Y A-T-IL UN PILOTE DANS L'AVION ?

Une autre question se pose au sujet de l'informatisation de l'Etat : y a-t-il un pilote dans l'avion ? En d'autres termes, à quel niveau les décisions sont-elles prises ?

UN PILOTAGE ADMINISTRATIF ?

LA QUESTION DU NIVEAU DE DIRECTION ET D'IMPULSION

Pour les responsables politiques, l'informatisation se résume essentiellement à des questions techniques à traiter par leur administration. Quant aux services administratifs censés piloter l'informatisation de leur ministère, ils ne « pèsent » pas suffisamment pour exercer l'autorité qui serait nécessaire.

M. Jean-Yves Latournerie, directeur des systèmes d'information et de communication au ministère de l'intérieur, a indiqué qu'il était le seul responsable d'un service ministériel d'information et de communication ayant le grade de directeur et donc se situant à un niveau hiérarchique lui permettant de peser dans les décisions.

Sur le papier, les choses semblent pourtant bien organisées. Ainsi, en réponse au questionnaire adressé par votre président, le ministère de la justice rappelle que, depuis 1996, existe à la Chancellerie un échelon unique pour la définition de la politique informatique et pour sa conduite, la commission de l'informatique, des réseaux et de la communication électronique (COMIRCE), présidée par un magistrat et composée de représentants des Hautes juridictions et des directions d'administration centrale. Cette instance n'est cependant pas parvenue à imposer une station de travail type pour les magistrats.

Le défaut d'une autorité suffisante au ministère est à l'origine de cloisonnements et de résistances. Selon M. Claude Sapin, délégué aux systèmes d'information du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, aucune autorité administrative ou politique ne paraît, en situation d'imposer à deux directions du ministère de prendre le même logiciel pour la gestion des ressources humaines ( cf supra, partie II-A), ce qui souligne les graves inconvénients du défaut de pilotage d'une politique d'informatisation.

M. Claude Sapin, qui n'a pas le rang de directeur, observe que le secrétaire général du ministère n'est pas suffisamment saisi pour arbitrage et que la DPMA n'a pas, sur le fond, une compétence lui permettant de faire autorité.

Pour répondre à cette crise de l'autorité, M. Claude Sapin souligne que l'arbitrage ne peut être attendu d'un fonctionnaire qui n'a pas le rang de directeur et qu'il faudrait à tout le moins promouvoir une autorité capable d'imposer certaines règles, par exemple une obligation de convergence des systèmes pour la gestion des ressources humaines des différentes directions. Le niveau hiérarchique du fonctionnaire responsable de l'informatisation d'un ministère ou d'une direction à réseau peut s'avérer déterminant, par exemple devant la perspective de mesures de régulation budgétaire 30 ( * ) .

Le poids hiérarchique des responsables informatiques des ministères doit être sans aucun doute renforcé, ainsi que le niveau de rattachement des délégations aux systèmes d'information (DSI).

Il paraît donc essentiel de promouvoir les services chargés de l'impulsion de la politique informatique du ministère, ainsi que leurs responsables, à un niveau susceptible de leur donner l'autorité administrative nécessaire.

Proposition n° 23

Promouvoir au niveau de directions les services chargés de l'impulsion de la politique informatique des ministères et au rang de directeur les responsables administratifs de ces services

MIEUX CIBLER LES « VÉRITABLES » GRANDS PROJETS POUR ÉVITER LES « GADGETS »

Un meilleur pilotage administratif de l'informatisation devrait permettre de mieux cibler les « véritables » grands projets, à distinguer des « gadgets » essentiellement destinés à l'affichage, dont le coût est réel mais l'intérêt plutôt contestable.

De ce point de vue, on peut s'interroger, par exemple, sur l'opportunité du projet de carte de vie quotidienne, figurant parmi les mesures du plan gouvernemental pour l'administration électronique (plan ADELE 2004-2007).

L'objectif est de fournir aux utilisateurs un bouquet de services publics locaux à partir d'une carte (accès à la bibliothèque, au service des sports, au cinéma local, aux transports, à la cantine scolaire, à la crèche...).

Le lancement du projet a impliqué une dépense de 1,175 million d'euros en 2003, dont 600.000 euros supportés par la Caisse des dépôts et consignations.

M. Philippe Lemoine, président du comité économie électronique du MEDEF, voit dans cette carte de vie quotidienne une certaine prédilection de l'administration électronique pour les seules personnes individuelles et aurait souhaité un « recentrage vers les entreprises » qui auraient joint leurs services à ceux des administrations locales.

Est-ce que l'accès à ces services publics locaux est aujourd'hui si difficile pour qu'il faille dès maintenant engager une telle dépense, dans le contexte budgétaire que l'on sait ? Ne faudrait-il pas, plutôt que de compiler les projets, qu'une autorité soit en mesure d'écarter les gadgets qui, pour un service qui n'apparaît pas vraiment indispensable (les services locaux sont déjà accessibles sans difficultés majeures), n'apportent pas de perspectives d'économies budgétaires ?

On peut, de la sorte, se demander si l'aboutissement d'une tel projet ne résulte pas de l'irresponsabilité financière.

* 30 La situation des responsables de services informatiques des ministères est donc à distinguer de celle des membres des comités de pilotage, généralement des directeurs d'administration centrale. Ces comités sont des structures souples et quasi-dépourvues de moyens propres, se réunissant quelques fois par an (voir supra, partie II-A).

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