2. Les OGM : un domaine trop partagé

L'évaluation des risques en ce qui concerne les O.G.M. est répartie, pour des raisons contingentes, entre différentes instances. Cette répartition n'exclut pas l'AFSSA, mais la met en concurrence, avec d'autres instances, dans des conditions qui ne sont pas satisfaisantes et donnent lieu à des appréciations contradictoires.

La répartition des expertises est ainsi définie :

-- la commission du génie génétique (CGG) crée en 1989, rattachée au ministère de la recherche se prononce sur l'utilisation d'OGM en milieu confiné ;

-- la commission du génie biomoléculaire (CGB), crée en 1993, placée auprès des ministres de l'agriculture et de l'environnement, chargée de l'évaluation des risques liés à la dissémination volontaire d'OGM à des fins de recherche ou de mise sur le marché (16 dossiers examinés en 2002, concernant uniquement des expérimentations, dont 10 concernant des plantes et 6 concernant des essais de thérapie génique).

-- et le comité d'experts spécialisés sur la biotechnologie de l'AFSSA qui se prononce sur les OGM destinés à l'alimentation (article l. 1323-2, 7° alinéa du code de la santé publique).

L'articulation entre les compétences de la CGB qui a un large domaine de compétences et celles de l'AFSSA à travers son comité d'experts spécialisés biotechnologies (appréciation des seuls risques liés à la consommation de produits alimentaires avant leur mise sur le marché) n'est pas assurée. Ces deux instances d'expertise peuvent donc être simultanément ou successivement être saisies de la même question ; les exemples ne sont pas rares et cette configuration explique que des avis contradictoires puissent être rendus. Cela a été le cas récemment avec le maïs MON 863.

La CGB donne le 28 octobre 2003 un avis au terme duquel, à la suite d'expérimentations d'alimentation menées sur le rat, elle estime qu'elle n'est pas en mesure de conclure à l'absence de risque pour la santé animale et humaine. L'AFSSA, également saisie, rend un avis opposé quelques jours plus tard le 6 novembre 2003 estimant que les différences observées entre les deux groupes sont « sans signification biologique » et que, le maïs MON 863 ne présente pas de risque nutritionnel ». L'Autorité européenne conclut à son tour le 19 avril 2004 en donnant un avis favorable considérant que les différences enregistrées rentrent dans les variations normales des populations de contrôle. Outre le chevauchement des zones de compétence entre la CGB et l'AFSSA, apparaît une nouvelle interférence entre cette dernière et l'Autorité européenne.

Un autre cas s'est également posé récemment avec le maïs Bt 11. En avril 2002, le comité scientifique sur l'alimentation au niveau européen a donné un avis favorable estimant « qu'il n'y a pas d'indication que le maïs doux Bt 11 est moins sûr pour la consommation humaine qu'un maïs non transgénique ». L'AFSSA, rendant son propre avis le 3 décembre 2003, indique qu'afin d'éliminer des risques métabolique éventuellement liés à ce maïs spécifique, « il conviendrait d'évaluer l'impact d'une consommation régulière de celui-ci « considérant que les conclusions acquises sur le maïs réservé à l'alimentation d'élevage ne sont pas suffisantes ».

Deux dispositions européennes apportent encore un élément de complication supplémentaire. D'une part, la directive 2001/18 du 12 mars 2001 relative à la dissémination volontaire d'OGM dans l'environnement dont le délai de transposition était fixé à octobre 2002 et pour laquelle un avant projet de loi est en cours de préparation. D'autre part, le règlement européen du 22 septembre 2003 sur les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés au terme duquel l'évaluation du risque est faite par l'Autorité européenne (AESA) qui peut demander aux agences nationales de s'assurer de l'innocuité alimentaire, mais aussi à la CGB (autorité compétente selon la directive 2001/18) pour évaluer le risque environnemental.

Le fonctionnement et la composition mêmes de la CGB sont problématiques au regard des principes posés par la loi de 1998 quant à la séparation entre l'instance d'évaluation et celle de gestion du risque. En effet, son secrétariat est assuré par la DGAL du ministère de l'agriculture avec la contribution du ministère de l'écologie. Par ailleurs, des représentants de la « société civile » sont prévus dans une commission qui est une instance d'expertise. L'atmosphère qui caractérise les débats sur les OGM n'y est peut-être pas étrangère ; il n'en reste pas moins que cette composition ne correspond pas aux principes d'organisation retenus par la loi.

Une clarification débouchant sur une restructuration s'impose donc. Comme on l'a envisagé pour les produits phytosanitaires, il convient d'une part de tirer les conclusions logiques de la séparation voulue entre l'évaluation et la gestion du risque, la DGAL n'intervenant plus dans le fonctionnement du dispositif, et d'autre part d'unifier en une seule commission ou comité d'experts, les deux instances actuellement existantes, en la plaçant conjointement auprès de l'AFSSA et de l'AFSSE.

Enfin, le lien prévu pour l'avant-projet de loi avec la surveillance des produits phytosanitaires à travers le comité de vigilance (art. L 125-1 du code rural) paraît en toute hypothèse à exclure.

Page mise à jour le

Partager cette page