3. La recherche d'alternatives aux prélèvements obligatoires

a) Le financement privé des investissements publics

Dans sa séance du jeudi 14 octobre 2004, le Sénat a, lors de la première lecture du projet de loi habilitant le gouvernement à simplifier le droit, ratifié l'ordonnance du 17 juin 2004 relative aux contrats de partenariat. L'ordonnance définit les contrats de partenariats ou partenariats public-privé (PPP) comme des contrats par lesquels une personne publique confie à un tiers, pour une période déterminée, en fonction de la durée d'amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, une mission globale relative au financement d'investissements immatériels, d'ouvrages ou d'équipements nécessaires au service public, à la construction ou transformation des ouvrages ou équipements, ainsi qu'à leur entretien, leur maintenance, leur exploitation ou leur gestion, et, le cas échéant, à d'autres prestations de services concourant à l'exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée.

Cette ordonnance ouvre la voie à un financement privé des entreprises publics dans les champs régaliens notamment - intérieur, justice, défense - pour un volume financier évalué par certains acteurs publics à 5 milliards d'euros en 2005. Ceci permettra de diminuer notamment le recours aux prélèvements obligatoires et de lisser l'amortissement de la dépense sur des périodes longues, et mieux répartir ainsi la charge fiscale

En effet, les ressources budgétaires devenant plus rares, l'Etat est confronté à des problèmes croissants pour réaliser les infrastructures dont notre pays a besoin. Le partenariat public-privé peut incontestablement redevenir une voie de financement pour les infrastructures. En associant des compétences publiques et privées, il constitue un levier puissant de la réforme de l'Etat et du secteur public.

Afin d'optimiser les recours aux PPP, une évaluation préalable devra être systématiquement réalisée afin de connaître le coût actualisé de l'opération au regard d'autres solutions possibles. C'est à cette condition que les PPP auront un impact positif sur le taux de prélèvements obligatoires. Sur le plan financier, en ce qui concerne la comparaison entre la gestion traditionnelle et le PPP, deux éléments au moins devront ainsi être mis en balance : d'une part, le surcoût de financement, car il est clair qu'un partenaire privé se finance sur le marché à des conditions plus onéreuses que l'Etat ; d'autre part, les économies que le recours au PPP peut en contrepartie engendrer en matière de construction et de maintenance, en raison d'une meilleure prise en compte par l'opérateur privé de certains risques, opérationnels ou financiers en particulier. Ce n'est que si la balance globale est positive qu'il faudra, après expertise indépendante, recourir à de telles formules.

L'Etat peut être prêt à payer un coût de capital plus élevé, lié à la prime de risque de l'opérateur privé, s'il est assuré - et seulement s'il est assuré - qu'un meilleur suivi de l'opération par les intermédiaires financiers, c'est-à-dire un meilleur professionnalisme de la gestion, conduira à un coût total inférieur et à une meilleure satisfaction collective.

Les besoins sont importants. En matière d'investissement public, l'héritage est problématique et il y a aujourd'hui nécessité de préparer l'avenir.

Les équipements existants souffrent d'un entretien défaillant et coûteux. En ce qui concerne l'immobilier par exemple, un rapport de l'inspection générale des finances sur l'ingénierie immobilière et la gestion patrimoniale de février 2003 32 ( * ) indique : « les professionnels de l'immobilier rencontrés par la mission convergent sur l'idée qu'une politique préventive en continu des bâtiments, fondée sur une gestion préventive et non curative, est, à terme, facteur d'économie, dans une proportion de l'ordre de 40 % à 50 % ».

Les conditions d'hygiène et de sécurité dans un grand nombre de bâtiments publics apparaissent dégradées : au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, 38 % des bâtiments présentent des défauts d'éclairage, 19 % révèlent la présence de locaux à risque et 18 % souffrent d'un aspect intérieur dégradé. Pourtant, la charge budgétaire liée à la gestion de l'immobilier public représente un coût annuel de 1,7 à 2 milliards d'euros.

L'Etat manque ainsi de compétences pour gérer et entretenir les équipements existants.

Les missions régaliennes de l'Etat (justice et sécurité intérieure) nécessitent des investissements considérables pour répondre aux besoins des citoyens , dont le financement ne peut être systématiquement délégué aux collectivités territoriales. Ces investissements ne peuvent pas par ailleurs être financés par l'usager. La nécessité de respecter un certain nombre d'obligations environnementales européennes (traitement des eaux usées ou traitement des déchets) comme de réaliser des réseaux transeuropéens (RTE) impose de lourds investissements.

Les PPP offrent un potentiel d'économies intéressant.

Les enseignements des PFI britanniques paraissent ainsi éclairants : selon le National Audit Office (NAO), tous les projets de construction réalisés en mode PFI ont respecté leur budget et 89 % ont devancé ou respecté les échéanciers prévus. Pour les projets réalisés en mode de gestion traditionnel, 73 % des projets voient leur budget dépassé et 70 % sont livrés en retard.

Certes, le recours au partenariat public-privé entraîne un surcoût, tout d'abord en termes de taux d'intérêt . L'endettement privé est en effet plus onéreux que l'endettement public car l'Etat bénéficie d'une cotation plus favorable que tout emprunteur privé. L'écart de taux peut atteindre 3 points de base dans le cadre d'un contrat public-privé. Il convient d'ajouter à ce surcoût les frais de transaction liés à la complexité des procédures pour monter les dossiers.

Toutefois, le recours au PPP peut engendrer des économies de construction et de maintenance en raison de la meilleure prise en compte par l'opérateur privé de certains risques , risque opérationnel (la rémunération du prestataire ne peut en effet être revue à la hausse en cas d'accroissement de ses coûts, d'où une responsabilisation de celui-ci) et risque financier (gestion des modifications de conditions de financement : les opérations de refinancement peuvent constituer des ressources non négligeables pour le prestataire privé). Les PPP engendrent, en matière immobilière, une plus grande lisibilité des coûts. Les coûts de gestion de l'immobilier de l'Etat restent aujourd'hui mal identifiés.

L'Etat peut ainsi être prêt à payer un coût de capital plus élevé, lié à la prime de risque de l'opérateur privé, s'il est assuré que le meilleur suivi de l'opération par les intermédiaires financiers conduira au final à un coût total inférieur.

Au Royaume-Uni, les résultats des PFI sont évalués en fonction d'un « prix de secteur » (Public Sector Comparator (PSC). Dans le cas du contrat PRIME, consistant à confier la propriété de l'immobilier de la sécurité sociale britannique à un opérateur privé, le National Audit Office a mis en évidence une économie nette de 838 millions d'euros devant être décomposée entre un gain de 1.290 millions d'euros (dont 650 millions d'euros pour les dépenses en capital et 445 millions d'euros pour les dépenses de service) et un surcoût de 428 millions d'euros lié notamment au coût plus élevé du capital privé (191 millions d'euros) et aux coûts de transaction (65 millions d'euros). L'Office of Government Commerce (OGC), à partir d'un échantillon de 250 PFI engagés tant par les ministères que par les gouvernements locaux a établi que le gain entre le « prix de secteur » (PSC) et le prix contracté en PPP était de 17 %.

Certains ministères disposaient avant l'ordonnance du 17 juin 2004 de la possibilité juridique de s'engager dans des partenariats public-privé. La police, la gendarmerie et la justice bénéficient ainsi d'un texte spécifique, issu de l'article 3 de la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure. Ces dispositions ont été étendues aux armées ou aux services du ministère de la défense par l'article 7 de la loi n° 2003-73 relative à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008, pour la mise en oeuvre de projets portant sur leurs immeubles et bâtiments.

C'est donc un chantier majeur qu'ouvre l'ordonnance relative aux contrats de partenariats.

* 32 Rapport n° 2002-M-019-01.

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