II. UN FORT IMPACT SUR LES DÉLOCALISATIONS DE CONTRIBUABLES

Les données obtenues du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et analysées par votre commission des finances constituent la seule source officielle actualisée permettant d'appréhender le phénomène de délocalisations de redevables à l'ISF avec rigueur. Il n'existe en effet pas d'observatoire des délocalisations dont les données seraient publiques. Les publications de votre commission des finances remplacent donc de facto un tel observatoire. En effet, contrairement aux chiffres relatifs aux délocalisations des redevables à l'impôt sur le revenu, qui ne dessinent pas de tendance incontestable tant les motifs d'expatriation chaque année de ces quelque 35.000 personnes sont hétérogènes, le changement de résidence des redevables à l'impôt de solidarité sur la fortune constitue un bon indicateur de délocalisation pour des raisons fiscales .

En ce domaine, les réponses fournies par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie en 2004 confirment les tendances observées en 2003 et les années précédentes.

A. LES DÉLOCALISATIONS DE REDEVABLES À L'ISF : UN FACTEUR MAJEUR ENCORE MAL ÉTUDIÉ

1. Des données statistiques imparfaites

La direction générale des impôts s'est dotée d'un observatoire interne permettant de recenser les informations fiscales relatives aux redevables de l'impôt sur la fortune partant à l'étranger. Dès lors qu'un centre des impôts a connaissance du transfert hors de France du domicile d'un redevable à l'ISF, il en informe cet observatoire, mis en place depuis 1999 à la direction des résidents à l'étranger et des services généraux. A la lecture des éléments fournis par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, on constate que les données recueillies sont, malgré des améliorations notables, tardives et trop parcellaires . L'absence de suivi « en temps réel » des expatriations de contribuables empêche le gouvernement d'en tirer les conséquences en matière de politique fiscale.

Certes, l'observatoire de la direction des résidents à l'étranger et des services généraux a accéléré depuis quelques années le recensement des flux de personnes délocalisées. Pour l'année 2002 et l'année 2003, les flux ont ainsi été connus plus rapidement que pour les années 2001 et 2000 comme le montre le graphique suivant :

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

Néanmoins, l'observatoire n'est informé que d'environ 35 % des départs à la fin de l'année même de ces départs. 85 % des départs sont connus à la fin de la première année qui suit. Il faut attendre la fin de la deuxième année qui suit pour parvenir à connaître 99 % des départs. Ceci signifie qu'il est impossible aujourd'hui de savoir si les mesures adoptées dans le cadre de la loi pour l'initiative économique du 1 er août 2003 ont été en mesure de freiner le flux de délocalisations des contribuables à l'ISF.

Les données restent parcellaires : si le nombre de redevables et les pertes annuelles en droits et bases sont parfaitement connus, il n'en est pas de même des bases. Seules les bases imposables sont recensées par la direction générale des impôts. En ce qui concerne les biens professionnels exonérés, la qualité des données mises à la disposition de la commission des finances du Sénat se dégrade d'une année sur l'autre. Alors que la direction générale des impôts avait été en mesure d'évaluer la valeur des biens professionnels en la possession des contribuables délocalisés pour l'année 2001, il n'en est pas de même pour l'année 2002. La direction générale des impôts souligne que le contribuable n'a pas l'obligation, sauf cas particuliers 14 ( * ) , d'évaluer son patrimoine professionnel exonéré . Contrairement à ce qui s'est produit pour l'année 2001 où la direction générale des impôts avait pu, en croisant les éléments contenus dans les déclarations ISF et ceux fournis par les déclarations n° 2041 GL relatives à la taxation des plus-values latentes applicable en cas de changement de résidence, évaluer 15 des 22 patrimoines professionnels exonérés et délocalisés, les éléments recueillis pour l'année 2002 ne portent que sur 4 des 25 patrimoines professionnels exonérés et délocalisés cette année-là, ce que les services jugent « non significatif et interdisant toute extrapolation significative ».

L'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes du 11 mars 2004, en remettant en cause la taxation des plus-values latentes applicable en cas de changement de résidence (« exit-tax »), va sans doute supprimer la source d'information que représentaient les déclarations n° 2041 GL précitées.

Faute d'enquête systématique réalisée par la direction générale des impôts, les chiffres publiés, comme les extrapolations qui peuvent être faites, constituent donc des évaluations a minima du phénomène de délocalisation pour des raisons fiscales .

* 14 Droits détenus à la suite d'un rachat d'entreprise par les salariés ou détenus par le foyer fiscal dans une société interposée ou lorsqu'ils constituent plus de 50 % du patrimoine du redevable.

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