Annexe n° 5

Contribution de l'Association des Régions de France (ARF)
sur l'avenir de la politique de cohésion

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Dès l'adoption par la Commission Européenne du deuxième rapport sur la cohésion économique et sociale en janvier 2001, M. Michel Barnier, membre de la Commission chargé de la politique régionale et de la réforme des institutions, a ouvert le débat sur les orientations de la future politique régionale dans une Union élargie.

Le commissaire a invité les différentes instances, nationales, régionales, associations de régions à s'exprimer sur ce sujet. Depuis janvier 2001, ce débat a connu deux étapes significatives : le premier rapport d'étape sur la cohésion économique et sociale publié par la Commission en janvier 2002 et surtout le séminaire sur les priorités de l'Union pour les régions qui s'est tenu à Bruxelles en mai 2002.

C'est dans ce contexte que se situe la présente contribution.

I - L'ACQUIS DE LA POLITIQUE RÉGIONALE

Engagée depuis plus de quinze ans, la politique de cohésion économique et sociale de l'Union européenne a déjà été un indéniable facteur de convergence économique entre pays et régions de l'Union à quinze. Le deuxième rapport sur la cohésion économique et sociale publié par la Commission européenne en janvier 2001, puis le rapport d'étape de janvier 2002 constatent l'impact du fonds de cohésion et de la politique régionale sur le rattrapage économique des États membres les moins prospères et des régions en retard de développement. L'augmentation du PIB par habitant des régions françaises d'outre-mer reflète cette évolution.

Si dans les régions qui bénéficient des fonds structurels au titre de l'objectif 2, les résultats de la politique régionale européenne ne sont pas aussi visibles, ils n'en sont pas moins réels.

C'est le cas en France où l'apport financier des fonds structurels accompagne la réalisation des programmes régionaux de développement. Les crédits européens complètent notamment, de façon significative, voire indispensable pour certaines actions, les crédits mobilisés par l'État et les Régions pour le financement des contrats de plan, confortant ainsi les stratégies de développement régional définies par l'État et les régions.

II - UNE NOUVELLE POLITIQUE RÉGIONALE

L'élargissement de l'Union européenne à vingt-cinq États en 2004 remet en question deux de ses plus importantes politiques d'intervention : la politique agricole commune et la politique de cohésion.

Pour ce qui concerne la cohésion, c'est en 1986 par l'Acte Unique que l'Union européenne a consacré la cohésion économique et sociale comme l'un des objectifs prioritaires de l'action communautaire.

L'objectif de cohésion suppose une intervention communautaire de différents niveaux. Agir pour la cohésion économique et sociale de l'Union se traduit tout d'abord par l'expression d'une solidarité interne à l'Union et qui se manifeste en premier lieu pour les pays et les régions les plus en retard de développement. En termes de dispositifs européens, c'est la priorité donnée à l'action en faveur des pays de la cohésion et des régions de l'objectif 1. L'application de cette priorité va conduire à concentrer une part importante de l'effort de solidarité sur les régions des pays qui rejoindront l'Union en 2004 mais aussi en faveur de certaines régions de l'Union actuelle dont le niveau de développement est encore très insuffisant.

Parmi ces dernières, il faut souligner la situation particulière des régions françaises d'outre-mer qui connaissent un retard de développement, en raison notamment du handicap particulier de l'ultra-périphéricité. L'aide européenne est essentielle pour ces régions qui doivent impérativement demeurer éligibles à l'objectif 1 après 2006, dans une Union élargie (dans une Europe à vingt-cinq, leur PIB demeure inférieur à 75 % du PIB moyen communautaire). Il serait souhaitable pour ces régions que l'Union européenne intervienne dans le cadre d'une politique globale impliquant une meilleure cohérence avec certaines politiques sectorielles.

Au-delà de la question des régions de l'objectif 1, il existe un risque de déstabilisation économique et sociale des régions « intermédiaires » de l'Europe à quinze si le soutien que leur apporte aujourd'hui l'Union, au travers de l'objectif 2 par exemple, venait à leur faire brutalement défaut.

Plusieurs raisons militent en faveur d'une poursuite de l'intervention de l'Union européenne en dehors des régions du futur objectif 1, comme l'a d'ailleurs reconnu à plusieurs reprises le commissaire Barnier.

La plupart des régions françaises et particulièrement celles éligibles à l'actuel objectif 2 se trouvent encore confrontées à de réels facteurs de fragilité économique en dépit d'un niveau apparemment acceptable de développement. Le PIB par habitant, par exemple, était en 1999 inférieur à la moyenne européenne dans la quasi totalité des régions, situation confirmée lorsqu'on prend pour référence la période 1997-1998-1999. Des indicateurs relatifs aux facteurs de compétitivité comme « la demande de brevets européens (par millions d'habitants) calculé sur la base des années 1998, 1999, 2000 » ou l'indice « d'accessibilité » (quand le centre de gravité économique européen se déplace vers l'Est) illustrent également ce risque de fragilisation.

La globalisation de l'économie et son cortège de restructurations, de délocalisations d'entreprises peuvent démanteler brutalement un tissu économique local ou régional.

L'élargissement pourrait de même entraîner des délocalisations d'entreprises attirées par un coût de main d'oeuvre plus faible et présente des incertitudes quant à ses conséquences pour l'agriculture et le secteur agro-alimentaire de certains pays de l'Union à quinze.

Sur le plan politique, l'exclusion des régions et des zones en dehors de celles en retard de développement risque aussi de rendre l'élargissement plus difficilement acceptable au citoyen.

En effet, la perception de l'Union européenne que pourrait avoir dans ce contexte le citoyen serait vraisemblablement très négative. Le commissaire Barnier lui-même s'est déclaré favorable à la poursuite d'un soutien financier sur un territoire étendu, estimant que « l'exclusion des régions et des zones en dehors de celles en retard de développement serait une erreur politique. La Commission n'interviendrait plus dans ces régions qu'à travers les règles, les normes et les directives » (séminaire sur les priorités de l'Union pour les régions - 2002).

Enfin, force est de constater que la concentration des richesses qui s'est poursuivie régulièrement dans la partie centrale de l'Union n'a pas favorisé pour autant l'élévation du niveau de compétitivité de l'économie européenne ; bien au contraire elle a eu tendance à se dégrader, vis-à-vis de la compétitivité américaine notamment.

Face à ce défi de la compétitivité, l'Europe a besoin du dynamisme de tous ses espaces. Pour le Schéma de développement de l'Espace communautaire (SDEC) qui privilégie la théorie du développement polycentrique, un meilleur équilibre entre les territoires de l'Union pourrait être un élément de réponse à la fois à la question de la cohésion interne et à celle de la compétitivité économique internationale.

Tout en évitant de s'enfermer dans une approche trop modélisée et systématique, le pari du SDEC d'un développement équilibré du territoire européen facteur de cohésion et de compétitivité pourrait devenir le fil conducteur de la nouvelle politique régionale européenne d'après 2006.

III - UN NOUVEL OBJECTIF DE COMPÉTITIVITÉ REPOSANT SUR QUATRE PRINCIPES

Une intervention renouvelée en faveur des régions hors objectif 1 suppose une politique régionale qui va dans le sens des objectifs définis pour l'Union européenne (développement durable - formation des hommes -économie de la connaissance - développement harmonieux des territoires, accessibilité des différents espaces...) et qui fixe un cadre de référence et des axes clés aux actions susceptibles d'être financées par l'Union.

Dans ce contexte, quatre principes peuvent constituer l'armature de la politique régionale communautaire : viser à élever le niveau général de compétitivité des régions, asseoir l'intervention de l'Union européenne sur un programme régional intégré de développement, organiser une nouvelle relation entre l'Union européenne, l'Etat, et la région, et simplifier les dispositifs de mise en oeuvre et de contrôle.

1. Viser à élever le niveau général de compétitivité des régions pour qu'elles deviennent plus fortes économiquement et plus aptes à faire face aux crises à venir. Dans cet esprit, parier sur un traitement de fond et apporter un soutien global plutôt que des réponses isolées à des difficultés ponctuelles, d'ailleurs souvent imprévisibles.

Dans cette logique les propositions du commissaire relatives aux priorités territoriales et priorités thématiques devraient être enrichies. Le commissaire propose cinq priorités géographiques (les quartiers urbains, les zones en restructuration industrielle, les zones rurales, les zones à handicaps naturels durables, la coopération entre régions) et quatre priorités thématiques (la nouvelle économie et la société de la connaissance, le développement durable et les réseaux, l'emploi, l'inclusion sociale).

Les priorités thématiques doivent prendre en compte de façon plus globale l'objectif de compétitivité régionale : la recherche, l'innovation et l'accessibilité par exemple devraient être expressément citées comme domaine d'intervention.

Par ailleurs, concernant les ressources humaines et l'emploi qui doivent aussi être des composantes de ce nouvel objectif, la question du maintien d'un objectif 3 se pose. S'il devait perdurer il conviendrait cependant qu'il soit, au moins en partie, régionalisé, afin d'assurer la cohérence entre les deux approches, politique régionale et objectif 3 et la complémentarité des programmes correspondants.

S'agissant du développement rural il conviendra de définir clairement à quel endroit il doit être traité. Par le FEDER dans le cadre de la politique régionale ou par le FEOGA en tant que second pilier de la PAC. Dans cette dernière hypothèse, la notion de développement rural devra être élargie par rapport à celle résultant du règlement actuel du FEOGA.

2. Asseoir l'intervention de l'Union Européenne sur un programme régional intégré de développement.

Dans cette perspective, il conviendrait :

- de reconnaître la région comme élément pivot de la démarche, tant pour l'élaboration du programme régional intégré que pour sa mise en oeuvre,

- de supprimer le dispositif de zonage infra régional qui prévaut dans les programmes actuels,

- de laisser une certaine souplesse à l'initiative régionale pour le choix des thèmes prioritaires dans le cadre des orientations communautaires, étant entendu que l'intervention de l'Union européenne devra, pour avoir un réel effet de levier, être prioritairement tournée vers les projets les plus structurants pour les territoires.

La possibilité d'une prise en compte par les programmes régionaux de projets interrégionaux et donc du financement d'opérations interrégionales par des crédits européens affectés à ces programmes devrait également être envisagée.

3. Organiser une nouvelle relation entre l'Union européenne, l'Etat, et la région tenant compte :

- d'une part, de la place qui sera faite aux régions dans la nouvelle architecture institutionnelle de l'Union européenne à la suite des travaux de la Convention,

- d'autre part, de l'issue du processus de décentralisation qui s'engage actuellement en France.

Dans cette optique, l'idée d'organiser une relation tripartite, Union européenne - État - région avancée par la Commission est intéressante et mérite d'être approfondie.

4. Simplifier les dispositifs de mise en oeuvre et de contrôle. La lisibilité et la simplicité des dispositifs de mise en oeuvre de la politique régionale européenne sont essentielles à son efficacité et à sa reconnaissance par le citoyen.

Le financement de l'objectif de compétitivité par un fonds unique mériterait d'être étudié.

IV - LA RELATION ENTRE POLITIQUE RÉGIONALE ET POLITIQUES SECTORIELLES EUROPÉENNES

La relation entre la politique régionale et de cohésion et les politiques sectorielles et notamment certaines d'entres elles comme la politique de concurrence, la politique agricole, ou celles relatives à l'environnement, à la recherche et à la formation a été maintes fois évoquée pour souligner le plus souvent le manque de cohérence entre les différentes politiques de l'Union.

La politique régionale ne doit pas être perçue comme le moyen de pallier les effets négatifs des autres politiques européennes pour des régions ou des zones réputées particulièrement fragiles.

En revanche, la contribution au développement régional pourrait devenir un des objectifs fixés aux politiques sectorielles ou du moins à certaines d'entre elles. La cohésion économique, sociale et territoriale serait de ce fait reconnue et affichée comme un objectif de base de l'Union européenne, susceptible d'inspirer toutes ses formes d'intervention.

V - LA COOPÉRATION INTERRÉGIONALE

La coopération entre les régions, plus particulièrement mise en oeuvre dans le cadre d'Interreg, pourrait être renforcée pour toutes ses composantes (transfrontalière, transnationale, et développement des réseaux) qui pourraient être regroupées dans un instrument communautaire unique mais spécifique.

25 novembre 2002

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