II. LA PRÉDOMINANCE DES ACTIVITÉS DE CONCEPTUALISATION, DE PARTICIPATION À DES RÉUNIONS, DE CONTRACTUALISATION ET DE GESTION ADMINISTRATIVE DANS L'EMPLOI DU TEMPS DES CONSEILLERS CULTURELS SECTORIELS, PAR RAPPORT À LEURS ACTIVITÉS D'EXPERTISE, RESSORT À L'ÉVIDENCE DE LA LECTURE DES BILANS ANNUELS DES DRAC. LES CONSEILLERS CULTURELS CONSACRENT EN EFFET UNE GRANDE PARTIE DE LEUR TEMPS DE TRAVAIL À METTRE AU POINT DES CONCEPTS, DES STRUCTURES, DES DISPOSITIFS, DES FINANCEMENTS ET DES PARTENARIATS.

III. Il en résulte d'ailleurs un empilement de documents contractuels que les DRAC dénoncent et dont elles contestent l'efficacité. Ainsi, la DRAC de Haute-Normandie, dans son bilan relatif à l'exercice 2000, critique le fait que, pour l'éducation artistique, "l'accumulation des dispositifs et des plans successifs devient de plus en plus ingérable, d'autant que l'intendance ne suit pas : manque de personnel, manque de moyens financiers ... Il devient impossible de répondre aux décisions du ministère (et) à la demande du milieu, d'ouvrir à de nouveaux partenariats, et pire, d'assurer le suivi des opérations mises en place et leur évaluation". Dans le même domaine, la DRAC d'Aquitaine stigmatise aussi ces dispositifs "qui s'empilent et se côtoient sans cohérence ...sans que l'on puisse réellement envisager leur généralisation. Ce constat d'échec a bien souvent été souligné, et la nécessité d'arrêter la création de dispositifs nouveaux, d'expérimenter sans évaluation réelle s'est imposée à tous". La DRAC de la région Centre étendait cette analyse à toutes les actions culturelles, en regrettant "la complexité croissante des procédures et formalités de contractualisation que le ministère a empilées au fil des années".

IV. S'agissant des activités architecturales et patrimoniales, l'examen des bilans annuels des DRAC et des rapports d'activité des SDAP met en évidence les nombreux points communs qui caractérisent leur gestion ; ce que confirme l'analyse des rapports de l'inspection générale de l'administration des affaires culturelles (IGAAC) sur les DRAC et ceux qu'elle établit avec le conseil général des ponts et chaussées (CGPC) sur les SDAP.

Les services concernés disposent d'effectifs qui représentent entre les 2/3 et les 3/4 de l'ensemble des personnels des DRAC et des SDAP, et une proportion encore plus élevée des membres des corps les plus prestigieux.

De plus en plus les services patrimoniaux de l'Etat doivent prendre en compte l'intérêt particulier porté par les collectivités locales au patrimoine. Ces dernières, seules ou dans un cadre contractuel avec les services de la DRAC ou les SDAP, multiplient les initiatives et créent leurs propres services locaux patrimoniaux, qui dans certaines régions sont plus importants que ceux de l'Etat, comme en Midi-Pyrénées ou en Ile de France pour l'archéologie.

En dépit de la complémentarité et parfois de la similitude de leurs activités, les services architecturaux et patrimoniaux de la DRAC et des SDAP agissent dans la plupart des régions de façon parallèle plutôt que conjointe, quand ce n'est pas concurrente. Le foisonnement de ces actions appelle la recherche d'une mise en cohérence.

Sans doute, les directeurs des DRAC organisent-ils maintenant des conférences mensuelles régionales de l'architecture et du patrimoine (CRAP), voire des conférences départementales, auxquelles participent les chefs des services concernés de la région et des départements. Mais rares sont les régions où a été mise en place une véritable coordination allant au-delà de l'organisation de ces réunions périodiques. Lorsque certains regroupements sont néanmoins organisés par les DRAC, ils visent des objectifs modestes : ainsi, en Corse, le même conservateur a pris en charge la conservation régionale des monuments historiques (CRMH) et le service régional d'archéologie (SRA) ; en Aquitaine, le chef du service régional de l'inventaire (SRI) est également le conseiller culturel sectoriel pour l'architecture et le directeur de la DRAC suit personnellement les activités patrimoniales parmi lesquelles il a placé les musées et le patrimoine écrit, la lecture publique et les industries culturelles.

Les SDAP ne font jamais partie, même informellement de ces regroupements peu nombreux : aussi la DRAC Rhône-Alpes, qui avait eu des ambitions plus vastes couvrant aussi, semble-t-il, les SDAP, a dû y renoncer. Leurs activités ne sont même presque jamais évoquées dans les bilans annuels des DRAC (la DRAC d'Auvergne faisant, à cet égard, exception), alors qu'elles en financent les interventions.

Avec la CRMH, les compétences des SDAP se croisent pour la programmation des crédits d'entretien sur les édifices classés et de restauration sur les édifices inscrits ou pour l'établissement des dossiers de recensement en vue d'une protection et le passage en commission régionale du patrimoine et des sites (CRPS).

La Cour ne peut que relever les conclusions sévères d'un rapport de l'IGAAC : "En fait apparaît de plus en plus clairement la nécessité de redéfinir les compétences des conservateurs régionaux des monuments historiques et celles des chefs de SDAP et de préciser les modalités de leur collaboration, notamment dans la gestion des travaux sur les monuments protégés, de resserrer les liens entre les services patrimoniaux de la DRAC et des SDAP autour de projets communs pour éviter une dispersion des énergies, et surtout de mettre en oeuvre une politique documentaire commune, au même titre que la mise en réseau, dans le domaine informatique, de la gestion des crédits alloués pour les travaux sur les monuments historiques".

Une telle clarification s'impose d'autant plus que les SDAP donnent la priorité à leurs activités de sauvegarde du patrimoine sur celles de promotion de la qualité architecturale et négligent le suivi sanitaire des monuments historiques, ce qui empêche la DRAC dont ils relèvent d'avoir elle-même une vision d'ensemble de l'état du patrimoine monumental dans la région.

L'insertion des DRAC et des SDAP dans l'ensemble des activités interministérielles mériterait également d'être clarifiée. Avec la DIREN (direction régionale de l'environnement), les relations des SDAP prennent la forme de réunions organisées à son initiative par département. Mais elles peuvent être aussi inexistantes, lorsqu'il s'avère trop difficile de développer une concertation sur la gestion des espaces et la protection des paysages avec les inspecteurs régionaux des sites, (notamment faute d'une affirmation nationale de priorités pour la protection des sites).

Les relations des SDAP avec les DDE sont également constantes, du fait de leurs compétences conjointes dans de nombreux domaines : avis donnés sur le droit des sols (ADS) et dans les espaces protégés, participation à l'élaboration des plans d'occupation des sols (POS) et des schémas directeurs d'aménagement et d'urbanisme (SDAU), modalités d'application du règlement national d'urbanisme (MARNU), cartes communales, aménagements de centres-bourgs, etc. Dans certains départements, la concertation va d'ailleurs jusqu'à instituer des pôles de conseil et d'expertise associant à la DDE et à la DRAC, le conseil d'architecture, d'urbanisme et d'environnement (CAUE) du conseil général, la DIREN et la DDA.

La situation de crise constatée dans les SDAP a été confirmée par le cabinet Deloitte et Touche dans le cadre de l'audit des SDAP que lui a confié la DAPA. Cet audit confirme que, faute de temps, les SDAP se concentrent souvent sur le contrôle des abords des monuments historiques et l'entretien des monuments n'appartenant pas à l'Etat et suivent insuffisamment l'entretien des monuments de l'Etat, l'état sanitaire des édifices, ou encore la conformité des travaux réalisés dans les sites inscrits avec les conditions posées.

La Cour à demandé au ministère le plan d'action qu'il envisage pour remédier à la situation de ses services territoriaux et notamment à celle des SDAP, en soulignant qu'une nouvelle étape de la décentralisation culturelle pourrait avoir des incidences très fortes sur leur rôle effectif, les collectivités locales prenant davantage en charge la gestion directe du patrimoine.

Sur ce point, le ministère a limité sa réponse à "souligner à nouveau les efforts entrepris par les DRAC pour exercer effectivement les misions d'animation et de coordination qui sont les leurs sur les questions d'architecture et du patrimoine dans la région", tout en reconnaissant dans les termes suivants la nécessité d'une profonde réforme : "les décisions qui seront prises en matière de décentralisation permettront de revoir de manière approfondie les questions d'organisation des DRAC et des SDAP".

III. L'ADAPTATION DES SERVICES CENTRAUX DU MINISTERE DE LA CULTURE A CE NOUVEAU CONTEXTE ET AU PILOTAGE DE LA GESTION DECONCENTREE
L'accentuation de la décentralisation et de la déconcentration des compétences et de la gestion des activités culturelles de l'Etat, pose également au ministère de la culture la question de l'adaptation de ses priorités stratégiques, du pilotage de ses services territoriaux, et de l'affectation de son personnel.

1. L'adaptation des priorités stratégiques

Jusqu'à présent, le ministère de la culture ne semble pas avoir considéré que ces nouvelles réalités rendaient nécessaire de réviser certaines de ses priorités culturelles. Néanmoins, la Cour a constaté au cours de son contrôle que les conséquences qui en résultent sont fréquemment évoquées par ses services territoriaux et centraux, de même que les différents types de réponses qui pourraient y être apportés.

Ainsi, le secteur de l'architecture et du patrimoine, qui met en jeu des pouvoirs régaliens et qui dispose de l'essentiel des personnels du ministère, est directement visé par les transferts de compétences aux collectivités territoriales qui ont été opérés ou sont en cours d'expérimentation en application de la loi sur la Corse, de la loi sur la démocratie de proximité, ou des protocoles de décentralisation.

De même, dans le secteur de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles - qui ne donne lieu que de façon marginale à l'exercice de pouvoirs régaliens et où les collectivités territoriales sont déjà pleinement compétentes (sous réserve de certaines règles propres à l'enseignement spécialisé) - la Cour a pu constater que les stratégies culturelles du ministère sont affectées par la montée en puissance des collectivités territoriales.

Alors qu'il souligne que les petites villes et les villes moyennes sont celles qui ont le plus besoin de lui, le ministère de la culture ne leur consacre que des moyens humains et financiers minimes. Les bilans d'activité des DRAC sont en effet unanimes à constater que l'essentiel des crédits est absorbé par les grands organismes, réseaux et institutions conventionnés installés dans les grandes villes et cofinancés par elles, quand bien même celles-ci disposent souvent des compétences et des moyens financiers qui leur permettraient de se passer du soutien du ministère de la culture. Or, les coûts de fonctionnement de ces grands ensembles s'alourdissent constamment et le ministère est d'autant plus sollicité d'accroître ses subventions que leurs responsables sont soucieux de ne pas trop dépendre de leurs interlocuteurs locaux, y compris dans le cadre des nouveaux établissements publics de coopération culturelle (EPCC). Il y a là un arbitrage politique majeur si l'on veut éviter que s'aggrave le risque de saupoudrage actuel.

La Cour a également constaté la différence d'approche entre la direction de la musique, de la danse, du théâtre, et des spectacles (DMDTS), qui privilégie la qualité artistique des activités culturelles, et les préfets, qui, avec l'appui fréquent des DRAC, se montrent plus sensibles à la contribution que ces activités apportent à l'animation sociale locale. L'administration centrale est naturellement portée à prendre des risques sur des projets culturels et à favoriser les institutions conventionnées, alors que les DRAC voudraient plutôt consacrer leurs moyens à l'aménagement et au renforcement du tissu culturel du territoire. Certaines situations intermédiaires existent néanmoins, telles celles des réseaux des scènes de musique actuelle (SMAC), des aides à la création indépendante par les compagnies, des associations départementales de danse et de musique, etc.

Au demeurant, la très forte déconcentration du titre IV donne toute liberté aux préfets d'imposer, le cas échéant, et avec ou sans l'appui des DRAC, des affectations très différentes de ce qui avait motivé les allocations de crédits par l'administration centrale. En réaction, l'administration centrale poursuit des pratiques occultes de fléchage des crédits.

Dans le secteur des musées, les 32 musées nationaux relevant du ministère de la culture échappent pour leur gestion et pour leur tutelle à la déconcentration territoriale dirigée par les DRAC. Dès lors, leur insertion dans la politique territoriale ne peut se faire que si des relations d'information et de concertation sont formellement instituées. Dans de nombreuses régions la réalité paraît bien éloignée de cet objectif.

Quant aux directions horizontales -la délégation au développement et à l'action territoriale (DDAT) pour le contenu et la direction d'administration générale (DAG) pour les moyens-, elles ne peuvent apporter des réponses stratégiques d'ensemble, que si les directions verticales ont d'abord et pour leur part arrêté leurs conclusions sur les adaptations éventuelles à apporter à leurs priorités.

La Cour a donc souhaité être informée de l'état des réflexions du ministère sur les adaptations des politiques culturelles que pourraient rendre nécessaires l'accentuation de la décentralisation et de la déconcentration territoriales et les conséquences qui en résultent pour les interventions des services de l'Etat.

Le ministère lui a répondu qu'il ne partage pas son analyse s'agissant de la priorité donnée par les préfets aux besoins locaux par rapport aux objectifs ministériels dans l'affectation des crédits de titre IV, affirmant que "il y a peu de cas où les décisions préfectorales sont en opposition avec les priorités ministérielles". En revanche il reconnaît la nécessité qu'il y ait "moins de fléchage et de chiffrages précis par type d'action au profit de la définition préalable d'objectifs, qui eux peuvent être quantifiés". Il précise que "une nouvelle procédure d'affectation des crédits déconcentrés est mise en place pour l'exercice 2003 : elle repose sur un examen des demandes budgétaires des DRAC ...; elle n'est ainsi plus fondée sur une répartition préalable des mesures nouvelles entre les directions sectorielles. Un objectif de rééquilibrage géographique est en outre explicitement pris en compte".

2. L'amélioration des instruments de pilotage, de contrôle et d'évaluation des DRAC et des SDAP

Le décret du 1 er juillet 1992 portant Charte de la déconcentration définit ce que doivent être les cinq éléments caractérisant désormais le rôle des administrations centrales : concevoir, animer, orienter, évaluer, contrôler.

Force est de constater que beaucoup reste à faire, en administration centrale et dans les services territoriaux, qu'il s'agisse de l'affichage des objectifs, de l'organisation et du fonctionnement des organes de pilotage, ou des moyens pour rendre compte et évaluer.
2.1. L'affichage des objectifs
Les textes élaborés au cours des cinq dernières années pour définir la politique culturelle de l'Etat et son application territoriale traduisent un réel effort pour passer d'une politique d'offre dirigée vers des consommateurs de culture appartenant à des milieux socio-culturels qui n'évoluent guère, à une politique de demande susceptible de s'adapter aux attentes formulées dans chaque région par les usagers des services collectifs culturels.

L'affirmation par l'Etat de ses priorités culturelles et de leur traduction stratégique régionale (concertée ou non avec les collectivités territoriales) se lit principalement à travers : le schéma régional des services collectifs culturels à 20 ans ; les documents d'objectifs régionaux triennaux ; les contrats de plan Etat/régions ; les DOCUP (documents uniques de programmation conclus avec l'Union européenne) élaborés pour la période 2000 à 2006 ; et la directive nationale d'orientation (DNO) annuelle, à laquelle est annexée l'enveloppe budgétaire allouée à chaque région. S'y ajoute aux plans national et surtout régional ou local, une multitude de documents contractuels de partenariat qui en reprennent les thèmes en fonction des sujets traités.

Par ailleurs, chaque directeur de DRAC reçoit à son entrée en fonction une lettre de mission, dont, depuis peu, il met lui-même au point les termes, et qui, après validation par l'administration centrale, devient un quasi-contrat d'objectifs passé avec le ministre de la culture.

En revanche, s'agissant des chefs de SDAP, il n'est guère possible de se référer au plan d'objectifs prioritaires de programmation et d'action, que la circulaire conjointe des ministres de l'équipement et de la culture, en date du 13 août 1993, leur recommande d'établir, car elle est restée lettre morte, à quelques exceptions près. Les chefs de SDAP se plaignent de leur côté de ce que l'administration centrale ne définisse pas assez clairement ce que sont la politique patrimoniale et les priorités dans ce domaine, et d'un défaut d'interlocuteurs.

La situation est donc encore très imparfaite, même si le ministère de la culture a démontré, en matière budgétaire, avec les circulaires d'emploi des crédits, puis les DNO, sa volonté de s'engager dans une logique consistant à donner aux DRAC des orientations stratégiques qu'il leur appartient d'appliquer en fonction des situations locales, et, en matière administrative, son souci de déconcentrer les décisions individuelles dans une trentaine de domaines.

Dans sa réponse au ministère de la réforme de l'Etat, en date du 7 mars 2001, sur les suites données au comité interministériel de réforme de l'Etat (CIRE) du 12 octobre 2001, le directeur du cabinet du ministre de la culture donne des informations précises sur l'état de la déconcentration des décisions administratives individuelles (DAI) et indique que le ministère poursuit ses réflexions sur la déconcentration d'autres régimes de DAI, notamment "les mesures de protection au titre des monuments historiques, objets et immeubles, en cas d'accord de leur propriétaire".

Toutefois, la simplification administrative ne peut se mesurer au nombre de DAI déconcentrées. Ainsi, les licences d'entrepreneur de spectacles, dont la délivrance relève désormais des DRAC et met en jeu une procédure lourde et en grande partie inutile, sont un bon exemple de l'intérêt qu'il y aurait à simplifier les réglementations administratives avant d'en transférer la gestion et la charge de travail aux services territoriaux. Un grand nombre de DRAC demandent instamment qu'y soit substitué un régime déclaratif, qui permettrait de limiter l'examen des dossiers au petit nombre de cas susceptibles, a priori, d'être suspectés.
2.2. Les organes de pilotage
Une coordination horizontale efficace entre les directions centrales conditionne non seulement le bon fonctionnement du ministère de la culture mais aussi et surtout le pilotage des services déconcentrés.

En 1982 avait été créée une direction du développement culturel (DDC), qui fut ramenée au rôle de délégation aux enseignements et aux formations (DEF) en 1985, les fonctions de coordination étant alors transférées à la DAG, qui en 1986 devint la direction de l'administration générale et de l'environnement culturel (DAGEC).

Mais, comme la DDC en son temps, la DAGEC portait ombrage aux directions verticales. Aussi, quelque temps après le changement de gouvernement en 1988, la DAGEC fut supprimée et, en 1990, elle redevint simplement DAG, n'intervenant qu'en matière de crédits et de postes budgétaires à l'égard des DRAC.

En 1997, la DAG recréa en son sein une cellule chargée des DRAC, qu'elle transforma en "mission déconcentration" en 1998 en la chargeant de suivre la déconcentration administrative et financière, et notamment d'exploiter les bilans des DRAC et les rapports de l'IGAAC sur les services déconcentrés et de coordonner la préparation de la circulaire annuelle d'emploi des crédits déconcentrés.

Parallèlement, la DEF qui avait été substituée à la DAG en 1990 par l'adjonction de l'environnement culturel à ses activités, puis avait été transformée en délégation au développement et aux formations (DDF), devint en février 1999 la délégation au développement et à l'action territoriale (DDAT) et reçut pour mission d'assurer la cohérence de l'action territoriale des services centraux et territoriaux et de favoriser l'enseignement artistique et le développement des pratiques culturelles.

Ainsi, de même que dans une région le directeur de la DRAC est encore loin d'apparaître comme l'unique représentant de tout le ministère (sous l'autorité et par délégation du préfet), de même, en administration centrale, il n'existe pas une direction horizontale qui soit seule compétente pour coordonner le pilotage de tous les services territoriaux. D'un côté, cette coordination est officiellement partagée entre deux directions : la DAG pour les moyens et la DDAT pour les contenus. D'un autre côté, dans la réalité, les directions verticales ne se privent pas de piloter directement, elles aussi, les services territoriaux dans leurs domaines d'activités.

Chaque DRAC est censée débattre annuellement de son bilan avec toutes les directions d'administration centrale sous la présidence du cabinet du ministre. A l'issue de ces conférences annuelles, une note de synthèse est établie pour l'ensemble des DRAC par la DDAT (délégation au développement et à l'action territoriale), la rédaction de la partie de cette note consacrée aux bilans sectoriels relevant cependant de chacune des directions centrales concernées.

Il n'est pas douteux que le pilotage et l'évaluation des DRAC sont facilités par la tenue de ces conférences annuelles de bilan, dont la première a concerné les activités de l'exercice 1999. Des résultats ont été obtenus aussi bien dans l'harmonisation des moyens, que dans la réalisation d'actions culturelles. Les conférences de bilan permettent une meilleure compréhension par l'administration centrale des réalités locales.

Mais les modalités selon lesquelles ces conférences sont organisées illustrent les limites de la coordination et du pilotage que l'administration centrale du ministère est capable d'assurer. Notamment, les enceintes de dialogue avec l'administration centrale sont différentes pour la DRAC et pour les SDAP d'une même région. Comme l'observe la DDAT dans la note de synthèse de juillet 2001, "la coordination intersectorielle, que l'on doit développer dans les DRAC, gagnerait à ce que les services horizontaux de l'administration centrale, DDAT, DAG, et DAI (département des affaires internationales), renforcent, pour ce qui les concerne, leur rôle de coordination entre les directions". L'IGAAC constate que les conférences de bilan se transforment en "une revue d'utilisation du titre IV", laissant à l'écart les actions patrimoniales et estime que "la définition ... (d'indicateurs fiables d'évaluation comparative des DRAC), qui mobilise aujourd'hui la DAG, le DEP (département des études et de la prévision de la DAG), la DDAT et l'IGAAC, donnerait une toute autre pertinence à la procédure de ces conférences de bilan".
2.3. Les moyens d'évaluation
L'évaluation devrait être un élément essentiel du pilotage de la politique territoriale du ministère de la culture.

Plus précisément, une évaluation pertinente devrait permettre d'apprécier :
- l'impact réel sur le public visé de l'action culturelle de l'Etat (mesure de l'efficacité de la politique culturelle),

- mais aussi l'efficience des processus selon lesquels la politique culturelle est déclinée (rapport entre les prestations fournies et les moyens mis en oeuvre),

- et la rigueur de gestion (mesure des coûts de revient globaux et unitaires des produits délivrés).



Un premier pas a été fait dans ce sens avec la création en 1995 d'un "comité ministériel d'évaluation ... chargé d'évaluer l'efficacité des politiques mises en oeuvre par le ministère chargé de la culture, des services publics culturels, des missions, de l'organisation et du mode de fonctionnement du ministère (administration centrale, services déconcentrés et établissements publics)" (arrêté du 15 mars 1995), qui a pu établir un certain nombre de rapports comme ceux relatifs aux politiques de l'inventaire ou à l'impact des mesures de gratuité le dimanche dans les musées.



Soucieuse d'aller plus loin, la DAG élabore depuis plusieurs mois, avec l'aide du cabinet Deloitte et Touche, un tableau de bord destiné à l'évaluation des DRAC, dont la mise en place devrait être achevée au printemps 2003. Son but est de mettre au point des indicateurs d'environnement, de moyens et de performance, conçus comme autant de critères permettant de mesurer l'efficacité de la dépense culturelle par rapport aux objectifs fixés.



Parallèlement à la DAG qui conduit cette étude pour les DRAC, la direction de l'architecture et du patrimoine (DAPA) a engagé depuis un an une démarche similaire, mais plus étendue, pour les SDAP, en s'appuyant également sur le cabinet Deloitte et Touche, mais aussi sur des groupes de travail et sur les réactions des agents formulées dans le cadre d'un forum organisé sur internet. Pour conduire cette étude la DAPA s'est d'ailleurs dotée d'une mission des services déconcentrés, qui fonctionne parallèlement à la mission déconcentration de la DAG.



Cette juxtaposition de deux études d'évaluation concernant certes des services territoriaux différents, mais dont les finalités sont très proches, et qu'animent respectivement deux directions différentes, l'une horizontale et l'autre verticale, avec l'aide du même cabinet extérieur, est exemplaire du cloisonnement de l'organisation de l'administration centrale du ministère de la culture.



Le ministère de la culture s'appuie également sur l'observatoire des politiques culturelles, créé à Grenoble en 1988 et qui fonctionne sur la base d'un partenariat entre la ville, la région, l'université et le ministère de la culture. C'est la DDAT qui, au sein du ministère, suit les travaux de l'observatoire, lequel depuis sa création s'est donné comme objectif d'accompagner la décentralisation culturelle et de suivre les politiques culturelles territoriales.



Ces divers instruments s'ajoutent aux instruments plus traditionnels que constituent les bilans annuels d'activité des DRAC et les rapports annuels d'activité des SDAP (lorsqu'ils existent), les synthèses annuelles des conférences de bilan tenues avec chacune des DRAC et les multiples rapports d'inspection. Ces documents sont presque toujours trop descriptifs, énumératifs et quantitatifs pour permettre d'évaluer l'apport effectif des activités de chaque service territorial de l'Etat au développement de la vie culturelle de la région concernée.



En réponse à la Cour sur l'ensemble de ces sujets relatifs aux objectifs, au pilotage et à l'évaluation, le ministère a apporté quelques informations sur différentes évolutions en cours :



- L'amélioration des instruments se poursuit avec : la présentation de la DNO sous la forme d'un document pluriannuel, complété par un volet annuel, centré sur les grandes priorités du ministère et les actions transversales ; l'idée de faire de même pour les bilans annuels ; la mise en place du logiciel "Quadrille" pour analyser l'utilisation des crédits de titre IV par les DRAC ; l'expérimentation en 2003 et la généralisation en 2004 des indicateurs de pilotage des DRAC.

- Un audit est mené par l'IGAAC sur la DDAT.

- Des crédits seront disponibles en 2003 pour "financer des audits et des évaluations sur des établissements publics et sur des politiques ou des fonctions internes du ministère".

- "Des dispositifs d'observation régionale partagée entre les DRAC et les collectivités territoriales se mettent progressivement en place".

- La "déconcentration des décisions administratives individuelles (DAI) ...(va maintenant s'achever) avec l'adoption de trois décrets : ...deux décrets devront opérer respectivement la déconcentration des décisions administratives individuelles au profit du préfet de région et le maintien au niveau du ministre de certaines (autres). Au préalable un décret spécifique doit déclasser les dispositions législatives qui désignent précisément une autorité administrative comme étant compétente pour une décision. Ces projets de décrets seront prochainement élaborés".
3. La mise en cohérence de l'affectation du personnel du ministère avec l'évolution de ses compétences et la déconcentration de leur gestion

L'affectation du personnel du ministère de la culture présente deux caractéristiques : la persistance d'une organisation centrale cloisonnée ; le faible redéploiement territorial des effectifs.
3.1. La persistance d'une organisation centrale cloisonnée et non d'état-major
Comme dans la plupart des ministères, les structures de l'administration centrale du ministère de la culture ont peu évolué pour s'adapter aux fonctions d'état-major - conception, animation, orientation, évaluation, et contrôle - , qui, selon les termes mêmes de la Charte de la déconcentration, sont celles qui leur incombent.

A ce jour, les réorganisations ont touché la DAPA et la DMDTS, cette dernière s'étant seule réorganisée sur une base fonctionnelle, et non par simple juxtaposition des anciennes directions.

Aucun audit d'ensemble des directions centrales n'a été engagé à la différence de ce qui a été fait pour les DRAC et les SDAP ; seule une inspection par l'IGGAC de la DDAT, effectuée à sa demande, est en cours.

Le passage d'une administration centrale lourde et verticale à une administration centrale horizontale naturellement légère, s'appuyant sur des services territoriaux gestionnaires et opérationnels, est un enjeu important pour la mise en oeuvre des compétences culturelles. La

Cour a interrogé le ministère sur ses intentions dans ce domaine.

Comme indiqué précédemment, le ministère, dans sa réponse, admet que l'organisation de ses administrations centrales "reste encore assez verticale et cloisonnée".

Il ajoute ici toutefois qu'une "reconfiguration importante de l'administration centrale ...est intervenue avec la création de la DAPA et de la DMDTS" et indique que "la poursuite de ce mouvement de décloisonnement entre les directions ne doit pas ignorer la diversité des compétences et des métiers qui fondent la légitimité de ce ministère".

Il précise enfin que ce décloisonnement "ne passe pas seulement par des modifications d'organigramme mais aussi, et peut être davantage, par des dispositifs de pilotage et de mise en cohérence des actions...Les perspectives de la décentralisation, le regroupement prochain de la majorité des services centraux dans l'immeuble des Bons Enfants et la préparation du ministère aux nouvelles règles budgétaires et financières introduites par la LOLF conduisent le ministère à approfondir une logique de projets et développer la transversalité dans la conduite des politiques culturelles. Il sera de ce fait amené à faire évoluer son organisation et à développer, dans ce cadre, les fonctions stratégiques. D'ores et déjà, le ministère a demandé aux directeurs d'administration centrale de réfléchir à une réorganisation des services visant principalement à mieux appréhender et traiter les fonctions transversales comme les questions internationales, les enseignements artistiques et la formation professionnelle, les industries culturelles et les relations avec le secteur privé ".
3.2. Le faible redéploiement territorial des effectifs
Selon les chiffres indiqués par l'IGAAC dans son rapport annuel pour 1997, au 31 décembre 1996, le ministère de la culture disposait de 21 450 agents titulaires et contractuels (devenus plus de 22 000 en 2001). Ces 21 450 agents se répartissaient ainsi :
- Juridiquement, 12 746 agents (en effectifs réels) relevaient directement du ministère et 8 704 agents (en effectifs budgétaires) étaient des salariés des établissements publics placés sous sa tutelle.

- Fonctionnellement, 4 480 agents travaillaient dans des structures administratives (1 921 en administration centrale et au centre national de la cinématographie (CNC) ; 2 505 dans les 27 DRAC et les 100 SDAP ; 54 au centre national du livre (CNL) et au centre national des arts plastiques (CNAP)) et 16 970 étaient dans les 416 services opérationnels.

- Géographiquement, 16 051 agents, soit 75 %, exerçaient leurs activités en Ile de France, dont 14 520 à Paris et 1 531 ailleurs en Ile de France. Quant aux 5 399 autres agents (25%), ils se répartissaient ainsi : 472 en PACA, 344 en Rhône Alpes, 312 en Languedoc Roussillon, 299 en Midi Pyrénées, etc.
Les tableaux établis par la DAG, dans le cadre du suivi des chartes d'objectifs de 1991 à 2000, et d'autres indications figurant dans la réponse que cette direction a faite à la Cour le 29 janvier 2002, fournissent une présentation détaillée des effectifs réels de titulaires et de contractuels relevant du ministère ou de ses établissements publics administratifs (sauf pour 2000, où il s'agit d'objectifs). L'administration centrale dispose d'un effectif qui a décru de 1 425 à 1 373, entre 1991 et 1995, puis s'est situé à un nouveau seuil de 1 467 agents titulaires ou contractuels en 1996, en raison du retour de l'architecture parmi les compétences du ministère. Il a ensuite faiblement décru pour se stabiliser à environ 1442 agents au cours des 3 exercices suivants et remonter à 1 468 en 2000, soit le niveau de 1996. L'objectif annoncé était pourtant de ramener à 1 394 agents le personnel de l'administration centrale en 2000.

L'administration territoriale déconcentrée disposait de 2 505 agents au 31 décembre 1996 et de 2 656 agents en 1999, avec pour objectif d'atteindre 2 723 en 2000. Ces chiffres résultent de ce que, d'une part, les agents des DRAC étaient passés de 1 745 en 1996 à 1 807 en 1999, alors que l'objectif était de 1 932 agents en 2000 (dont 51 par transfert de postes provenant de l'administration centrale), et les agents des SDAP étaient respectivement revenus de 760 à 749, avec l'objectif d'être 791 en 2000.

Parallèlement, le nombre d'agents des services extérieurs et des établissement publics, qui relèvent respectivement de la déconcentration et de la décentralisation fonctionnelles, s'est accru à un rythme beaucoup plus rapide du fait de la multiplication de ces organismes, qui, dans les régions où ils exercent leurs activités, constituent autant de structures échappant à la déconcentration territoriale placée sous l'autorité des préfets et des DRAC. Leurs effectifs (hors ceux des établissements publics industriels et commerciaux (EPIC)) sont passés de 6 534 au 31 décembre 1991 à 9 342 en 1996, et 9 598 en 1999, avec comme objectif d'atteindre 10 170 en 2000.

Au sein de cet ensemble, des évolutions de sens inverse se sont produites du fait du changement de statut d'un grand nombre de ces organismes, et notamment de la transformation de services extérieurs en établissements publics ou en services à compétence nationale (SCN). Ainsi, le personnel des établissements publics administratifs s'est fortement accru, pour l'essentiel au cours de deux exercices, 1995 et 1996, passant de 3 867 en 1994 à 7 081 agents en 1996, niveau à partir duquel il a ensuite modérément progressé pour atteindre 7 258 agents en 1999. En revanche le nombre global d'agents relevant de toutes les catégories de services extérieurs s'est réduit entre 1994 et 1999, passant de 2 938 à 2 340 avec un objectif de 2 400 en 2000, puisque la création du statut de SCN et notamment le placement sous ce statut d'une trentaine de musées, a entraîné à la fois le gonflement en 1999 de la catégorie des SCN passés de 781 agents en 1998 à 2 175 en 1999 et la réduction à 165 agents cette année là des effectifs de la catégorie des "autres services extérieurs", qui en comptaient 1 564 en 1998.

Les évolutions montrent que le choix stratégique du ministère de faire de ses services territoriaux les services gestionnaires de droit commun de ses compétences et de son administration centrale un état-major est loin d'avoir encore été traduit dans les faits.

Le ministère n'exprime pas de désaccords sur ces constatations. Simplement, il relève que "la Cour remarque l'insuffisance de moyens humains des services déconcentrés". Il "rappelle qu'un réel effort a été consenti en faveur des DRAC". Il ajoute que "la mobilité des agents de centrale vers les services déconcentrés reste faible, malgré le rapprochement des régimes indemnitaires qui a été engagé (et que) toutefois un rééquilibrage territorial a été entrepris pour favoriser des régions réellement déshéritées". Enfin, il souligne que "le décloisonnement des corps administratifs des catégories B et C, qui est déjà engagé et sera suivi d'une opération similaire pour les corps de catégorie A, est de nature à faciliter le redéploiement recherché entre services centraux et déconcentrés".

DÉCENTRALISATION ET DÉCONCENTRATION CULTURELLES :

DES QUESTIONS DE COHÉRENCE

Au moment où le processus de décentralisation reçoit une impulsion décisive, la commission des finances du Sénat a souhaité s'informer sur la façon dont le ministère de la culture s'adaptait à un environnement marqué par la montée en puissance des interventions des collectivités territoriales.

L'enquête que la Cour des comptes a effectuée sur l'organisation et la gestion des services déconcentrés du ministère de la culture à la demande de la commission des finances du Sénat, en application de l'article 58-2° de la loi organique relative aux lois de finances, met en avant à la fois les efforts accomplis et le chemin qui reste encore à parcourir. Elle tend à monter que non seulement la décentralisation -qui est loin d'être achevée- s'est effectuée dans des conditions qui ont manqué de cohérence, mais que les services déconcentrés n'ont actuellement pas les moyens de faire face à leurs nouvelles missions.

Le présent rapport d'information comporte la communication de la Cour des comptes ainsi que le compte rendu intégral de la réponse de M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication, lors de la présentation en commission de l'enquête, qui constitue un exposé très concret des arbitrages auxquels doit procéder le gouvernement pour accompagner la décentralisation culturelle.

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