OBSERVATIONS FINALES

1. Une volonté très forte d'intégrer l'Union européenne

Vos rapporteurs ont tout d'abord été frappés par la détermination des autorités turques à réussir le rendez-vous de décembre 2004 qui sera déterminant pour l'ouverture des négociations d'adhésion. La volonté d'adhérer est largement partagée par la population, même si cette demande d'Europe semble sans doute plus de nature économique que politique.

La Turquie a fait dans sa législation des progrès très importants pour respecter les critères de Copenhague. Cependant de réelles difficultés d'application persistent, en raison notamment des réticences des administrations et de pratiques anciennes. La capacité du gouvernement à faire respecter les textes récemment votés sera déterminante pour la réussite du rendez-vous de décembre 2004. Il doit démontrer que la Turquie ne respecte pas seulement en théorie les critères de Copenhague.

Sur le plan économique, la Turquie reste évidemment très éloignée du niveau de développement des pays fondateurs de l'Union. Seule une longue période de transition permettra d'effectuer l'indispensable mise à niveau pour permettre à l'économie turque d'affronter la participation complète au marché unique européen. Cette transition permettra également d'éviter de trop amples mouvements de population.

Il n'en reste pas moins que les progrès accomplis peuvent autoriser la Turquie à espérer un rapport favorable de la Commission européenne fin 2004. Ce rapport ne rendra pas automatique l'ouverture des négociations d'adhésion, les chefs d'État et de gouvernement auront en effet à se prononcer en fonction de l'ensemble des éléments. L'évolution de la question chypriote aura une réelle influence, comme l'impact attendu sur les équilibres européens d'un pays de plus de 70 millions d'habitants. Vos rapporteurs estiment cependant qu'un nouveau refus opposé à la Turquie serait très mal ressenti par ce pays. En conséquence, il leur est apparu indispensable de développer une réelle pédagogie de la candidature turque à l'Union européenne.

2. La stabilisation de la situation politique et économique

Sur les plans politiques et économiques, la Turquie est dans une situation plus stable qu'il y a quelques années.

La victoire de l'AKP permet au gouvernement de disposer d'une majorité unie pour mener ses réformes, situation inédite depuis une quinzaine d'années. Son avènement est également le signe d'une réelle évolution de la société et de la scène politique turques. Contrairement à certaines prévisions, l'AKP, dont l'hétérogénéité est réelle, a résisté à plusieurs crises. Cependant seuls les événements à venir permettront de confirmer sa solidité, la pérennité du leadership de Tayyip Erdoðan, son caractère modéré et libéral. Mais vraisemblablement, il provoquera la mise en place de nouveaux équilibres politiques et institutionnels, qui se conjugueront aux effets de l'application des normes juridiques et démocratiques européennes. Notamment, l'armée devrait voir son rôle décroître, en cas d'ouverture des négociations d'adhésion.

Sur le plan économique, la politique suivie et l'évolution de la conjoncture au cours des deux dernières années conduisent à penser que la Turquie est sur la voie de la stabilisation. D'importants efforts sont certes encore à accomplir pour rendre pérenne le mouvement de désendettement de l'État, les réformes structurelles, la baisse de l'inflation et des taux d'intérêts. Néanmoins la Turquie semble sortie du cercle vicieux dans lequel elle s'était enfermée et ce malgré la crise irakienne. L'enjeu est désormais de partager suffisamment les fruits de cet effort pour le rendre acceptable dans la durée à l'ensemble de la population. Il est évident que la perspective de l'adhésion à l'Union européenne constitue un facteur mobilisateur.

3. La Turquie, nécessaire partenaire de la reconstruction de l'Irak

Vos rapporteurs ont, en outre, acquis la conviction que la Turquie était un partenaire incontournable pour la reconstruction de l'Irak. Ayant refusé de participer au conflit, puis ayant renoncé, devant les réserves exprimées, à y envoyer des troupes, il est naturel qu'elle se sente directement concernée par la résolution d'une crise qui se déroule à ses frontières. Elle s'y implique d'ailleurs fortement par ses entreprises et ses organisations humanitaires.

La France qui a partagé avec la Turquie la plupart de ses analyses sur l'évolution de l'Irak, a tout intérêt à s'appuyer sur ce partenaire dans la perspective d'une implication directe à la reconstruction de l'Irak, à partir du moment où la souveraineté sera à nouveau dévolue aux Irakiens.

4. Une relation bilatérale à conforter

La relation bilatérale franco-turque est dense dans les domaines culturels et économiques. Ils doivent être confortés. Dans le domaine culturel, l'investissement français est important mais le « retour sur investissement » est également élevé. L'ancienneté et l'importance de nos liens nous permettent aussi de développer des partenariats qui n'existent pas ailleurs comme l'université francophone de Galatasaray et la fondation Tevfik Fikret. Ce sont des initiatives que nous devrions soutenir plus activement et si possible dupliquer dans d'autres pays.

Au niveau politique, il est désormais temps de rétablir une relation forte avec la Turquie, à tous les niveaux, pour préparer le rendez-vous européen de 2004 mais aussi pour que cette relation soit cohérente avec notre implication économique et culturelle dans ce pays. Vos rapporteurs avaient regretté qu'un groupe Turquie-France n'ait pas été constitué au Parlement turc, il a été créé depuis et son président s'est rendu récemment à Paris. Ils souhaitent donc que les liens entre le Sénat et le Parlement turc s'amplifient à l'avenir.

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