II. UN SUIVI ENCORE INSUFFISANT ET UNE ÉVALUATION QUASIMENT INEXISTANTE

Le suivi des crédits du FNADT est encore insuffisant, et leur évaluation quasiment inexistante.

A. L'INSUFFISANCE DU SUIVI DES CRÉDITS

Dans son rapport public 2001, la Cour des comptes souligne « la nécessité d'un système performant d'information sur le suivi des opérations et des crédits ».

1. Une gestion des crédits en quasi-totalité déconcentrée

a) La faible part de crédits gérés directement

Comme on a eu l'occasion de l'indiquer dans ce rapport, la gestion directe ne concerne qu'un chapitre et qu'un article de prévision (chapitre 44-10, article 10).

Ces dépenses servent à financer, selon les termes utilisés par la DATAR, « un réseau ciblé composé d'acteurs de la politique de l'aménagement du territoire » : associations, établissements publics, GIP.... Ces financement s'effectuent dans le cadre de conventions d'objectifs, qui peuvent être pluriannuelles.

b) La délégation de l'essentiel des crédits aux ordonnateurs secondaires

L'essentiel des crédits du FNADT, en fonctionnement comme en investissement, sont délégués aux ordonnateurs secondaires (préfets de région ou de département).

Le secrétariat général, après validation par le Premier ministre de la ventilation des crédits de l'année, transmet les crédits aux préfets de région sous forme de «  délégations d'autorisations de programmes globalisées » (titre VI) ou de délégations de crédits de paiement (titre IV). Celles-ci peuvent être ensuite subdéléguées aux préfets de département.

2. La longue absence de suivi des crédits délégués

La suivi de l'utilisation des crédits délégués en temps réel a longtemps été impossible, le système comptable des préfectures n'étant pas relié à celui de la DATAR.

En effet, selon la DATAR, « les crédits délégués par la DATAR » étaient « enregistrés sur l'applicatif de gestion des préfectures « Nouvelles Dépenses Locales » (N.D.L.) », qui ne comportait « aucune liaison technique avec l'application financière centrale ».

Ainsi, la DATAR indique que jusqu'au début de l'année 2002 elle « ne connaissait que le niveau de ses propres consommations ainsi que le volume de crédits délégués et ne pouvait rendre compte de l'utilisation des crédits FNADT déconcentrés qu'après avoir exploité manuellement les remontées d'information transmises par les préfectures ».

Ainsi, les rapports au Parlement, censés fournir des informations précises sur l'utilisation du FNADT, n'indiquent pas la consommation des crédits, mais seulement leur engagement.

3. Des améliorations en cours

La DATAR s'efforce depuis le début de l'année 2002 d'améliorer le suivi des crédits du FNADT.

a) La mise en place d'un suivi informatique des crédits
(1) La modernisation informatique de la DATAR

En réponse à une question écrite de notre collègue Serge Mathieu, le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire a indiqué en novembre 2002 26 ( * ) que la DATAR avait décidé de se doter « à l'horizon 2003 » d'un système d'information facilitant le plein exercice de ses missions.

Elle s'est développée sur trois plans :

- refonte des infrastructures, devenues obsolètes (aujourd'hui terminée) ;

- reconstitution d'une équipe informatique (2 personnes) ;

- réflexion stratégique débouchant sur un programme pluriannuel.

(2) Vers un suivi informatique des crédits

La DATAR a indiqué à votre rapporteur spécial que son objectif essentiel était de mettre en place un système informatique reliant les préfectures de région et de département à la DATAR.

La DATAR a demandé à la direction générale de la comptabilité publique de lui permettre l'accès à son infocentre « INDIA ». Ce dernier permet d'effectuer des consultations et des requêtes sur les dépenses imputées au niveau déconcentré sur le budget de l'aménagement du territoire. Ainsi, la DATAR sait désormais au jour le jour où en est la consommation des crédits, département par département.

Ce système ne saurait cependant être que temporaire. En effet, cet outil étant essentiellement comptable, il n'indique pas la nature et l'objet de la dépense constatée. Il ne permet donc que de suivre la dépense consolidée du FNADT.

La DATAR souhaite suivre la totalité des crédits de l'aménagement du territoire par enveloppe de crédit, acteur, localisation ou encore programme. Elle a conclu à cette fin en 2003 un marché avec une société privée, pour un montant de 634.000 euros. Ce nouveau système devrait être opérationnel à la fin du premier trimestre de l'année 2004.

b) La demande d'informations complémentaires aux préfectures

Par ailleurs, la DATAR a décidé de demander des informations complémentaires aux préfectures.

Celles-ci doivent désormais justifier pour chaque appel de crédits de paiement du FNADT (titre VI) la nature et le niveau de consommation des opérations ouvertes au niveau local.

La DATAR effectue depuis le début de l'année 2002 l'enregistrement de ces informations sur une base de données centrale.

B. L'INSUFFISANCE DE L'ÉVALUATION

1. Une évaluation extérieure à la DATAR encore perfectible

L'évaluation externe du FNADT semble encore perfectible.

a) Le groupement d'intérêt public prévu par la loi de 1995 n'a jamais été créé

A l'initiative du Sénat , l'article 9 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 prévoyait la création d'un « groupement d'intérêt public chargé de recueillir des informations et des données nationales et internationales sur l'aménagement et le développement du territoire ainsi que sur les expériences de développement local, de les traiter et de les diffuser aux utilisateurs publics et privés ».

Par ailleurs, ce groupement d'intérêt public devait évaluer les politiques d'aménagement et de développement du territoire. La faculté lui était, en outre, ouverte de charger le comité des finances locales de recueillir les données nécessaires sur la situation et l'évolution des finances locales.

Il devait être composé de représentants du Parlement, des collectivités territoriales, des groupements de communes, des administrations de l'Etat, des associations nationales techniquement compétentes et du comité des finances locales. Des personnalités qualifiées devaient également y participer.

Or, le décret en Conseil d'Etat prévu par l'article 9 de la loi du 4 février 1995 n'a jamais été pris.

En outre, l'article 9 de la loi du 4 février 1995 (figurant dans le texte initial du projet de loi) a été abrogé par l'article 9 de la loi du 25 juin 1999.

b) Les délégations parlementaires à l'aménagement du territoire : une utilité incontestable mais des moyens limités

Les délégations parlementaires à l'aménagement du territoire jouent un rôle essentiel dans l'évaluation de la politique d'aménagement du territoire.

Une délégation parlementaire à l'aménagement et au développement durable du territoire a été instituée, dans chacune des assemblées, par l'article 10 de la loi d'orientation n°99-533 du 25 juin 1999 pour l'aménagement et le développement durable du territoire.

Chaque délégation comprend quinze membre et est chargée :

- d'évaluer les politiques d'aménagement et de développement du territoire ;

- d'informer leur assemblée respective sur l'élaboration et l'exécution des schémas de services collectifs, ainsi que sur la mise en oeuvre des contrats de plan.

A la demande du gouvernement, chaque délégation rend un avis sur les projets de décrets mettant en oeuvre ces schémas.

Il est notamment prévu que « le gouvernement leur communique tout document nécessaire à l'accomplissement de leur mission ».

Certes, ces délégations jouent un rôle important. Leurs moyens sont néanmoins limités.

c) Une évaluation encore imparfaite des contrats de Plan par les régions ?

La circulaire du 25 août 2000 du Premier ministre relative à la mise en oeuvre de l'évaluation dans les procédures contractuelles prévoit notamment qu'une section spécialisée de la conférence régionale d'aménagement et de développement du territoire (CRADT), instituée par la loi du 25 juin 1999, assure les fonctions de comité de pilotage des évaluations des contrats de plan.

Par ailleurs, l'instance nationale d'évaluation des contrats de plan État-région , présidée par le Commissaire au Plan 27 ( * ) , est chargée d'examiner les projets d'évaluation transmis par les préfets de région et de formuler les recommandations susceptibles d'enrichir ces projets. Elle a également un rôle de diffusion de la culture d'évaluation dans les régions en mutualisant les pratiques et en développant les transferts d'expérience.

Selon le conseil national de l'évaluation (CNE) 28 ( * ) , les évaluations prévues dans les régions au cours de la période 2000-2006 comprennent une centaine d'études. Cinq thèmes concentrent les deux tiers des projets : entreprises et développement économique, politique de la ville, environnement et développement durable, emploi/formation/insertion, volet territorial.

Selon le CNE, « ils correspondent d'assez près à la structure des priorités stratégiques des contrats de plan, mais ils sont très peu liés aux enjeux budgétaires. (...) Les deux programmes les plus lourds des contrats de plan (infrastructures de transports et enseignement supérieur) seront très peu souvent évalués ».

2. L'absence d'évaluation au sein de la DATAR

L'absence d'évaluation au sein de la DATAR peut sembler préoccupante.

Certes, dans son rapport d'enquête sur la section générale du FNADT (1998), l'inspection générale des finances estime qu'il ne serait pas souhaitable que la DATAR évalue elle-même l'action du FNADT, du fait de la nécessité de ménager une certaine distance entre les structures chargées de mettre en oeuvre une politique et celles responsables de son évaluation.

Cependant, les moyens extérieurs d'évaluation demeurant insuffisants, il semblerait utile que la DATAR se dote de moyens d'évaluation. Ainsi, dans son rapport 2001, la Cour des comptes déplore « l'absence totale d'évaluation par la DATAR des politiques qu'elle met en oeuvre. Même sans parler d'évaluation au sens plein du terme, on pouvait penser que la Délégation se préoccupait au moins de mesurer les résultats des actions qu'elle soutient. (...) La DATAR ne s'était pas dotée des outils nécessaires à la mesure de ces résultats. (...) La DATAR doit tirer les conséquences de la responsabilité que lui impose la gestion des crédits qui lui sont confiés et affecter à cette tâche les personnels et les moyens informatiques nécessaires ».

a) L'insuffisance du rapport au Parlement

La loi n° 95-115 du 4 février 1995 29 ( * ) prévoit qu'à l'occasion de la présentation du projet de loi de finances de l'année, un rapport est fait au Parlement sur l'utilisation des crédits du fonds national d'aménagement et de développement du territoire.

Si l'intérêt de ce rapport ne doit pas être sous-estimé (on y trouve en particulier de nombreuses données chiffrées), celui-ci semble cependant pouvoir être perfectionné.

Le caractère jugé « approximatif et incomplet » du rapport au Parlement sur l'utilisation des crédits du FNADT a d'ailleurs fait l'objet d'une observation de la Cour.

(1) Le mode d'élaboration du rapport

Ce rapport est établi notamment grâce à des informations provenant des préfets de région, selon des instructions transmises chaque année par le ministre chargé de l'aménagement du territoire.

La nature de ces informations est indiquée par une circulaire de la DATAR aux préfets de régions, en date du 24 mai 2002.

Dans son rapport d'enquête sur la section générale du FNADT (1998), l'inspection générale des finances indique que le rapport au Parlement relatif à l'exercice 1996 a été élaboré par une stagiaire étudiante en DESS d'aménagement du territoire, dans un délai très court (fin juin pour un produit fini fin août).

L'inspection générale des finances critique en outre la méthode même d'élaboration du rapport. En effet, la ventilation des crédits par les SGAR est susceptible de se faire selon des critères variables d'une région ou d'une année à l'autre.

(2) Jusqu'en 2000, l'absence d'indications sur les crédits payés

Jusqu'en 2000, le rapport n'a comporté aucune indication sur les crédits payés, indiquant seulement la répartition des crédits décidée en CIADT et en réunions interministérielles et les engagements de crédits.

Depuis le rapport au Parlement relatif à l'année 2000 se trouve cependant indiquée la part des crédits engagés qui ont été mandatés.

(3) Des commentaires trop succincts

En outre, les commentaires des données sont extrêmement succincts.

Dans son rapport d'enquête sur l'utilisation de la section générale du FNADT (1998), l'inspection générale des finances estime que « l'élaboration du rapport au Parlement ne fait (...) pas l'objet d'une attention suffisante et n'intègre aucune dimension qualitative ». Ce commentaire est toujours d'actualité. En particulier, les notices sur chaque région pourraient être utilement réorganisées autour des principaux graphiques, afin que le lecteur puisse déterminer à quelles opérations principales correspondent les crédits regroupés dans les différents agrégats (ce qui n'est généralement pas possible à partir des informations fournies).

Par ailleurs, le rapport ne comporte aucun développement, même sommaire, sur l'évaluation de l'efficacité des dépenses. Pourtant, la circulaire de 1995 (qui depuis a été remplacé par celle du 9 novembre 2000) prévoit que ce rapport « ne saurait être limité à une description financière, mais devra comporter des éléments précis d'appréciation des retombées territoriales des actions conduites, notamment du point de vue économique ».

(4) Une diffusion confidentielle

Enfin, les rapports au Parlement ne sont pas rendus publics, ce qui limite fortement leur impact.

Il serait envisageable de leur donner une plus forte diffusion, en particulier par Internet. Ainsi, le rapport du ministère délégué à la ville et à la rénovation urbaine intitulé « Bilan des zones franches urbaines », dont la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville prévoit le dépôt annuel sur le bureau de chacune des assemblées, peut être consulté sur le site internet de la délégation interministérielle à la ville.

b) Vers un renforcement des capacités d'évaluation de la DATAR ?

En réponse à une question écrite de notre collègue Serge Mathieu, le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire a indiqué en novembre 2002 30 ( * ) que la DATAR travaillait à « la définition d'un programme d'évaluation », cette démarche devant être « menée à terme d'ici la fin de l'année 2003 ».

Le ministre a indiqué que ces travaux seraient concentrés, comme il se doit, sur l'évaluation de la mise en oeuvre des objectifs de la politique d'aménagement du territoire, et non sur la pertinence des objectifs, ceux-ci relevant de choix politiques.

Il a précisé que la mise en place d'un dispositif de suivi financier en constituait une première étape, et qu'à moyen terme (2003-2006), « une évaluation en terme d'efficacité pourra être généralisée et une évaluation en terme « d'efficience », voire d'utilité, deviendra alors possible ».

Votre rapporteur spécial se réjouit que le ministre en charge de l'aménagement du territoire ait exprimé sa volonté de doter la DATAR d'une véritable politique d'évaluation de son action, ce dont le FNADT bénéficiera en premier lieu.

C. VERS PLUS DE TRANSPARENCE POUR LE FINANCEMENT DES ASSOCIATIONS

Les subventions aux associations représentent, on l'a vu, environ 10 % des subventions. Dans son rapport public pour 2001, la Cour des comptes a souligné leur manque de transparence. Votre rapporteur spécial déplore cet état de fait, qui conduit à s'interroger sur la pertinence de certaines de ces subventions.

En réponse à la question écrite précitée de notre collègue Serge Mathieu, le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire a indiqué en novembre 2002 que la DATAR avait pris certaines dispositions afin d'améliorer la transparence des subventions aux associations.

La prise en compte par la DATAR des observations de la Cour des comptes au sujet des subventions aux associations, selon le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire

« La DATAR a pris en compte les observations de la Cour sur entreprises, territoires et développement (ETD) formulées lors de son dernier contrôle sur cette association. Elle a contribué depuis dix-huit mois à clarifier les missions de cette association, en appui à ses organes sociaux, en les distinguant nettement de celles de la délégation. ETD a redéfini ses grands axes d'intervention prioritaires, conformes à son objet social, qui justifient un soutien significatif de la DATAR. L'association a ainsi recentré son projet associatif sur des missions d'accompagnement méthodologique des " projets de territoires " tels que prévus par le législateur dans la loi du 25 juin 1999, sur des fonctions de capitalisation des expériences de développement local ainsi que sur l'animation de cadres nationaux et interrégionaux d'échanges entre acteurs du développement local. Répondant désormais en priorité à la sollicitation des acteurs régionaux et locaux, ETD contribue à la mise en oeuvre de politiques d'aménagement du territoire sans pour autant être considérée comme un simple exécutant des décisions prises par la DATAR. La clarification des missions d'ETD et son autonomie de décision ont, par ailleurs, été confortées durant 2001 par la forte réduction du poids relatif des subventions de la DATAR dans le budget général de l'association qui a recherché parallèlement de nouveaux soutiens financiers lui permettant de poursuivre son repositionnement. La Caisse des dépôts et consignation s'est ainsi engagée pour trois ans avec comme objectif d'apporter un financement équivalent à celui de la DATAR.

Concernant la nouvelle présentation des comptes des associations supports des commissariats , les premiers travaux ont porté sur l'élaboration d'un cadre commun plus lisible pour toutes les associations. La deuxième étape consiste à mettre en place une comptabilité analytique basée sur l'activité telle que décidée dans les conventions pluriannuelles d'objectifs. Cette présentation a été demandée et réalisée pour 2001 (année de la mise en oeuvre de ces conventions). Ces comptes analytiques devront faire l'objet d'un examen détaillé au moment de l'évaluation prévue au terme de la convention. Cette mesure ne produira tous ses effets qu'à partir de l'année 2003. »

Source : JO Débats du Sénat du 21 novembre 2002, page 2788

* 26 In JO Débats du Sénat du 21 novembre 2002, page 2788.

* 27 Cette instance est composée des représentants des administrations concernées, d'un membre du Conseil national d'aménagement et de développement du territoire, d'un membre du Conseil national de l'évaluation et de deux universitaires.

* 28 Site internet du conseil national de l'évaluation.

* 29 Loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.

* 30 In JO Débats du Sénat du 21 novembre 2002, page 2788.

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