N° 24

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004

Annexe au procès-verbal de la séance du 15 octobre 2003

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le compte d'avances aux collectivités locales ,

Par M. Paul LORIDANT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Jacques Oudin, Gérard Miquel, Claude Belot, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Aymeri de Montesquiou, vice-présidents ; MM. Yann Gaillard, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM. Philippe Adnot, Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Jacques Baudot, Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Thierry Foucaud, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Hubert Haenel, Claude Haut, Roger Karoutchi, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, François Marc, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, René Trégouët.

Collectivités territoriales.

« Les relations de trésorerie entre Etat et collectivités locales sont caractérisées par des prestations réciproques gratuites, expression de l'unité des finances publiques » 1 ( * )

AVANT-PROPOS

Les relations de trésorerie entre l'Etat et les collectivités locales restent encadrées par des règles anciennes qui, en dépit de leur respect tout relatif des grands principes d'autonomie financière, n'ont pas été remises en cause par l'application des premières lois de décentralisation.

Côté pile, l'Etat, traditionnel fermier général des collectivités locales depuis plus de deux siècles, verse par douzième le montant des impositions votées pour l'année par les communes, les structures intercommunales, les départements, les régions, tandis qu'il perçoit, avec un décalage, le produit effectif de ces impôts. Il en résulte un avantage pour les collectivités locales, qui ne disposent pas d'une organisation leur permettant de lever l'impôt. La prise en charge des frais de perception des impositions locales est assurée par un prélèvement sur les recettes du compte d'avances, l'Etat supportant néanmoins un coût de trésorerie important lié au mécanisme d'avances mensuelles. Il peut néanmoins chercher à réduire ce coût en améliorant le fonctionnement du service public de l'impôt, notamment par le développement de la mensualisation.

Côté face, les collectivités locales sont tenues de déposer leurs disponibilités au Trésor sans intérêt, sauf dérogations limitativement encadrées par une circulaire Chautemps datant de 1926. En raison de cette obligation, l'Etat est ainsi le caissier général des collectivités locales, et même leur banquier de base pour les plus petites d'entre elles.

En 1989, la commission des finances du Sénat chargeait votre rapporteur spécial d'un rapport d'information relatif à la gestion de trésorerie des collectivités locales 2 ( * ) . Ce rapport, d'un champ apparemment limité, embrassait au final l'ensemble des relations de trésorerie entre Etat et collectivités locales.

En quinze ans, quels changements sont-ils intervenus ? En apparence, aucun : côté pile et côté face demeurent indissolublement liés. Les défauts du système restent entiers, ses avantages pour les deux parties sont également reconnus. En ce qui concerne l'obligation de dépôt, le constat que votre rapporteur spécial formulait il y a quinze ans demeure : « les collectivités locales françaises sont ainsi dans une situation inégalitaire au regard de la gestion de leurs excédents temporaires : certaines d'entre elles ont la possibilité d'échapper, au moins partiellement, au manque à gagner que constitue l'obligation de dépôt sans rémunération de leurs fonds libres au Trésor public, d'autres non ». Le placement des liquidités au Trésor qui en assure la gestion en « bon père de famille » a cependant retrouvé des attraits nouveaux depuis les déboires qu'ont pu connaître certaines collectivités dans leur gestion active de trésorerie...

Seul changement notable : l'inflexion étrange du solde du compte d'avances aux collectivités locales, dont les manuels de finances publiques ont toujours décrit le caractère structurellement déficitaire, aujourd'hui régulièrement positif.

C'est pour cette raison que votre rapporteur spécial, partant d'une analyse du fonctionnement du compte d'avances aux collectivités locales, s'est attaché à actualiser son rapport d'information de 1989. Il avait tenté de réaliser, à l'époque, pour tester une idée alors en vogue consistant à remettre substantiellement en cause l'obligation de dépôt au Trésor, une balance des relations de trésorerie entre Etat et collectivités locales, mettant en rapport le coût pour l'Etat du compte d'avances et le coût pour les collectivités locales de l'obligation de dépôt. L'exercice pour intéressant qu'il soit sur le plan intellectuel, et votre rapporteur spécial s'y essaye encore dans le présent rapport d'information, a aujourd'hui comme hier, peu de portée pratique, tant les acteurs en présence, Etat comme collectivités locales, ont peu intérêt à une révolution dans leurs relations de trésorerie qui pourrait conduire à d'importants transferts de charges.

En revanche, les deux rôles que joue l'Etat auprès des collectivités locales, fermier général et caissier général, sans les remettre en cause dans leur principe, doivent être réexaminés à l'aune du nouveau mouvement de décentralisation qui s'annonce, « l'acte II », et de la nécessaire modernisation des administrations publiques.

Le régime de l'obligation de dépôt mérite en effet d'être profondément modernisé. Si la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances en a maintenu le principe, elle a ouvert le champ des possibles dérogations, à définir en loi de finances. En matière d'obligation de dépôt, l'Etat est un caissier sûr, mais un banquier peu imaginatif , mettant à la disposition des plus petites communes qui constituent sa toute première clientèle, des services en nombre limité, puisqu'il ne leur offre qu'un compte de dépôt non rémunéré. L'obligation de dépôt au Trésor ne gardera sa légitimité que si l'Etat est en mesure d'offrir une gamme de services qui rende cette obligation « attractive » pour les collectivités locales.

Le fonctionnement du compte d'avances mérite lui-aussi d'être amélioré . Le poids des dégrèvements dans les relations de trésorerie entre Etat et collectivités locales rend le mécanisme d'avances peu compréhensible. Les réformes en cours de la fiscalité locale devraient engendrer une plus grande transparence dans le fonctionnement du régime d'avances. L'Etat, par ailleurs, ne pourra différer longtemps les efforts indispensables pour réduire les coûts de gestion de son service public de l'impôt mis, chaque année, il convient de le rappeler, au débit des collectivités locales.

* 1 M. René Barbeyrie, directeur général de la comptabilité publique, revue Marchés et Techniques financières n° 19, juin 1990 - « Les relations de trésorerie Etat-collectivités locales ».

* 2 Rapport d'information n° 447 sur la gestion de trésorerie de collectivités locales - première session ordinaire de 1989-1990.

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