II. UNE AGENCE CONFRONTÉE À DES PROBLÈMES DE CROISSANCE

A. LES MOYENS DE L'AGENCE : UNE CROISSANCE PLUS RAPIDE QUE SA CAPACITÉ À LES METTRE EN OEUVRE

Le budget de l'AFSSAPS a considérablement augmenté, car il a constitué, comme l'ensemble des agences de sécurité sanitaire, une priorité budgétaire. L'AFSSAPS a néanmoins fini par accumuler une trésorerie considérable, d'un montant supérieur à 47 millions d'euros début 2001.

D'une manière générale, l'Agence présente une situation paradoxale : son budget et ses effectifs sont devenus très conséquents, alors que sa structure administrative est demeurée faible. En effet, l'Agence a longtemps été sous-gérée sur le plan administratif, en raison des impératifs de sa mise en place rapide et de la priorité donnée aux aspects scientifiques de ses missions.

Il faut y voir une source de fragilité pour l'exercice par l'AFSSAPS de ses missions.

1. L'AFSSAPS, une priorité budgétaire...

a) La forte croissance des moyens budgétaires de l'Agence

Les agences de sécurité sanitaire ont constitué une priorité budgétaire au cours des dernières années, comme le montre la forte progression des dépenses de l'AFSSAPS depuis 1999 :

Ainsi, sur trois exercices, entre 1999 et 2001, les dépenses de l'AFSSAPS ont crû de 43,9 %, à 72,5 millions d'euros en 2001 , ce qui correspond à une montée en charge très rapide de l'Agence.

Si l'on s'en tient aux prévisions des budgets primitifs 2002 et 2003, les dépenses de l'Agence devraient même s'établir à près de 97 millions d'euros en 2002 et 123,13 millions d'euros en 2003. Ainsi, depuis 1999, ses dépenses auraient augmenté de 144,4 %, et d'environ 27 % sur un seul exercice, entre 2002 et 2003 !

Toutefois, votre rapporteur tient à souligner la surestimation systématique des dépenses de l'Agence dans le budget primitif . En réalité, les écarts entre les dépenses inscrites au budget primitif et les dépenses constatées au compte financier sont très substantiels, même s'ils ont tendance à se réduire :

Il est donc très probable que les dépenses constatées en 2002 et 2003 seront inférieures aux dépenses prévues.

b) Les recettes : une subvention de l'Etat nécessaire à l'équilibre financier de l'Agence ?

Quant aux recettes de l'AFSSAPS, elles ont connu une évolution erratique, l'année 2002 venant rompre la tendance à la hausse régulière, le montant des recettes diminuant de plus de 10 millions d'euros entre 2001 et 2002, soit - 11,6 %.

Cette évolution tient à la diminution de la subvention versée par l'Etat à l'AFSSAPS, du fait des différentes mesures de régulation budgétaire intervenues en 2002.

Par ailleurs, il convient de souligner l'importance de la part des taxes, droits et redevances parmi ses recettes de fonctionnement, toujours supérieure à 50 % depuis l'origine, et qui augmente même puisqu'elle devrait s'établir à 82 % en 2003 :

L'Etat verse une subvention d'exploitation à l'AFSSAPS , inscrite sur le chapitre 36-81, article 11, du budget de la santé. Son montant et sa part au sein des recettes de fonctionnement de l'établissement ont évolué de la manière suivante :

Il est évidemment frappant de constater que, depuis l'exercice 2000, la subvention du budget de l'Etat ne cesse de diminuer . A cette date, elle représentait 27,81 millions d'euros, soit 40,5 % des recettes de fonctionnement de l'Agence, contre seulement 4,95 millions d'euros en 2003 et 8 % de ses recettes de fonctionnement.

La diminution de la subvention, en pourcentage des recettes, en 2001 et 2002, est liée à la mise en place des taxes sur les dispositifs médicaux. En 2002, l'établissement a, par ailleurs, fait l'objet d'une mesure de régulation budgétaire portant sur 7 millions d'euros. En 2003, « le niveau particulièrement bas de la subvention s'explique par la volonté des tutelles d'assécher le fonds de roulement de l'établissement », dont on verra plus loin qu'il est effectivement demeuré longtemps trop élevé.

Or, ce mouvement n'est pas seulement lié à des raisons conjoncturelles - la situation délicate des finances publiques françaises. Il résulte aussi d'une interrogation de fond sur la véritable utilité d'une telle subvention pour l'équilibre financier de l'Agence .

Du reste, le taux de consommation des crédits est parfois peu important, ce qui donne lieu à de substantiels reports. Cette sous-consommation résulte d'ailleurs, en partie, de la non publication des décrets d'application relatifs aux nouvelles missions de l'Agence (cf. infra ).

Le tableau ci-dessous illustre cette situation :

Si le taux de consommation des crédits de fonctionnement de l'Agence s'est amélioré entre 1999 et 2002, passant de 83 % à 89 %, après un taux atteignant 92 % en 2001, et une moyenne de moins de 87 % au cours de ces quatre exercices, celui des dépenses d'investissement reste peu élevé, oscillant entre 60 % en 2000 et 83 % en 2001, avec un taux de consommation moyen de 68 %. La direction générale de l'Agence a estimé qu'il était « nécessaire d'apprécier ces résultats au regard de la montée en charge des missions de l'établissement ».

Néanmoins, cette situation conduit, une fois encore, à s'interroger sur la nécessité du versement d'une subvention en provenance du budget de l'Etat.

2. Des outils de gestion encore frustes

La tutelle budgétaire de l'AFSSAPS est exercée à la fois par la direction du budget du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et par la direction de l'administration générale, du personnel et du budget (DAGPB) du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

Son exercice soulève néanmoins certaines interrogations, en raison de la situation, qualifiée par l'IGF et l'IGAS de « sinistrée », de la direction de l'administration et des finances de l'AFSSAPS. Celle-ci n'utilisait aucune procédure écrite pour élaborer le budget de l'Agence, en coordination avec les autres directions de l'établissement. En mai 2002, n'existait toujours aucune procédure budgétaire ni comptabilité analytique.

Interrogée sur ces points, l'AFSSAPS a contesté l'analyse des deux inspections générales, estimant que « les observations de l'IGF et de l'IGAS ne sont pas exactes ». Elle a fourni à votre rapporteur de nombreuses pièces, dont les plus anciennes concernent la préparation du budget primitif de 1997 de ce qui n'était encore que l'Agence du médicament, et qui témoignent effectivement de l'existence d'une procédure budgétaire formalisée au sein des services de l'Agence, tout au moins davantage que ce que l'IGF et l'IGAS ont laissé entendre.

L'organisation de la procédure budgétaire

L'organisation de la procédure budgétaire depuis 1995 à ce jour s'est effectuée de la manière suivante.

Dès le premier trimestre, préparation des demandes de financement tant en reconduction qu'en mesures nouvelles dans le cadre de la loi de finances et plus particulièrement sur la subvention d'Etat attribuée à l'établissement.

Vers la fin du second trimestre et sous l'égide de la direction générale, une lettre est adressée à chaque directeur afin de recueillir l'ensemble des besoins budgétaires tant en emplois qu'en subventions et moyens logistiques. Cette lettre était accompagnée d'une procédure et d'un tableau type.

Parallèlement à cet envoi, les services financiers de l'établissement sur le constat des six premiers mois de consommation établissent la base budgétaire de reconduction.

Durant le troisième trimestre, il est présenté à la direction générale le traitement financier de l'ensemble des demandes des directions opérationnelles pour un premier arbitrage. Au lendemain de ce dernier, les discussions s'engagent avec les différentes tutelles sur la détermination des moyens de reconduction ainsi que des mesures nouvelles, ceci afin d'établir le budget primitif et de le présenter aux différentes instances de l'établissement.

Dans le dernier trimestre et au lendemain de l'approbation budgétaire, les services financiers installent le budget ainsi approuvé en déterminant à la fois les enveloppes octroyées aux différents sites et les enveloppes affectées aux différentes directions opérationnelles. Cette procédure a été appliquée jusqu'à l'exercice 2001. Pour ce qui est de 2002, le changement de logiciel comptable a nécessité une période d'adaptation (qui n'a pas permis de maintenir cet objectif).

Après l'obtention du visa budgétaire du contrôleur financier, la politique du niveau d'ouverture des crédits est définie en étroite collaboration avec l'agent comptable et le contrôleur financier. Parallèlement à cette étape, la direction générale opère un ultime arbitrage pour redéfinir les moyens attribués à chaque directeur. Pour cette dernière étape, l'arbitrage se situe essentiellement sur l'attribution des créations de postes obtenues.

Une notification à chaque directeur, du budget ainsi consolidé, est transmise. Ensuite, lors du déroulement de l'exécution dudit budget, un tableau de bord sur l'état des consommations est mensuellement adressé aux différentes directions.

Source : réponse de l'AFSSAPS à une question de votre rapporteur

En tout état de cause, selon des informations communiquées à votre rapporteur par l'IGF et l'IGAS, « la politique des achats a été totalement bloquée », entre le 26 octobre 2001 et le mois de mars 2002.

L'AFSSAPS, dans sa réponse, cherche à minimiser cet incident, qui serait dû, selon elle :

- aux contraintes administratives qui lui ont été imposées : « en préalable aux éléments de réponse plus précis sur la politique d'achats, il convient de rappeler que l'établissement a dû faire face à de nombreux changements de ses moyens de gestion (passage à l'euro, changement du logiciel comptable qui a induit une nécessité d'adaptation des personnels utilisateurs et l'application du nouveau code des marchés publics, et plus particulièrement la mise en place des codes de nomenclature dont la parution datait du 26 décembre 2002 et dont l'application devait prendre effet à compter du 1 er janvier 2003) » ;

- aux délais inhérents à la procédure budgétaire : « cette procédure [budgétaire] fait effectivement intervenir des délais minimum d'environ un mois entre les exercices consécutifs d'une année à l'autre. De ce fait, la politique d'achats de l'établissement a été suspendue entre la fin de l'exercice 2001 et le début de l'exercice 2002, ce qui représente une période d'une durée d'un mois, avec cependant des mesures conservatoires pour répondre aux urgences (lettres d'intention de commande). En effet, le dernier bon de commande pris en charge sur 2001 datait du 20 décembre. Le premier bon de commande 2002 a quant à lui été signé le 12 février. Seul le mois de janvier n'a pas permis d'engagement de dépenses, la raison de ce décalage étant à imputer aux délais d'exécution du budget. En effet, il est à noter que le budget primitif 2002 a été soumis aux instances le 14 décembre 2001, suivi d'une approbation expresse le 21 décembre. La demande d'ouverture des crédits permettant l'exécution dudit budget n'est intervenue que le 14 janvier 2002, et a été visée par le contrôleur financier le 30 janvier 2002 ».

Néanmoins, au-delà de ces dysfonctionnements techniques, il existe, au sein de l'Agence, un réel problème lié à l'absence de contrôle de gestion et, par conséquent, de capacité d'évaluer avec précision les activités de l'Agence au regard d'indicateurs de performances solidement établis 12 ( * ) .

Cette situation a d'ailleurs amené certains membres du conseil d'administration à intervenir publiquement, pour s'en inquiéter.

Ainsi, au cours de la réunion du conseil d'administration du 7 juin 2001, la représentante du directeur général de la santé, en charge de la tutelle de l'Agence, « déclare qu'il est nécessaire de clarifier les missions de l'AFSSAPS telles que définies par la loi ». « Elle reconnaît [...] que certaines actions doivent être financées alors même qu'elles n'avaient pas été programmées ». Elle a également mentionné « la nécessaire mise en place d'un renforcement d'une évaluation des prestations fournies en regard des crédits versés ».

Cet indispensable effort de programmation et d'évaluation devrait se concrétiser au travers de la signature d'un contrat d'objectifs et de moyens entre l'Etat et l'Agence. Or, il convient de constater un retard par rapport à la procédure initialement prévue, qui, d'après l'Agence, serait indépendant de sa volonté : « l'audit IGF/IGAS s'est terminé en décembre 2002. Les conclusions définitives sont en attente à ce jour (juillet 2003) 13 ( * ) ».

* 12 Sur ce point, cf. le III.

* 13 Il convient cependant de noter que le retard pris dans l'audit de l'IGF et de l'IGAS est en partie imputable à l'AFSSAPS, qui, dans le cadre de la procédure contradictoire, a répondu avec retard aux observations des deux inspections générales.

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