C. UNE EXPERTISE, INTERNE ET EXTERNE, ABONDANTE ET PARFOIS DÉLICATE À MAÎTRISER

Si l'Agence a recours, dans une proportion importante, à une expertise externe, l'IGF et l'IGAS estiment que celle-ci n'est pas bien gérée, le fichier des externes étant, selon elles, « mal tenu ». Aucune réflexion ne serait conduite sur l'équilibre optimal à atteindre entre l'expertise externe et l'expertise interne.

En outre, l'Agence ne saurait pas vraiment s'assurer de l'indépendance de l'expertise externe, ni même de son expertise interne. Ainsi, elle aurait embauché un agent provenant du secteur privé qui ne serait resté que huit mois, au cours desquels il aurait contrôlé les activités de l'entreprise concurrente de son entreprise d'origine avant de retourner travailler dans cette dernière !

1. Une multitude de commissions techniques

L'AFSSAPS exerce ses missions, notamment au moyen des commissions d'experts qui sont placés près d'elle, au nombre de onze, ou dont elle assure le secrétariat, soit trois organismes.

Les 14 commissions placées dans l'orbite de l'AFSSAPS

1) Les commissions siégeant auprès de l'AFSSAPS

La commission d'autorisation de mise sur le marché est obligatoirement consultée préalablement à toute décision d'octroi, de renouvellement, de refus ou de retrait d'une autorisation de mise sur le marché, ainsi que sur tout recours gracieux qui doit impérativement être formé avant le recours contentieux.

La commission consultative d'enregistrement des réactifs est principalement chargée de donner des avis sur les dossiers de demandes d'enregistrement, la définition des critères de sensibilité et de spécificité, l'évaluation et la réévaluation des réactifs. Elle est obligatoirement consultée avant toute décision de retrait.

La commission chargée du contrôle de la publicité et de la diffusion des recommandations sur le bon usage des médicaments émet un avis pour interdire ou rectifier la publicité auprès des professionnels de santé, en cas de manquement aux dispositions réglementaires (contrôle a posteriori ). Elle émet également un avis sur les publicités, les octrois, suspensions ou retraits de visas des publicités pour les médicaments et les produits présentés comme bénéfiques pour la santé destinés au public.

La commission chargée du contrôle de la publicité en faveur des objets, appareils et méthodes présentés comme bénéfiques pour la santé émet un avis pour interdire la publicité sous quelque forme que ce soit relative à ces objets, appareils et méthodes lorsqu'ils ne présentent pas les propriétés annoncées.

La commission nationale de pharmacovigilance est chargée d'évaluer les effets indésirables des médicaments et de certains produits de santé, de donner un avis sur les mesures à prendre et de proposer les enquêtes et travaux qu'elle estime utiles à l'exercice de la pharmacovigilance.

La commission nationale de matériovigilance a pour mission d'évaluer les informations sur les incidents ou les risques d'incidents mettant en cause des dispositifs médicaux, de donner un avis sur les mesures à prendre et de proposer les enquêtes et les travaux qu'elle estime utiles à l'exercice de la matériovigilance.

La commission nationale des stupéfiants et psychotropes est chargée de la surveillance des médicaments ou des substances non médicamenteuses susceptibles d'entraîner une dépendance. Elle formule un avis sur toute question concernant l'application des dispositions relatives aux stupéfiants et psychotropes.

La commission nationale de la pharmacopée est chargée de préparer la rédaction de la pharmacopée française et du formulaire national qui la complète.

La commission de cosmétologie est chargée d'émettre des avis sur la fixation des listes concernant les substances interdites ou limitées dans les produits cosmétiques. Elle peut, sur demande du ministre chargé de la santé, du directeur général de l'AFSSAPS ou de sa propre initiative, formuler des avis sur la sécurité des produits cosmétiques, leur composition, la toxicité d'ingrédients entrant ou susceptibles d'entrer dans leur composition.

Elle peut également, à la demande du directeur général de l'Agence, formuler un avis sur les demandes présentées en application de l'article R. 5263-7 du code de la santé publique ainsi que sur les informations relatives aux effets indésirables liés à l'utilisation des produits cosmétiques dont l'Agence a connaissance.

Le ministre chargé de la santé peut solliciter l'avis de la commission sur toute question ayant trait au domaine de compétence de celle-ci.

Le groupe d'experts sur les recherches biomédicales est divisé en deux sous-groupes, l'un relatif aux recherches biomédicales ne portant pas sur des médicaments et produits assimilés, l'autre relatif aux recherches biomédicales portant sur les médicaments et produits assimilés. Le groupe d'experts donne notamment des avis sur la réalisation de recherches biomédicales et les lieux de recherche, examine les lettres d'intention des promoteurs de recherche biomédicale. Il examine également les effets indésirables graves des recherches biomédicales et propose, le cas échéant, toute mesure utile.

Le groupe sur la sécurité virale des médicaments est chargé de donner un avis sur la sécurité des médicaments contenant des produits biologiques, au regard des virus et autres agents transmissibles, ou sur la surveillance des produits pour lesquels les méthodes de fabrication font appel à de tels produits. Sont concernés tous les produits faisant l'objet d'une demande d'autorisation de mise sur le marché, d'un essai clinique ou d'une autorisation temporaire d'utilisation.

2) Les commissions dont l'Agence assure le secrétariat

La commission de la transparence, placée auprès des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, donne un avis sur le bien-fondé de l'inscription des médicaments sur la liste des spécialités remboursables et/ou des médicaments agréés à l'usage des collectivités. Dans ce cadre, elle procède à l'évaluation du service médical rendu (SMR) et à l'évaluation de l'amélioration du SMR des médicaments. La commission de la transparence donne également un avis sur les documents d'information portant sur la comparaison des médicaments de la même classe pharmacothérapeutique (fiches de transparence). Cette analyse des données à caractère médical, pharmaceutique et épidémiologique se rapportant aux médicaments constitue la base des avis scientifiques rendus par la commission de la transparence à destination du ministère de la santé.

La commission d'évaluation des produits et prestations a pour mission de fournir, aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, un avis sur le bien-fondé de l'inscription d'un produit et/ou d'une prestation sur la liste des produits et prestations remboursables. Elle évalue le service rendu et l'amélioration du service rendu des produits, définis à l'article L.165-1 du code de la sécurité sociale, pour lesquels un remboursement est demandé. L'analyse des données à caractère médical et épidémiologique se rapportant aux produits constitue la base des avis scientifiques rendus par la commission d'évaluation. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 a confié à l'AFSSAPS le soin d'assurer le secrétariat de cette commission.

Le comité d'orientation de l'observatoire national des prescriptions et consommations des médicaments dans les secteurs ambulatoire et hospitalier placé auprès des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale est chargé de recueillir, analyser et diffuser sous les formes appropriées les informations relatives à ces sujets.

L'expertise interne que constitue cet ensemble de commissions aboutirait, dans certains cas, à une fuite de ses responsabilités par l'Agence.

Le directeur général de la santé a ainsi indiqué à votre rapporteur que le mode actuel du fonctionnement de l'Agence aboutissait trop souvent à ce que le ministre de la santé était placé en première ligne en ce qui concerne la question du remboursement d'un médicament. L'Agence, en particulier la commission de la transparence, examine le dossier mais, lorsque la demande de remboursement ne lui paraît pas fondée, préfère souvent s'exonérer de toute responsabilité en la matière : le ministre est alors contraint de prendre la décision en lieu et place de l'AFSSAPS, dont c'est pourtant l'une des missions .

Interrogée sur ce point, l'Agence a réfuté ces arguments, indiquant que « les décisions relatives au remboursement sont de la compétence du ministre, après avis de la commission de la transparence et du CEPS 7 ( * ) . Les responsabilités de l'Agence sont donc en ce domaine relatives au secrétariat de la commission de la transparence : l'Agence doit s'assurer que la commission de la transparence examine les dossiers qui lui sont soumis par les firmes, dans le respect de la réglementation (code de la sécurité sociale, règlement intérieur de la commission) et transmettre ces avis au CEPS selon les procédures établies entre le secrétariat de l'Agence et celui du CEPS. De plus, les avis de la commission sont rendus publics sur le site de l'AFSSAPS. Ces avis contiennent les éléments prévus par la réglementation pour permettre au CEPS de rendre son avis et au ministre de prendre sa décision quant au remboursement des médicaments ainsi qu'à leur taux ».

Votre rapporteur partage cette analyse , estimant qu'il convient de s'en tenir à un partage clair des responsabilités : un établissement public chargé de missions techniques, même très importantes, ne saurait se substituer à une décision relevant du pouvoir politique.

2. L'expertise externe : le pari de la neutralité et de l'indépendance

Le système d'évaluation de l'AFSSAPS repose sur une expertise interne et une expertise externe, c'est-à-dire provenant de la communauté médicale et scientifique, qui sont complémentaires.

L'expertise externe doit reposer sur les principes d'indépendance et d'impartialité. A cet égard, il convient notamment de rappeler les dispositions de l'article 13 du décret du 28 novembre 1983, selon lesquelles « les membres d'un organisme consultatif ne peuvent prendre part aux délibérations lorsqu'ils ont un intérêt personnel à l'affaire qui en est l'objet. La violation de cette règle entraîne la nullité de la décision subséquente lorsqu'il n'est pas établi que la participation du, ou des membres intéressés, est restée sans influence sur la délibération ».

Or, les experts externes auxquels recourt l'Agence sont, le plus souvent, des médecins, libéraux ou hospitaliers, et des universitaires, qui collaborent plus ou moins régulièrement avec l'industrie pharmaceutique.

Comme le note le rapport 2001 de l'Agence sur les déclarations d'intérêts, « s'il n'existe donc pas d'incompatibilité de principe, des règles ont été fixées afin d'assurer la transparence sur ces liens. Cette transparence est fondamentale et garantit la qualité du processus décisionnel. Elle signifie que les décisions elles-mêmes soient justifiées et que, dans la mesure du possible, les informations sur lesquelles elles reposent soient accessibles au public ».

Afin de prévenir tout risque déontologique, l'AFSSAPS s'est dotée d'une cellule de veille déontologique , dirigée par un magistrat de l'ordre judiciaire, chargée de faire appliquer la réglementation en la matière et de la faire connaître.

Par ailleurs, au moment de leur nomination ou de leur entrée en fonction, ces experts, qui siègent au sein des commissions et conseils de l'Agence, ainsi que les experts et rapporteurs qui collaborent aux travaux des commissions, ont l'obligation de remplir, sur l'honneur, une déclaration publique d'intérêts mentionnant les liens, directs ou indirects, qu'ils peuvent avoir avec les entreprises ou établissements dont les produits entrent dans le champ de compétences de l'Agence, ainsi qu'avec les sociétés ou organismes de conseil qui interviennent dans ces secteurs.

Cette déclaration est rendue publique, sous la forme d'un rapport, et est régulièrement actualisée à l'initiative du déclarant dès qu'une modification intervient 8 ( * ) .

Doivent ainsi être déclarées au titre des intérêts :

- les participations financières dans le capital d'une entreprise ;

- les activités donnant lieu à une rémunération personnelle permanente (contrat de travail) ou ponctuelle (essais cliniques et travaux scientifiques, rapports d'expertise, activité de conseils, conférences, actions de formation...) ;

- les activités donnant lieu à un versement au budget d'une institution (établissement hospitalier, université, association).

D'autres situations peuvent, en outre, être déclarées, comme l'emploi d'un parent dans une entreprise du secteur pharmaceutique ou la participation au conseil d'administration ou au conseil scientifique d'une société.

Néanmoins, ces « bonnes intentions » se sont souvent heurtées aux faits. Ainsi, les rapports publics comme le site Internet de l'AFSSAPS ont longtemps été pauvres en informations scientifiques vraiment intéressantes pour les médecins, qui continuaient de préférer consulter le dictionnaire médical Vidal . De surcroît, si celui-ci est financé par les laboratoires pharmaceutiques privés, les notices qu'il contient sont rédigées, le plus souvent, par des membres de la commission d'AMM, évidemment rémunérés pour cette activité ! Le risque de conflit d'intérêt paraît donc manifeste. Pour la Cour des comptes, le système d'information médicale aurait probablement été plus simple - et plus sain - si l'AFSSAPS avait mis rapidement en ligne les avis de la commission d'AMM.

* 7 Comité économique des produits de santé.

* 8 Le formulaire de trois pages de la déclaration publique d'intérêts est annexé au présent rapport d'information.

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