Les études de marché

M. Pascal BOULON

Directeur adjoint Yole Développement

Bonsoir. Je suis directeur adjoint de la société Yole Développement qui est une petite société composée d'une quinzaine de personnes et fondée par M. Eloy en 1998.

M. Eloy avait une responsabilité au préalable au sein du bureau d'études marketing du CEA où il a réalisé un grand nombre d'études de marché dans le domaine des microtechnologies, des microsystèmes en particulier.

Constatant un manque de prestataires pour réaliser des études marketing, et je reviendrai sur ce mot, il a décidé de fonder cette société.

Nous avons donc largement travaillé au cours des cinq dernières années sur le domaine des biopuces et des biocapteurs. Nous avons été missionnés à plusieurs reprises par l'Etat français notamment. Nous avons réalisé une étude à laquelle d'ailleurs il a été fait référence tout à l'heure par M. Rossier concernant les volumes de marché dans le domaine des biopuces.

Je vous disais tout à l'heure que j'allais revenir sur le mot marketing. En effet, le titre de ma présentation s'intitule « Les études de marché ». Ce n'est pas jouer sur les mots que de dire que, en fait, nous passons l'essentiel de notre temps, non pas à réaliser des études de marché mais des études marketing.

Il y a une grosse différence entre les deux et cela s'applique particulièrement bien au domaine de l'étude des microtechnologies et nanotechnologies. En effet, lorsqu'on réalise des études de marché, on s'attache à obtenir des données quantitatives sur le marché. On évalue un marché existant et on fait de la prospective pour essayer d'évaluer l'évolution de ce marché.

Lorsqu'on réalise des études marketing, on est dans le domaine du marketing de l'innovation, c'est-à-dire qu'on essaie, de mieux comprendre quelles sont les attentes des industriels et en quoi les innovations qu'on leur présente répondent à leurs besoins.

On est généralement dans le cas de ce qu'on appelle une approche constructiviste, c'est-à-dire qu'on travaille en relation avec les laboratoires de recherche. Nous sommes en relation avec le CEA, le CNRS, l'INSERM, etc., ainsi qu'avec de nombreux laboratoires étrangers avec lesquels nous réalisons, laboratoires et entreprises, un peu plus de la moitié de notre chiffre d'affaires, et nous nous insérons dans la poursuite des travaux de recherche et développement.

Je parle d'approche constructiviste parce que nous sommes amenés à valider ou à invalider des hypothèses concernant le lancement de technologies, de produits ou de services innovants.

Nous travaillons avec les laboratoires de recherche pour décrire, par exemple, des développements dans le domaine du stockage de l'énergie appliqué à des dispositifs médicaux tels que les pacemakers et nous allons tester auprès des industriels, des prescripteurs, qui pourraient être amenés à acquérir cette technologie, leur intérêt pour cette technologie, bien comprendre leur cahier des charges.

Nous ne sommes pas amenés à prendre la photographie de marchés existants mais à peindre les marchés, à construire les marchés en essayant de comprendre quelles sont les attentes techniques des industriels mais également en essayant de comprendre quels sont les facteurs explicatifs de leur comportement.

C'est quelque chose que nous rappelons sans cesse car, en particulier en étant spécialisés dans le domaine des microtechnologies et nanotechnologies, nous sommes sans cesse confrontés à l'étude d'innovations pour la plupart majeures, pour lesquelles, bien souvent, nous sommes amenés à étudier des marchés qui n'existent pas. C'est-à-dire décrire des groupes d'utilisateurs potentiels qui vont constituer la cible principale, notamment de start-up.

Evidemment, nous réalisons également des études de marché. Tout à l'heure, il a été cité une étude dans le domaine des biopuces, mais nous n'avons pas la prétention, et je n'ai pas la prétention, à l'instant, de vous présenter des résultats sur le marché des nanotechnologies.

Il y a un tel foisonnement d'applications, que ce soit dans le domaine de la médecine ou dans d'autres domaines, que nous ne pouvons pas présenter de données générales, nous sommes obligés de travailler au cas par cas.

Si nous en revenons à des cas concrets, je parlais tout à l'heure du cas des pacemakers, les nanotechnologies peuvent permettre de développer des sources d'énergie qui auront des durées de vie plus importantes pour des dispositifs médicaux comme les pacemakers. Et, lorsqu'on s'intéresse à l'évaluation du marché, il est assez facile de quantifier le marché parce qu'on connaît le nombre de pacemakers vendus dans le monde, ne serait-ce qu'en étudiant le nombre de microsystèmes, de capteurs, qui ont été produits pour fabriquer ces pacemakers.

Donc là, le travail de l'analyste de marché est assez « simple ». Il va certes tester l'innovation mais, lorsqu'il aura bien compris quel est le profil des clients, il va faire référence à des données de marché extrêmement diverses - dans les microtechnologies et nanotechnologies, on a affaire à tous les domaines industriels d'application - mais il va en tout cas disposer d'un certain nombre de données. Tout à l'heure, on parlait de la cornée, j'ai vu des chiffres précis. Donc on peut essayer d'imaginer quelle va être la part de marché prise par l'innovation développée.

En revanche, lorsqu'on s'intéresse à des marchés qui n'existent pas encore, et ce n'est pas une boutade, nous sommes amenés à étudier des produits qui n'existent pas encore sur des marchés qui n'existent pas encore... Donc, vous imaginez que la tâche est difficile ! Mais c'est dans ce cas qu'on est obligé d'avoir une approche constructiviste et, finalement, une fois qu'on est arrivé à décrire le profil type des clients, l'approche constructiviste consiste à construire avec les porteurs de projets - et en particulier avec les start-up puisque dans le domaine des nanotechnologies, nous avons affaire à de nombreuses start-up -, consiste à essayer d'imaginer quelle va être la croissance du marché pour cette entreprise en partant des moyens de l'entreprise. En partant certes du marché qu'on a décrit mais en revenant très rapidement aux moyens de l'entreprise.

En particulier dans le domaine de la médecine, si l'innovation répond à des attentes fortes et si le coût des produits ou des services est en adéquation avec les capacités du marché, le développement des entreprises est plus lié aux moyens que ces entreprises ont la capacité de mettre sur la table qu'au volume du marché. Peu importe le nombre de milliards, ce qui compte c'est d'être capable d'accéder au marché.

Je conclurai cette introduction en disant que, dans le cas des microtechnologies et nanotechnologies en particulier, il est nécessaire de réunir des fonds importants pour développer de nouvelles activités.

J'ai eu, il y a une semaine, l'occasion de présenter dans le cadre d'un séminaire de l'OMNT (Observatoire des micro- et nanotechnologies) les levées de fonds que j'avais pu recenser dans le monde au cours de l'année 2003. J'ai recensé une douzaine de levées de fonds. Malheureusement, je n'ai pas recensé de levées de fonds en France, la moitié de ces levées de fonds avait lieu aux Etats-Unis. Bien sûr, nous n'avons pas la prétention de toutes les connaître, et on en oublie peut-être certaines en France, voire en Europe, mais en tout cas, une chose est certaine, c'est que les levées de fonds allaient de 1 M$ à 38 M$, avec une moyenne qui se situait autour de 7-8 M$.

Si on totalise sur quelques années les start-up qui sont vraiment génératrices des innovations, avec les groupes industriels évidemment - vous m'excuserez mais mon travail concerne essentiellement un accompagnement de start-up -, ces start-up réunissent environ 15 M$, 20 M$ pour réussir à faire émerger une activité. Donc ce sont des fonds très importants qui sont nécessaires pour créer les marchés. On est véritablement dans une dynamique de création de marché. Merci.


M. Alain CIROU

Merci Pascal BOULON. Comment trouver ces fonds pour des start-up dans un marché dont vous nous avez expliqué qu'il était virtuel, c'est la question qui est fondamentalement posée à l'orateur suivant, Bernard DAUGERAS, d'AURIGA PARTNERS.

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