ANNEXES

- Annexe n° 1 : Lettre de saisine du président de la commission des Lois constitutionnelles, de Législation, du Suffrage universel, du Règlement et d'Administration générale.

- Annexe n° 2 : Extrait de l'Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (ENVEFF), présentée en décembre 2000.

- Annexe n° 3 : Comptes rendus des auditions.

ANNEXE N° 1- LETTRE DE SAISINE DU PRÉSIDENT DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LÉGISLATION, DU SUFFRAGE UNIVERSEL, DU RÈGLEMENT ET D'ADMINISTRATION GÉNÉRALE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

COMMISSION
DES
LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LÉGISLATION,
DU SUFFRAGE UNIVERSEL,
DU RÈGLEMENT ET D'ADMINISTRATION GÉNÉRALE

LE PRÉSIDENT

Madame Gisèle GAUTIER

Présidente de la Délégation

parlementaire aux droits des femmes

et à l'égalité des chances

entre les hommes et les femmes

PALAIS DU LUXEMBOURG

Paris, le 15 octobre 2003

C279

Madame la Présidente,

Au cours de sa réunion du mercredi 15 octobre 2003, la commission des Lois a décidé, sur ma proposition, de saisir la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes du projet de loi n° 389 (2002-2003), renvoyé à la commission des Lois, relatif au divorce.

Conformément aux dispositions du paragraphe III de l'article 6 septies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires sans préjudice des compétences de la commission des Lois saisie au fond de ce projet de loi, la commission souhaiterait recueillir votre avis sur les conséquences de ce projet de loi sur les droits des femmes et sur l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Je vous prie de croire, Madame la Présidente, à l'assurance de ma considération distinguée.

René GARREC

ANNEXE N° 2 - EXTRAIT DE L'ENQUÊTE NATIONALE SUR LES VIOLENCES ENVERS LES FEMMES EN FRANCE (ENVEFF), PRÉSENTÉE EN DÉCEMBRE 2000

Les violences conjugales au cours des douze derniers mois

Extrait de l' Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (ENVEFF) présentée en décembre 2000

Le concept de violences conjugales s'étend ici à toute relation de couple, avec ou sans lien légal, avec ou sans cohabitation ; le conjoint n'est pas seulement l'homme avec qui l'on vit, il peut être le petit ami, le fiancé. Toutes les femmes ayant vécu une telle relation au cours des douze derniers mois (5908) ont été interrogées. Un certain nombre d'entre elles (115) se sont séparées récemment et ne sont donc plus en plus en couple au moment de l'enquête. Ces dernières ont déclaré avoir subi avec cet ex-conjoint, dans l'année écoulée, trois à quatre fois plus de violences que les autres.

Ainsi qu'il a déjà été mentionné lors de la présentation des premiers résultats, le terme de « femmes battues » couramment utilisé ne rend pas compte de la totalité des violences conjugales puisque les pressions psychologiques y sont prépondérantes. Ces atteintes psychologiques comprennent les actions de contrôle (exiger de savoir avec qui et où l'on a été, empêcher de rencontrer des amis ou un membre de la famille ou de leur parler) d'autorité (imposer des façons de s'habiller, de se coiffer ou de se comporter en public), les attitudes de dénigrement ou de mépris. Cette approche novatrice dans le domaine, a permis de décrire une forme moderne de la domination d'un sexe sur l'autre dans un contexte social où la relation de couple est en droit égalitaire.

Toutefois distinguer séparément des types de violences verbales, psychologiques, physiques ou sexuelles s'avère peu pertinent, car dans de nombreux cas ces formes d'agressions s'entrecroisent, le terme de situation de violences conjugales apparaît plus à même de rendre compte de la réalité vécue par le plus grand nombre de victimes. C'est pourquoi nous avons construit un indicateur global de violences conjugales (cf. tableau ci-dessous) : 9 % des femmes en couple au moment de l'enquête ont été en situation de violences conjugales au cours des douze derniers mois . Cet indicateur est subdivisé en deux niveaux afin de montrer la progression de la gravité des situations. Le niveau « grave » correspond au plus grand nombre, aux situations les plus couramment dénoncées : 6,7 % des femmes en couple. Le niveau « très grave » regroupe les situations de cumul de presque tous les types d'agressions, les enfers conjugaux : 2,7 % des femmes en couple.

Violences conjugales et caractéristiques du couple

Avec l'avancée en âge, la proportion de situations de violences « graves » diminue, ce qui apparaît plutôt lié au recul du harcèlement psychologique, par contre les situations « très graves » se rencontrent à tous les âges de la vie.

Les fréquences de ces situations de violences ne sont pas affectées par la présence d'enfants, ni par la durée de vie en couple, ce qui correspond assez bien au schéma du cycle des violences. Mais au regard du calendrier du déclenchement des actes violents, la thèse d'un engrenage inexorable des types de violences doit être nuancée : des situations de cumul de violences peuvent se déclencher très tôt et perdurer ; à l'opposé, des situations de harcèlement psychologique peuvent se dérouler tout au cours de la vie sans passage à des agressions physiques ou sexuelles.

Si la précocité de la mise en couple n'accentue pas à elle seule la domination masculine, un écart d'âge de 10 ans ou plus entre conjoints entraîne un doublement des situations de violences. Les femmes mariées, et plus généralement celles qui vivent avec leur conjoint, déclarent nettement moins de violences que les femmes en couple qui ne partagent pas le même domicile (environ un tiers en moins).

Violences conjugales, milieu social et autonomie économique des femmes

Proportion de femmes en couple, en situation de violences conjugales selon leur catégorie socioprofessionnelle et la situation de violences (%)

Catégorie socioprofessionnelle et statut d'activité

Effectifs

Taux Global

Dont

Niveau grave

Niveau
très grave

Actives : Agricultrices, artisanes, commerçantes, chefs d'entreprise

n=131

7,7

6,6

1,1

Cadres, professions intellectuelles

n=425

8,7

6,1

2,6

Professions intermédiaires

n=1189

8,3

6,8

1,5

Employées

n=1726

8,3

6,3

2,0

Ouvrières

n=311

7,9

4,6

3,3

Chômeuses

n=489

11,9

9,0

2,9

Etudiantes

n=176

11,1

9,8

1,3

Autres inactives

n=1346

9,4

6,3

3,1

Ensemble

n=5793

9,0

6,7

2,3

Les chômeuses et les étudiantes ont l'indicateur global le plus élevé (plus de 11 %). Toutefois les chômeuses sont deux fois plus que les étudiantes dans une situation « très grave » de violences (2,9 % contre 1,3 %), elles sont ainsi proches des autres inactives, et des ouvrières (environ 3 %), et de façon plus inattendue des femmes cadres (2,6 %). La sensibilité aux actes violents diffère d'un groupe social à l'autre ; ce phénomène est certainement perceptible dans le niveau « grave » où la part du harcèlement psychologique est relativement importante, mais il joue très peu dans les situations de cumul. Ce qui permet de confirmer que les violences conjugales gravissimes traversent tous les milieux sociaux.

Si la violence conjugale ne suit pas la hiérarchie sociale, une grande instabilité professionnelle et le retrait du monde du travail semblent favoriser l'émergence de situations de cumul de violences. L'instabilité professionnelle masculine a un impact encore plus grand sur la violence conjugale. Celle-ci est très présente chez les chômeurs non indemnisés (16 % dont 8 % de situations de violences « très graves ») ou autre inactifs, sans doute exclus du marché de l'emploi. Pour l'un ou l'autre des partenaires, avoir vécu une seule fois une période de chômage accroît relativement peu le développement de situations de violences conjugales, par contre la multiplication des périodes de chômage double la proportion globale des situations de violences et triple celle des violences « très graves ».

Le lien entre le niveau de revenus et les situations de violences est ténu ; il ressort que c'est moins le niveau de revenus qui importe que l'accès direct à l'argent du ménage : les femmes qui n'ont aucun accès à un compte bancaire (3 % de femmes en couple cohabitants) déclarent un maximum de violences conjugales (5 % de violences « très graves »).

Violences conjugales et éléments socioculturels

S'il apparaît que la perpétration des violences conjugales n'ait pas grand chose à voir avec le capital scolaire des femmes, l'infériorité du capital scolaire du conjoint semble accentuer l'exposition au risque de violences pour sa partenaire.

Ainsi, des critères socioéconomiques tels que la catégorie socioprofessionnelle, le niveau d'études ou les revenus qui expliquent nombre de phénomènes sociaux sont peu discriminants s'agissant des mécanismes sous-jacents aux situations de violences conjugales. D'autres facteurs explicatifs sont à rechercher, en liaison plus étroite avec les représentations des rôles et fonctions masculines et féminines au sein du couple, et plus globalement des images sociales des femmes, ce sont des caractéristiques plutôt d'ordre socioculturel.

Parmi ces éléments, la religion incarne une vision des rapports entre les sexes et un ensemble de règles de vie. L'éducation laïque, sans doute un peu plus égalitaire entre les sexes, semble moins engendrer de violences conjugales que l'éducation religieuse quelle qu'elle soit. De plus on observe une forte corrélation entre l'importance accordée à la religion et les situations de violences conjugales, notamment gravissimes qui touchent 5,2 % des femmes qui accordent de l'importance à la religion, contre moins de 2 % parmi les autres. La grande imprégnation du religieux dans la vie quotidienne explique en partie que les situations de cumul de violences sont quasiment multipliées par trois chez les femmes musulmanes. C'est parmi les femmes immigrées d'origine étrangère qu'on trouve les plus fortes proportions de femmes accordant de l'importance à la religion, cette proportion dépasse 80 % chez les femmes d'origine maghrébine.

Les femmes immigrées d'origine étrangère (à l'exception des italo-ibériques) sont plus fréquemment que les autres en situation de violences conjugales. Les femmes du Maghreb et de l'Afrique subsaharienne se trouvent plus souvent en situations de violences conjugales du niveau le moins grave, elles déclarent deux fois plus de harcèlement psychologique que les autres femmes. Ces résultats sont très liés aux caractéristiques démographiques de ces groupes notamment l'âge, le mode de vie ; ils dépendent également d'autres critères comme l'isolement, la précarité, les conflits culturels.

Pour les femmes issues de l'immigration (couramment nommées de la deuxième génération), de parents marocains ou algériens, l'indicateur global de violences conjugales est doublé. Ce taux élevé est dû principalement aux situations de violences « très graves ».

Quel que soit l'indicateur, les situations de violences sont plus fréquentes parmi les couples mixtes que parmi ceux de même origine. Seules les femmes d'origine maghrébine ou africaine semblent vivre des situations de cumul de violences lorsque le conjoint est de même origine.

Violences conjugales et entente conjugale

Les mécanismes des violences conjugales s'articulent sur les divers aspects constitutifs du degré de complicité au sein du couple. Il existe un lien assez fort entre les situations de violences et la répartition inégalitaire du travail domestique et de l'éducation des enfants plus particulièrement dans les cas de violences « très graves » dont la proportion passe de 1,2 % à 4,2 % lorsque la femme s'occupe seule des enfants.

La confiance dans le conjoint, qui relève d'un bon niveau d'entente du couple, est une attitude très majoritaire des enquêtées ; celles qui n'ont pas cette connivence avec leur partenaire sont trois fois plus victimes de violences, quel qu'en soit le niveau. L'absence de sentiment amoureux est rare parmi les répondantes (4 %) ; parmi celles qui n'aiment plus ou n'ont jamais aimé leur partenaire, une sur deux se déclare victime de violences conjugales, dont une sur cinq de cumul de violences.

Un climat de perpétuelles disputes est sans conteste générateur de violences : les 30 % de femmes qui ont répondu « ne jamais ou rarement se disputer avec leur conjoint » présentent les plus basses fréquences globales de violences (2,6 %), et sont presque dix fois moins en situation de cumul que le tiers qui connaît des disputes très fréquentes.

L'alcoolisme du conjoint -attesté par 2 % des enquêtées- multiplie par cinq les situations de violences globales et par dix les situations gravissimes. On ne peut nier l'existence d'un lien entre consommation d'alcool et violence agie. Cependant on doit aussi retenir que 70 % des agressions de conjoints se sont produites alors qu'aucun des partenaires n'avait bu d'alcool.

Violences conjugales et histoire personnelle

Parmi les femmes qui ont déclaré avoir vécu des difficultés pendant l'enfance, 4 % des répondantes ont mentionné au moins quatre problèmes différents. Plus d'un quart (26 %) des femmes ayant subi ce cumul de handicaps sont victimes de violences conjugales contre 6 % de celles qui n'ont dénoncé aucune difficulté durant l'enfance. Les liaisons les plus fortes s'observent pour les sévices et les coups répétés (28 %) et le placement en institution ou famille d'accueil (27 %), intervenu souvent à la suite de mauvais traitements pour celles qui ne sont pas orphelines.

Les femmes victimes de violences sexuelles avant l'âge de 18 ans sont presque trois fois plus que les autres en situation de violences conjugales. Celles qui ont subi des attouchements répétés par des proches sont cinq fois plus en situation de violences « très graves » que l'ensemble (12 % contre 2,5 %).

Circonstances des agressions, réactions des femmes

A l'exception des violences sexuelles qui se produisent dans l'intimité, dans plus de la moitié des cas les enfants sont témoins des scènes de violences, ce d'autant plus que la situation est très grave et dure depuis longtemps : près des deux tiers des femmes en situation « très grave » de violences ont déclaré que leurs enfants étaient présents lors des agressions.

Près de la moitié des victimes ont parlé des agressions pour la première fois lors de l'enquête, 31 % de celles qui vivent des situations très graves et 60 % des autres. Les violences sexuelles sont les plus cachées (dans 69 % des cas), ou dénoncées tardivement par rapport aux autres violences dont environ la moitié des victimes s'étaient plaintes dans l'immédiat.

L'image de femmes victimes subissant passivement les agressions de leur conjoint doit être révisée, les réponses des enquêtées montrant des femmes réactives aux violences de leur partenaire. Elles réagissent d'autant plus qu'il y a atteinte physique ou qu'elles sont en situation de violences « très graves ». Si leur premier réflexe est la discussion (60 %), elles n'hésitent guère à entrer dans le conflit en proférant elles-mêmes menaces et insultes (45 %) ; l'agression verbale répond à l'agression verbale dans 57 % des cas. Cependant l'émotion est toujours vive, toutes les formes d'agressions provoquent les pleurs (42 %). Lors d'agressions physiques, 35 % tentent d'échapper aux coups par la fuite et 27 % rendent les coups.

La perturbation grave de la sexualité est la conséquence la plus citée (40 %). La modification de certaines habitudes de vie, la rupture avec des proches ou l'apparition de troubles nécessitant un suivi psychologique ont été mentionnés par environ une femme sur cinq.

Violences dans les relations avec un ex-conjoint

Parmi les femmes qui ont eu des contacts avec un ex-conjoint au cours des 12 derniers mois, 17 % ont déclaré avoir subi au moins un fait de violences à cette occasion. Ces agressions atteignent avant tout les femmes qui ont des relations nécessaires avec leurs anciens compagnons en raison de la présence d'enfants ou de la forme institutionnalisée de l'union rompue (divorcée, séparée). Leur position économique semble plus fragile (chômage ou profession d'employée). Les atteintes verbales, comprenant insultes et menaces, touchent 13 % des femmes. Dépassant largement tous les taux de violences identiques dans les autres cadres de vie, les agressions physiques marquent les relations avec un ex-conjoint pour 8 % des femmes. Les violences sexuelles, dénoncées par quatre femmes sur cent, semblent aussi beaucoup plus fréquentes dans les relations avec un ex-conjoint que dans tout autre cadre de vie.

Un grand nombre de femmes se sont séparées d'un partenaire violent. Après la rupture, les rapports, quand ils sont obligatoires, restent très conflictuels, voire brutaux. Quoi qu'il en soit, il est plus facile de dénoncer les exactions d'un conjoint dont on est séparé que celles de la personne avec laquelle on vit. Il ne faut pas oublier que les résultats présentés dans cette partie concernent les femmes en couple au moment de l'enquête, et que ces dernières ont été interrogées sur les violences qu'elles ont subies au cours des douze derniers mois, dans cette relation de couple. Amenées à parler d'un contexte privé qu'elles ont en principe choisi, la majorité d'entre elles évoquent un climat conjugal plutôt serein. Pourtant, au cours du questionnement, nombre d'entre elles énoncent -pour beaucoup la première fois- des comportements violents de leur conjoint. On pouvait s'attendre à plus de réticence à avouer des faits porteurs d'une forte réprobation sociale. Ce, d'autant plus que les femmes victimes de violences conjugales se trouvent dans une situation paradoxale, entre le maintien d'une relation affective ou d'une cellule familiale écrasante et une aspiration à exister en tant que personne à part entière. Leurs réponses montrent que pour nombre d'entre elles « céder n'est pas consentir » et que la révolte l'emporte souvent sur la soumission.

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