Audition de M. Jérôme MOURROUX,
Président de l'association Promotion et défense des étudiants (PDE),
de Mlle Solenne LE GOAZIOU et de M. Guillaume BRIANT,
administrateurs de la PDE

(17 décembre 2003)

M. Jacques Valade, président - Nous allons maintenant auditionner M. Jérôme Mourroux, président de l'association Promotion et défense des étudiants (PDE) qui est accompagné de Mlle Solenne Le Goaziou et M. Guillaume Briant, administrateurs de la PDE.

Notre commission procède à une série d'auditions concernant la situation actuelle de l'université au travers des deux éléments essentiels que sont la mise en place du LMD et l'évolution des structures universitaires.

Nous souhaitons connaître votre avis sur ces sujets. Je vous cède la parole en vous demandant de bien vouloir tout d'abord vous présenter et également présenter votre association.

M. Jérôme Mourroux - Merci, M. le Président.

L'association Promotion et défense des étudiants est une des quatre organisations étudiantes représentatives. Nous avons été créés en 1994. Nous sommes une confédération regroupant huit fédérations d'associations étudiantes.

Nous intervenons sur les campus, dans les conseils centraux d'université, les CROUS et l'ensemble des instances représentatives de l'enseignement supérieur avec des valeurs associatives. Notre association se déclare indépendante, apolitique et asyndicale.

Nous siégeons au Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) et au Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS) et, à ce titre, nous intervenons sur l'ensemble de la politique sociale et de la politique générale de l'enseignement supérieur.

En ce qui me concerne, j'ai effectué une première partie de mon cursus à l'université de Pau, mon premier et deuxième cycle en administration économique et sociale. J'ai fait un DESS en gestion de ressources humaines à l'université de Bordeaux IV et je termine un DEA de sociologie des organisations à l'université de Paris Dauphine et je suis en cours d'inscription en thèse. J'ai été élu notamment au Conseil des études et de la vie universitaire (CEVU) de l'université de Pau.

M. Guillaume Briant - Je suis étudiant en DEA de droit international à l'université de Paris II. Auparavant, j'ai effectué mon cursus à Toulouse où j'ai été vice-doyen de la faculté de droit de Toulouse et vice-président étudiant du CROUS.

Melle Solenne Le Goaziou - Je suis étudiante en maîtrise administration économique et sociale et maîtrise droit des affaires à l'université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines. Je suis présidente de l'association des étudiants en administration économique et sociale de Versailles et élue au Conseil des études et de la vie universitaire de Versailles.

M. Jérôme Mourroux - Par rapport aux différentes orientations, nous pensons que l'enseignement supérieur a besoin d'un encadrement plus d'ordre quantitatif que qualitatif. Malgré les prévisions, aujourd'hui l'évolution des effectifs étudiants est à la hausse dans certaines filières et nous sommes dans une logique d'augmentation de moyens pour accompagner cette hausse globale et non pas sur une amélioration qualitative. Nous nous félicitons des réflexions sur l'accompagnement social qui sont en cours.

La prévention de l'échec en premier cycle universitaire est une de nos priorités. On constate que l'encadrement et les nouvelles pédagogies universitaires sont relativement en retard dans leurs mises en oeuvre. Les moyens accordés dans l'encadrement des étudiants, notamment par le nombre des enseignants-chercheurs, sont relativement faibles. Ce taux élevé d'échec en premier cycle est une de nos principales préoccupations.

Du point de vue social, nous nous félicitons que les objectifs du plan social étudiant soient atteints et que notamment la barre des 30 % d'étudiants boursiers soit atteinte. Toutefois, il reste encore de grosses difficultés, notamment s'agissant du logement étudiant, de l'accueil des étudiants étrangers et de la mobilisation du parc locatif privé. Ces questions essentielles préoccupent énormément la population étudiante.

Concernant le projet de loi de décentralisation, le sujet des nouveaux statuts au niveau des CROUS est une question importante sur laquelle nous attendons des modalités concrètes de mise en oeuvre avec les collectivités et des efforts en matière de logement.

On pouvait s'attendre cette année à des efforts tout particuliers pour l'accueil des étudiants handicapés. Ce n'est pas le cas. Quelques universités, comme le campus de Grenoble, ont pris cette question à coeur mais globalement les moyens octroyés sont extrêmement faibles.

S'agissant de la réforme LMD, le mouvement dans les universités a été moins important que l'écho médiatique qu'il a pu recevoir. Sur les campus universitaires, la mobilisation a été faible. Jouant le rôle d'information par rapport à la réforme, nos associations sont intervenues et nous nous sommes rendus compte que la politique de communication et d'information autour du LMD était extrêmement faible. C'est un premier regret et une des causes de ce mouvement. Pour nous, c'est plus un problème d'information des étudiants sur les tenants et les aboutissants de la réforme LMD qu'un problème de fond.

Globalement, les établissements ont très peu pris en charge leur communication sur le LMD ou alors tout récemment du fait des mouvements. Sur les universités, comme Lille, Dijon, Toulouse, Grenoble, qui sont passées au LMD, les mouvements ont été extrêmement faibles. Dans ces établissements, les étudiants sont plutôt favorables à cette réforme. Les élus, en conseil d'université, ont participé et ont été des relais importants en terme d'information dans les universités qui sont passées au LMD.

En revanche, dans les universités où le mouvement a pris, on a eu l'impression que les étudiants ont eu peur du changement et que l'on a exploité cette peur, et quant une information relativement objective sur le LMD a été diffusée, ce mouvement s'est éteint.

Melle Solenne Le Goaziou - Sur l'université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines, une large concertation a précédé l'adoption du système LMD qui est intervenue quinze jours avant le mouvement. Mais il y a eu un amalgame entre la réforme LMD et l'avant-projet de loi sur l'autonomie des universités. Le mouvement a commencé à prendre mais est très vite redescendu.

Il faut savoir que les mouvements ont essentiellement pris dans les UFR de sciences humaines.

En tant qu'élue, j'ai été consultée et il y a eu un large débat sur la mise en place des maquettes. Tous les étudiants ont été informés par l'université sur le LMD.

M. Jérôme Mourroux - Si le mouvement s'est développé tout particulièrement dans les UFR de lettres et de sciences humaines, c'est qu'il y a un malaise social étudiant sous-jacent.

Il y a aujourd'hui des problématiques étudiantes auxquelles nous n'apportons aucune réponse. Notamment, le sentiment pour certains étudiants d'être mis de côté. Dans les UFR de gestion, de sciences sociales, de sciences on à moins le sentiment d'être étudiant pour rien. Il y a une problématique de débouchés professionnels, de prise en compte de certains besoins d'encadrement dans certains UFR qui ont été au coeur du déclenchement de ce mouvement.

Il serait intéressant de se poser les véritables questions et pour nous cela relève de l'accompagnement social.

M. le Président - Donc, lorsque l'information est donnée, le système LMD ne marche pas trop mal.

L'harmonisation des diplômes au niveau européen est importante à la fois pour la mobilité mais aussi pour l'insertion professionnelle. Il faut aussi une visibilité suffisante pour éviter les disparités.

M. Jérôme Mourroux - La réforme LMD comporte deux volets. L'ensemble des étudiants est plutôt favorable au volet mobilité. La question est également celle des moyens. Certes, les bourses de mobilité européenne ont été prévues à la hausse par le projet de loi de finances pour 2004, mais sans lisibilité. Il n'existe pas de volonté politique d'accroître cette mobilité européenne voulue par les étudiants.

Le second volet se situe au niveau pédagogique, autour duquel se sont cristallisées de nombreuses critiques. Les critiques ont notamment porté sur l'articulation des deux cursus, la licence et le master. Des craintes sont apparues concernant le passage du cursus licence vers le cursus master. Dans plusieurs établissements, l'entrée dans le cursus master est aujourd'hui conditionnée par la validation de pré-requis, ce qui n'était pas le cas auparavant. Ce passage est donc organisé de manière assez restrictive pour certains étudiants. On donne l'impression d'organiser un nouveau modèle de sélection entre les deux cursus.

Une autre difficulté se pose entre les deux années du cursus master. Que deviendra l'étudiant qui sera bloqué à la fin du 2 e semestre de son cursus master ? La sélection qui existait auparavant entre le 2 e et le 3 e cycle persiste en plein coeur du cursus master.

Cette difficulté a été évoquée à plusieurs reprises dans les débats du CNESER lors de l'adoption de la réglementation LMD. Quelle sera la lisibilité du CV de l'étudiant lorsqu'il présentera un parcours qui aura été stoppé en plein coeur du cursus master alors même que son objectif est d'obtenir ce diplôme ?

Nous pouvons également comparer l'application de la réforme LMD avec un autre pays européen comme l'Italie. Les moyens octroyés à la mise en place de la réforme en France sont assez faibles. Dans le cadre de l'adoption de la réglementation LMD au niveau du cursus licence, l'article 13 prévoyait que 50 % au maximum des cours seraient magistraux. Une place majeure était donnée aux travaux dirigés et aux travaux pratiques, donc à une nouvelle pédagogie universitaire organisée autour de groupes réduits de travail. Nous ne comprenons pas que cette partie du volet pédagogique de la réforme LMD ait été complètement abandonnée et qu'au niveau du premier cursus les moyens n'aient pas été donnés pour mieux encadrer les étudiants.

L'accompagnement des étudiants constitue une nécessité pédagogique. La réforme instaure des cursus plus individualisés, plus souples où l'étudiant dispose de facilités pour choisir son parcours. L'étudiant a donc besoin d'être mieux organisé, mieux informé, mieux encadré au niveau des enseignements.

Toutes ces notions ont disparu. Certes, il reste le cadre d'harmonisation européenne, la visibilité des cursus de licence et master. Mais le volet pédagogique est malmené.

M. le Président - L'université propose une mise en place pédagogique et ensuite met en oeuvre la réforme. Le discours du ministre repose sur une meilleure utilisation des moyens dont dispose l'université, ce qui implique des redéploiements et des adaptations aux nouvelles formes d'enseignement. Il ajoute que si on constate que les moyens notamment en personnel ne sont pas suffisants, des moyens supplémentaires pourront être octroyés à l'université dans le cadre de contrats quadriennaux. Nous sommes dans une phase expérimentale. La bonne volonté de chacun doit s'exprimer.

M. Jérôme Mourroux - Le projet de loi de finances pour 2004 ne prévoit pas la création de poste d'enseignant-chercheur. La réforme se met en place sur quatre ans. Toutefois, il n'y a pas aujourd'hui de signe politique fort qui marque la volonté d'accroître les moyens d'accompagnement de cette réforme. Sur certains points, elle montre des faiblesses, qui ne doivent pas être ignorées. Il manque quelques signes qui auraient pu apaiser certaines craintes. Je pense que les taux d'échec dans les premières années universitaires ne diminueront pas.

S'agissant de l'avant-projet de loi sur l'autonomie des universités qui nous avait été présenté, nos critiques portent d'abord sur la confusion des discours sur ce texte. Il a suscité de nombreux mouvements de protestations. Pour notre organisation qui a soutenu ce projet tel qu'il est ressorti de la période de négociation, il est apparu que la communication faite autour a été très mauvaise.

Le projet de loi sur l'autonomie des universités nous semblait extrêmement important, notamment pour les étudiants. Il permettait ainsi de développer des politiques de site de vie étudiante par de nouvelles coopérations avec les collectivités territoriales, par exemple au niveau du logement, du transport ou des cartes de formation. Ces politiques ne peuvent être mises en place que par une mise en réseau de l'ensemble des acteurs que sont notamment les collectivités territoriales.

Un autre point important concernait les nouvelles coopérations avec les universités, c'est-à-dire le projet d'établissement public de coopération universitaire (EPCU). Aujourd'hui, des groupements d'intérêt public organisent ces relations entre les collectivités locales et les universités. La création de tels établissements offrait l'opportunité d'une véritable représentation étudiante qui pouvait mieux gérer des domaines qui aujourd'hui nous échappent en termes de démocratie étudiante. Ce projet était extrêmement intéressant.

Nous sommes aussi dans une culture d'évaluation très faible à tous points de vue. Ce point était donc primordial. Je citerai sur ce sujet le rapport du recteur Belloc.

Enfin, à travers le budget global, il était possible d'avancer sur de plus grandes cohérences. On critique assez régulièrement les réserves faites par les universités qui ne sont forcément le fait de leur responsabilité mais de leurs composantes et d'une politique de gestion qui mutualise peu.

Nous étions favorables aux dispositions présentées sur le budget global.

Nous étions également en faveur d'une vice-présidence étudiante qui était institutionnalisée et de la formation des élus étudiants qui permettaient de responsabiliser les établissements d'enseignement supérieur de manière accrue.

En fonction de ces différentes orientations, il est important de réformer la loi de 1984. Les craintes persistent car même si l'avis général est plutôt positif au niveau de nos associations, de nombreuses questions restent posées par exemple sur le conseil d'orientation stratégique qui associe les personnalités qualifiées. Les explications sur les dispositions présentées manquent.

Il n'est pas souhaitable que ce projet soit décortiqué en petites mesures ou abandonné sur le plan législatif. Il faut donner au niveau de l'enseignement supérieur un signe fort d'un projet d'envergure qui mette les universités françaises dans une logique de compétition dans laquelle elles sont inscrites mais peu armées.

Nous maintenons notre soutien dans les termes du projet de loi arrêté à la fin du mois de mai 2003. Nous espérons avancer sur des concertations.

M. Jacques Legendre - J'ai entendu parler du problème du logement étudiant, notamment lors d'une réunion à Lille avec les présidents d'agglomération et les présidents d'université du Nord où cette question a été fortement évoquée. Je voudrais demander quelques précisions supplémentaires.

La situation telle que je l'ai ressentie dans ma région est très inégale. Cela semble surtout être un problème de la métropole, et non pas des centres secondaires. Est-ce que vous constatez un problème de logement étudiant dans l'ensemble des sites universitaires ou est-ce qu'il est concentré sur quelques points du territoire ? Comment ressentez-vous également la question du logement pour les étudiants étrangers ?

M. Jérôme Mourroux - Sur cette question, les disparités sont assez importantes selon les académies et selon les villes. Dans le cadre de la décentralisation, nous espérons que les collectivités prendront toute leur place dans le financement, mais aussi dans une partie de la gestion du logement étudiant tout en consacrant le rôle des CROUS dans ses prérogatives. Dans certaines agglomérations, comme Lille, Montpellier ou Paris, la question est principalement quantitative. La problématique se situe à la fois en termes de réhabilitation mais surtout de construction. Les mesures attendues concernent l'accompagnement social, et la construction de futurs logements pour les étudiants.

Sur la question des étudiants étrangers, l'inquiétude concerne aujourd'hui l'opposition qui peut être faite entre politique internationale de l'établissement et accueil des étudiants. Par exemple, au niveau de l'université de Nantes, la politique d'accueil des étudiants étrangers est freinée à un moment donné car il n'est plus possible de la gérer en termes de logement. Les universités devraient pouvoir développer cette politique sans subir ce type de contrainte.

Une autre crainte forte est l'opposition qui peut exister au sein de l'université entre les étudiants français et les étudiants venant de l'étranger. C'est extrêmement dangereux de prononcer des choix en faveur de l'accueil d'étudiants étrangers au détriment d'étudiants français alors même qu'aucune mesure de mobilisation du parc locatif privé n'est mise en oeuvre. Il faut arriver à concilier accueil des étudiants étrangers et politique sociale.

M. le Président - Je vous remercie. Votre présentation est très consciente et responsable.

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