M. Marc CUZIN

Directeur technique Apibio

Merci beaucoup Messieurs les sénateurs, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs. Merci de m'accorder ces quelques minutes pour présenter ainsi l'activité.

Je viens du CEA. J'ai proposé cette création de société concernant les biopuces en 1998. La société a vu le jour en mai 2001 et aujourd'hui cette société est à certains points de vue véritablement une start-up, c'est-à-dire qu'on développe toute notre énergie pour conquérir des parts de marché pour vivre et pour devenir profitables.

Elle est start-up dans le sens où elle bénéficie de fonds pour aujourd'hui vivre et se développer, fonds qui sont à 95 % privés puisque Apibio est une filiale de BioMérieux SA qui est dans les dix premiers mondiaux du diagnostic in vitro.

Aujourd'hui, il est clair que les biopuces ont pour vocation de servir la santé et donc d'être appliquées à la médecine, de remplacer et d'aller plus vite pour donner plusieurs réponses à des analyses médicales, pour remplacer les techniques existantes qui prennent souvent, en raison de leur sensibilité et de leur aspect multiparamétrique, plusieurs heures, plusieurs jours, quelquefois quelques semaines pour fournir une réponse.

Nous nous appliquons, nous, à cibler aujourd'hui sur les marchés qui sont déjà accessibles en fournissant des sondes contrôlées, de qualité, pour une réponse sans ambiguïté. Nous travaillons un peu pour la recherche mais, vous allez le voir, beaucoup plus pour des secteurs déjà industriels, demandeurs.

Les biopuces, pour être utilisées en grande quantité, se doivent d'être simples d'utilisation, dans un environnement complet qui va depuis le composant qui est l'élément qui fournit une signature très précise d'une cible recherchée, identifiant un gène, identifiant une maladie, les réactifs qui permettent d'assurer que la réaction tout au long de l'analyse est bien quantifiée, précise, et un outil de lecture.

Donc, il y a un ensemble à fournir à un client pour, après une formation, assurer un service à l'égard d'un utilisateur final. Et c'est dans ce secteur très précis, très ciblé de l'analyse et non pas de l'analyse multiparamétrique que nous nous plaçons.

Il y a, à côté de ça, puisqu'il faut utiliser ces puces dans un format qui correspond à l'utilisation que les biologistes ont aujourd'hui, qui est la microplaque, qui est bien connue de tous les biologistes, il faut avoir quelque chose de très convivial, de très simple.

L'utilisateur, demain, ne sera pas un Bac + 8 ou Bac + 11, ce doit être un laborantin de quartier, d'hôpital, un grand service d'analyse agro-alimentaire, un contrôle d'eau municipal, quelque chose qui devient vraiment banal et donc il faut développer l'utilisation, l'interface et la qualité jusqu'au bout pour qu'il y ait véritablement une réponse qui convient à l'utilisateur.

Aujourd'hui, nous avons une puce qui est relativement simple, développée peut-être sur des principes d'arrière-garde, c'est sur du pastique, mais pour autant vous voyez que ces sondes nanométriques qui font quelques vingtaines, quelques cinquantaines, quelques cent bases de long, 50, 70 m/oligonucléotides pour de l'expression, sont déposées sur une surface qui a une préparation pour que l'homogénéité, pour que la reproductibilité, pour que la sensibilité soient au mieux.

En développement, nous avons aussi avec le CEA, un brevet qui a déjà une dizaine d'années... Les brevets, c'est pour nous fondamental, on en a quand même environ 70 en portefeuille, pour une société de 35 personnes qui fait aujourd'hui 300-400 K€ de CA et, nous l'espérons, cette année un peu plus.

Nous développons, sur la base de brevets anciens qui commencent à entrer maintenant dans une phase totalement étendue au niveau mondial, différentes technologie et, avec le CEA, une fabrication de biopuces parallèles pour fabriquer, avec l'aide de la microélectronique et de l'adressage électronique, des puces par lot.

Cette révolution a clairement été initiée par le monde de la recherche. Aujourd'hui, le marché démarre par des domaines peu réglementés et c'est bien là qu'on peut faire tout de suite de l'argent, ce qui est la préoccupation d'une société qui est jeune, qui doit vivre et qui n'a pas d'autres revenus.

Les marchés, aujourd'hui demandeurs, sont l'agroalimentaire, l'environnement pour contrôler réellement tout ce que nous avons, tout ce que nous mangeons. Ce sont nos premiers clients.

Quant à la visée médicale, il a été évoqué tout à l'heure qu'elle prenait plusieurs années pour être réglementée, acceptée par les organismes de remboursement. C'est pour nous un grand frein, un gros problème que de devoir passer des milliers de cas, de devoir valider sur des grands nombres des puces pour telle et telle application à visée diagnostique d'abord et, bien pire encore, à visée thérapeutique.

La recherche, au début, a eu besoin de puces de forte complexité, souhaitant même mettre un gène complet sur une puce avec une réponse qui était d'abord de type oui-non, et pouvait donc entraîner des coûts élevés.

Lorsqu'on arrive à des utilisations très grand public, il faut penser beaucoup plus simple mais beaucoup plus précis, un contrôle qualité absolu (on n'a pas droit à un faux positif ni à un faux négatif). Et qui a envie de payer cher, même pour se contrôler ? Personne. Les organismes de remboursement veillent à cela de très près. Donc la préoccupation pour nous, aujourd'hui, est de faire une puce qui coûte quelques euros avec le contrôle qualité, avec les réactifs, et fournie de la même manière du 31 janvier au 31 décembre.

Ce ne sont les mêmes puces, Ce n'est pas la même voiture qu'on utilise suivant les utilisations. Nous ne faisons pas l'autocar grand tourisme, nous faisons la voiture de tous les jours, de tous les instants, de toutes les applications.

Parmi toutes les applications, la recherche de médicaments qui utilise pour développer un médicament environ 500 000 tests, représente est un gros challenge, avec les maladies infectieuses en contrôle hospitalier, la génétique humaine. Nous travaillons pour le contrôle agro-alimentaire avec des sociétés de service, avec des grands groupes. Nous développons pour le cancer, en validation méthodologique, des puces. Puis, en immunochimie ou en contrôle de toxicologie, nous travaillons avec des industriels de la cosmétique. En particulier, LVMH Christian Dior a choisi notre plate-forme pour développer la toxicologie des produits cosmétiques.

Donc preuve de qualité, preuve de simplicité qui nous permettent d'avancer.

Mais aujourd'hui où est le marché ? Où est la concurrence ? Ce n'est pas Grenoble où nous sommes implantés, ce n'est pas Rhônes-Alpes, c'est véritablement mondial.

Pour nous, notre souci, c'est que les Etats-Unis sont partis plusieurs années avant nous. Pour autant, il n'y a pas eu encore de grandes diffusions publiques, je crois que le chiffre est d'environ 500 000 puces produites il y a deux ans. La pénétration sur le marché américain est difficile parce qu'il y a eu beaucoup de protectionnisme dans les brevets déposés, dans les brevets de base, des brevets extrêmement simples mais de base.

Affymetrix, par exemple, qui est quand même le premier, le pionnier, le leader, possède aujourd'hui plus de 300 brevets qui bloquent quand même pas mal l'implantation sur leur territoire.

Des sociétés, non des moindres, se développent mais ce qu'il faut quand même avoir en tête, c'est que les levées de fonds pour ces sociétés, les start-up de notre style, aux Etats-Unis, ont levé quelques dizaines de millions d'euros pour travailler.

L'autre marché qui est important aujourd'hui, qui à mon sens prend une dynamique très vite et très forte, c'est l'Asie. Pour nous, notre principal concurrent en termes de produits et de formats est à Taiwan. Il est clair que, là-bas, la notion de brevet n'a pas de valeur, en tout cas pas du tout la même que chez nous. Donc la concurrence n'est pas la même.

Au Japon nous avons, sur des brevets qui mettent six ou sept ans à sortir, une petite PME qui s'appelle Hitachi qui propose aussi des lames de verre avec le génome humain et beaucoup de puces. Donc, la concurrence là aussi va vite.

Et n'oublions pas que des pays comme la Chine peuvent faire une validation biomédicale des puces avec des centaines de milliers de patients en quelques mois, sans problème de réglementation ni trop d'éthique, ce qui leur permet de valider très vite des puces applicatives.

La spécificité de notre domaine en termes économiques est que le retour sur investissement pour nos actionnaires est long. Donc, il faut des gens qui le sachent, qui soient prêts à investir longtemps et qui sachent que si l'on a un équilibre financier qu'on peut espérer à cinq ans, le retour sur investissement, hors valeur de l'entreprise, est plutôt à huit, dix ans.

Donc on est très loin de l'aspect microélectronique, de l'aspect standard, on est beaucoup plus proche de l'aspect pharmaceutique, et ça il faut bien le savoir au niveau investissement.

Les efforts technologiques et les validations sont très coûteux, nécessitent minimum 10 M€. J'ai cité les contraintes réglementaires, et comme les marchés sont très variés, cela demande de la part d'une petite structure comme la nôtre un gros effort commercial qu'il n'est pas toujours facile de faire.

Il y a aussi des contraintes administratives. Permettez-moi juste un petit focus sur notre situation qui n'est pas la seule, nous sommes filiale d'un grand groupe et plusieurs start-up le sont ainsi. A ce titre, nous ne sommes, ni vis-à-vis de la région, ni de la France, ni de l'Europe, une PME. Ce qui veut dire que n'avons pas droit à toutes les aides accordées aux PME. Ceci complique un petit peu la donne, les règles. Le financement, s'il est privé, effectivement il l'est, ferme la porte à beaucoup d'aides, ce qui ne nous facilite pas toujours les choses.

Un petit focus sur la TVA, ça c'est universel, j'en ai discuté avec beaucoup de mes collègues. Certaines aides incluent la TVA, comme celles du ministère de la Recherche qui nous sont utiles et précieuses pour défricher des sujets amont, mais elles incluent la TVA dans leurs montants, ce qui fait d'emblée 20 % de moins.

Ce qui n'est pas le cas au ministère de l'Industrie et des Finances dont un service nous dit : « Voilà une subvention exceptionnelle », alors que, un autre service qui ne connaît pas le précédent nous dit : « Ça, ce sont des revenus, donc c'est imposable sur la TVA ».

Donc on a un gros problème de management de ces deux poches du ministère de l'Industrie et des Finances, l'une qui donne et l'autre qui aimerait bien reprendre 20 %.

Enfin, je dirais qu'il y a des règles administratives et pures qui sont que tant que vous n'avez pas atteint vos fonds propres - je passe sur le détail en séance publique mais il faut l'expliquer  -, si vous avez atteint vos fonds propres, on ne vous prête plus, on ne vous donne plus d'argent. C'est une petite règle très française, les fonds propres sont une limitation absolue à la capacité d'avoir des aides publiques.

Ce n'est peut-être pas vrai pour tout le monde puisque j'ai mis un « sauf pour ». Aujourd'hui, il y a des promotions exceptionnelles. Ce n'est pas la période des soldes mais il est encore quand même sorti, tous les ans à la même époque, un appel d'offres pour utiliser une plate-forme américaine. Permettez-moi de dire que j'aimerais bien profiter des mêmes règles de fonctionnement !

C'est-à-dire qu'il y a des plates-formes qui ont été équipées avec la plate-forme Affymetrix en France et qu'il y a, à ce moment-là, une aide et une subvention de 75 % si vous utilisez ces plates-formes qui sont implantées en France par les pouvoirs publics dans quelques génopoles, qui ont payé ces matériels et qui veulent aujourd'hui aider les chercheurs à les utiliser.

Pour la première phase, c'est très bien. Je dis simplement : à quand le soutien pour des produits de sociétés françaises à la même hauteur ?

Ensuite, pour se développer, Apibio comme d'autres sociétés qui vendent des services et des produits, a besoin de vendre et il ne faut pas qu'il y ait sur les mêmes objets, sur les mêmes produits, la concurrence de services publics.

Pour ceux qui veulent la référence, elle est sur le Web, vous voyez que l'appel d'offres Affymetrix de subvention à l'achat de puces et de réalisation d'expériences sur les machines des génopoles est soutenu à 75 % alors que, sur toutes les autres aides, nous avons 30, voire 35 % au mieux. C'est un petit peu mon souci, essayer aussi d'être la cible d'une telle offre en tant que produits de société française.

Sur le contexte international, j'aimerais souligner deux points avant de conclure.

Il y a une directivité quand même très différente entre les Etats-Unis, l'Europe et la France.

Après les événements du 11 septembre 2001 bien présents dans tous les esprits, il a été proposé en 2002 un appel d'offres bioterrorisme. Lorsque j'ai proposé aux autorités compétentes un projet d'environ 1,5 M€, on m'a répondu : « Non, il y a 300 K€ par projet ».

Sachant qu'un chercheur ou un travailleur coûte environ 100 K€/an, sur trois ans, vous voyez que ça permettait de mettre une personne au travail. Donc, nous nous sommes retirés, ne pouvant pas répondre à un produit de qualité dans ces délais.

En comparaison, la société CEPHEID, qui compte à peu près soixante personnes, a reçu de la Direction des Postes aux Etats-Unis, pour détecter l'anthrax dans les enveloppes, 130 M€...

A noter aussi une petite différence concernant les brevets et notre concurrence vis-à-vis de nos partenaires ou notre positionnement n'est pas non plus tout à fait le même. Il ne faut pas oublier que lorsqu'on publie aux Etats-Unis, on a un an, après, pour prouver, démontrer et déposer un brevet. En Europe, c'est l'inverse : dès qu'on a publié, on n'a plus le droit de breveter. Donc la règle n'est pas tout à fait la même.

Les perspectives, c'est ma conclusion, de quoi avons-nous envie et que pouvons-nous faire ?

Je crois qu'on a des forces, c'est clair. Je crois qu'on a l'envie de réussir. On a l'énergie, on a la volonté, on a la capacité, on a la confiance d'investisseurs, on a la qualité de recherche, nous travaillons avec plusieurs organismes publics (le CEA, l'Ecole normale, le CNRS, d'autres laboratoires), on a la force de nos brevets. Ceci, c'est ce qui nous aide.

Mais derrière, il y a de sérieuses contraintes réglementaires qui nous coûtent du temps pour vendre, pour réaliser. Il y a les engagements dont j'ai parlé, par exemple développement d'une puce pour l'anthrax, pour le SRAS, pour la légionellose, des tas de choses qu'on pourrait faire si on avait véritablement un contrat ou un engagement derrière de fourniture. Parce que s'il faut investir et avoir 70 % du travail à mettre de notre poche, l'actionnaire dit : « Stop ! Le retour, il est dans dix ans, ce n'est pas ce qui va vous faire vivre, je ne suis pas d'accord ».

Il y a le coût de la main-d'oeuvre (quatre fois moins cher en Chine), j'ai cité mon concurrent sur le format microplaques qui est là-bas, la poussée véritablement globale de ces pays.

Ce que nous attendons aujourd'hui pour rester dans une course dynamique et gagner, je crois que c'est passé sur des contrats véritablement à un facteur d'échelle plus important, pour réaliser, pour vendre, et une prise en compte liée aux règles et au développement.

Je vous remercie de votre attention.


M. Alain CIROU

Merci, Marc CUZIN. On va réserver les questions à la fin de cette table ronde.

Je vais demander à l'orateur suivant, M. Pascal Boulon de Yole Développement, de se présenter, de présenter sa société et d'intervenir sur les études de marché pendant les dix minutes imparties. Merci.

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