, etc.

L'organisation institutionnelle du pacte repose sur un modèle combinant avis d'experts et décision politique par les pairs .

Le Conseil a, en théorie, une responsabilité éminente . Mais, cependant, cette responsabilité n'est pas exclusive de l'intervention d'autres institutions. En effet, le Conseil procède à son examen sur la base d'évaluations effectuées par la Commission et par le Comité économique et financier.

A l'expérience, cette organisation a montré ses limites. Elle souffre de plusieurs défauts.

Sans doute, faut-il souligner qu'une bonne part des dysfonctionnements du pacte ne lui sont pas imputables. L'absence de clarté et de précision des règles que les institutions européennes sont chargées d'appliquer est largement en cause. Mais, ces ambiguïtés rejaillissent sur les postures prises par les institutions et le « jeu de rôles » inévitable qui s'ensuit mine la crédibilité du mécanisme .

La Commission tend, en effet, à adopter une posture de vigilance extrême, que suit le Conseil lorsqu'il s'agit de préciser la doctrine, comme dans le cas des Codes de conduite, mais dont il s'éloigne au moment des décisions lorsqu'il cherche une voie moyenne entre un objectif de crédibilité , qui suppose qu'il ne s'écarte pas systématiquement des « avis d'experts » que représentent les évaluations de la Commission, et une contrainte diplomatique qui peut inciter à pondérer la rigueur avec des préoccupations d'équilibre politique.

Ce « jeu de rôles » n'est pas anodin. Il se déroule sur la place publique, ce qui a pour effet de renverser totalement la hiérarchie théorique des pouvoirs des différentes institutions et d'exposer au public les difficultés de fonctionnement du pacte qui, inhérentes à sa conception même, sont attribuées à tort au Conseil.

En effet, si, théoriquement , le Conseil a le dernier mot , la publicité donnée aux avis de la Commission donne à ceux-ci une influence identique à celle du Conseil . Or, la Commission jouit , en tant qu'organe d'expertise, présenté comme indépendant, d'un effet de réputation qui lui donne une autorité supérieure à celle du Conseil.

L'image d'une Commission rigoureuse et d'un Conseil hésitant tend à se répandre et se renforce à mesure que le Conseil s'écarte des positions prises par la Commission.

La publicité donnée à ce « jeu de rôles » donne le sentiment que les institutions ne sont pas en mesure de se coordonner. Ce sentiment est de nature à provoquer chez les agents l'impression que le pacte de stabilité et de croissance , présenté abusivement comme le seul outil de la discipline budgétaire en Europe, n'est pas crédible . Ceci ne peut manquer d'influencer négativement les agents économiques, les autorités monétaires et les marchés.

Cette mécanique déplaisante est quasiment inéluctable compte tenu du compromis institutionnel sur lequel repose le pacte.

Il s'efforce de concilier deux logiques , celle d'une gouvernance politique et celle d'une gouvernance par les experts . Le compromis que représente le pacte de stabilité et de croissance, qui tend à consacrer la gouvernance politique mais en la cernant par des règles et en l'aiguillonnant par la pression de l'expertise, ne peut fonctionner que si les règles sont claires et si les acteurs sont réputés crédibles . Ni l'une ni l'autre de ces conditions ne sont remplies . On l'a abondamment démontré pour ce qui concerne la clarté des règles. S'agissant de la crédibilité des acteurs, on a également indiqué comment les postures prises par chacun d'eux pouvaient la miner.

Il faut ici ajouter deux considérations :

la dévolution de la fonction de surveillance à la Commission n'est probablement pas appropriée ;

la gouvernance du pacte de stabilité et de croissance est insuffisamment démocratique .

Dans un compromis où le rôle de l'expertise est reconnu, il convient de s'assurer que ce rôle est dévolu à une instance qui réunit les qualités que doit présenter tout bon organe de contrôle : l'indépendance, la transparence et le professionnalisme. Sans dénier à la Commission cette dernière qualité, force est de constater qu'elle ne dispose pas des deux autres. L'exercice par la Commission de prérogatives propres lui donne le rôle d'un acteur de la construction européenne qui lui ôte l'indépendance que doit avoir un organe de contrôle par rapport aux gestionnaires du projet ou du système contrôlé.

S'agissant de la transparence, la situation paraît également peu satisfaisante. Si la Commission s'entoure d'experts, l'évaluation de ses propres conclusions n'est pas formellement organisée ni publiée.

Enfin, la Commission ne rend pas suffisamment compte de ces travaux auprès des institutions politiques nationales , ce qui limite singulièrement les débats qu'ils pourraient susciter.

Avec cette dernière observation, on touche à une autre carence intrinsèque de la gouvernance du pacte , son caractère insuffisamment démocratique . Cette lacune concerne, on l'a vu, les conditions d'élaboration de l'expertise, mais elle concerne aussi les pouvoirs politiques du Conseil . Ceux-ci sont exercés sans que les législateurs nationaux n'interviennent. Cette situation crée un sentiment d'expropriation, qui renforce les incompréhensions nationales par rapport à la gouvernance européenne.

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