B. LES PROBLÈMES POLITIQUES ET INTERNATIONAUX

Les problèmes politiques et internationaux ont occupé une grande partie de l'ordre du jour de la session d'avril. Dans le cadre nécessairement limité de ce rapport, l'accent sera mis sur les débats qui ont le plus mobilisé la délégation française à savoir l'adhésion de Monaco au Conseil de l'Europe, le renforcement des Nations Unies, la situation en Arménie, et le protocole additionnel à la Convention des droits de l'homme et la biomédecine relatif à la recherche biomédicale.

1. La demande d'adhésion de la principauté de Monaco au Conseil de l'Europe

L'Assemblée a examiné la demande d'adhésion de la principauté de Monaco au Conseil de l'Europe lors de sa séance du mardi 27 avril matin sur le rapport de M. Leonid Slutsky (commission des questions politiques), M. Andrea Manzella ayant présenté un avis au nom de la commission des questions juridiques.

Dans un contexte largement favorable à cette adhésion, M. Bernard Schreiner , après avoir retracé l'historique de cette demande d'adhésion et fait l'inventaire des difficultés juridiques restantes, a souhaité que les négociations en cours entre la France et la principauté permettent de lever rapidement les derniers obstacles :

"Il revient aujourd'hui à notre Assemblée de se prononcer sur la demande d'adhésion au Conseil de l'Europe présentée par la Principauté de Monaco en octobre 1998. Selon moi, cet avis ne peut être que favorable.

Après un premier déplacement à Monaco du Comité des présidents de l'Assemblée en Janvier 1999 et un renvoi de la demande aux commissions compétentes, le Secrétaire Général a lancé la procédure d'examen par des éminents juristes, de la conformité de l'ordre juridique du pays avec les principes fondamentaux du Conseil de l'Europe.

Les réserves émises par ces éminents juristes concernaient principalement l'exercice de la souveraineté nationale et le fonctionnement de la démocratie parlementaire, le respect des droits de l'homme étant acquis à Monaco; ce point ne fait aucun doute. A la suite de ces réserves, Monaco a initié des modifications législatives et constitutionnelles très importantes, témoignant de sa volonté de coopération avec le Conseil de l'Europe que j'ai encore pu vérifier hier à l'occasion d'une rencontre avec M. Valéri, Président du Conseil national de la principauté de Monaco.

Le seul point qui fait encore problème est relatif à certaines dispositions de la Convention de 1930 liant la France et Monaco qui apparaissent contraires au principe de non-discrimination.

De fait, si M. Slutsky propose dans son rapport très complet de soutenir l'adhésion de Monaco, il la soumet à une modification du traité de 1930, visant à supprimer les dispositions réservant certaines hautes fonctions publiques à des citoyens français. C'est au Comité mixte qu'il reviendrait alors de donner le feu vert lorsqu'il aura constaté que «les consultations entre Monaco et la France pour la révision de la Convention de 1930 ont ouvert la possibilité d'appliquer dans un avenir proche à Monaco le principe de non-discrimination».

Les travaux visant à modifier la Convention de 1930 ont débuté il y a un an environ. Ils portent sur l'ensemble du texte et ne sont pas limités au problème de la non-discrimination. Ces négociations se déroulent entre deux États souverains dont les pouvoirs - il est important de le souligner ici - ne sauraient en aucune manière être contraints par la décision que notre Assemblée s'apprête à prendre.

Une autre difficulté juridique mérite d'être énoncée. En effet, dans l'état actuel du droit, il est certain qu'une adhésion rapide de la Principauté au protocole n° 12 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme relatif au principe de non-discrimination fait peser un risque de condamnation de Monaco en cas de recours devant la CEDH. Ce risque a été pris en considération par les parties en présence, puisque, par une lettre du 6 avril dernier du ministre d'État monégasque, M. Patrick Leclerc, au Président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, M. Schieder, lettre annexée au rapport de M. Slutsky, la Principauté s'est engagée à signer le protocole n°12 de la CEDH un an après sa mise en vigueur et à ratifier ce texte dans un délai de cinq ans après la signature.

Ces délais paraissent suffisants pour que la France et Monaco s'accordent sur un texte commun.

Pour revenir sur ces négociations, je tiens à indiquer que, à mon sens, le maintien de dispositions empêchant les citoyens monégasques d'accéder à certaines hautes fonctions étatiques, sans doute légitime en 1930, n'apparaît plus justifiable aujourd'hui. Je souhaite qu'un accord soit trouvé très vite sur ce point entre la France et Monaco et nous, parlementaires, allons intervenir dans ce sens auprès de notre gouvernement afin que l'adhésion de la Principauté au Conseil de l'Europe intervienne le plus rapidement possible.

Dans le même ordre d'idées, je tiens à exprimer mon opposition forte à l'amendement n°5 de la commission des questions juridiques qui, en renforçant les conditions relatives aux négociations bilatérales franco-monégasques, ne pourrait que retarder l'adhésion effective de Monaco.

Monsieur le Président, mes chers collègues, après avoir accueilli en son sein le Liechtenstein en 1978, Saint-Marin en 1998, Andorre en 1994, il serait paradoxal que le Conseil de l'Europe ne puisse accueillir Monaco qui a donné toutes les preuves de son engagement européen.

Compte tenu des remarques que je viens de formuler et des conditions proposées par la commission des questions politiques, c'est avec chaleur et une grande conviction que j'invite notre Assemblée à clore le processus entamé en 1998 et à réserver l'accueil le plus favorable à la demande d'adhésion de Monaco au Conseil de l'Europe".

M. Rudy Salles a également apporté son soutien à l'adhésion de Monaco au Conseil de l'Europe et a mis en évidence les efforts accomplis par la principauté pour la rendre possible :

"Le 15 octobre 1998 le Prince Rainier de Monaco a décidé de demander l'adhésion de son pays au Conseil de l'Europe. Heureuse initiative puisque Monaco, de par son histoire, sa géographie, sa culture et ses valeurs fondamentales, appartient à l'Europe comme le souligne en conclusion de son excellent rapport, notre collègue M. Slutsky.

Les autorités monégasques auraient sans doute souhaité faire coïncider l'entrée au Conseil de l'Europe avec le jubilé du prince en 1999. Mais, dans les années 90 avec les révolutions démocratiques survenues en Europe centrale, l'Assemblée a dû appliquer pour Monaco la même méthode d'évaluation que pour les candidats venus de l'Est de l'Europe.

Le Bureau de l'Assemblée a confié à deux éminents juristes le soin d'évaluer la conformité de l'ordre juridique monégasque avec les principes fondamentaux du Conseil de l'Europe. Comme on pouvait s'y attendre, les éminents juristes se sont montrés très positifs quant à la prééminence du droit et au respect des droits de l'homme. Leurs critiques concernent principalement l'exercice de la souveraineté nationale et le fonctionnement de la démocratie parlementaire.

A la suite de leurs recommandations, Monaco a engagé des changements constitutionnels et législatifs, et réformé la loi électorale en 2002. La question la plus difficile pour l'adhésion concernait la souveraineté et les traités d'amitié de 1918 et 1930 entre Monaco et la France. Fort heureusement, les deux pays ont adopté une attitude constructive, considérant que les traités appartenaient à une autre époque et qu'ils devaient être révisés. Le 24 octobre 2002, un nouveau traité signé à Paris a remplacé celui de 1918. Il prévoit une coopération plus égalitaire entre les deux pays. L'article 5, qui nous intéresse plus particulièrement, énonce que «la République française facilite, à la demande de la principauté de Monaco, l'adhésion de celle-ci aux organisations et institutions internationales auxquelles elle participe». En bonne logique, la France doit donc aider Monaco à adhérer au Conseil de l'Europe.

S'agissant du traité de 1930, les deux États ont entamé, en juin 2003, des consultations en vue de sa révision. Notre rapporteur M. Slutsky nous assure de son optimisme quant à l'issue favorable de ces négociations. La poursuite des réformes de la législation monégasque fera après son adhésion au Conseil de l'Europe l'objet d'une procédure de suivi, comme cela était le cas pour toutes les adhésions récentes. Ce sera pour Monaco l'occasion de confirmer son engagement européen.

Le Conseil de l'Europe souhaite accueillir Monaco. Tous les autres petits États ont déjà adhéré : le Liechtenstein en 1978, Saint Marin en 1988 et Andorre en 1994.

Mes chers collègues, je siège au sein du Groupe d'amitié France-Monaco de l'Assemblée nationale. Depuis l'élection d'une nouvelle majorité au Conseil national de Monaco, nous avons pu noter une vraie volonté de ce parlement, volonté qu'il convient absolument d'encourager. Je reviens d'une session de l'Union interparlementaire qui s'est tenue à Mexico pendant huit jours. La délégation monégasque y a été extrêmement active en matière de coopération et de sécurité en Méditerranée. La principauté y prend une part extrêmement forte, et je tiens à la féliciter.

La baronne Hooper a parlé des liens entre la Côte d'Azur, le Royaume-Uni et la Russie. Je suis moi-même un élu de la Côte d'Azur, donc un voisin de la principauté de Monaco. J'ai pu noter avec une très grande satisfaction l'évolution de ce pays, de ses structures démocratiques, la vivacité de son parlement et de sa nouvelle équipe en particulier, preuve d'un lien de cause à effet entre sa demande d'adhésion et les exigences du Conseil de l'Europe à l'égard de la Principauté de Monaco. Aujourd'hui, cette dernière est prête à devenir un membre à part entière de notre Assemblée.

La principauté de Monaco est certes un petit État, mais son rayonnement culturel et sportif est considérable. Je vous rappelle d'ailleurs que son équipe de football joue à un niveau d'excellence au plan européen. Je suis convaincu que la Principauté saura également jouer dans le pôle d'excellence du Conseil de l'Europe".

À l'issue de ses débats l'Assemblée a adopté l'avis n°250 recommandant au Comité des ministres "d'inviter Monaco à devenir membre du Conseil de l'Europe dès que l'Assemblée et le Comité des ministres auront constaté au sein du Comité mixte que les consultations entre Monaco et la France pour la révision de la Convention de 1930 ont ouvert la possibilité d'appliquer dans un avenir proche à Monaco le principe de non-discrimination permettant aux citoyens monégasques d'être nommés aux hautes fonctions gouvernementales et publiques actuellement réservées à des ressortissants français" et demandant au Bureau d'octroyer, dans cette attente, le statut d'invité spécial au Conseil National de Monaco.

Intervenant pour clôturer les débats sur ce point, M. Stéphane Valéri, Président du Conseil national de Monaco s'est félicité de la décision prise par l'Assemblée:

"Je commencerai par une confidence: depuis février 2003, date de mon élection à la présidence du Conseil national de Monaco, notre parlement, j'attendais ce moment: le moment d'être devant vous, après un vote positif sur la candidature de Monaco et de pouvoir enfin vous remercier de l'accueil que vous réservez à notre pays.

La majorité politique que je conduis, a en effet été convaincue de l'intérêt, bien avant son succès électoral du 9 février 2003, pour notre pays d'une adhésion au Conseil de l'Europe. Ce faisant, elle a apporté son soutien constant et déterminé à la volonté de SAS le Prince Rainier III qui, dès octobre 1998 et en toute connaissance de cause, avait déposé la demande d'adhésion de Monaco à votre organisation. Nous avons toujours maintenu ce soutien et exprimé notre confiance dans une issue positive, même quand le doute était exprimé dans certains milieux attachés à un isolationnisme aveugle et dangereux pour l'avenir de notre pays.

Presque six ans: le chemin a été long jusqu'à l'adoption par votre Assemblée de l'avis recommandant notre adhésion. Je ne reviendrai pas sur les différentes étapes de la procédure. Je rappellerai simplement que l'ancienne majorité du Conseil national, sans vouloir le dire explicitement, était loin d'être favorable à l'adhésion au Conseil de l'Europe. Bien des difficultés, des retards que nous aurions pu éviter, et certains malentendus aussi sans doute, sont venus de là.

Aujourd'hui, la page est tournée et vous trouverez dans le Conseil national monégasque actuel un interlocuteur attentif et réceptif, soucieux de participer à sa mesure, mais toujours avec sérieux et conviction, aux travaux de votre assemblée.

La principauté de Monaco est un État souverain, membre des Nations unies. Il était donc parfaitement logique que nous cherchions également à développer notre coopération internationale au travers d'organisations spécifiques au continent dont nous faisons partie. Nous l'avions déjà fait en adhérant à l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Quant à l'Union européenne, ses portes paraissent fermées aux États de petite taille ; c'est donc tout naturellement que nous nous sommes tournés vers le Conseil de l'Europe, dont de petits États comparables au nôtre sont membres.

Pourquoi serions-nous demeurés le seul de ces États qui n'ait pas sa place parmi vous à Strasbourg, alors que nous partageons totalement les valeurs de votre Organisation ? Nous sommes en effet particulièrement attachés à l'esprit démocratique, au respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mais également à la préservation de l'environnement et au développement des actions culturelles. Ce sont ces valeurs mêmes qui forment le coeur des activités du Conseil de l'Europe.

C'est donc en se fondant sur elles qu'a été conduit le dialogue avec la commission des questions politiques et celle des questions juridiques de votre Assemblée. Au fil des mois, des rencontres et des visites, une meilleure connaissance mutuelle s'est établie. Ce dialogue a été fructueux puisqu'il a permis, du côté monégasque, d'amorcer des évolutions dans le sens souhaité par le Conseil de l'Europe et dans l'intérêt de Monaco et de sa population. Du côté de votre Assemblée, il a permis de vérifier par des faits concrets la détermination de la principauté à coopérer largement. Nous l'avons fait dans le domaine de la lutte contre le blanchiment d'argent, où la législation mise en place, dotée de dispositifs de suivi performants, est aujourd'hui reconnue par les instances internationales comme pleinement satisfaisante. Un ensemble de réformes législatives a également été mis en chantier: égalité de l'homme et de la femme, liberté d'association et de réunion, motivation des actes administratifs et liberté des médias. Certains textes ont été votés, d'autres doivent l'être incessamment et je m'engage personnellement à ce que le Conseil national les examine avec la plus grande célérité.

Comme l'indique le rapport de la commission politique, la principauté de Monaco a adopté au printemps 2002 une réforme constitutionnelle qui élargit les pouvoirs de notre Parlement pour ce qui concerne l'initiative des lois, le droit d'amendement et la ratification des traités et accords internationaux. Dans le plein respect de notre identité institutionnelle, sur laquelle il existe un très large consensus à Monaco, cette réforme a également permis une révision du système électoral, qui garantit désormais le pluralisme, quel que soit le résultat des élections.

Nos spécificités, notamment en ce qui concerne le régime préférentiel en matière d'emploi, de logement et d'aide sociale pour les nationaux, tiennent essentiellement à la petite taille de notre territoire, mais aussi au fait que les monégasques sont minoritaires dans leur propre pays. Vous avez su en tenir compte dans les engagements demandés pour notre adhésion; je pense plus particulièrement au protocole n° 12 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et à l'amendement qui prend en compte notre situation particulière.

C'est un point très important pour nous; il n'affecte en rien notre reconnaissance des valeurs du Conseil de l'Europe, mais il constitue la prise en compte de notre réalité. Nous serons d'ailleurs mieux placés pour faire comprendre nos particularismes en participant à vos travaux, plutôt qu'en demeurant isolés.

Les résultats du vote qui vient d'avoir lieu montrent que cette réalité a été bien comprise et reconnue. Je me réjouis que le dialogue fourni avec votre Assemblée au cours de ces derniers mois ait été fécond.

Reste, bien sûr, la question des rapports franco-monégasques. Comme vous le savez, le traité de 1918 a été remplacé par un nouveau texte plus moderne et mieux adapté.

Quant à la Convention de 1930, qui ne permet pas l'accès des monégasques à certains postes de la haute fonction publique, elle est en cours de renégociation. Il existe donc une volonté commune de la France et de Monaco d'aboutir à un texte assurant le plein respect de tous les droits. Il en est qui ne peuvent plus ne pas être reconnus au citoyen monégasque, et vous l'avez très légitimement souhaité. Je suis convaincu que bientôt le Comité mixte pourra recueillir le «signe fort» qui amènera le Comité des Ministres à prononcer notre admission.

Vous avez proposé, entre temps, que le statut d'invité spécial nous soit octroyé. Le Conseil national accepte ce statut, qui nous permettra de nous familiariser avec vos travaux. Notre pays en sera honoré.

Il me reste à remercier votre Assemblée, et plus spécialement son Président pour m'avoir permis de m'exprimer devant vous. Ma gratitude va également à la commission des questions politiques et à la commission des questions juridiques, à leurs présidents et à leurs rapporteurs, particulièrement MM. Slutsky et Manzella, ainsi qu'au Secrétariat Général de votre Assemblée.

Pour conclure, sachez combien je suis heureux de pouvoir vous dire «A très bientôt, ici même», en souhaitant que notre pays devienne, dans les meilleurs délais, le 46 e État membre du Conseil de l'Europe. Le Conseil national se réjouit de votre vote de large confiance qui constitue une victoire pour Monaco, une étape décisive vers notre adhésion définitive et une avancée supplémentaire dans la reconnaissance de la stature internationale de la Principauté.

Le Conseil national est fier d'avoir contribué à ce vote et à cette future adhésion. Vive Monaco et vive le Conseil de l'Europe ! "

À la suite du vote favorable de l'Assemblée, le Bureau a décidé, dans sa réunion du 30 avril 2004 , d'admettre la Principauté de Monaco au statut d' invité spécial, ouvrant droit au Conseil national d'envoyer deux délégués ayant voix consultative aux séances plénières de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.

2. Le renforcement des Nations Unies

Lors de sa séance du mercredi 28 avril matin, l'Assemblée a examiné le rapport de Mme Tana de Zulueta (commission des questions politiques) sur le renforcement des Nations Unies. Ce rapport souligne "qu'un système multilatéral fondé sur les Nations Unies et leur charte est la seule façon de faire face à la complexité des défis actuels" et se prononce pour un renforcement de cette organisation passant notamment par une réforme du Conseil de sécurité et une meilleure affirmation de l'autorité du Président de l'Assemblée générale dont la durée du mandat pourrait être portée à trois ans.

Au cours des débats, Mme Josette Durrieu a insisté sur plusieurs difficultés auxquelles sont confrontées les Nations Unies et a plaidé pour une réforme de cette institution :

"Je veux d'abord remercier M me Tana de Zulueta pour son excellent travail. Faut-il supprimer l'Onu ? Certains le disent, ou l'écrivent. L'organisation regroupe aujourd'hui cent quatre-vingt onze États, et des casques bleus sont présents dans quatorze pays. Toutes ses interventions, bien entendu, n'ont pas été couronnées de succès, qu'il s'agisse de la Somalie, du Rwanda, de la Bosnie, de l'Irak, ou du Moyen-Orient, autant de pays qui sont l'expression de la faiblesse de l'institution.

Cela dit, toutes les actions de reconstruction ou humanitaires de l'Onu - qu'on songe à la Forpronu, à la Minuk ou encore à la Pnud - sont autant de signes de son succès, et, paradoxe, Washington se tourne vers l'Onu pour sortir de l'impasse irakienne. Le Président Bush espère même qu'un diplomate algérien, arabe et sunnite, M. Brahimi, permettra le transfert de la souveraineté de gouvernement d'ici le 30 juin. Quant à M. John F. Kerry, il va plus loin et demande que les États-Unis transfèrent à l'Onu l'autorité qu'ils exercent à Bagdad. Un tel retournement de situation traduit bien le désarroi des Américains, et d'une manière générale, un désarroi tout court.

L'affaire de l'Irak a été l'expression d'un choc frontal entre deux idéologies, celle de l'unilatéralisme des États-Unis, celle du multilatéralisme des autres. Unilatéralisme ? M me Albright résume bien la situation lorsqu'elle déclare que «les Nations Unies ne peuvent faire que ce que les États-Unis laissent faire», ou encore que «c'est l'action qui détermine la coalition». Quant au multilatéralisme, essence même de l'organisation des Nations Unies, il repose sur la concertation, la détermination de l'action.

Reste que l'institution est à réorganiser. Tous les orateurs ont souligné ses faiblesses, et notamment le manque de moyens en la matière, les États-Unis ont d'ailleurs une lourde responsabilité. Près de 50 000 agents travaillent à l'Onu, soit moins qu'à Disneyland ; vos propositions, Madame de Zulueta, sont donc bonnes. L'élargissement est nécessaire, comme la réforme du Conseil de Sécurité. Mais les nouvelles menaces supposent un certain nombre d'appréciations. Je ne prendrai que trois exemples. Sommes-nous d'accord sur les définitions du terrorisme ? En matière de légitime défense préventive, l'Irak est-il vraiment le meilleur des exemples ? Quant au droit d'ingérence, est-ce un simple droit de regard ou un droit d'intervention ? En Somalie, il s'agissait d'assistance, en Bosnie d'intervention, au Kosovo de guerre humanitaire, en Afghanistan d'opération de police unilatérale. L'attaque illégale de l'Irak par les Américains est bel et bien une agression. Mais l'intervention à Haïti, relève-t-elle de la préoccupation humanitaire ou de l'ingérence constituée ?

Le droit d'ingérence n'est pas reconnu. Il faut trancher entre le respect de la souveraineté d'un État et l'assistance aux victimes. La frontière est difficile à tracer. Nous avons besoin que les choses soient claires. Il faut sauver l'Onu ou, ainsi que l'a déclaré M. Kofi Annan, «pousser la roue». Notre travail y contribue mais ce ne sera pas suffisant. "

M. François Loncle a rappelé la teneur du manifeste élaboré après le colloque "Pour défendre la paix, réformer l'ONU"organisé en 2001 à l'Assemblée nationale :

"Au moment où nous débattons de l'excellent rapport de notre collègue M me de Zulueta, je souhaiterais rendre hommage à deux responsables au plus haut niveau de l'Onu, tant leur mérite est immense. Je veux parler bien sûr du Secrétaire Général M. Kofi Annan et du grand diplomate algérien M. Lakhdar Brahimi qui, depuis plusieurs années, fait montre d'un courage et d'une audace exceptionnels dans la résolution des crises - on l'a vu en Afghanistan et aujourd'hui en Irak.

Comme cela a déjà été souligné, l'Onu n'est pas un gouvernement mondial; elle ne peut que ce que veulent collectivement les États qui la composent. Les gouvernements lui imposent ses objectifs et ses mandats, lui donnent ses moyens humains, militaires et financiers. À cet égard les recommandations de notre rapporteur sont tout à fait pertinentes.

Dans la ligne du rapport Brahimi, nous avions, avec mon collègue Paul Quilès, à l'Assemblée Nationale française, organisé, en 2001, un grand colloque international qui avait pour thème: «Pour défendre la paix, réformer l'Onu», colloque à l'issue duquel nous avions diffusé un manifeste où nous demandions à tous les États membres, notamment aux plus puissants, de témoigner de leur volonté de réformer l'Onu. Cette volonté donnerait au Secrétaire Général l'appui politique nécessaire pour mettre en oeuvre les réformes indispensables. Nous demandions aux États membres de remplir la totalité de leurs obligations, notamment financières, de façon à garantir à l'Onu les ressources nécessaires à la prévention des conflits, au maintien et à la consolidation de la paix.

Pour que le Conseil de Sécurité soit en mesure de fonctionner efficacement, nous demandions que, conformément à la Charte, sa responsabilité principale en cas de menace contre la paix et d'actes d'agression soit pleinement reconnue et loyalement respectée par l'ensemble des États membres, afin d'empêcher toute entrave et tout retard injustifié à l'action de la communauté internationale, notamment en présence de violations massives des droits de l'homme. Nous demandions que l'utilisation du droit de veto soit limitée aux questions qui impliquent l'emploi de la force et qu'elle soit motivée. Nous demandions que le Conseil de Sécurité devienne plus représentatif du monde actuel grâce à l'augmentation du nombre de ses membres permanents et à l'entrée en son sein de puissances émergeantes. Nous affirmions que les Nations unies doivent disposer de moyens militaires efficaces et pour ce faire, être dotées d'une capacité militaire de réaction rapide. Des forces devraient être pré-désignées pour être affectées à un corps des Nations Unies avec un préavis de mobilisation de courte durée. Nous demandions enfin que les Casques bleus disposent des moyens nécessaires, et notamment d'un mandat clair, pour faire cesser la barbarie à l'encontre des civils.

Le temps de l'initiative et de la réforme doit impérativement succéder au temps de la réflexion. C'est une question de volonté politique et c'est le souhait que nous pouvons exprimer collectivement".

À l'issue de ses débats l'Assemblée a adopté :

? La recommandation n° 1659 qui demande notamment au Comité des ministres de consulter l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sur l'avant-projet de résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies, d'encourager les États membres à inclure des membres de l'Assemblée dans leurs délégations à l'Assemblée générale et d'envisager une présence permanente du Conseil de l'Europe à New-York.

? La résolution n°1373 qui demande en particulier aux États membres d'apporter leur appui à la revitalisation de l'Assemblée générale des Nations Unies, d'inclure des parlementaires dans les délégations nationales, d'adopter une attitude constructive pour rendre le Conseil de sécurité plus représentatif et sa prise de décision plus efficace, d'assurer la viabilité financière à long terme des Nations Unies et de conditionner l'élection à la présidence des principaux organes à la ratification et à l'application par l'État concerné des pactes des Nations Unies pour la protection des droits de l'homme.

3. La situation en Arménie

Inscrit selon la procédure d'urgence, le débat sur l'Arménie s'est déroulé lors de la séance du mercredi 28 avril après-midi. Présentant le rapport de la commission de suivi, M. Jerzy Jaskiernia (M. René André est co-rapporteur) a fait valoir que depuis la fin mars 2004, une série de manifestations ont été organisées par les forces d'opposition arméniennes appelant à la tenue d'un « référendum de confiance » envers le Président Kocharian, et que le 13 avril les forces de sécurité ont dispersé violemment quelque deux à trois mille manifestants qui tentaient de marcher sur le Palais présidentiel pour demander la démission du Président Kocharian. Constatant que l'attitude des autorités arméniennes était contraire aux engagements pris, il a appelé les autorités et l'opposition à s'abstenir de toute action qui pourrait conduire à de nouvelles violences, et à engager un dialogue sans conditions préalables en vue de régler le conflit actuel.

Intervenant dans le débat, M. François Rochebloine a en particulier souhaité que les co-rapporteurs se rendent en Arménie pour constater la réalité de la situation, et a douté de l'utilité d'un tel débat organisé en urgence sans qu'une telle visite ait eu lieu :

"Qu'il me soit permis tout d'abord de m'interroger sur l'opportunité de ce débat d'urgence. Avant celui-ci, il aurait été sans doute préférable que les rapporteurs de la commission de suivi se soient rendus en Arménie pour nous faire une évaluation objective et complète de la situation actuelle dans ce pays, compte tenu notamment des événements qui se sont déroulés récemment. Ils auraient pu nous indiquer si les recommandations formulées dans la Résolution 1361, adoptée par notre Assemblée en janvier dernier, étaient en cours d'application.

Par ailleurs, nous devons faire attention, me semble-t-il, à ne pas abuser de la pratique de ces débats d'urgence au moindre problème rencontré dans un pays parce qu'elle conduit à mettre sur le même pied d'égalité des situations très différentes les unes des autres.

En janvier dernier, j'avais salué le rapport de nos collègues René André et Jaskiernia à propos du respect des obligations et engagements de l'Arménie et apprécié la rigueur de leur rédaction et le soin méthodique avec lequel les réalités politiques, sociales et juridiques de l'Arménie avaient été passées au crible du suivi.

En accueillant en son sein l'Arménie, mais aussi la Géorgie et l'Azerbaïdjan, le Conseil de l'Europe a voulu aider ces pays à rejoindre ce que j'appellerai «la sphère d'influence des droits de l'homme.»

Aussi me semble-t-il indispensable de rappeler que l'Europe occidentale n'a pas découvert les droits de l'homme et la démocratie pluraliste en un, deux, dix ans, mais en plusieurs décennies. On voudrait que l'Arménie et d'autres pays à situation identique parcourent en dix ans le chemin que l'Europe a mis un siècle à parcourir.

Dans leur rapport, nos collègues André et Jaskiernia avaient reconnu les progrès accomplis, même s'il restait encore beaucoup à faire. Ils avaient notamment salué la qualité du fonctionnement du système judiciaire arménien qui, aujourd'hui, permet d'accueillir rapidement les recours formés contre des arrestations abusives. Toutefois, comme il a été clairement indiqué dans la résolution, il importera de modifier rapidement le code administratif afin de réviser la pratique de la détention administrative.

Par ailleurs, s'il y a eu un certain nombre d'irrégularités lors des élections présidentielles et législatives de février et mai 2003, elles n'ont en rien entaché la légitimité des résultats. J'étais, pour ma part, présent en Arménie, en tant qu'Observateur de notre Assemblée, lors des élections législatives et je me suis rendu dans plusieurs villes et villages de ce pays. J'ai pu constater alors les progrès réalisés en la matière depuis l'indépendance, le 21 septembre 1991, progrès qui pourraient d'ailleurs servir d'exemple à d'autres pays qui en sont encore bien loin. Certains donneurs de leçon devraient avoir un peu plus de retenue en la matière et de modestie.

Enfin, il va de soi que l'opposition, comme dans toute démocratie, doit pouvoir jouir de tous les droits que lui garantit la Constitution. Toutefois, celle-ci doit s'abstenir de toute tentative d'utiliser les manifestations de rue pour renverser les résultats des élections de l'an passé, validés par les instances nationales et internationales compétentes, en dépit des irrégularités observées, comme cela est indiqué dans la résolution adoptée par notre Assemblée en janvier dernier. A cet égard, le paragraphe 8 du projet de résolution ne doit en aucun cas être modifié. Aussi inviterai-je les membres de notre groupe, et au-delà, à rejeter l'amendement n° 2 présenté par M. Eörsi. En effet, il serait dangereux pour la stabilité de ce pays et pour le fonctionnement de la démocratie en général, de remettre en cause les résultats issus des urnes.

Pour conclure et pour s'assurer de la situation actuelle en Arménie, je souhaite que les rapporteurs de la commission du suivi se rendent dans les meilleurs délais dans ce pays et nous fassent part de leur évaluation au plus tard avant l'ouverture de la session de septembre 2004. C'est pourquoi je recommande d'ores et déjà l'adoption d'un amendement allant en ce sens, il donne aux rapporteurs le temps d'effectuer correctement leur travail pour nous en rendre compte objectivement."

Intervenant en tant que Présidente de la Commision de suivi, Mme Josette Durrieu a déclaré :

"La marche vers la démocratie est toujours extrêmement difficile. Nous avions fondé quelque espoir en janvier sur une évolution qui nous semblait favorablement engagée. Nous regrettons beaucoup cette situation et nous espérons que les rapporteurs pourront rapidement nous faire un point encore plus précis. A l'évidence, il n'y a pas de démocratie dans un pays tant que l'opposition n'y trouve pas sa place et n'est pas respectée. Nous le rappelons aux Arméniens, et nous sommes aptes à le rappeler à tout pays qui siège ici.

De la même façon, nous rappelons aux Arméniens qu'ils ont pris des engagements et qu'ils doivent les honorer. Nous leur faisons confiance pour le faire. Nous faisons appel à cette modération que vous avez tous invoquée et à ce sens du dialogue. Nous avertissons aussi les Arméniens que nous serons extrêmement vigilants. Nous espérons profondément que les choses évolueront favorablement d'ici l'été, voire l'automne au plus puisque c'est le délai qui a été fixé."

L'Assemblée a adopté la résolution n°1374 demandant à l'Arménie d'autoriser les manifestations pacifiques, de garantir la liberté de circulation, d'enquêter sur les incidents et violations des droits de l'homme signalés, de libérer les personnes détenues en raison de leur participation aux manifestations et d'assurer un fonctionnement normal des médias. Le même texte décide d'envoyer sur place les rapporteurs de la Commission de suivi et annonce qu'en l'absence de progrès d'ici le début de la session de septembre 2004 l'Assemblée reconsidèrera les pouvoirs de la délégation arménienne.

4. Le projet de protocole additionnel à la Convention européenne sur les droits de l'homme et la biomédecine relatif à la recherche biomédicale

Examiné lors de la séance du vendredi 30 avril, ce projet de protocole additionnel vise à accroître l'efficacité de la protection de la dignité humaine sans entraver inutilement à la liberté de la recherche. Il énonce des principes à respecter dans l'ensemble des activités de recherche en matière de santé impliquant une intervention, physique ou autre, sur l'être humain, - embryons in vivo compris - mais non pas sur les embryons in vitro. Parmi ces principes, on peut citer :

? l'absence d'alternatives à la recherche sur l'être humain ;

? la prévention de risques ou de contraintes disproportionnés ;

? la qualité scientifique du projet de recherche ;

? son approbation par une instance compétente, fondée sur l'avis d'un comité d'éthique indépendant, sous le contrôle d'un chercheur ayant les qualifications nécessaires ;

? l'information adéquate et détaillée des personnes sollicitées pour participer au projet de recherche ;

? leur consentement éclairé, libre, exprès, spécifié et consigné par écrit, et qui peut être librement retiré à tout moment de la recherche.

M. Claude Evin a présenté l'avis de la Commission des questions sociales sur ce texte :

"Nous devons donc donner un avis sur le projet de protocole relatif à la recherche biomédicale. Il faut d'emblée affirmer la qualité de ce document. Je rendrai d'abord hommage aux travaux du CDBI - Comité directeur pour la bioéthique - qui travaille depuis longtemps à l'élaboration de ce texte d'une très grande qualité, que je vous invite à lire, chers collègues.

Comme l'a soulignée M me Westerlund Panke, la recherche biomédicale a pour but de répondre à un objectif d'amélioration des thérapeutiques au service du patient. Pour autant, elle n'est pas exempte de risques liés à des intérêts économiques, industriels qui pourraient parfois se substituer à cet intérêt principal des patients. Il s'impose donc que nous puissions encadrer ces recherches.

C'est ce que propose ce Protocole. Il s'agit d'un texte très équilibré qui garantit, d'une part, la protection des personnes qui se prêtent à ces recherches, d'autre part, le développement de la recherche, le développement de la connaissance scientifique. Au nom de la commission des questions sociales, j'attirerai rapidement l'attention sur quelques points.

D'abord, sur le fait que ce Protocole établit clairement une différence entre la démarche de recherche et la démarche de soins. Il est bien évident que, dans une démarche de soins, certaines personnes peuvent être concernées par des protocoles de recherche. Mais le Protocole qui nous est soumis précise que la démarche de soins ne doit pas être suspendue à une démarche de recherche. En cela, il répond aux travaux de l'Union européenne et à la directive adoptée dans ce domaine. C'est la démarche de soins qui doit primer et, s'il faut qu'elle en bénéficie, en tout état de cause, la démarche de soins ne saurait être secondaire par rapport à la démarche de recherche.

C'est la raison pour laquelle il est question dans ce texte, de «personnes participant à la recherche», et non de «patients»; on parle de «chercheurs» et pas de «médecins». Ce n'est pas seulement une différence de termes, une simple coquetterie sémantique: cela correspond à l'affirmation de priorités. La procédure préconisée pour encadrer la démarche me semble, en effet, tout à fait fondée et les amendements seront l'occasion d'insister sur quelques points afin que les principes éthiques fondamentaux soient respectés. Je les cite rapidement, il s'agit de l'indépendance du comité d'éthique; de l'absence de pression sur les personnes qui se prêtent à une recherche, notamment l'absence de pression financière; de l'adaptation de l'information aux populations spécifiques, particulièrement s'agissant de recherches commencées dans les pays qui disposent d'une réglementation assez stricte et qui se poursuivent dans des pays à la réglementation plus souple.

En conclusion, ce texte important va renforcer la protection des personnes, ce qui, je le rappelle, est la mission prioritaire de notre Assemblée."

En réponse aux intervenants, il a apporté les précisions suivantes :

"Il est intéressant de débattre du problème que soulève M. McNamara, car il s'agit bien d'un sujet important. Selon M. McNamara des personnes n'auraient pas un intérêt direct à bénéficier d'une recherche. Je suis d'autant plus d'accord sur le principe de son amendement, que son contenu figure déjà dans le texte du Protocole! Mais nous y reviendrons. Je rappelle simplement que toutes les personnes qui se prêtent à une expérimentation doivent être protégées selon les mêmes principes, qu'il y ait ou non un intérêt direct pour elles au regard du traitement dont elles bénéficient par ailleurs.

La législation française, en date de 1988, avait introduit cette distinction entre le droit pour les personnes qui avaient un bénéfice direct et un droit pour des personnes qui n'en avaient pas. En application de la transposition de la directive européenne, nous sommes en France en train d'homogénéiser la réglementation pour que toutes les personnes soient protégées de la même manière, qu'elles aient ou non un bénéfice direct. C'est l'intérêt direct des personnes qui doit primer, avec une différence perceptible introduite dans le projet de Protocole, entre la démarche de soins et la démarche de recherche, la personne en soins pouvant bénéficier de la recherche, mais l'intérêt des personnes est bien ce qui doit primer, en permettant que toutes les personnes, quelle que soit la situation dans laquelle elles se trouvent au regard de leur traitement, soit protégées pareillement sur le plan éthique. Il faut respecter leur droit à l'information et la notion de consentement. On renforce les garanties.

Sur le principe, ainsi que je l'ai indiqué, je suis d'accord avec l'amendement. Nous aurons l'occasion d'y revenir. Puisque vous nous en avez donné l'occasion, monsieur le Président, il était peut-être utile que nous engagions un débat un peu plus approfondi sur ce point, car c'est l'un des noeuds du Protocole, et je dois dire ici, avec les autres rapporteurs, combien son texte est riche. Le Conseil de l'Europe s'honorera s'il l'adopte".

À l'issue des débats, et après avoir adopté sept amendements de la Commission des questions sociales présentés par M. Claude Evin , l'Assemblée a adopté l'avis n° 252 :

1. Le protocole additionnel à la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine relatif à la recherche biomédicale est le troisième des protocoles additionnels à cet instrument, après celui portant interdiction du clonage d'êtres humains (1997) et celui relatif à la transplantation d'organes et de tissus d'origine humaine (2001). L'Assemblée parlementaire se félicite de ce nouvel enrichissement de la Convention.

2. La liberté de la recherche est nécessaire au progrès de la connaissance. Procédant de la liberté de pensée et de la liberté d'expression, elle doit être reconnue comme un droit de l'homme.

3. Le développement de la connaissance dans le domaine de la biomédecine afin de réduire la mortalité humaine, de traiter les maladies et d'améliorer la qualité de la vie dépend de la recherche et notamment de la recherche sur l'être humain.

4. Cette recherche a toutefois des implications culturelles et éthiques. Elle doit protéger l'être humain dans sa dignité et son identité et garantir à toute personne qui y participe le respect de son intégrité et de ses autres libertés et droits fondamentaux.

5. Le protocole additionnel à la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine relatif à la recherche biomédicale a pour objet d'accroître l'efficacité de la protection de la dignité humaine sans entraver inutilement la liberté de la recherche.

6. Tout en comprenant la difficulté de parvenir à un texte qui affirme des principes généraux et ne peut rentrer dans les détails d'une législation, l'Assemblée tient à attirer l'attention sur plusieurs points laissés à la libre interprétation des États membres, futures Parties au protocole.

7. Elle se félicite de la séparation entre l'approbation de la recherche sous l'angle de la qualité scientifique (articles 7 et 8) et l'examen de son acceptabilité sur le plan éthique (articles 9 à 12). Néanmoins, la définition de l'« acceptabilité sur le plan éthique » (articles 7, 9.1, 9.2 et 11.1) reste vague et peu claire.

8. Bien que le projet de protocole mette l'accent, au Chapitre III, sur l'indépendance du comité d'éthique (article 10), il ne précise en rien que la composition de celui-ci doive être multidisciplinaire (article 9.2). Pourtant, la multidisciplinarité est à la fois un élément essentiel et une caractéristique forte de tout comité d'éthique, dont elle renforce l'indépendance.

9. L'Assemblée insiste également sur la protection des personnes n'ayant pas la capacité de donner leur consentement, en particulier celles qui sont dans une situation d'urgence clinique (article 19.2 ii et alinéa xiii de l'Annexe du projet de protocole). Elle rappelle donc que selon les termes de l'article 6.1, « La recherche ne doit pas présenter pour l'être humain de risque ou de contrainte disproportionnés par rapport à ses bénéfices potentiels ».

10. L'Article 27 (devoir de prise en charge) stipule que « si la recherche fait apparaître des informations pertinentes pour la santé actuelle ou future, ou pour la qualité de vie de personnes ayant participé à la recherche, la communication de ces informations leur est proposée ». Néanmoins, la question se pose de savoir qui évaluera la « pertinence » de ces informations. Toute information ou donnée peut devenir soudain pertinente au vu de nouvelles découvertes scientifiques, alors qu'auparavant elle n'était pas forcément considérée comme telle. En témoigne le cas des progrès accomplis dans le diagnostic des maladies génétiques. L'Assemblée estime que cette question mérite donc d'être examinée plus avant.

11. L'Assemblée se félicite de la clarté de l'article 29 qui résout le problème des recherches entreprises dans un pays doté d'une juridiction rigoureuse mais achevées dans un autre pays où les règles sont moins strictes. La disposition contenue dans cet article impose aux États membres, parties au Protocole, de faire en sorte que les mêmes critères éthiques soient respectés pour la partie des recherches entreprise hors de leur ressort.

12. L'Assemblée, favorable au protocole, recommande donc au Comité des Ministres de l'ouvrir à la signature dans les meilleurs délais. Elle invite instamment tous les États parties et signataires à la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine à le signer le jour de son ouverture.

13. L'Assemblée regrette que 28 des 45 États membres du Conseil de l'Europe n'aient pas encore adhéré à la Convention de bioéthique ou ne l'aient pas encore ratifiée et les invite instamment à y remédier au plus tôt. De même, elle encourage les états observateurs au Conseil de l'Europe à adhérer également aux principes de la Convention et ses protocoles additionnels.

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