B. SCINDER LES « MÉGA-PROGRAMMES »

En substituant aux 848 chapitres budgétaires du budget de l'Etat environ 150 programmes 21 ( * ) , le législateur organique a souhaité rendre plus fongible l'emploi des crédits pour permettre une plus grande responsabilisation des gestionnaires. Toutefois, en maintenant des titres et des catégories de dépenses, mais aussi en encadrant fortement les modalités de virement et de transfert de crédits, il n'a pas entendu limiter le contrôle de l'autorisation parlementaire, qui en est le corollaire indispensable.

La maquette présentée le 21 janvier 2004 marque une certaine hétérogénéité entre les programmes, certains d'entre eux regroupant un volume de crédits considérable. Souvent, les ministères dont ils relèvent sont de grands consommateurs de crédits (ministère de la défense, de l'éducation nationale et de l'économie, des finances et de l'industrie). La dimension des programmes reflète également, par l'effet d'une certaine homothétie, celle des actuels chapitres. Il est toutefois important que le Parlement puisse contrôler l'usage qui est fait des crédits, ce qui suppose de restreindre la dimension des programmes et de faire en sorte que les crédits qu'ils regroupent présentent une certaine homogénéité.

Il semble essentiel à votre commission des finances de rendre plus homogène la maquette budgétaire et de faire en sorte qu'il n'y ait pas « deux poids deux mesures » , avec, d'un côté, un luxe de détails pour des actions relativement ponctuelles et de l'autre, des masses de crédits immenses considérées comme insécables .

Votre commission des finances s'est longuement interrogée, avec celle de l'Assemblée nationale, sur la conformité à l'esprit de la LOLF des programmes trop importants de nature à constituer, soit des boîtes noires, soit des zones budgétaires - formant autant de « terra incognita » - opaques du point de vue du Parlement et largement soustraites à son contrôle a priori .

Plus une mission est large et est composée de programmes homogènes, plus le Parlement sera en mesure de proposer des réaffectations de crédits entre les programmes qui la composent. Du point de vue du gouvernement, il peut être tentant de disposer de programmes aussi larges que possible, au sein de missions comportant peu de programmes ou des programmes hétérogènes, afin de limiter les possibilités de réallocation de crédits par voie d'amendement parlementaire et de bénéficier d'une fongibilité maximale des crédits. Un certain nombre de programmes présentent ces inconvénients, tant au regard de la capacité de contrôle du Parlement que de l'exercice du droit d'amendement.

Sur la plupart des problématiques évoquées ci-après, les positions de votre commission des finances témoignent d'une large convergence de vues avec la commission des finances de l'Assemblée nationale.

1. Les programmes de la mission « Défense »

a) Le programme « Préparation et emploi des forces »

S'agissant du ministère de la défense, votre commission des finances a pris en considération le légitime souci du ministre de faire évoluer les structures de son administration dans le sens d'une plus grande transversalité. Elle a toutefois considéré que le programme « Préparation et emploi des forces », dont le montant dépasse (avec les charges de pension) 20 milliards d'euros, n'était pas acceptable en l'état, pour les raisons rappelées plus haut.

Pour « casser » ce « méga-programme », elle a envisagé deux solutions :

- la première, admise par la commission des finances de l'Assemblée nationale, revient à respecter le souci du ministre de conférer au chef d'état-major des armées un pouvoir d'arbitrage entre les armes et de ne pas recréer les anciennes « féodalités » correspondant aux différentes armes. Elle débouche sur un découpage transversal distinguant, grosso modo, les hommes des matériels, le recrutement et la formation d'une part, le soutien, et notamment la mise en condition opérationnelle, d'autre part ;

- la seconde, proposée notamment par le comité interministériel d'audit des programmes (CIAP) 22 ( * ) , consiste à prendre acte des structures opérationnelles existantes organisées autour des trois grandes armes et à renvoyer la prise en compte des éléments transversaux à une modification du décret de 1982 fixant les pouvoirs respectifs des chefs d'état-major des différentes armes et du chef d'état-major des armées 23 ( * ) .

Votre commission des finances partage l'analyse de l'Assemblée nationale dans la mesure où la solution du CIAP lui a semblé peu conforme à la logique de la LOLF, et source de confusion entre programmes et unités de moyens. Par ailleurs, elle n'a pas jugé pertinent de constituer un programme spécifique pour les opérations extérieures (« OPEX »), considérant qu'il était difficile d'identifier les moyens qui seraient affectés à un tel programme, et que celui-ci ne permettait pas de résoudre les questions relatives à la budgétisation initiale des crédits, compte tenu des difficultés de prévision des dépenses correspondantes.

L'avis du CIAP sur le programme « Préparation et emploi des forces »
de la mission « Défense »

S'agissant de la structuration des programmes, le CIAP souligne que « la structuration ne fait apparaître une distinction entre les armées qu'au niveau des actions, une action étant dédiée à chaque armée. Ce choix est présenté comme lié à la prise en compte de l'évolution vers une interarmisation croissante dans les conditions d'emploi des forces. Le rapport a relevé toutefois que ce choix de structuration pouvait susciter deux types d'interrogations :

- tout d'abord en ce qui concerne la lisibilité du programme, notamment vis-à-vis du Parlement. En effet, le niveau d'agrégation retenu, où chaque armée est une action, rend difficile l'identification d'actions réellement significatives de la recherche de la performance dans le sens des objectifs du programme. Pour surmonter cette difficulté le ministère envisage de définir des sous-actions assorties d'objectifs et d'indicateurs ;

- ensuite, au regard de la transformation du rôle de chef d'état-major des Armées, désigné comme responsable du programme, ce qui impliquerait de lui donner les moyens de prendre en charge la fongibilité budgétaire et le dialogue de gestion interne au programme .

« Dès lors, le rapport a préconisé la division en quatre programmes (terre, air, marine, EMA 24 ( * ) et services communs) de l'actuel programme 2 « préparation et emploi des forces », hors opérations extérieures et hors gendarmerie.

« Le Comité est conscient que cette proposition relève d'un ensemble de considérations sur la politique de défense et sur le rôle dévolu aux principaux acteurs de cette politique qui ne peuvent être conditionnées uniquement par les impératifs de la structuration budgétaire.

« Toutefois, le Comité souligne que cette division n'a pas pour conséquence mécanique de contrarier l'évolution vers une plus grande interarmisation dont l'enjeu et les modalités lui paraissent se situer principalement à d'autres niveaux, c'est-à-dire, en amont par la détermination des priorités stratégiques et des prescriptions d'objectifs de préparation des forces, et en aval de la préparation, par la conduite opérationnelle de l'emploi de celles-ci. Cette évolution de l'exercice des responsabilités du CEMA 25 ( * ) ne paraît pas incompatible avec une gestion budgétaire par armée.

« Au contraire, le Comité est sensible au risque d'inflation des tâches administratives qu'impliquerait pour le CEMA la prise en charge de la responsabilité d'un programme « préparation et emploi des forces », tel que présenté dans la maquette du 21 janvier.

« Le ministère paraît d'ailleurs aussi préoccupé par ce risque car il indique dans sa réponse que depuis l'audit sa réflexion a évolué, et qu'il envisage que le responsable du programme répartisse les crédits du programme en « budgets exécutifs de programme » correspondant aux divisions préconisées par le rapport, en transférant aux chefs d'état-major des armées le soin de la détermination et de la gestion des budgets opérationnels de programme. Le Comité rappelle ses réserves sur ce type de solution (...). En effet, si cette notion nouvelle limitait le rôle du responsable nominal du programme à un découpage annuel en budgets exécutifs de programme, elle conduirait à créer, en réalité, au niveau de l'exécution budgétaire, des programmes différents de ceux fixés dans l'autorisation parlementaire, reviendrait à placer la fongibilité budgétaire à un niveau différent de celui prévu par la loi organique, et situerait la véritable responsabilité des programmes à un niveau autre que celui affiché.

« Face à ces diverses considérations, le Comité estime que la proposition de division du programme préconisée par le rapport (division en quatre programmes du programme 2 de la maquette du 21 janvier : terre, air, marine, EMA et services communs) constitue une solution également praticable, qui présenterait en définitive moins d'inconvénients que l'autre, notamment si celle-ci conduit au dispositif de budgets exécutifs de programme évoqué ci-dessus.

S'agissant du traitement des opérations intérieures et extérieures :

« (...) Dans la maquette du 21 janvier, les crédits correspondants [aux opérations intérieures et extérieures] sont intégrés dans deux actions « financer les surcoûts des opérations extérieures » (action 6) et « financer les surcoûts des opérations intérieures » (action 7).

« Le rapport (...) propose d'ajouter un programme consacré aux seules opérations extérieures. Ce point de vue est partagé par les services du ministère.

« Le Comité considère que la mise en place d'un programme dédié aux opérations extérieures ne peut toutefois être admise qu'à la condition que ce programme réponde aux impératifs de la loi organique, c'est-à-dire que ces opérations soient affichables, prévisibles et chiffrables dans toutes leurs composantes de coût permettant leur budgétisation claire (identification et coût complet des personnels affectés, coûts des matériels, du transport...). Le responsable d'un tel programme serait alors le CEMA.

« Dans la mesure où ces opérations seraient prévisibles et affichables mais ne pourraient répondre aux critères de budgétisation en programme, les surcoûts estimés devraient figurer dans une ou des actions de programmes retenus. Dans la mesure où elles s'avèreraient imprévisibles et significatives, elles relèvent d'autres modalités de traitement budgétaire ».

Source : avis du CIAP n° 2004-AI.A.08.02 du 26 mars 2004 sur le projet de programme « Préparation (et emploi) des forces » du ministère de la défense, pages 5-6

b) Le programme « Préparation et conduite des politiques d'armement »

Votre commission des finances vous propose, pour les mêmes raisons, et en accord avec l'Assemblée nationale, de scinder le programme « Préparation et conduite des politiques d'armement » , en deux programmes concernant, l'un, l'armement conventionnel et l'autre, l'arme nucléaire.

Elle n'ignore pas que ce sont souvent les mêmes vecteurs qui peuvent porter le feu nucléaire ou conventionnel, mais a estimé qu'il s'agissait là d'un choix stratégique sur lequel la représentation nationale devait pouvoir s'exprimer , et qu'il était utile de l'expliciter pour favoriser une bonne appréciation de la politique militaire de la France.

2. Le programme « Enseignement scolaire public du second degré » de la mission « Enseignement scolaire »

Dans le même esprit, s'agissant du programme « Enseignement scolaire public du second degré » de la mission « Enseignement scolaire » , il a paru souhaitable à votre commission des finances, tout comme à celle de l'Assemblée nationale, d' isoler les crédits consacrés à la vie de l'élève dans un programme comportant trois actions : « Actions sociales en faveur des élèves », « Vie de l'élève au collège et au lycée » et « Information et orientation ».

Votre commission des finances reconnaît que cette modification ne permet pas de réduire de manière considérable le volume des crédits du programme « Enseignement scolaire public du second degré », et est donc quelque peu « cosmétique ». Elle a néanmoins considéré que cette scission était la seule qui ne posait pas de difficultés du point de vue de la gestion des crédits, compte tenu de la polyvalence des personnels d'une part, et de la déconcentration de la gestion, d'autre part.

3. Le programme « Gestion fiscale et financière de l'Etat et du secteur public local » de la mission « Gestion et contrôle des finances publiques »

S'agissant de la mission « Gestion et contrôle des finances publiques » du ministère de l'économie, des finances, et de l'industrie, la question qui se pose n'est pas sans rappeler celles relatives aux missions « Agriculture, pêche et affaires rurales » et « Défense », du fait de l'existence d'un programme prépondérant au sein de la mission. Les crédits du programme « Gestion fiscale et financière de l'Etat et du secteur public local » , avec près de 8 milliards d'euros (soit 91 % des crédits de la mission), sont en effet plus de dix fois supérieurs en volume à ceux du programme « Soutien des politiques économiques, financières et industrielles » sans même parler du programme « Juridictions financières » , dont le montant est inférieur à 130 millions d'euros.

Ce programme recouvre plusieurs structures : les services de la Direction générale de la comptabilité publique (DGCP), ceux de la Direction générale des impôts (DGI) et la fraction de la Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) qui est en charge de manière exclusive du recouvrement.

Pour scinder ce programme, votre commission des finances a envisagé deux solutions : distinguer les services traitant des recettes de ceux en charge des dépenses, ou dissocier les fonctions relatives à la comptabilité, à l'assiette, ainsi qu'au recouvrement de l'impôt. Votre commission des finances privilégie cette dernière approche, qui est fonctionnellement la plus claire et ne préjuge en aucune manière d'éventuelles restructurations organiques. Elle ne mésestime pas les difficultés inhérentes à la distinction des fonctions comptables et de celles relatives au recouvrement de l'impôt, s'agissant des services déconcentrés relevant de la direction générale de la comptabilité publique. En effet, les personnels sont polyvalents, comme cela est rappelé plus loin. Votre commission des finances ne souhaite aucunement remettre en cause cette polyvalence, considérant en tout état de cause qu'il ne revient pas à la nomenclature budgétaire d'imposer un tel changement. Par conséquent, une répartition analytique des crédits de personnel devra être mise en oeuvre, en particulier au sein des services déconcentrés de la direction générale de la comptabilité publique, afin de répartir ceux-ci entre les programmes « Recouvrement fiscal » et « Comptabilité de l'Etat et du secteur public local ».

Votre commission des finances considère que la distinction entre la comptabilité de l'Etat et du secteur public local, le recouvrement et l'assiette des impositions permet de clarifier l'exercice des différentes missions des deux grandes directions du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie que sont la direction générale des impôts (DGI) et la direction générale de la comptabilité publique (DGCP).

Elle précise qu'il conviendra, pour les trois programmes proposés, de faire apparaître la part, pour chacun d'entre eux, au niveau des actions, des moyens affectés à la gestion fiscale et comptable des collectivités territoriales.

Dans un rapport d'information 26 ( * ) paru il y a quatre ans, notre collègue Bernard Angels soulignait déjà les difficultés liées à la coexistence de deux réseaux chargés du recouvrement des impositions. Ce rapport avait été publié peu de temps après celui de M. Jean-Luc Lépine, inspecteur des finances 27 ( * ) , qui faisait apparaître un rapport coûts de gestion / prélèvements nets encaissés des impôts de 1,6 % pour l'année 1997 28 ( * ) en France, contre une moyenne de 1,10 % pour un ensemble de pays développés, et après le rapport « mission 2003 » 29 ( * ) , dont les réflexions portaient sur la mise en oeuvre, à l'horizon 2003, de trois orientations :

- l'institution d'un correspondant fiscal unique pour les entreprises comme pour les particuliers ;

- la simplification maximale des obligations déclaratives et de paiement dans le domaine fiscal ;

- la création d'un correspondant économique unique pour les petites et moyennes entreprises.

L'encadré suivant reprend des extraits du rapport d'information précité de notre collègue Bernard Angels.

L'organisation du recouvrement des impôts

Dans un tableau présentant une répartition simplifiée du produit des impôts dont l'assiette est assurée par la direction générale des impôts portant sur l'année 1996, il est indiqué que 51,3 % des impôts sont recouvrés par les services extérieurs du Trésor, tandis que 48,7 % sont recouvrés par le réseau comptable de la direction générale des impôts. Il est précisé que « en ce qui concerne les impôts d'Etat, le réseau de recouvrement de la DGI est spécialisé dans les impôts indirects qui représentent près de 96 % des recettes fiscales qu'il encaisse. Son intervention dans le domaine des impôts directs est limité à l'impôt de solidarité sur la fortune, aux retenues à la source et à divers précomptes et contributions concernant les assiettes fiscales particulières » 30 ( * ) .

La complexité du contexte administratif est rappelée : « Les services territoriaux de la DGI exercent leurs missions dans un contexte administratif complexe et à certains égards paradoxal.

« La complexité d'abord. Elle provient du découpage des missions fiscales entre la DGI et d'autres administrations, et tout particulièrement d'un partage des rôles sans vraies justifications avec la direction générale de la comptabilité publique (DGCP) (...) » 31 ( * ) .

Au sujet de l'intégration des réseaux de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique, le rapport souligne que « l'administration des impôts suppose l'exercice d'une série de fonctions successives ou conjointes qui, pour être toutes particulières, sont dépendantes les unes des autres et doivent donc être conduites sans ruptures.

« Notre modèle d'administration fiscale va à rebours de ce qu'il faudrait sous cet angle. Caractérisé par le cloisonnement administratif - qui concerne d'ailleurs la totalité de l'administration des prélèvements obligatoires si l'on se reporte à la situation qui prévaut en matière de droits de douanes et de droits indirects (DGDDI) ou encore à celle des cotisations sociales avec les URSSAF et les ASSEDIC - elle offre un panorama de discontinuités et débouche sur des duplications inutilement coûteuses.

« Il faut donc a minima intégrer les réseaux de la DGI et de la DGCP - ce qui ne doit pas conduire à éluder la question de la DGDDI, des URSSAF et des ASSEDIC (...).

« Parfois justifiée par l'existence d'une séparation fonctionnelle et juridique entre les ordonnateurs des recettes publiques - c'est-à-dire les services chargés de l'assiette et du contrôle fiscal - et les comptables - les services et agents chargés du recouvrement - la coexistence séparée des deux réseaux n'est en fait aucunement nécessaire au maintien de cette séparation. Pour le montrer, il suffit de rappeler la situation de la direction générale des impôts qui regroupe de fait des services d'assiette et des services de recouvrement.

« En réalité, la superposition actuelle, fruit de l'histoire, s'est maintenue pour des motifs qui relèvent non pas de la logique fonctionnelle mais de la sociologie administrative.

« Sur fond de particularisme du métier et du statut de comptable public, les deux directions générales ont forgé leurs propres identités, se dotant de corps spécifiques et de régimes indemnitaires qui ne le sont pas moins.

« En cela, il n'ont pas échappé au modèle général prévalant au ministère de l'économie et des finances (...) » 32 ( * ) .

Commentant les conclusions du rapport de la « mission 2003 » 33 ( * ) , notre collègue Bernard Angels considère que « les modes d'intégration envisagés vont au-delà d'une simple unification de services en charge de la gestion de l'impôt .

« Ils en supposent pour la quasi-totalité le regroupement dans des sites uniques ; ils supposent aussi la disparition juridique et organique de la séparation entre la fonction d'assiette et de recouvrement de l'impôt .

« Ni l'un, ni l'autre de ces deux derniers éléments ne sont en fait nécessaires à l'unification des services de la DGI et la DGCP.

« L'extinction de la séparation entre les fonctions d'assiette et de recouvrement n'est pas nécessaire à un tel regroupement . Du reste, la spécialisation de ces tâches ne disparaîtra pas du seul fait de l'intégration des services qui en ont la charge.

« Leur accomplissement efficace continuera de supposer que des agents spécialisés leur soient affectés. Le jour n'est pas venu où un agent en charge du recouvrement pourra répondre, sans difficultés et en toute hypothèse, à une question relative à un problème d'assiette et vice-versa.(...)

« Dans ces conditions, le regroupement sur un même site de l'ensemble des services ne s'impose pas davantage . Sans doute peut-il être utile de tendre vers cette solution lorsqu'elle est pratiquement réalisable puisque la proximité géographique des personnels peut être de nature à simplifier les liaisons entre les agents nécessitées par les sollicitations de compétences différentes. Mais, des compléments d'analyse s'imposent quant aux buts d'une intégration des services sous l'angle d'une meilleure accessibilité de ceux-ci.

« De ce point de vue, un premier objectif est bien de clarifier les points d'entrée de l'administration fiscale. Cela suppose que l'on puisse clairement identifier les services compétents pour traiter les dossiers des contribuables. Dans cette perspective, le regroupement physique des services d'assiette et de recouvrement n'apporte pas grand chose par rapport aux enjeux, eux très importants, qui s'attachent à la désignation d'un unique service d'assiette et d'un unique service de recouvrement pour chaque contribuable. Le second objectif est qu'une fois le point d'entrée identifié, la demande de l'administré soit correctement traitée . Cela suppose que les compétences puissent être aisément mobilisées par l'agent de contact. A cet égard, il est évident que l'intégration des services apportera des améliorations importantes. Il est moins raisonnable d'attendre de cette intégration qu'elle débouche sur la création d'agents polyvalents sommés de répondre à toutes les questions sans droit à l'erreur. (...)

« Il faut en effet d'abord rappeler que dans de nombreux cas, la fonction de recouvrement exercée par les personnels de la DGCP n'est qu'une des multiples fonctions de chaque agent » 34 ( * ) .

4. Le programme « Agriculture, pêche et territoires ruraux » de la mission « Agriculture, pêche et affaires rurales »

Votre commission des finances observe que le programme « Agriculture, pêche et territoires ruraux » est prépondérant au sein de la mission « Agriculture, pêche et affaires rurales », et largement surdimensionné. On peut s'interroger sur sa conformité aux exigences fixées par la LOLF, s'agissant de la définition d'un programme, compris comme devant regrouper « les crédits destinés à mettre en oeuvre une action ou un ensemble cohérent d'actions relevant d'un même ministère ». Ce programme fait en effet office de ce que l'on pourrait appeler un programme « fourre-tout » : regroupant 70 % des crédits du ministère de l'agriculture, il couvre la quasi-totalité de ses crédits d'intervention, à l'exception toutefois de ceux afférents à la forêt, qui font l'objet d'un programme spécifique.

La création de ce programme aurait été motivée par l'objectif de regrouper, au sein d'un seul programme, tous les soutiens destinés aux acteurs du monde rural, afin d'éviter toute segmentation verticale des programmes et de développer des actions transversales au sein du ministère. En tout état de cause, votre commission des finances relève qu'il permet de mettre en oeuvre une très large fongibilité des crédits.

Dans une note d'étape sur la mise en oeuvre de la LOLF 35 ( * ) , la mission d'information de la commission des finances de l'Assemblée nationale soulignait d'ailleurs à cet égard, que « la cohérence des programmes est (...) fondamentale pour la réussite de la réforme (...). Quel sens y aurait-il, par exemple à mélanger dans une même autorisation des activités aussi éloignées les unes des autres que le service public de l'équarrissage, la subvention au Fonds de calamités agricoles, les charges de bonification des prêts, le versement compensateur à l'Office national des forêts et le contrôle des pêches maritimes ? S'il est légitime d'assurer la fongibilité des crédits alloués à une finalité bien identifiée, autoriser des redéploiements entre des politiques différentes remettrait en cause la portée de l'autorisation parlementaire ».

Les arguments développés par le ministère de l'agriculture pour justifier la création de ce « méga-programme » consistent à dire que la solution retenue « permettrait de regrouper les principaux leviers budgétaires de la politique agricole et de l'action sur les territoires, donnant ainsi au concept d'affaires rurales les moyens d'action permettant d'en faire une véritable politique publique reconnue au plan budgétaire » 36 ( * ) .

Un des autres arguments avancé par le ministère de l'agriculture se rapporte à la spécificité du secteur agricole, qui se caractérise notamment par la volatilité du climat et du marché, entraînant la multiplication des crises infra-annuelles. Dès lors, il serait nécessaire de disposer d'une grande souplesse dans la gestion des crédits et de regrouper au sein d'un même programme les crédits de politiques aussi diverses que la gestion durable de la pêche, le développement économique des productions agricoles et agroalimentaires ou le soutien aux territoires et aux acteurs ruraux ; les aléas économiques et climatiques ne pourraient être traités en temps réel que grâce à la fongibilité des crédits entre secteurs et à la condition de disposer d'une masse suffisante de crédits.

La proposition du gouvernement soulève cependant des objections, exprimées tant par votre commission des finances que par la commission des affaires économiques.

La commission des affaires économiques et du plan du Sénat a estimé, dans une proposition transmise par son président, notre collègue Jean-Paul Emorine, que, « pour une meilleure lisibilité des politiques et, par voie de conséquence, pour une organisation plus cohérente des débats au Parlement, le programme « Agriculture, pêche et territoires ruraux » paraîtrait gagner à être éclaté de manière à créer un programme « Agriculture et soutien des politiques de l'agriculture », un programme autonome « Pêche », et enfin, un programme « Forêt et territoires ruraux » qui relèverait au demeurant de la nouvelle direction générale de la forêt et des affaires rurales (DGFAR) du ministère de l'agriculture.

« Une telle réorganisation paraît en effet de nature à mieux distinguer les deux « piliers » de la politique agricole commune (PAC), ce qui correspond du reste aux choix législatifs du gouvernement (distinction entre un projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, d'une part ; et un projet de loi de modernisation de l'agriculture, d'autre part), mais aussi à ses choix administratifs (création de la DGFAR) ».

Votre commission a souhaité amender la proposition de maquette du gouvernement concernant le programme « Agriculture, pêche et territoires ruraux », considérant que sa constitution allait à l'encontre de la capacité de contrôle du Parlement et de la possibilité dont il dispose désormais de réallouer les crédits entre différents programmes.

Elle a étudié avec intérêt la proposition émise par la commission des affaires économiques et du plan. Elle a toutefois considéré que la création d'un programme « Pêche » ne permettait pas de pallier cet inconvénient compte tenu de la faiblesse des crédits d'origine nationale consacrés à cette politique (de l'ordre de 28 millions d'euros). Elle a donc pris l'initiative, en liaison avec la commission des finances de l'Assemblée nationale, de découper le programme « Agriculture, pêche et territoires ruraux » en fonction des deux piliers de la politique agricole commune (PAC) , considérant que ce découpage assurait une meilleure lisibilité des crédits consacrés aux politiques agricoles.

Par conséquent, elle vous propose de constituer deux programmes : « Promotion de l'agriculture et développement rural » et « Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés ».

* 21 Il convient de rappeler que l'ordre de grandeur du nombre de programmes avait été évoqué au cours des travaux préparatoires de la loi organique relative aux lois de finances. Ainsi, dès le rapport de première lecture sur la proposition de loi organique relative aux lois de finances de l'Assemblée nationale, notre collègue député Didier Migaud indiquait : « La substitution des programmes aux chapitres s'inscrit également dans une logique de globalisation de la dépense publique, puisque aux quelque 850 chapitres actuellement votés pourraient se substituer, en l'état actuel des réflexions de votre Rapporteur, quelque 150 à 200 programmes, au sein desquels les crédits seront, pour une large part, fongibles ». Cette appréciation avait fait l'objet d'un consensus avec le Sénat et le gouvernement de l'époque.

* 22 Rapport d'audit sur le projet de programme « Préparation et emploi des forces » du ministère de la défense établi par MM. François Cailleteau, inspecteur général des finances, Philippe Debrosse, inspecteur de l'administration, et René Ertoran, contrôleur général des armées, Comité interministériel d'audit des programmes, février 2004.

* 23 Décret n° 82-138 du 8 février 1982 fixant les attributions des chefs d'état-major.

* 24 Etat-major des Armées.

* 25 Chef d'état-major des Armées

* 26 « La direction générale des impôts à l'heure des réformes - Pour une modernisation du service public de l'impôt », n° 205 (1999-2000).

* 27 « Mission d'analyse comparative des administrations fiscales », rapport de synthèse de l'inspection des finances établi sous la supervision de M. Jean-Luc Lépine, inspecteur général des finances, mars 1999.

* 28 Selon le rapport de performance 2002 de la DGI, ce rapport serait de 1,43 % en 2001.

* 29 Rapport de la mission 2003 dit « rapport Bert-Champsaur ».

* 30 Pages 16-17.

* 31 Pages 31-32.

* 32 Pages 196-197.

* 33 Rapport de la mission 2003 dit « rapport Bert-Champsaur ».

* 34 Pages 208-209.

* 35 Note d'étape sur la mise en oeuvre de la réforme organique de la mission d'information sur la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, 15 janvier 2004.

* 36 Réponse au questionnaire budgétaire relatif au projet de loi de finances pour 2004 adressé par la commission des finances du Sénat au ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

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