11. Audition de M. Paul Girod, sénateur, président du Réseau Idéal (6 mai 2003)

En ce qui concerne la mise en oeuvre des textes législatifs et réglementaires adoptés pour la mise en oeuvre du réseau Natura 2000, les réponses des départements interrogés par le Réseau Idéal révèlent que la difficulté essentielle réside dans l'absence de connaissance et un défaut d'explication sur ces textes. De plus, les décrets d'application sont parfois incomplets. Ainsi, les collectivités devront-elles passer des contrats Natura 2000 ? De l'avis général, la démarche Natura 2000 est chaotique et la communication réalisée peu claire. Cela entraîne des prises de position peu précises voire contradictoires lors des réunions, notamment pour la mise en place des politiques Espaces naturels sensibles en zone Natura 2000. De plus, les interlocuteurs lors des réunions ne sont jamais les mêmes.

Lors de la désignation des sites, la procédure de consultation n'est pas satisfaisante car elles concernent les communes et les EPCI, dont les avis sont souvent contrés par la proposition préfectorale. Les départements sont seulement informés, sans être consultés, alors que certains sont d'importants propriétaires fonciers (ex. CG13). Par contre, la démarche par groupe de travail est plus satisfaisante pour la réalisation des documents d'objectifs. Il reste à savoir comment cela va se concrétiser dans la pratique.

En revanche, la concertation avec les élus locaux ainsi qu'avec les propriétaires et les usagers est globalement bien menée grâce aux opérateurs animant les comités de pilotages correspondants, et ce malgré l'effectif restreint affecté à cette tâche. Toutes les parties se rendent compte des atouts d'une vraie concertation, attendue depuis longtemps et qui faisait défaut. Toutefois, certains départements estiment que les documents sur lesquels les élus doivent se prononcer sont trop imprécis. Certaines « longueurs » dans la procédure induisent également des blocages. En effet, certaines d'entre elles ont été arrêtées pendant près de 3 ans et viennent juste de reprendre. Les équipes municipales ont parfois changé entre temps et ne connaissent pas le dossier. Ils apprennent alors les éléments nouveaux par la presse !

S'agissant de la délimitation des sites et des périmètres, les avis sont partagés. Cette délimitation est satisfaisante quand elle est à la fois fondée sur des arguments scientifiques, et soucieuse des contraintes locales et des intérêts écologiques réels. Elle ne l'est pas dans la mesure où les départements auraient souhaité que les périmètres puissent se discuter au moment de la rédaction des documents d'objectifs (DOCOB), et que certains sites puissent être intégrés à ces périmètres (bois départementaux par exemple).

En outre, il faut souligner que la délimitation est imprécise, les localisations cartographiques se faisant à très grande échelle (1/25000° dans la majorité des cas) et la procédure de modification des limites après réactualisation des inventaires est « lourde ». En outre, il n'y a pas de réponse précise quand à l'évolution de certains périmètres.

S'agissant du cas particulier de la désignation des ZPS (zones de protection spéciale), les principales difficultés identifiées portent sur le retard dans la transformation des ZICO en ZPS, le manque de clarté des limites des périmètres concernés et la prise en compte prioritaire des secteurs publics excluant parfois des zones privées stratégiques.

Pour l'élaboration des documents d'objectifs, peu ou quasiment aucun groupement de communes n'a été retenu car ils n'ont pas les compétences nécessaires (compétence environnementale non retenue) pour mettre en oeuvre ces études, qui demandent un encadrement spécialisé. D'autres n'ont pas voulu se porter candidats compte-tenu, sur certains territoires, du très mauvais engagement de Natura 2000. Il faut également noter un manque d'implication dans la démarche de la part des organismes chargés de la réalisation des documents d'objectifs. D'autres n'ont pas voulu être à la fois « juge et partie » ou ont considéré que ce type d'action n'était pas prioritaire.

Les principales difficultés rencontrées lors de l'élaboration de ces documents proviennent de la méfiance des acteurs vis à vis de la démarche, et de la difficile mobilisation de tous les intervenants, à travers la mise en place de réunions publiques dans la majorité des cas. Il faut aussi souligner l'hétérogénéité dans la présentation et dans la précision des DOCOB selon l'opérateur local et les difficultés de réalisations post-DOCOB, faute de moyens financiers clairement spécifiés en amont. En outre, il est regrettable que chaque DIREN conçoive les DOCOB « à sa façon » puisqu'il n'y a pas eu de protocole national. Il s'avère enfin très difficile de réaliser des inventaires initiaux fiables si les propriétaires s'y opposent.

Dans leur contenu, les DOCOB ont la plupart du temps pris en compte les usages et activités liés au site qui sont quasiment toujours maintenus et notamment la chasse. Les débats actuels portent sur « comment maintenir ou développer une activité en conformité avec les impératifs Natura 2000 » plutôt que sur l'apparition d'éventuelles mesures réglementaires complémentaires. Les départements manquent de réponses concrètes et appropriées avant l'établissement des DOCOB. La réponse qui est faite actuellement se réfère à la réglementation des espèces protégées.

Un des problèmes évoqués a trait à la volonté de ne pas inclure la sensibilisation (aménagements ou animations) dans les DOCOB. Or ne pas prévoir de telles actions dans les DOCOB risque de les rendre impossibles, ou plus difficiles, à mettre en place par la suite. Certains départements envisagent des préconisations en terme d'encadrement.

S'agissant de la mise en oeuvre des contrats de gestion, il est certain que des problèmes de financement se poseront. Les budgets des DIREN apparaissent déjà insuffisants, ce qui remet en cause la crédibilité de Natura 2000 33 ( * ) . De fortes difficultés financières ont déjà été rencontrées par certains : financements prévus et annoncés mais non effectifs et problématiques. Les départements ne seraient pas surpris que l'enveloppe issue de la TDENS soit mobilisée. Enfin, il est important de souligner que les modalités d'attribution des enveloppes restent pour l'instant à préciser.

Par ailleurs, les contrats d'agriculture durable (CAD) peuvent constituer le support adéquat pour financer les mesures Natura 2000 mises en oeuvre par les agriculteurs mais à certaines conditions. Il faut que la procédure CAD soit réellement simplifiée par rapport à celle des contrats territoriaux d'exploitation (CTE), les budgets alloués suffisants et attractifs, les modalités précisées, et que ces contrats ne constituent pas les seules sources de financement. Le problème rencontré réside dans la non prise en compte des propriétaires ne relevant pas du statut d'agriculteur avec lesquels les départements seront amenés à travailler (propriétaires d'espaces humides, forestiers). Toutefois, se prononcer sur cette question est difficile puisque les CAD ne sont pas pour l'instant mis en place et il faut souligner que la profession agricole est plutôt opposée au principe de financement par les CAD des actions Natura 2000 (CG Sarthe).

Dans le cadre d'une réflexion sur des formes d'incitations fiscales prenant en compte les contraintes liées au classement d'un territoire dans le réseau Natura 2000, on pourrait suggérer la réduction des impôts fonciers, l'augmentation du pourcentage de financement des opérations mises en place dans le cadre d'un CTE (passage du « bonus Natura 2000 » de 10 à 30 %), la diminution ou l'annulation des taxes sur les successions ou les mutations ou cession amiable de terrains classés Natura 2000 à une collectivité et enfin étendre les mesures à l'ensemble des propriétaires gestionnaires d'espaces naturels.

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* 33 A titre d'exemple, la DIREN Auvergne a annoncé qu'elle ne pourra allouer que 30 % des crédits prévus pour les DOCOB déjà lancés. Quant aux futurs documents, elle demande aux opérateurs de solliciter le plus possible les fonds européens (type FEOGA) pour "remplacer" le Fonds de gestion des milieux naturels.

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