B. LE TERRORISME CHIMIQUE, BIOLOGIQUE ET RADIOLOGIQUE - PRÉSENTATION DE SON RAPPORT (DOCUMENT 1858) PAR M. JEAN-MARIE LE GUEN - DÉPUTÉ (SOC.)

« Mes chers collègues, il me revient de vous présenter, au nom de la Commission de défense, un rapport que nous avons travaillé et adopté concernant le terrorisme chimique, biologique et radiologique. Cet intitulé fait évidemment écho à un fantasme qui existe dans nos sociétés depuis de nombreuses années et qui a donné lieu à toute une littérature qui avait sans doute peu à voir avec la réalité découlant des craintes, probablement largement exagérées, de nos populations. Aujourd'hui, nous avons le sentiment d'être entrés dans un monde différent où il nous faut prendre conscience des réalités et d'une menace, sans forcément l'exagérer, tout au contraire, mais en sachant anticiper les problèmes qui nous sont, dorénavant, posés.

De toute évidence, les événements dramatiques du 11 septembre 2001 ont changé la nature du contexte dans lequel nous devions envisager les problèmes de ce terrorisme. Sans doute parce que, dix ans après l'effondrement du mur de Berlin, nous prenions conscience que nous entrions dans une problématique totalement renouvelée de notre politique de défense et de sécurité ; sans doute aussi parce qu'au-delà du prolongement de ce terrorisme immédiat, on sentait bien, dans le monde entier, depuis des années, des menaces, des tentatives et des tentations de la part de certains États de se doter, au-delà des armes dites conventionnelles, de ces fameux armements.

Nous avons eu un débat au plan international pour savoir quelle était la réalité de ces armes de destruction massive. Cela a évidemment donné lieu à des points de vue divergents et à des décisions largement contestées. Elles faisaient évidemment référence aux menaces pouvant exister en Irak. Toutefois, nous avons indiscutablement pris conscience que certains groupes souhaitaient se doter de ces armes pour mettre en cause, de façon évidemment très terrorisante pour nos populations, leur sécurité.

A partir de là, il nous faut réfléchir, dans un contexte totalement renouvelé, à ces prolégomènes. Mais nous devons le faire, bien évidemment, en prenant la dimension internationale et donc, pour nous Européens, la dimension européenne de la réponse que nous devons apporter à ces défis.

Bien sûr, nous devons développer, après une appréciation réelle de la menace, le rapport que je présente devant vous et que je ne détaillerai pas dans tous ces éléments. Il essaie de faire le point sur la réalité - j'allais dire technique - des risques pouvant exister, qu'il s'agisse des armes radiologiques, des problématiques biologiques ou des armes chimiques. Il conviendra évidemment de suivre l'évolution des technologies dans ce domaine parce qu'il y aura malheureusement progrès en la matière.

L'un des enjeux consiste donc à adopter une attitude de veille sur ces progrès technologiques. Nous devons mesurer ces risques, sans les surestimer, par rapport aux réalités potentielles mais en y travaillant très sérieusement. De ce point de vue, les initiatives de politique internationale sont tout à fait utiles, pour intervenir au niveau de la prévention dans tous les domaines. Le renforcement des politiques internationales visant à limiter la dissémination des armes de destruction massive dans toutes leurs composantes doit toujours être une action parfaitement rigoureuse, parce qu'il peut malheureusement, dans des situations particulières y avoir un transfert de technologies développées par des États vers des groupes. Plus nous mènerons une action volontaire en matière de prévention de la dissémination des armes de destruction massive, plus les groupes terroristes connaîtront des difficultés à s'en procurer et à être dangereux. Ce travail de prévention doit être mené d'une façon forte et résolue par l'Assemblée.

Parallèlement, il nous appartient d'engager des actions de renseignement qui, au-delà de l'action spécifique d'ores et déjà menée contre le terrorisme en général, prendront en compte le risque particulier des armes de destruction massive du terrorisme chimique et biologique.

Si l'effort national doit être intensifié, plus généralement, l'Europe se doit de mener une action soutenue en son sein et une action internationale en direction de certains pays confrontés à des difficultés particulières.

Dans le rapport, nous évoquons le problème de la Russie, non pas que cet État et ses organisations représenteraient un risque particulier - tout au contraire - mais, de par son histoire, la Russie s'est dotée d'armes et de potentiels de recherche dangereux.

Depuis maintenant plusieurs années, des programmes ont été mis en oeuvre par la communauté internationale et par l'Europe pour faciliter le transfert de ces technologies et les maîtriser. Étant donné l'ampleur du sujet, les difficultés spécifiques qui s'attachent à ce pays nécessitent de faire preuve de vigilance et de solidarité vis-à-vis du gouvernement russe afin de l'aider à écarter les dangers potentiels qui peuvent subsister. Et l'on sait bien qu'il existe des dangers de dissémination, notamment dans des pays où l'État de droit, la régulation, y compris économique, sont relativement affaiblis.

Nous devons également intervenir en matière de protection de la propriété individuelle des avancées technologiques, notamment dans le domaine chimique et biologique. En effet, si nous pouvons mesurer aujourd'hui la réalité du danger, nous avons tout autant conscience que des avancées technologiques interviendront dans les années qui viennent, inéluctables avec le progrès scientifique, et qui renouvelleront l'ampleur de ces mêmes risques. Nous aurons l'occasion de revenir sur ces questions au cours du débat.

Il nous revient d'accorder au problème de sécurité civile une place beaucoup plus grande que celle que nous lui avons donnée jusqu'à présent. Nous avions une stratégie de défense - M. Struck le rappelait il y a quelques instants en évoquant le legs des systèmes de défense en Allemagne -, où le front et la nature de combat étaient relativement déterminés. Aujourd'hui, la nature à laquelle nous sommes confrontés rend ce front beaucoup moins déterminé ; il peut être présent au coeur même de nos métropoles et de nos pays. Au vu de ce que fut notre tradition en matière de défense au cours des cinquante dernières années, nous devrions accorder une importance renouvelée aux problèmes de défense civile et intégrer ces questions dans notre stratégie et notre pensée de défense. Je pense, par exemple, en France à la défense des centrales nucléaires. La protection de ces sites, comme celle de sites d'industries chimiques ou celle des approvisionnements en eau des grandes métropoles devraient faire partie des préoccupations majeures en matière de défense. C'est déjà le cas, mais notre conception de la défense est à élargir et à approfondir.

Mes chers collègues, voilà quelques réflexions autour de ce projet de recommandation qui se termine par deux demandes de recommandation plus particulières.

D'une part, nous demandons au Conseil de déterminer - cela revêtirait une valeur symbolique très forte en matière de solidarité - si une attaque chimique, biologique ou radiologique contre un pays membre constituerait ou non une agression armée au sens de l'article 5 du Traité de Bruxelles. En posant cette question, nous souhaitons montrer combien le sens de notre solidarité doit être approfondie.

D'autre part, nous demandons que soit donnée l'impulsion nécessaire au sein de l'Union européenne pour que celle-ci mette fin aux mesures qui permettront l'application anticipée de la clause de solidarité prévue dans le projet de Constitution et pour qu'elle précise le rôle de la PESD dans la lutte contre le terrorisme chimique, biologique et radiologique. Cela n'est pas exclusif d'une volonté de coopération entre les différents pays de l'Union européenne, notamment en matière de prévention, d'information, de coopération internationale et de coopération en matière de la sécurité civile. Dans ces domaines aussi, d'importants progrès restent à réaliser.

Telle était donc, mes chers collègues, brossée en quelques mots, la présentation des recommandations que je vous proposerai d'adopter. »

Aux orateurs qui se sont exprimés à la suite de la présentation de son Rapport par M. Jean-Marie Le Guen, celui-ci adresse les réponses suivantes :

« M. Cherginets, invité de Biélorussie, a fait état des drames qu'a connus son pays du fait de questions d'environnement. Il a mis en relief l'existence de risques réels et de faiblesses technologiques de nos sociétés. Son appel a été tout à fait entendu par notre Assemblée et mérite d'être pris en compte.

Les autres intervenants ont tous insisté sur deux points particuliers : d'une part, la véritable appréciation du risque, d'autre part, la nécessité d'une coopération internationale.

Sir Sydney Chapman (UK) et M. Vrettos (Grèce) ont, dans leurs interventions, insisté tout particulièrement sur la dimension de la coopération. Ces approches rejoignent l'objectif de ce rapport, qui est de montrer qu'il n'y a pas d'issue dans une simple logique nationale.

MM. Cosido Gutiérrez et Gubert (Italie) ont insisté également, chacun à leur façon, sur les problèmes liés à la défense civile et sur les véritables enjeux qu'ils représentent aujourd'hui pour nos sociétés. C'est une réflexion que nous devrons poursuivre au sein de notre Assemblée, en veillant à prendre la juste mesure du risque. Il ne s'agit pas, évidemment, de prendre prétexte du terrorisme pour basculer dans une vision quelque peu paranoïaque de nos sociétés et d'aller dans le sens redouté par M. Gubert lorsqu'il a évoqué la "prison" dans laquelle nous nous enfermerions nous-mêmes. Il convient d'agir non avec des arrière-pensées idéologiques, mais de façon très pragmatique pour défendre nos libertés. En effet, nos libertés sont un bien précieux, qui mérite de figurer au premier plan de nos politiques publiques.

Telles sont les quelques observations que je tenais à faire. Je souscris pleinement aux remarques des différents intervenants et j'espère que ce rapport sera une première étape dans la réflexion de notre Assemblée. »

Au terme du débat, la Recommandation 746 est adoptée à l'unanimité .

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