3. Langues de l'immigration, langues de l'intégration : le cas de l'arabe

Le cas des langues de l'immigration, et en particulier le défi de l'enseignement de l'arabe en France, offre une illustration de la dimension politique de l'apprentissage des langues et de la responsabilité qui en découle. Le Président de la République M. Jacques Chirac lui-même le soulignait, affirmant en novembre 2002 à des jeunes d'origine maghrébine que posséder une double culture est « incontestablement un avantage » : « Il faut favoriser beaucoup plus l'apprentissage de la langue d'origine dans les écoles ». Les enjeux sont en effet importants : il s'agit de valoriser les compétences diverses de la population et d'exploiter le bilinguisme précoce d'une partie de notre jeunesse comme une richesse et un atout collectifs.

a) Préserver un héritage linguistique en voie de disparition : une responsabilité nouvelle pour l'école de la République

(1) La famille n'est plus un cadre de transmission

Une enquête réalisée par l'INSEE, avec le concours de l'Institut national d'études démographiques, à l'occasion du recensement général de la population en 1999 révèle que la famille n'est plus un cadre de transmission des langues régionales ou d'immigration.

S'il en ressort un niveau potentiellement important de bilinguisme (26 % des adultes déclarent ainsi que leurs parents leur parlaient, associée ou non au français, une autre langue), le taux de transmission est très bas : à peine 35 % de ces personnes ont transmis la langue à leurs enfants. Concernant les langues de l'immigration, le « taux d'érosion » est particulièrement élevé pour le portugais et l'arabe 32 ( * ) : 50 à 60 % environ.

(2) Une responsabilité nouvelle pour l'école

Face à cette menace pesant sur un pan entier du patrimoine linguistique de la France, il en résulte pour l'école des responsabilités nouvelles. Or, si l'enseignement est l'avenir des langues de l'immigration, force est de constater que cette mission ne trouve pas un relais suffisant :

- le « naufrage lusitanien » contre lequel réagissait la mission en 1995 se poursuit, malgré les incitations en faveur de l'enseignement du portugais dès l'école primaire, qui ont permis, par une évolution du dispositif des ELCO (voir encart), de limiter les dégâts : 13 000 élèves apprennent le portugais dans le premier degré, dont plus de 9 000 au titre de l'ELCO (ces effectifs se sont stabilisés, après une chute de 11 % entre 1999 et 2000) ; ils sont 14 853 dans le second degré (contre plus de 21 000 au début des années 1990), effectifs en baisse de 9,8 % en 4 ans ; en outre, le CNED scolarise une part très importante des effectifs (24 % en 2001), ce qui contribue à masquer une demande de portugais qui s'avère beaucoup plus importante que l'offre officielle...; le recrutement de professeurs a chuté de 82 % en 15 ans ;

- quant à l'arabe, son enseignement peine à décoller : à la rentrée 2002, seuls 7 284 élèves étudient l'arabe (0,07 % des effectifs) ; ces effectifs connaissent une légère hausse ces dernières années (6814 en 2000, 7240 en 2001), mais ils ne se relèvent toujours pas de la chute brutale des effectifs dans les années 80 (de 10 000 à 6 000 élèves), sous l'effet des lois de décentralisation et des discours dominants selon lesquels l'assimilation des jeunes passait par un oubli de la culture d'origine, aux effets dévastateurs...

En 2002-2003, ils se répartissent comme suit :

1 er cycle

2 nd cycle général et technologique

2 nd cycle professionnel

BTS

CNED

CPGE

2 183

3 981

168

279

1 300

666

REPARTITION DANS LES 1 ER ET 2 ND CYCLES

2000-2001

2002-2003

LV1

837

815

LV2

3 340

2 992

LV3

1 962

2 161

Autre statut (dont double LV1 au collège)

ND

233 (en hausse)

- l'enseignement est assuré par 212 enseignants (dont 47 agrégés et 122 certifiés, et 9 PLP2, qui reçoivent l'aide de 29 assistants étrangers), dans 256 établissements publics du second degré (dont 41 dans l'académie de Versailles, 25 dans l'académie de Créteil, 22 dans l'académie de Lille et 18 dans l'académie de Paris) : 107 collèges, 136 lycées, 13 LP ;

- 5 688 candidats étaient inscrits aux épreuves obligatoires et facultatives d'arabe au baccalauréat général et technologique pour la session 2002 (1 601 au titre des épreuves obligatoires et 4 087 au titre des épreuves facultatives), soit 8 % de moins qu'à la session 2001 ;

- une avancée s'est néanmoins manifestée en faveur de la reconnaissance de la langue berbère : proposée en épreuve facultative au baccalauréat (environ 2 000 candidats chaque année), les élèves volontaires peuvent, depuis 2002, bénéficier de séances de préparation, organisées dans les établissements scolaires.

Il faut remarquer que la transmission de la langue revêt une importance cruciale pour l'équilibre identitaire des jeunes issus de l'immigration. Même si aucune étude scientifique n'existe sur le sujet, le témoignage des professeurs révèle que l'apprentissage de la langue d'origine constitue bien souvent un facteur de réussite scolaire. L'intégration de ces jeunes passe par la connaissance, et surtout la reconnaissance au sein même de l'école, de leur culture et de leur langue d'origine.

* 32 l'arabe ayant été transmis à 920 000 personnes, le portugais à 590 000, devant l'espagnol 490 000, l'italien 480 000, et l'allemand 210 000, pour lesquels le taux de transmission est plus élevé

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