ANNEXE

COUR DES COMPTES

a) COMMUNICATION A LA COMMISSION DES FINANCES DU SENAT

L'ORGANISATION ET LA GESTION DES SERVICES DECONCENTRES DU MINISTERE DE LA CULTURE

DECEMBRE 2002

13, rue Cambon 75100 PARIS SP - Téléphone : + 33.1.42.98.95.00. Télécopie : +33.1.42.60.01.59

SOMMAIRE

I.

L'APPARITION PROGRESSIVE D'UNE NOUVELLE REPARTITION DES COMPETENCES CULTURELLES ENTRE LE MINISTERE DE LA CULTURE ET LES COLLECTIVITES TERRITORIALES

34

1.

L'extension des ambitions, des moyens et des revendications culturelles des collectivités territoriales

34

2.

La généralisation des partenariats entre le ministère de la culture et les collectivités territoriales

36

2.1.

L'empilement des dispositifs contractuels de partenariat et ses effets

36

2.2.

Le cadre encore partenarial des protocoles de décentralisation et ses conséquences

40

3.

La réponse aux nouvelles demandes de transferts de compétences et de moyens par les collectivités territoriales

41

3.1.

Les compétences que l'Etat veut conserver

41

3.2.

La nature des demandes de décentralisation et des décisions déjà prises

42

 
 
 

II.

L'ADAPTATION DES SERVICES TERRITORIAUX DU MINISTERE DE LA CULTURE A CE NOUVEAU CONTEXTE

45

1.

L'adaptation de l'organisation territoriale des services du ministère aux objectifs de décentralisation et de déconcentration de l'Etat

46

1.1.

Les circonscriptions territoriales

46

1.1.1.

Les services extérieurs nationaux

46

1.1.2.

L'échelon départemental

47

1.2.

Les organigrammes des SDAP et des DRAC

50

1.3.

Les personnels des DRAC et des SDAP

53

2.

L'adaptation de la gestion territoriale déconcentrée à ce paysage culturel en redéfinition

55

2.1.

La gestion déconcentrée des crédits

55

2.2.

La gestion des activités par les services déconcentrés territoriaux du ministère de la culture

58

III.

L'ADAPTATION DES SERVICES CENTRAUX DU MINISTERE DE LA CULTURE A CE NOUVEAU CONTEXTE ET AU PILOTAGE DE LA GESTION DECONCENTREE

62

1.

L'adaptation des priorités stratégiques

62

2.

L'amélioration des instruments de pilotage, de contrôle et d'évaluation des DRAC et des SDAP

64

2.1.

L'affichage des objectifs

64

2.2.

Les organes de pilotage

65

2.3.

Les moyens d'évaluation

67

3.

La mise en cohérence de l'affectation du personnel du ministère avec l'évolution de ses compétences et la déconcentration de leur gestion

69

3.1.

La persistance d'une organisation centrale cloisonnée et non d'état-major

69

3.2.

Le faible redéploiement territorial des effectifs

70

La Cour a réalisé une étude d'ensemble de la gestion territoriale déconcentrée du ministère de la culture et de la communication.

Elle a regroupé ses constatations autour de trois thèmes : l'apparition progressive d'une nouvelle répartition des compétences entre les collectivités publiques ; les problèmes d'adaptation des services territoriaux du ministère à ce nouveau contexte ; et les difficultés de ses services centraux à piloter la gestion de ces compétences territoriales évolutives.

I. L'APPARITION PROGRESSIVE D'UNE NOUVELLE REPARTITION DES COMPETENCES CULTURELLES ENTRE LE MINISTERE DE LA CULTURE ET LES COLLECTIVITES TERRITORIALES
1. L'extension des ambitions, des moyens, et des revendications culturelles des collectivités territoriales

Lors de l'adoption des lois de décentralisation, en 1982 et 1983, les compétences culturelles n'ont pas fait l'objet d'une répartition par blocs entre les collectivités publiques. Au contraire, elles ont été traitées comme des compétences générales appartenant simultanément à toutes ces collectivités, à l'exception des domaines que l'Etat central se réservait, et des bibliothèques départementales de prêt et des archives départementales et régionales qu'il transférait aux collectivités locales à compter du 1 er janvier 1996, tout en conservant le contrôle scientifique et technique de leurs activités et la gestion des personnels scientifiques placés à leur tête.

Alors que, pendant quelques années encore, les collectivités territoriales ont continué à laisser l'Etat prendre les initiatives essentielles, elles ont depuis progressivement réinvesti le champ culturel, au point qu'aujourd'hui, elles engagent dans le domaine culturel des crédits plus de deux fois supérieurs au budget total du ministère de la culture et plus de six fois supérieurs aux crédits gérés par les directions régionales des affaires culturelles (DRAC).

Le ministère de la culture en est pleinement informé, notamment grâce à l'enquête sur les dépenses culturelles des collectivités territoriales, que le département des études et de la prospective de la direction de l'administration générale (DAG) conduit tous les 3 ans, depuis 1981. Les résultats de l'enquête menée en 1996, qui ont été publiés en octobre 2000 dans un numéro hors série de "Développement culturel", indiquent ainsi que :
- Les 22 régions, 96 départements et 841 villes de plus de 10 000 habitants étudiés ont dépensé au total pour la culture 30,3 milliards F (4,6 milliards d'euros), soit 5,4 % de leur budget total, à raison de 6,5 % de leurs dépenses de fonctionnement et de 3,2 % de leurs dépenses d'investissement.

- La répartition des rôles entre les collectivités territoriales a été essentiellement la suivante:

§ Les communes, avec 23,5 milliards F (3,6 milliards d'euros), ont surtout financé des équipements culturels de proximité : bibliothèques, écoles de musique, équipements de quartiers, centres culturels, salles de spectacle ;

§ Les départements, avec 5,1 milliards F (778 millions d'euros), ont privilégié la conservation et la diffusion culturelles, avec les archives départementales et les bibliothèques départementales de prêt, leurs dépenses étant majoritairement consacrées à la rémunération des personnels ;

§ Les régions ont affecté les 3/4 des 1,6 milliard F (244 millions d'euros) qu'elles ont consacré à la culture, d'abord à la valorisation de la production artistique, en particulier le spectacle vivant et ensuite au patrimoine et à l'animation.

- Par domaines d'activités, les priorités décroissantes ont été les suivantes :

§ La musique, l'art lyrique et la danse ont bénéficié de 6,8 milliards F (1 milliard d'euros), soit 22,6 % des crédits ;

§ Le livre et la lecture, de 4,4 milliards F (671 millions d'euros), soit 14,5 % ;

§ L'animation polyvalente, de 4,1 milliards F (625 millions d'euros), soit 13,4 % ;

§ Les arts plastiques et les métiers d'art, de 2,4 milliards F (366 millions d'euros), soit 8 % ;

§ Les monuments historiques, sites et objets mobiliers, de 1,8 milliard F (366 millions d'euros), soit 5,8 % ;

§ Les spectacles divers, de 1,8 milliard F (366 millions d'euros), soit 5,8 % ;

§ Le théâtre, de 1,3 milliard F (198 millions d'euros), soit 4,2 % ;

§ Les dépenses administratives, de 2 milliards F (305 millions d'euros), soit 6,6 % ;

§ Les 12 autres domaines répertoriés, du solde représentant quelque 20 %.

Les collectivités territoriales les plus importantes (régions, départements, métropoles, grandes villes) se sont dotées de services culturels, fréquemment étoffés et compétents, et elles développent désormais leurs propres stratégies. Parallèlement, le dispositif législatif et réglementaire destiné à favoriser différents modes de coopération entre les collectivités territoriales trouve des applications dans le secteur culturel, dont profitent notamment les communes moyennes ou petites. Ainsi, bien que la culture ne figure pas parmi les compétences obligatoires des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), l'intercommunalité culturelle est une compétence optionnelle fréquemment choisie, aussi bien pour mener des actions culturelles de mise en valeur du patrimoine, des programmes événementiels d'expositions, des festivals, ou des salons, que pour réaliser ou gérer des équipements culturels.

Le ministère a indiqué à la Cour qu'il "adhère pour l'essentiel, à cette analyse", en soulignant l'importance qu'il attache aux concours financiers que sa politique contractuelle lui permet d'obtenir des collectivités territoriales et des personnes privées. Il précise à cet égard que les fonds de concours qu'elles versent pour la réalisation de travaux sur leurs monuments historiques, dont l'Etat assume la maîtrise d'ouvrage, se sont élevés à 62,2 millions d'euros en 2001 et ont représenté 26 % des crédits alloués en loi de finances initiale à la direction de l'architecture et du patrimoine.

2. La généralisation des partenariats entre le ministère de la culture et les collectivités territoriales

Le ministère de la culture, agissant au nom de l'Etat, est effectivement confronté à la volonté croissante des collectivités territoriales d'exercer leur compétence culturelle générale et doit régler les difficultés résultant de la juxtaposition de leurs initiatives et des siennes. Il se montre parallèlement désireux de tirer parti des moyens accrus qu'elles veulent y consacrer, alors que les siens se révèlent insuffisants. Il souhaite enfin suivre leur gestion, s'assurer de l'utilisation des subventions qu'il leur alloue et conserver un contrôle scientifique sur une partie des activités et des agents.

2.1. L'empilement des dispositifs contractuels de partenariat et ses effets

Plutôt que de travailler par "blocs de compétences", le ministère de la culture a préféré généraliser les partenariats culturels, sous de multiples dénominations, considérant qu'il s'agit du mode optimal d'organisation de l'exercice des compétences culturelles respectives de l'Etat, des collectivités territoriales et des institutions et organismes qui leur sont liés : conclusion de contrats généraux, partenariat pour mettre en oeuvre la stratégie à 20 ans de l'Etat exprimée dans le schéma collectif des activités culturelles du ministère, contrats d'objectif passés avec les acteurs culturels opérationnels subventionnés, etc. Ces multiples dispositifs de partenariats sont pour partie intégrés dans des contrats de ville, d'agglomération ou de pays, dont ils constituent le volet culturel.

Une note du directeur du cabinet du ministre de la culture en date du 7 mars 2001 adressée au ministère de la réforme de l'Etat mentionne ainsi toute une série d'actions contractuelles financées sur les chapitres budgétaires 43-30 et 66-91:
- "les contrats éducatifs locaux (CEL) : activités artistiques hors temps scolaire ;

- "les plans locaux d'éducation artistique : éducation artistique en temps scolaire ;

- "les plans départementaux d'éducation artistique : éducation artistique en temps scolaire ;

- "les contrats ville-lecture : développement de la lecture publique ;

- "les relais livre en campagne : points de lecture publique en milieu rural ;

- "les conventions ville-architecture : sensibilisation à l'architecture, refonte de plans d'urbanisme, création de service municipal d'architecture ;

- "les conventions villes d'art et d'histoire : (communication sur le patrimoine d'une ville, recrutement d'animateurs du patrimoine) ;

- "les conventions CNC (centre national de la cinématographie)/départements/régions/villes : collège au cinéma, accueil de tournages en région, action un été au ciné ;

- "les conventions de développement culturel avec les départements : développement culturel en milieu rural".
Selon cette note, l'ensemble des actions en partenariat devait donner lieu, en 2001, à l'allocation de 6,5 milliards F (991 millions d'euros) de financements par le ministère de la culture, et de 12 à 13 milliards F (1,8 à 2 milliards d'euros) de cofinancements par les collectivités territoriales. La part de l'Etat devait provenir à raison d'environ 5 milliards F (762 millions d'euros) du titre IV, et d'environ 1 à 1,5 milliard F (152 à 229 millions d'euros) des titres V (travaux sur monuments historiques en maîtrise d'ouvrage de l'Etat) et VI (travaux sur monuments historiques n'appartenant pas à l'Etat et en maîtrise d'ouvrage du propriétaire)

Cet effort pour organiser un partenariat cohérent et efficace se heurte à trois difficultés majeures : l'empilement des relations contractuelles les rend de moins en moins intelligibles et gérables ; les moyens humains et financiers des services territoriaux ne paraissent pas compatibles avec le montage et le suivi effectif de ce foisonnement de contrats ; le décalage se révèle significatif entre les engagements généraux adoptés et les conséquences pratiques qu'en tirent les partenaires locaux.

Ayant été dans une très large mesure à l'origine de cette adjonction continuelle de nouveaux dispositifs, le ministère de la culture reconnaît que certaines DRAC ont été conduites "à réduire la multiplicité des dispositifs contractuels existants par l'articulation des contrats entre eux, en intégrant notamment des domaines thématiques - ville-lecture, ville ou pays d'art et d'histoire, CEL, - dans les contrats territoriaux plus structurants (contrats de ville, contrats d'agglomération, etc.)". Elles ne font d'ailleurs que se conformer à une circulaire conjointe des ministres de la culture et de la ville, en date du 19 juin 2000, appelant à intégrer "les procédures contractuelles existantes - charte des missions de service public, contrat ville lecture, convention ville cinéma, convention ville et pays d'art et d'histoire, convention de ville pour l'architecture et le patrimoine - ... dans un programme culture pour la ville - cultures de la ville, qui constitue le volet culturel du contrat de ville".

Comme l'indique la DRAC de la région Centre dans son bilan annuel, "la multiplication des procédures de contractualisation avec les collectivités ... (est bien) l'une des difficultés (majeures et qui) ... ne facilite pas la lisibilité de l'intervention de l'Etat en région". Jugement confirmé par l'inspection générale de l'administration des affaires culturelles (IGAAC), qui a constaté qu' "il n'existe pas à la DRAC de document de synthèse ... concernant ... (ces documents, alors qu'ils correspondent) à des engagements pluriannuels de l'Etat ...(et donc de) vision globale et prospective de cet ensemble : les documents fournis l'ont été sous leur forme brute, de façon partielle et pour tout dire peu utilisable".

La Cour a effectivement constaté que les effectifs de ces services ne leur permettent pas de disposer du temps nécessaire pour examiner tous les projets, formaliser contractuellement le partage de leur prise en charge, participer aux réunions de concertation destinées à en assurer la mise en oeuvre, et plus encore pour contrôler et évaluer l'utilisation effective des fonds alloués.

L'attitude des collectivités territoriales est par ailleurs variable et ambiguë. Certes, comme le dit la délégation au développement et à l'action territoriale (DDAT), nombre de ces collectivités "expriment globalement une demande croissante à l'égard de l'Etat, d'expertise, de conseil, d'accompagnement, de structuration de la vie culturelle". Mais, les partenaires, qu'ils soient régions, départements, regroupements intercommunaux, communes, ou acteurs culturels directs, comme les associations, les institutions, les artistes et créateurs, ne se montrent pas nécessairement disposés à inclure et encore moins à respecter les contraintes et les contrôles dont l'Etat veut assortir ses concours. Ainsi, les décalages peuvent être importants entre les objectifs convenus ou les projets annoncés dans les accords de partenariat et les réalisations effectives. La DDAT signale ainsi les "difficultés rappelées à plusieurs reprises par les DRAC : faiblesse de l'engagement des départements, relations parfois tendues avec certains conseils régionaux, prise en compte variable de la culture dans les structures intercommunales".

Si les collectivités territoriales sont particulièrement intéressées par les actions patrimoniales, elles souhaitent aussi les diriger. Ainsi, préfèrent-elles, les ZPPAUP (zones de protection du patrimoine urbain et paysager) aux SSMV (secteurs sauvegardés et de mise en valeur) car les procédures applicables sont moins contraignantes ; les opérations financées sur la dotation globale d'équipement plutôt que sur les crédits du PRNP (patrimoine rural non protégé) car les crédits de l'Etat sont alors deux à trois fois plus importants et l'avis de l'ABF (architecte des bâtiments de France) sur les travaux n'est pas obligatoire.

De façon générale, toutes les DRAC soulignent qu'elles sont tributaires de la réceptivité dont font preuve les collectivités territoriales, voire les préfets de département, à l'égard de leurs propositions et il semble que nombre de collectivités seraient prêtes à se passer de l'Etat, dès lors qu'elles disposeraient de ressources financières autonomes suffisantes pour renforcer leur personnel en agents compétents et pour financer leurs projets.

Le choix fait par le ministère de la culture de systématiser les partenariats avec les collectivités territoriales pour éviter que les projets se concurrencent et bénéficier du renfort de moyens qu'elles apportent oblige en contrepartie à tenir compte des responsabilités et des voeux de chaque partenaire. Cette obligation a pour effet d'allonger les délais, d'imposer de tenir en parallèle des dossiers similaires dans plusieurs services, de renchérir les coûts de revient. Plus encore, du fait du mélange des responsabilités et des objectifs, il devient très difficile de déterminer précisément la part qui revient à chaque partenaire dans l'exécution des opérations conjointes et dans les résultats obtenus.

Dans sa note de synthèse des conférences de bilan de juillet 2001, la DDAT signalait que le ministère rencontrait également des difficultés avec les institutions culturelles, pour mettre en place sa stratégie de systématisation des conventionnements : "Les contrats d'objectifs liés à l'application des chartes de mission de service public se heurtent à des réticences de la part de certains établissements, parmi les plus importants. De même le caractère pluriannuel des conventions contribue à limiter les capacités de redéploiement".

Est ce pour tenir compte de toutes ces contradictions qu'un nouveau cadre juridique a été imaginé, qui se rattache toujours à la conception partenariale de l'exercice des compétences, mais tente de renforcer le rôle des collectivités territoriales autour de chefs de file ? Tel paraît être le sens de la loi du 4 janvier 2002, qui a prévu, que, par arrêté des préfets de département et à la demande des collectivités territoriales, puissent être créés des établissements publics de coopération culturelle (EPCC), dotés du statut d'établissement public administratif (EPA) ou d'établissement public industriel ou commercial (EPIC), l'Etat ayant ou non le statut de membre, mais sans qu'ils lui soient pour autant rattachés. Cette novation paraît toutefois déjà inquiéter de nombreux acteurs culturels, particulièrement dans le domaine du théâtre et des spectacles vivants, qui critiquent la tutelle de l'Etat, mais la préfèrent finalement à celle, plus astreignante, des collectivités territoriales qui pour l'essentiel les font vivre. Ainsi, la directrice d'une scène nationale regrettait récemment que les élus locaux "finançant en moyenne 70 % des budgets des scènes nationales contre 30 % pour l'Etat, et donc payeurs majoritaires, ... veu(il)lent être les décideurs et se passer des bons conseilleurs".

Alors que se multiplient les contestations sur les conditions dans lesquelles se constituent et fonctionnent les partenariats entre collectivités publiques, il y a lieu de se demander si le recours généralisé aux partenariats culturels avec les collectivités territoriales n'est pas un compromis temporaire dans l'attente de nouvelles étapes en matière de décentralisation dans le domaine culturel, auxquelles diverses initiatives récentes, de portée différente, ont ouvert la voie.

C'est ce que semble admettre le ministère, lorsqu'il répond qu' "en l'état actuel du droit et dans l'attente de nouveaux développements de la décentralisation, il était difficile de raisonner par blocs de compétences ...même si certains effets de ce partenariat peuvent faire l'objet d'appréciations contrastées. Dès à présent et dans la perspective de la décentralisation, les politiques partenariales avec les collectivités locales font l'objet d'une attention particulière et visent à préparer une nouvelle étape de transferts de compétences ".

2.2. Le cadre encore partenarial des protocoles de décentralisation et ses conséquences

Une initiative engagée en région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) a été étendue et explicitée par un document cadre publié en décembre 2000. Il s'agit d'expérimenter des transferts de compétences, tout en les inscrivant dans la logique des partenariats, par la conclusion de protocoles de décentralisation culturelle. L'objectif est d' "entreprendre des expérimentations, qui devraient préfigurer les nouvelles responsabilités et compétences respectives de l'Etat et des collectivités territoriales".



Le ministre de la culture a ainsi demandé aux préfets compétents à l'égard de huit sites-tests de négocier et expérimenter sur trois ans des protocoles de décentralisation dans deux domaines : celui du patrimoine et celui des enseignements artistiques. Une enveloppe spécifique d'appui de 15 MF a été prévue. Le document cadre affiche clairement l'intention de remédier aux inadaptations résultant de "l'interpénétration des politiques avec des répartitions diverses des responsabilités" et l'objectif de "clarifier le partage des compétences entre les collectivités, en identifiant mieux chacun des niveaux de responsabilité" afin de permettre "à chaque partenaire de remplir des missions mieux identifiées, plus larges, mieux adaptées aux besoins de la population". Il poursuit ainsi : "Le rôle de l'Etat sera précisé dans sa capacité à élaborer et impulser les objectifs communs, à faciliter la complémentarité des collectivités, à veiller à la répartition de manière équitable des ressources et services culturels sur les territoires et dans sa compétence à assurer un contrôle pédagogique, technique et scientifique". "Les collectivités définiront elles-mêmes, avec l'appui de l'Etat, les fonctions de chef de file" et "le choix du chef de file devra être justifié en terme d'objectifs-orientations-, et de fonctions-pilotage, coordination-, et selon le niveau territorial le mieux placé". "Ces expérimentations feront...l'objet d'une évaluation quasiment en temps réel par le groupe national de suivi".

Les huit sites choisis concernent cinq régions (Lorraine, PACA, et Aquitaine pour le patrimoine ; Nord-Pas de Calais et Pays de Loire, pour les enseignements artistiques) et trois départements (Isère, Lozère et Seine-Saint-Denis, pour le patrimoine). L'importance de ces protocoles tient autant à leurs dispositions qu'à leurs potentialités. La DDAT, dans sa plaquette sur les protocoles de décentralisation culturelle, souligne ainsi à propos du protocole relatif à la région PACA qu'il "est le seul à traiter des monuments inscrits, à l'échelle régionale" et que le conseil régional "pourrait devenir à moyen terme, pleinement responsable de la politique de restauration et de mise en valeur, et se doter d'une capacité technique d'intervention au profit des propriétaires", perspective difficilement compatible avec l'organisation actuelle de la conservation du patrimoine (infra).

Les protocoles de décentralisation, conçus et mis en oeuvre à législation inchangée, restent donc dans une logique contractuelle de partenariat, puisqu'ils s'inscrivent dans le processus de conclusion de contrats territoriaux. Mais les collectivités territoriales en sont les chefs de file et ils portent en germe selon toute vraisemblance de nouveaux développements.

En réponse à la Cour, qui souhaitait connaître à mi parcours de la mise en oeuvre de ces protocoles, l'évaluation que le ministère de la culture fait de leur application, celui-ci a répondu que : "il est prématuré à ce stade de dresser un bilan, même si (le suivi a) ... déjà permis d'ébaucher une cartographie des structures et des emplois relevant de chacun des échelons considérés. Pour les protocoles amorcés en 2001, l'année 2003 permettra de préciser les conditions d'exercice des responsabilités respectives des signataires et de s'engager dans des dévolutions expérimentales de crédits. De nouveaux champs feront l'objet de protocoles expérimentaux en 2003 - fonds régionaux d'acquisition et de restauration des musées et des bibliothèques - . En tout état de cause, cette démarche doit s'inscrire désormais dans l'optique d'une décentralisation beaucoup plus large souhaitée par le Gouvernement et alimente les réflexions conduites à cet effet. Le ministère a engagé une démarche expérimentale en Lorraine et Midi-Pyrénées afin de dresser un état des lieux exhaustif de l'exercice des compétences culturelles dans chacune de ces deux régions et définir ainsi des ensembles de responsabilités à répartir entre collectivités".

3. La réponse aux nouvelles demandes de transferts de compétences et de moyens par les collectivités territoriales

Plusieurs évolutions récentes manifestent, en effet, que ni les collectivités locales, ni le Parlement, ni le Gouvernement ne veulent en rester là et la réponse faite à la Cour par le ministère de la culture montre qu'il prépare, dans le cadre du mouvement de décentralisation annoncé, des propositions relatives aux responsabilités culturelles respectives de l'Etat et des collectivités territoriales.

3.1. Les compétences que l'Etat veut conserver
Dans sa réponse, en date du 7 mars 2001, au ministère de la réforme de l'Etat, sur les suites données au comité interministériel de réforme de l'Etat (CIRE) du 12 octobre 2000 à propos du "partage des compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales", le directeur du cabinet du ministre de la culture de l'époque définissait ainsi les domaines dans lesquels "en matière culturelle et artistique, l'Etat exerce une compétence non partagée" :
- "la délivrance des diplômes d'enseignement supérieur,

- "le classement des établissements d'enseignement spécialisé,

- "la protection du patrimoine immobilier, mobilier, archéologique,

- "l'autorisation -sauf en Corse- de travaux affectant le patrimoine protégé ou ses abords ou susceptibles de porter atteinte aux archives du sol,

- "le contrôle scientifique des services d'archives départementaux et municipaux, des bibliothèques et des musées",

- "les établissements publics sous tutelle du ministère qui ...assurent un service direct aux usagers".
De façon plus générale, le ministère de la culture a semblé jusqu'à présent considérer que l'Etat est fondé à intervenir, quelles que soient les compétences attribuées aux collectivités territoriales, à chaque fois que doivent être garanties l'égalité et la solidarité culturelles entre les différents territoires, et la qualité scientifique et artistique des agents, des projets, des réalisations ou des formations supérieures. Il s'est ainsi réservé en pratique la faculté d'interférer dans tous les domaines culturels, qu'il s'agisse de gestion, de contrôle, ou de tutelle.

C'est donc à faire éventuellement évoluer le champ des compétences exclusives de l'Etat et celui des responsabilités qu'il partage avec les collectivités territoriales, que s'attachent les réflexions et expérimentations en cours. En toute hypothèse, la connaissance du contenu et des limites des compétences que l'Etat aura à gérer, devrait être le préalable logique à l'adaptation de l'organisation et des moyens de fonctionnement des services centraux et territoriaux du ministère de la culture à leur gestion déconcentrée. Si la nécessité et l'urgence de cette réorganisation sont reconnues, des solutions différentes sont susceptibles d'être retenues, qui dépendent en partie de l'arbitrage qui sera rendu sur les compétences que l'Etat voudra se réserver et sur le niveau territorial auquel il voudra les exercer. Sont particulièrement en cause: les activités qui concernent directement le patrimoine de l'Etat ou ses pouvoirs propres de régulation ; celles qui correspondent à des priorités culturelles nationales ; et celles pour la réalisation desquelles l'Etat contrôle l'essentiel des moyens.
3.2. La nature des demandes de décentralisation et des décisions déjà prises
Les mesures les plus significatives de décentralisation des compétences de l'Etat dans le domaine culturel ont d'abord concerné la Corse.

Dès 1991, avec la loi portant statut particulier de la collectivité territoriale de Corse (CTC), des transferts de compétences culturelles spécifiques, à la fois significatifs mais paradoxaux et ambigus, ont été opérés. Notamment, la CTC s'est vu attribuer une partie des compétences relevant jusque là de l'Etat à l'égard des monuments historiques n'appartenant pas à l'Etat. Elle a d'ailleurs engagé un architecte diplômé du Centre de Chaillot pour surveiller l'état sanitaire de ce patrimoine et celui du patrimoine non protégé. Puis, la nouvelle loi sur la Corse du 22 janvier 2002 a accentué ces transferts.

La Cour a donc demandé au ministère de la culture, après une décennie d'application de la loi de 1991 et quelques mois de mise en oeuvre de celle adoptée cette année, quel bilan il en a tiré, en particulier pour : la protection du patrimoine monumental, la prise en charge financière des dépenses correspondantes et notamment le désengagement corrélatif du budget de l'Etat, la conduite de la maîtrise d'ouvrage et de la maîtrise d'oeuvre, les conditions d'intervention des architectes en chef des monuments historiques, des vérificateurs des monuments historiques et des architectes des bâtiments de France.

Dans sa réponse sur les compétences culturelles en Corse, le ministère rappelle d'abord, que "la collectivité territoriale de Corse (CTC) s'est vue, par (la loi de 1991) confier les crédits et la programmation des travaux sur les monuments historiques n'appartenant pas à l'Etat. la loi de 1991 ne remettant pas en cause les dispositions de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques, l'Etat a conservé le pouvoir de protection (classement et inscription) ainsi que le contrôle des travaux (autorisations)". Il admet toutefois que dans le cadre de cette loi, "les prérogatives de classement n'ont en réalité pu être exercées ...en raison de la difficulté pratique - et politique - que constituait la désignation et la réunion des membres du conseil des sites, qui exerce en Corse les compétences (de la) CRPS (commission régionale du patrimoine et des sites)". Il informe qu'il a pu être mis fin à cette situation "dans le cadre de la mise en oeuvre du nouveau statut issu de la loi du 22 janvier 2002, (puisque) la composition du conseil des sites de Corse a été remanié de façon à faciliter l'exercice effectif des compétences cumulées qu'il exerce en matière de protection du patrimoine et (de) l'environnement, ainsi que de classement des stations touristiques (décret du 3 mai 2002)".

Par ailleurs, le ministère souligne que : "la décentralisation des crédits ainsi que les transferts de propriété de monuments historiques appartenant à l'Etat opérés par la loi du 22 janvier 2002 ont de nouveau posé la question des conditions d'intervention des architectes des monuments historiques ainsi que celle de architectes des bâtiments de France pour les travaux d'entretien. Les textes d'application nécessaires à la prise en compte de cette modification sont en cours d'élaboration".

La Cour conclut de cette réponse que les mesures de décentralisation instituées en Corse soulèvent des problèmes d'adaptation des réglementations, qui ne se limitent pas aux seules conditions d'exercice des professions mentionnées, mais portent sur des aspects fondamentaux des règles d'application de la loi du 31 décembre 1913.

Par exemple, elles créent un contexte complètement nouveau pour l'application de l'interprétation extensive, constamment donnée mais aujourd'hui controversée, de l'article 11 du décret du 18 mars 1924, selon laquelle, l'Etat se voit automatiquement conférer la maîtrise d'ouvrage exclusive des travaux sur des monuments historiques qui appartiennent à des collectivités territoriales ou à des personnes privées, dès lors qu'il accorde une aide financière, aussi minime soit-elle, pour leur réalisation. Désormais, un raisonnement a contrario conduit logiquement à dire, qu'à chaque fois que, à la suite de transferts de compétences aux collectivités territoriales ou/et de la cession par l'Etat de la propriété de certains de ses monuments, il renonce à apporter un financement et laisse les collectivités territoriales se substituer à lui, il n'a plus vocation à en assurer la maîtrise d'ouvrage. Et c'est précisément cette conséquence majeure qui en entraîne d'autres, dont celles que le ministère évoque de façon allusive : la perspective d'une réduction du champ du monopole des architectes en chef des monuments historiques (ACMH) en matière de maîtrise d'oeuvre, puisque ce monopole est subordonné à l'exercice de la maîtrise d'ouvrage par l'Etat ; la perspective pour les architectes des bâtiments de France (ABF) de perdre leur compétence exclusive pour déterminer et diriger les travaux d'entretien et de réparation ordinaire des monuments historiques classés, puisque cette compétence est également conditionnée par la détention de la maîtrise d'ouvrage par l'Etat et l'octroi de ses aides financières.

Le dispositif adopté pour la Corse permet donc de prendre la mesure des difficultés liées à l'adoption de mesures de décentralisation dans des domaines aussi réglementés que celui des édifices classés.

Une même constatation peut être formulée à propos de l'initiative prise par les parlementaires, au cours des débats ayant conduit à la loi relative à la démocratie de proximité du 27 février 2002, et qui a abouti à transférer aux collectivités territoriales certaines compétences culturelles de l'Etat.

La loi de février 2002 fait en effet surgir des problèmes similaires dans divers domaines. Les dispositions concernées, qui figurent aux articles 111 à 114, portent sur le patrimoine et touchent aux compétences des architectes des bâtiments de France, de la conservation régionale des monuments historiques, du conseiller architecture régional, du service régional de l'inventaire et du service régional de l'archéologie. Certes en matière de conservation patrimoniale, elles réservent une possibilité ultime d'arbitrage au préfet de région, mais les réductions des compétences de l'Etat sur le patrimoine monumental sont néanmoins essentielles, en matière d'inventaire, d'instruction du classement, d'inscription à l'inventaire supplémentaire, d'autorisation de travaux sur les immeubles inscrits ou dans les abords.

Il s'agit certes d'un dispositif expérimental. Mais l'article 114 dispose qu' "à l'issue de la deuxième année suivant l'entrée en vigueur de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement, chaque année pendant 5 ans, un rapport établissant le bilan, d'une part, des transferts de personnels et de ressources aux collectivités territoriales réalisées dans le cadre des nouvelles compétences transférées, d'autre part, de la réorganisation des services déconcentrés de l'Etat". Le Parlement attend donc des suites concrètes en matière d'octroi de moyens aux collectivités locales et de réduction corrélative de ceux des services territoriaux de l'Etat.

Un processus majeur de transfert de compétences culturelles de l'Etat vers les collectivités territoriales paraît donc enclenché, auquel le ministère, lors des débats parlementaires, n'avait pas paru s'être préparé autrement que par la généralisation des partenariats, y compris sous la forme des protocoles de décentralisation. La Cour a donc demandé au ministère s'il entend infléchir sa stratégie vers la constitution de blocs de compétences culturelles.

Le ministère a répondu qu'il "a procédé ces derniers mois, comme l'ensemble des départements ministériels, à une réflexion très complète sur les orientations et les modalités d'une nouvelle étape de la décentralisation...S'agissant du patrimoine, un rapport d'analyse a été demandé à une commission...Ce rapport a été remis le 20 novembre et fait actuellement l'objet d'un examen par le ministère en vue de déterminer les suites à lui apporter".

D'ores et déjà, et "conformément à la demande du Premier ministre, le ministre de la culture et de la communication a présenté au Gouvernement des premières propositions, allant dans le sens d'une clarification des compétences respectives de l'Etat et des différentes collectivités territoriales, et d'un renforcement très significatif du rôle de celles-ci. Ces propositions concernent les secteurs patrimoniaux et les enseignements artistiques".

Dans sa réponse, le ministère avait auparavant fait observer que "la mise en oeuvre de la loi démocratie de proximité suscite de nombreuses interrogations qui semblent avoir incité les collectivités territoriales à une certaine prudence : aucune demande d'expérimentation n'a été officiellement présentée au ministère sur le fondement de cet article. L'absence de débat public sur le contenu de cet article (l'article 111) en rend l'interprétation malaisée notamment s'agissant du transfert de la compétence d'inscription à l'inventaire des monuments historiques et (des) conséquences quant au principe de libre administration des collectivités territoriales".
II. L'ADAPTATION DES SERVICES TERRITORIAUX DU MINISTERE DE LA CULTURE A CE NOUVEAU CONTEXTE
Alors que la redéfinition des compétences culturelles de l'Etat et de leurs conditions d'exercice fait donc actuellement l'objet d'expérimentations, le ministère de la culture est encore loin d'avoir achevé la mise en place d'une organisation territoriale déconcentrée et unifiée, respectant pleinement les objectifs fixés dans les lois de 1982 et 1983 relatives à la décentralisation et à la déconcentration et dans la Charte de la déconcentration des services de l'Etat de 1992. En effet, des aspects essentiels de son organisation territoriale restent à définir et à mettre en place et la gestion territoriale déconcentrée de ses crédits comme de ses activités connaît de sérieuses limites.

1. L'adaptation de l'organisation territoriale des services du ministère aux objectifs de décentralisation et de déconcentration de l'Etat

La lenteur avec laquelle ont été mises en place les DRAC et les faiblesses qui caractérisent leur structuration constituent encore aujourd'hui un frein essentiel à l'achèvement de la déconcentration territoriale du ministère de la culture. Ces constatations valent pour le choix des circonscriptions territoriales, comme pour l'organisation des services ou l'affectation des personnels.
1.1. Les circonscriptions territoriales
Pour mettre en oeuvre la déconcentration, le ministère de la culture a choisi de faire de la région son échelon territorial de gestion de droit commun. Les directeurs des DRAC étaient donc appelés à acquérir une large autonomie pour gérer dans leur région l'application de l'ensemble des objectifs stratégiques nationaux fixés par les services centraux. Ce choix régional avait pu être fait d'autant plus aisément que, à l'époque, les services départementaux de l'architecture étaient rattachés au ministère de l'équipement. Or, il apparaît de plus en plus mis en cause tant par la multiplication des services extérieurs nationaux que par le maintien à l'échelon départemental de la gestion d'activités importantes du ministère de la culture.

1.1.1. Les services extérieurs nationaux

Les directeurs des DRAC ne disposent d'aucune autorité hiérarchique, de tutelle, ou de coordination à l'égard des services extérieurs nationaux du ministère dotés d'un statut de service à compétence nationale ou d'établissement public, qui interviennent ou sont implantés dans leurs régions. Or ces entités largement ou totalement autonomes ont tendance à se multiplier, et les activités correspondantes échappent à la déconcentration territoriale placée sous la responsabilité des directeurs des DRAC et des préfets de région.

La déconcentration fonctionnelle au profit des services à compétence nationale (30 musées nationaux, service national des travaux, etc.) et la décentralisation fonctionnelle au profit des établissements publics administratifs ou industriels et commerciaux se surajoutent désormais à la déconcentration territoriale. Ces organismes prennent ainsi la responsabilité d'un site, (musée, monument historique, ou théâtre) ou d'un ensemble de sites, à l'égard desquels ils exercent une compétence spécifique ou générale (Réunion des musées nationaux, Centre des monuments nationaux (CMN), Etablissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels, etc.).

Cette coexistence d'organismes nationaux et de services territoriaux caractérise évidemment au premier chef l'Ile de France, mais elle concerne aussi la plupart des régions. La région PACA en est un bon exemple, puisque la DRAC et les SDAP y côtoient pas moins de 39 services et établissements du ministère de la culture, dont des services à compétence nationale (3 musées nationaux, le département des recherches archéologiques sous-marines et subaquatiques, les centres des archives nationales d'Aix en Provence et d'Espeyran) et des monuments historiques de l'Etat gérés par le CMN ou par les services de l'archéologie, voire par le centre (partenarial) interrégional de conservation et de restauration du patrimoine.

Dans son rapport annuel pour 1999, l'IGAAC avait souligné que le cumul de la déconcentration administrative et de la déconcentration fonctionnelle obligeait à s'assurer "de l'élaboration et du maintien d'une unité de doctrine, de méthodes et de procédures pour l'ensemble des actions du ministère".

La Cour a donc interrogé le ministère sur la stratégie qu'il poursuit dans ce domaine, puisque le développement de la déconcentration et la décentralisation fonctionnelles affectent à l'évidence le rôle et les responsabilités des DRAC, dont les dirigeants sont pourtant censés représenter l'ensemble du ministère dans ces régions.

En réponse, le ministère n'a pas nié la réalité de ces problèmes, tout en en réduisant la portée et en affirmant ne pas être en contradiction avec la charte de déconcentration. Il a toutefois annoncé l'étude de plusieurs mesures :

"Les directeurs régionaux des affaires culturelles n'ont certes pas d'autorité hiérarchique sur les dirigeants des services à compétence nationale (SCN) ou des établissements publics, et il peut en résulter certaines difficultés dans la mise en oeuvre de la politique du ministère en région ... Afin d'y remédier, le ministère s'oriente vers une plus grande formalisation des objectifs assignés aux établissements publics et aux SCN, tant au plan national qu'au plan local. La nécessaire contribution des établissements publics à l'action territoriale du ministère a été récemment rappelée par le ministre et constituera désormais un volet important de tout contrat d'objectifs et de moyens signé avec les établissements. Au delà du seul cas des établissements, une orientation à approfondir pourrait être de confier aux DRAC une mission de coordination passant en particulier par l'élaboration d'un document stratégique pluriannuel concernant l'ensemble des services du ministère au sein d'une même région".

1.1.2. L'échelon départemental

Bien que la région soit la circonscription territoriale adoptée par le ministère de la culture pour organiser la déconcentration territoriale de ses services et conduire ses politiques de développement culturel, le département continue de jouer un rôle très important pour quatre raisons.


C'est d'abord à ce niveau que sont implantés des services essentiels : les services départementaux de l'architecture et du patrimoine (SDAP), qui, limités à l'architecture, ont relevé entre 1977 et 1996 du ministère de l'équipement et non de la culture. Le directeur du cabinet du ministre de la culture, dans sa réponse du 7 mars 2001 au ministre de la réforme de l'Etat, soulignait que "le lien existant entre DRAC et SDAP n'est pas de subordination mais de coordination et de complémentarité". De fait, les SDAP s'attachent à conserver un rattachement exclusif à l'administration centrale et aux préfets de département, et à éviter l'instauration d'un lien de dépendance à l'égard des DRAC.

C'est aussi à ce niveau qu'une partie des agents régionaux de la DRAC exercent de façon opérationnelle leurs activités, en raison de leur objet, de leur localisation, et des interlocuteurs de proximité auxquels ils s'adressent en partenariat ou en exécution : agents des services régionaux de l'inventaire (SRI) et des services régionaux de l'archéologie (SRA), mais aussi certains conseillers culturels de la DRAC en raison de la territorialisation croissante des politiques culturelles.

C'est également au niveau départemental que plusieurs autres ministères ou partenaires réguliers du ministère de la culture exercent des activités recoupant les siennes : directions départementales de l'équipement (DDE), directions départementales de la jeunesse et des sports (DDJS), directions départementales de l'agriculture (DDA), inspecteurs des sites des directions régionales de l'environnement (DIREN), mais aussi des associations liées au ministère comme les associations départementales pour la danse et la musique (ADDM), etc.

C'est, enfin, à ce niveau qu'ont été décentralisées des compétences culturelles à l'égard desquelles le ministère exerce encore un rôle, en assurant leur contrôle scientifique et le recrutement de leurs personnels d'encadrement : les services départementaux des archives et les bibliothèques départementales de prêt.

Dans ses synthèses des conférences de bilan des DRAC, la délégation au développement et à l'action territoriale (DDAT) reconnaît l'importance des activités culturelles de l'Etat assurées à l'échelon départemental, notamment "par la mise en place des nouveaux contrats territoriaux, des plans départementaux de développement de la lecture, des CEL, de réseaux, des plans d'éducation artistique et culturelle et de certains protocoles expérimentaux de décentralisation culturelle". Elle souligne qu'en Aquitaine, la DRAC compte en son sein cinq coordinateurs de l'action départementale et qu'en Ile de France ...des responsables départementaux du développement culturel ont également été désignés".


Certains en déduisent qu'il conviendrait de réduire le nombre de cas nécessitant une coordination en transformant les SDAP en pôles départementaux de l'architecture et du patrimoine (qui reprendraient aux DRAC la gestion des crédits de travaux relevant des compétences des ABF et resteraient sous l'autorité des préfets de département). D'autres préconisent une solution inverse, consistant à mieux intégrer les SDAP dans le dispositif territorial dirigé par les directeurs des DRAC et à utiliser leur implantation départementale chaque fois que nécessaire pour la mise en oeuvre de toutes les politiques territoriales culturelles. D'autres encore relèvent que 25 pôles départementaux interministériels de compétences à dominante culturelle existent déjà et suggèrent que les DRAC s'appuient sur de tels relais départementaux interministériels, pôles de compétences, voire délégations inter-services, que les préfets peuvent créer sur la base du décret du 20 octobre 1999.

Ces réflexions évoquées dans plusieurs notes de synthèse et comptes-rendus de contrôle et d'audit ont conduit la Cour à demander au ministère de la culture l'option qu'il envisage de prendre pour l'adaptation de son organisation territoriale.

Celui-ci a longuement répondu, en énumérant d'abord tous les dispositifs mis en place pour assurer l'ancrage des SDAP au ministère : en administration centrale, suivi mensuel régulier et précis des SDAP par la mission des services déconcentrés créée au sein de la direction de l'architecture et du patrimoine, organisation par cette direction de deux réunions des chefs de service par an et de trois réunions inter-régionales de l'ensemble des ABF et des architectes oeuvrant en SDAP, "priorité donnée par le ministère à un renforcement des moyens des SDAP" ; en région, "conférences régionales de l'architecture et du patrimoine (CRAP) et dans certaines régions, ...commissions départementales qui ont pour objet de coordonner les actions menées par les DRAC et les SDAP et sont présidées par les directeurs régionaux des affaires culturelles" et "développement des échanges et ...animation du réseau constitué par les SDAP, les conseillers pour l'architecture et les architectes conseils, tant au niveau régional que départemental".

Puis, il a souligné que "si les matières patrimoniales (archéologie, inventaire, monuments historiques) et architecturales se traitent déjà à l'échelon départemental, toutes les attributions culturelles ne trouvent pas leur pertinence à ce niveau au regard, en particulier, des compétences exercées par les conseils régionaux ou par les conseils généraux. L'organisation du travail par département, largement pratiquée au sein des DRAC, n'implique pas pour autant une implantation départementale, qui risquerait d'être impossible à mettre en oeuvre sans un renforcement très substantiel en effectifs et en moyens budgétaires."

Cependant, le ministère a reconnu que l' "amélioration des liens entre les DRAC et les SDAP n'est pas achevée (et qu') elle nécessite en particulier, pour ce qui concerne les compétences en matière d'architecture que le décret relatif aux attributions des directions régionales des affaires culturelles soit modifié. Cette modification est subordonnée à la parution préalable d'un texte réglementaire concernant les DIREN qui devrait bientôt intervenir".

Il a également admis qu' "à l'occasion d'une réorganisation dictée par des mesures de décentralisation, l'articulation entre DRAC et SDAP sera précisée. La constitution d'un service régional de l'architecture et du patrimoine au sein des DRAC avec des subdivisions départementales pourrait être envisagée sur un mode transversal (documentation, protection, travaux). La direction pourrait en être confiée à des conservateurs aussi bien qu'à des ABF. Cette hypothèse faciliterait l'articulation entre les échelons territoriaux et les compétences respectivement exercées".

Et il a logiquement conclu qu' "il apparaît difficile de se prononcer sur une éventuelle évolution de l'organisation territoriale du ministère et des rapports entre échelons régional et départemental indépendamment des décisions qui interviendront en matière de décentralisation".
1.2. Les organigrammes des SDAP et des DRAC
La création des services territoriaux du ministère de la culture s'est échelonnée sur une vingtaine d'années et il a fallu autant de temps pour imposer la reconnaissance de la fonction de directeur régional des affaires culturelles, sinon de son autorité. Cette seule durée est révélatrice des obstacles qu'il a fallu surmonter, dont certains subsistent, comme le montre l'analyse de l'organisation des SDAP et des DRAC.

Les SDAP établissent rarement des organigrammes. Disposant pour la plupart d'effectifs très faibles, ils répartissent en général les tâches entre les agents techniques sur une base géographique et entre les agents administratifs à partir de critères fonctionnels. L'IGAAC signale l'insuffisance fréquente d'encadrement des agents par les ABF, chefs de SDAP, que dans sa réponse le ministère attribue "plus (à) leur charge de travail et (à) une culture managériale imparfaite que (à) l'absence d'organigramme publié".

Plusieurs raisons expliquent que les organigrammes des DRAC soient encore aujourd'hui disparates :
- Il est dans la logique de la déconcentration que les directions régionales adaptent leur organigramme à leurs moyens, leurs besoins, leurs objectifs culturels régionaux prioritaires et leur environnement.

- La compétence pour organiser les services et répartir les agents au sein de la DRAC appartient juridiquement au préfet de région et non au directeur de la DRAC.

- L'organigramme type proposé en 1986/87 par le ministère a rarement été mis en oeuvre et est maintenant abandonné.

- Les nouveaux principes d' "organisation du travail dans les DRAC" n'ont été fixés que récemment dans une circulaire du ministre de la culture aux préfets de région en date du 13 février 2001.
Ce qui en revanche s'explique moins est l'impossibilité dans laquelle se trouvent la plupart des directeurs de DRAC de mettre en place une structuration simple, fonctionnelle et hiérarchisée, regroupant toutes les disciplines et activités qui relèvent d'eux en quelques grandes fonctions, placées sous l'autorité d'un ou de deux adjoints.

C'est vraisemblablement ce constat qui a conduit le ministre de la culture à adresser en février 2001 cette nouvelle circulaire, visant à promouvoir la constitution dans chaque DRAC de quatre pôles destinés à coordonner respectivement : les politiques culturelles et interministérielles ; l'administration générale ; l'information et la documentation ; et enfin les services de l'architecture et du patrimoine. Cette circulaire demandait à chaque directeur de DRAC de communiquer au ministre, sous couvert du préfet de région, avant la fin de l'année 2001, un organigramme prenant en compte ces orientations de principe, tout en les adaptant aux situations régionales. En fait, seules de très rares DRAC ont pu établir leur nouvel organigramme, tant les directeurs doivent surmonter d'oppositions avant de pouvoir le présenter en comité technique paritaire régional. Les particularismes sectoriels restent considérables et parfois irréductibles et la certitude, exprimée clairement bien qu'en termes prudents par la circulaire, que certaines évolutions sont inévitables ne paraît pas suffire.


Certes dans sa note de synthèse des conférences de bilan des DRAC de juillet 2001, la DDAT affirme que "dans la plupart des DRAC, les responsables de la coordination administrative et de la coordination intersectorielle auprès du directeur sont désormais bien identifiés" et que "la coordination des services patrimoniaux ... s'améliore par la tenue des conférences régionales des services de l'architecture et du patrimoine, quelquefois relayées au niveau départemental par des conférences départementales, qui permettent de renforcer la cohérence DRAC / SDAP...". Mais elle ajoute, ce qui paraît contredire son affirmation précédente, que "les difficultés résident dans les habitudes d'autonomie de ces services, mais également dans la réticence d'un certain nombre d'entre eux à prendre pleinement en compte les priorités du ministère de la culture, notamment en matière de soutien aux zones d'intervention prioritaire, de démocratisation culturelle et d'éducation artistique, et à mutualiser leurs moyens (photographie, infographie, documentation)". Les exemples positifs qu'elle cite apparaissent plutôt comme des exceptions, au demeurant circonscrites à quelques activités : "En Ile de France, le conservateur du patrimoine assure cette coordination. En Bretagne, la DRAC a pris l'initiative d'instaurer une concertation entre les 3 services patrimoniaux, les musées et le milieu scolaire".

Ainsi, la mise en place d'un pôle structuré de développement culturel reste dans la plupart des DRAC à l'état embryonnaire. Elle paraît pourtant le point d'aboutissement logique du placement des conseillers culturels sous l'autorité d'un adjoint du directeur. Cette élémentaire coordination faisant défaut dans la plupart des DRAC, d'autres étapes ne sont que rarement franchies, comme la centralisation du suivi administratif et financier des dossiers, ou l'instauration d'une certaine polyvalence sectorielle des conseillers culturels expérimentés, ou encore, comme en Aquitaine, la responsabilité conférée à un conseiller sectoriel de coordonner les actions culturelles de toute nature dans un département.

En revanche, un pôle commun des moyens et de l'administration générale existe maintenant dans la plupart des DRAC.

Quant au pôle de l'information et de la documentation, il se constitue également dans de nombreuses DRAC sous l'appellation de centre d'information et de documentation (CID), mais les difficultés sont fréquentes et parfois insurmontables pour y inclure ou y raccorder les bases documentaires des différents services patrimoniaux.

Enfin, aucun pôle structuré de l'architecture et du patrimoine n'a pu jusqu'à présent être mis en place. L'irrédentisme des services régionaux concernés et celui des SDAP ont fait échouer toutes les tentatives destinées à opérer les regroupements les plus significatifs, notamment celles conduites en Ile de France, Rhône-Alpes et Aquitaine.

Dans son contrôle de la DRAC de la région Centre, établi à la fin de l'année 2000, un inspecteur général de l'IGAAC tirait la conclusion, qui paraît applicable à de nombreuses autres régions, que cette insuffisance de coordination empêche que les agents aient une vision précise du projet de l'Etat en région et puissent donc le conduire avec cohérence.

Pourtant, le ministère paraît, au moins pour l'instant, décidé à se satisfaire du statu quo. Il en donne la raison : "l'organisation des DRAC ne peut être totalement déconnectée de celle des administrations centrales (qui) ...reste encore assez verticale et cloisonnée, (comme) ...la Cour (le) relève plus loin et à juste titre ". Il lui trouve même une justification, puisqu'il affirme que "l'organigramme en râteau n'est pas néfaste en soi et peut être adapté à des structures de taille moyenne ou modeste. Il permet souvent plus de réactivité et de souplesse que l'organisation hiérarchique et pyramidale qui génère plus sûrement des coûts de fonctionnement et des lenteurs dans la circulation de l'information".

Pour autant et simultanément, il ne cache pas que "les évolutions qui ne manqueront pas d'affecter les secteurs patrimoniaux dans le cadre de la décentralisation seront l'occasion de constituer dans chaque DRAC le pôle structuré de l'architecture et du patrimoine qui n'a pu jusqu'à présent se mettre en place".
1.3. Les personnels des DRAC et des SDAP
Chaque DRAC assure le suivi administratif du versement de la rémunération de l'ensemble des agents du ministère de la culture en fonction dans la région, souvent deux fois plus nombreux que ceux qui sont en poste à la DRAC. Ainsi, en Midi-Pyrénées, au 31 décembre 2000, la DRAC assurait le suivi de 260 personnes (stagiaires inclus) parmi lesquels 237 agents de l'Etat, dont 38 étaient mis à la disposition des collectivités territoriales, 80 étaient affectés dans des services de l'Etat ne relevant pas de la DRAC et seulement 119 étaient en fonction à la DRAC.

Les effectifs des DRAC ont été fortement accrus en une dizaine d'années, passant de 1 475 agents physiquement présents en 1991 à 1 857 au 31 décembre 2000 (pour 1 998 postes budgétaires), la perspective affichée étant de disposer de 2 246 postes budgétaires en 2003. Ces 1 857 agents physiquement présents ne représentaient en réalité que l'équivalent de 1 773 agents à plein temps, compte tenu de l'extension du travail à temps partiel. Si les nombres d'agents en congés et de postes vacants devaient demeurer identiques à ceux constatés en décembre 2000, les effectifs présents devraient, en 2003, avoisiner 2 106 agents.

Par rapport à 1991, l'augmentation des effectifs des DRAC serait donc de 631 postes budgétaires et de 519 agents présents, dès lors que l'on considère que les 112 agents relevant antérieurement de l'association pour les fouilles archéologiques nationales (AFAN) ou de contrats associatifs étaient déjà présents en 1991, leurs emplois ayant été simplement régularisés.

L'impossibilité de pourvoir dans des délais raisonnables les postes vacants (141) aboutit à ce que les DRAC fonctionnent en permanence en sous-effectif d'environ 6 %, les situations les plus tendues étant celles des DRAC d'Alsace, de Lorraine, de Champagne-Ardenne, et d'Ile de France.

Une telle situation, qui allie à une forte croissance des effectifs théoriques une occupation effective manifestement insuffisante des postes budgétairement autorisés, est indissociable des difficultés auxquelles les DRAC sont confrontées dans la gestion de leurs agents et dont la solution leur échappe pour l'essentiel : cohabitation de fonctionnaires à statut national et à statut territorial ; multiplicité des corps ; périodicité irrégulière des concours ; différences de rémunération et de perspectives de carrière. En outre, sont régulièrement évoqués : le niveau très variable de compétences des agents ; des interrogations sur la nature des formations de base à exiger ; l'opposition de nombreux agents à leur regroupement dans des organigrammes simplifiés et hiérarchisés ; la concentration de plus des 2/3 des effectifs au sein des services patrimoniaux, alors que d'autres priorités culturelles sont affichées.

Au total, les DRAC sont nombreuses à dénoncer, dans leurs bilans annuels, l'insuffisance de leurs effectifs.

La DDAT en a pris acte dans les termes suivants qui figurent dans sa note de synthèse des conférences de bilan des DRAC de juillet 2001 : "La question des moyens humains est posée de manière aiguë. Le développement des partenariats implique de participer à des instances de concertations nouvelles, dont le nombre va croissant et dont la plupart sont instituées au niveau départemental, voire infra-départemental (CEL, conseils de développement de pays...)". "Les solutions envisagées par les DRAC sont divergentes ... : recrutement de personnels dans les DRAC, création de services départementaux, ou externalisation de certaines tâches vers des agences ou des associations locales. La poursuite de la création de postes de conseillers sectoriels, notamment dans les domaines du cinéma/audiovisuel et de l'architecture, répond à une demande exprimée depuis longtemps".

Les SDAP dénoncent leur manque global d'effectifs pour assumer toutes les tâches qui relèvent aujourd'hui de leurs compétences. Mais les effectifs réellement présents restent mal connus, du fait de la présence réduite des agents travaillant à temps partiel, et, en sens inverse, de l'adjonction des nombreux agents qui relèvent encore du ministère de l'équipement et de ceux, en nombre beaucoup plus faible, mis à disposition par des collectivités territoriales. Selon certaines estimations, les 100 SDAP disposeraient de l'équivalent de 780 agents travaillant à temps plein.

La "mission des services déconcentrés" de la DAPA qui a achevé en décembre 2001 un travail très important d'enquête destiné à apprécier la réalité et l'évolution de la charge de travail des SDAP entre 1996 et 2000, soulignait que "les effectifs des SDAP sont restés pratiquement identiques (-2%)", soit une moyenne de 7,6 agents par SDAP en 2000 au lieu de 7,76 en 1996, alors qu'une moyenne de 9,5 agents par SDAP serait nécessaire, ce qui, selon cette étude, impliquerait la création de 190 postes supplémentaires.

L'audit effectué par le cabinet Deloitte et Touche précise, à propos du Finistère, que, d'une façon générale il y a trop d'agents administratifs de catégorie C, et que les formations initiales comme les concours de recrutement devraient être reconsidérés pour renforcer les effectifs en spécialistes du patrimoine urbain et paysager plutôt que du patrimoine bâti.

Le ministère de la culture est donc confronté à de graves problèmes de gestion de son personnel territorial.

Il s'en déclare pleinement conscient et indique à la Cour qu'il "entend réduire, par une adaptation du calendrier des concours et par le développement des concours déconcentrés organisés au plan interministériel, le taux excessif de vacances des emplois constaté depuis plusieurs années. Il s'efforcera aussi de faciliter la mobilité entre services centraux et déconcentrés par la fusion des corps administratifs homologues des services centraux et déconcentrés : la fusion des corps de catégorie B et C est entamée ; celle des catégories A interviendra en 2003. Enfin le ministère poursuivra sa politique de redéploiement des postes de l'administration centrale vers les services déconcentrés, en s'employant à satisfaire en priorité les besoins en effectifs des services dont la situation est la plus difficile." Par ailleurs le ministère insiste sur le fait que si " les besoins en personnels restent (aussi) préoccupants (dans les SDAP, cela tient aux) conditions dans lesquelles se sont opérés les transferts de personnels en provenance du ministère de l'équipement", lors du rattachement de l'architecture en 1996.

2. L'adaptation de la gestion territoriale déconcentrée à ce paysage culturel en redéfinition

La liberté d'action laissée par l'administration centrale aux services territoriaux déconcentrés de l'Etat est souvent appréciée à partir de la proportion des crédits déconcentrés, alors que cette approche n'en donne qu'une vision partielle et discutable. L'analyse des conditions dans lesquelles s'opère localement la gestion des activités en est le complément indispensable.
2.1. La gestion déconcentrée des crédits
La proportion des crédits déconcentrés peut s'apprécier à partir de références différentes et il est fréquent de la calculer par rapport aux seuls crédits déconcentrables, bien qu'il n'existe aucune définition de ces crédits commune à tous les ministères. Par ailleurs, la réalité de cette déconcentration varie grandement selon les types de délégations de crédits accordées. Enfin, elle dépend de l'importance du recours des administrations centrales aux multiples possibilités de fléchage plus ou moins occulte des affectations de crédits.

Sous ces réserves de fond applicables à l'ensemble des ministères, la déconcentration des crédits du ministère de la culture apparaît à la fois limitée par rapport à l'ensemble de son budget et importante par rapport aux seuls crédits qu'il estime déconcentrables.

Que l'on se réfère aux montants figurant dans la loi de finances initiale (LFI), comme le fait la directive nationale d'orientation (DNO), ou aux crédits effectivement utilisés, les chiffres obtenus conduisent à des constatations très proches, pour l'exercice 2001 :
- 31 % seulement des crédits du ministère est territorialement déconcentré ;

- 46 % environ est considéré comme le maximum territorialement déconcentrable du fait de l'importance des fonds alloués aux établissement publics (34 %) et des crédits de personnel (20 %) ;

- en revanche les crédits déconcentrables sont effectivement déconcentrés dans la proportion de 67 % ;

- Par référence à l'ensemble des crédits : le titre III (moyens des services) n'est pratiquement pas déconcentré par délégations d'autorisation d'engagement-DAE (3%), mais l'est davantage si on y ajoute les crédits délégués par ordonnance de délégation notifiée-ODN (33,6 %) ; le titre IV (interventions publiques) l'est fortement (72 %) ; le titre V (investissements exécutés par l'Etat) l'est peu (35 %) ; enfin le titre VI (subventions d'investissement accordées par l'Etat) est déconcentré à hauteur de 40 % seulement, en raison du faible poids des crédits destinés aux régions au sein de ce titre, puisqu'il concerne surtout les établissements publics et les services à compétence nationale.
Ce sont logiquement la direction du livre et la direction des archives, dont les compétences ont été décentralisées, qui, en proportion de leurs crédits dits déconcentrables, en déconcentrent le plus. Puis viennent la délégation au développement et à l'action territoriale, la direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles, la délégation aux arts plastiques, la direction de l'architecture et du patrimoine, la direction des musées, et la direction de l'administration générale.

Globalement, le montant total des crédits délégués à tous les services territoriaux du ministère de la culture a baissé de 5 625 MF (858 millions d'euros) en 2000 à 5 498 MF (838 millions d'euros) en 2001.

Les chiffres de consommation de crédits 2001 édités par la direction de l'administration générale permettent de cerner plus précisément les montants des crédits utilisés par les 27 DRAC et par les 100 SDAP, ces derniers ne disposant que de crédits de fonctionnement, puisque leurs autres dépenses sont financées sur les budgets des DRAC des régions concernées.

Les crédits de titre III payés en région ont représenté un total de 544 MF (83 millions d'euros) en 2000 et de 536 MF (82 millions d'euros) en 2001, provenant aux 2/3 de crédits déconcentrés et pour 1/3 de crédits centraux.

Sur ces 536 MF (82 millions d'euros), la dotation globale de fonctionnement (DGF) des DRAC a représenté un montant de 136 MF (21 millions d'euros). Les critères de définition et de répartition de cette DGF entre les DRAC ont fait l'objet de modifications nombreuses et complexes en 2001 pour aboutir à des résultats finalement peu différents de ceux de l'année précédente.

Deux ans avant celle des DRAC, la DGF des SDAP a fait l'objet d'une révision méthodologique similaire. Tout aussi compliquée, elle n'aboutit en pratique qu'à faire varier des montants dérisoires au sein des dotations (quelques centaines d'euros par SDAP). Simultanément, en revanche, des revalorisations générales importantes de DGF sont opérées pour tous les SDAP, chaque année, en vue de réduire l'insuffisance reconnue de ces dotations et de prendre acte d'inéluctables et significatifs dépassements en exécution. La DGF initiale est ainsi passée pour les 100 SDAP de 20 MF (3 millions d'euros) en 1996, à 24,6 MF (3,8 millions d'euros) en 1999 et 29,4 MF (4,5 millions d'euros) en 2001, et au cours de ce dernier exercice, la DGF finale a atteint 31,4 MF (4,8 millions d'euros). Sous réserve de Paris qui reçoit 5 MF (0,8 million d'euros) les autres SDAP perçoivent entre 150 000 F (22 900 euros) et 660 000 F (100 600 euros) chacun, pour des effectifs qui varient le plus souvent entre 5 et 10 agents.

Sans nier la complexité des calculs des DGF des DRAC et des SDAP et la modicité des variations auxquelles ils conduisent, le ministère estime que les critères retenus "n'en donnent pas moins dans l'ensemble satisfaction et constituent un progrès très réel dans la responsabilisation des chefs des services déconcentrés sur leurs dépenses de fonctionnement".

Il convient de rappeler, par ailleurs, que l'essentiel, c'est à dire la rémunération principale et les charges sociales des agents des DRAC et des SDAP, reste en dehors de leur DGF.

En 2001, les crédits des deux chapitres du titre IV destinés aux interventions culturelles ont atteint un total de 2 657 MF ou 405 millions d'euros (après 2 591 MF ou 395 millions d'euros en 2000) et ils ont été totalement consommés. Dix DRAC ont bénéficié des 2/3 de ces sommes.

Pour le titre V comme pour le titre VI, les autorisations de programme (AP) sont globalisées sur un seul article depuis 2002, afin d'en faciliter la gestion. Il résulte des états de suivi de leur consommation en DRAC établis par le bureau de la comptabilité de la DAG, qu'en 2000 et 2001, celles déléguées sur le titre V ont respectivement atteint 1 460 MF (223 millions d'euros) et 1 329 MF (203 millions d'euros). Elles se sont réparties entre les chapitres 56-20-investissements sur le patrimoine monumental de l'Etat ou non-(1 127 MF ou 172 millions d'euros et 1 009 MF ou 154 millions d'euros) et 56-91-bâtiments et autres investissements-(332 MF ou 51 millions d'euros et 320 MF ou 49 millions d'euros).

Relevant que "le taux de déconcentration des crédits de titre V pour les monuments historiques en 2002 est proche de 51 %, (le ministère souligne qu'il en va)...différemment pour les monuments historiques n'appartenant pas à l'Etat (83,7 %) et pour ceux qui appartiennent à l'Etat (32,3 %). (Car) trois très grandes opérations nécessairement financées sur crédits centraux faussent le calcul". Abstraction faite de ces trois opérations les taux de déconcentration des crédits de titre V destinés à l'ensemble des monuments historiques passent à 54,3 % et pour les seuls édifices de l'Etat à 38,5 %, ce qui n'est pas très différent.

En 2000 et 2001, les AP déléguées aux DRAC sur le titre VI atteignaient respectivement 1 033 MF (158 millions d'euros) et 951 MF (145 millions d'euros), réparties entre les chapitres 66-20-subventions d'investissements sur le patrimoine monumental n'appartenant pas à l'Etat-(500 MF ou 76 millions d'euros et 415 MF ou 63 millions d'euros) et 66-91-subventions aux autres équipements appartenant à des organismes de l'Etat ou non (533 MF ou 81,3 millions d'euros et 536 MF 81,7 millions d'euros). Les montants d'AP délégués à chaque DRAC varient considérablement d'une année sur l'autre. Le plus gros montant sur ce chapitre va là encore à l'Île de France (70 MF ou 10,7 millions d'euros en 2000, et 37 MF ou 5,6 millions d'euros en 2001), mais à certains moments d'autres DRAC peuvent bénéficier d'allocations élevées liées à des opérations spécifiques.

Le ministère a indiqué à la Cour que la sous-consommation préoccupante des autorisations de programme et des crédits de paiement tenait à la fois à des circonstances conjoncturelles - "l'incidence des contrats de gestion avec le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, ...les conséquences des tempêtes du mois de décembre 1999, ... la surchauffe du marché du bâtiment en 1999 et 2000 " - et "à des facteurs plus structurels" - l'insuffisante corrélation des ouvertures de crédits de paiement avec le rythme effectif d'engagement des travaux, les délais imposés par la complexité des circuits internes de la dépense, le nombre très élevé d'opérations de travaux sur monuments historiques dont les montants moyens sont modestes.

Tout en soulignant que le taux de consommation de ses crédits "demeure supérieur à celui de nombre de départements ministériels", il conclut sur ce point en précisant que "le projet de loi de finances pour 2003 traduit certaines ... mesures (prises pour l'améliorer) : modification de la clé d'ouverture des crédits de paiement répartis sur cinq ans et non plus quatre pour les travaux réalisés par l'Etat (chapitre 56-20) ; augmentation très sensible des crédits alloués à l'entretien des monuments historiques (chapitres 35-20/20 et 43-30/40) ...; et enfin, inflexion en faveur d'une maîtrise d'ouvrage assurée par les propriétaires, qui se traduira par une augmentation des crédits des titres IV et VI".
2.2. La gestion des activités par les services déconcentrés territoriaux du ministère de la culture
Chaque DRAC est amenée à sélectionner et à adapter les priorités stratégiques définies par l'administration centrale en fonction des caractéristiques de la région dans laquelle elle intervient, et ainsi à déterminer ses propres orientations. Les directeurs des DRAC les exposent dans la partie de leurs bilans annuels d'activité consacrée à la stratégie, tout en veillant de près en général à démontrer qu'elles correspondent pleinement aux attentes de l'administration centrale :
- élargissement de l'accès à la culture et démocratisation culturelle ;

- équilibre territorial de l'action culturelle au sein de la région ;

- soutien à la création et aux lieux de diffusion ;

- valorisation des ressources patrimoniales ;

- formation artistique et éducation culturelle ;

- insertion dans le dispositif de partenariat fait de programmes et de contrats ;

- intercommunalité et interministérialité ;
La DDAT relève dans sa note précitée de juillet 2001 que "la conséquence (du) sous-effectif (des DRAC), que vient aggraver la charge de travail liée à une multiplication par 3 des crédits déconcentrés en 10 ans...(est que les DRAC sont contraintes d'effectuer) un choix restrictif entre les différentes politiques patrimoniales et artistiques définies en administration centrale".

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