N° 202

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SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 16 février 2005

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur l' aide humanitaire en Indonésie ,

Par MM. Michel CHARASSE et Adrien GOUTEYRON,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Claude Belot, Marc Massion, Denis Badré, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Jean-Pierre Masseret, Joël Bourdin, vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Michel Moreigne, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM.  Bernard Angels, Bertrand Auban, Jacques Baudot, Mme Marie-France Beaufils, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Mme Nicole Bricq, MM. Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Jean-Claude Frécon, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Claude Haut, Jean-Jacques Jégou, Roger Karoutchi, Alain Lambert, Gérard Longuet, Roland du Luart, François Marc, Michel Mercier, Gérard Miquel, Henri de Raincourt, Michel Sergent, Henri Torre, Bernard Vera.

Asie du Sud-Est.

INTRODUCTION

Le 26 décembre 2004, un séisme marin de magnitude 9, au large de la côte ouest de Sumatra, provoquait un raz-de-marée qui ravageait en quelques heures des centaines de kilomètres de côtes dans le pourtour de l'Océan Indien. La catastrophe a ainsi affecté une dizaine de pays riverains 1 ( * ) , causé plus de 300.000 victimes et plusieurs millions de sans-abris et de personnes déplacées.

L'impact humain du tsunami s'est toutefois révélé très inégal selon les pays. Si le Sri Lanka est le pays proportionnellement le plus touché 2 ( * ) , l'Indonésie a payé le plus lourd tribut humain avec plus de 233.000 morts ou disparus 3 ( * ) (estimation au 14 février 2005). Les dégâts y sont essentiellement concentrés sur la côte ouest de la province d'Aceh, au nord de Sumatra, qui cumule un sous-développement économique et une situation de crise politique aiguë. Sur le plan économique, les analyses tendent à s'accorder sur un impact relativement limité, tant en termes de coût de reconstruction (environ 9 milliards de dollars pour l'ensemble de la région) que d'incidence sur la croissance, bien que la situation de chaque pays soit, là encore, très variable (diminution potentielle du taux de croissance de 4 points aux Maldives, où le tourisme représente une part prépondérante du PIB, mais très réduite en Indonésie).

La catastrophe a fortement ému la communauté internationale et conduit à une mobilisation sans précédent de moyens financiers et humains, tant de la part des autorités gouvernementales que de la société civile , au profit de l'urgence humanitaire. Les dons de particuliers aux ONG et organisations du système onusien ont rapidement afflué (on considère ainsi qu'un Français sur deux a effectué un don), élan de générosité que l'on ne saurait regretter, mais qui conduit nécessairement à s'interroger sur ses motivations, sa pérennité et l'inégalité de traitement des drames humains qui jonchent notre histoire récente. Il en a résulté des situations inédites de surfinancement et de refus de nouveaux dons de la part de certains organismes récipiendaires.

Les engagements financiers des Etats ont également atteint des montants très élevés et n'ont pas été épargnés par une certaine surenchère et le « benchmarking », alimentés par des luttes d'influence géopolitiques et la focalisation des medias sur le rang des donateurs. L'activisme budgétaire des Etats supporte toutefois deux tempéraments : les engagements ne valent pas versements effectifs 4 ( * ) , ainsi que l'exemple du séisme de Bam l'a malheureusement illustré fin 2003, et les périmètres des contributions annoncées sont disjoints, certains Etats y incluant par exemple les prêts concessionnels ou leur quote-part dans les versements effectués par les organisations internationales ou par l'Union européenne.

Les raisons de cette générosité compulsive et désordonnée, que l'on ne peut s'empêcher de confronter au relatif et cruel désintérêt que suscitent les drames du continent africain, sont aussi multiples qu'incertaines : l'ampleur démesurée du raz-de-marée naturellement, mais aussi son caractère relativement « original » par rapport aux catastrophes qui ont marqué la mémoire collective au cours des dernières décennies (séismes et inondations principalement) ; le nombre relativement élevé de touristes occidentaux (en particulier d'Europe du nord) parmi les victimes ; l'ampleur et la durée des restitutions médiatiques, à mesure que parvenaient les images tournées par les vacanciers. Il faut également relever un certain sentiment d'injustice et de fatalité devant les « excès » de la nature dans un contexte de montée des inquiétudes liées aux changements climatiques, perception qui contraste avec le soupçon diffus de culpabilité qui pèse sur les drames d'origine humaine, tels que les conflits interethniques, les génocides et la pandémie du sida.

Ayant constaté le volume élevé des crédits budgétaires engagés par la France dans les actions d'urgence, l'importance des moyens civils et militaires mis en oeuvre et les difficultés de coordination locale des multiples intervenants en Asie du sud-est, votre commission des finances, au titre des pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place que lui confère l'article 57 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), a jugé utile et nécessaire de réaliser une mission d'évaluation et de contrôle de l'organisation de l'aide humanitaire en Indonésie , pays le plus touché par la catastrophe. Cette mission a été conduite, du 28 janvier au 2 février 2005, par vos collègues Michel Charasse et Adrien Gouteyron, respectivement rapporteurs spéciaux des crédits de l'aide au développement et des affaires étrangères, secteurs auxquels ressortit l'aide humanitaire. Vos rapporteurs spéciaux se sont ainsi rendus successivement dans la province d'Aceh et à Jakarta (cf. programme), où ils se sont entretenus avec des représentants civils et militaires français (ambassade de France, ONG et commandement de l'opération d'assistance humanitaire Beryx) et d'organismes des Nations-Unies.

* 1 Le Bangladesh, la Birmanie, l'Inde, l'Indonésie, la Malaisie, les Maldives, les Seychelles, le Sri Lanka, la Somalie et la Thaïlande.

* 2 Les trois quarts des côtes ont été touchées et les destructions d'infrastructures de transport sont importantes. Les secteurs de l'agriculture et de la pêche ont été fortement atteints.

* 3 Le nombre de victimes y a été plus largement et plus durablement sous-estimé que dans les autres pays.

* 4 L'ONU ne prend ainsi en compte que les engagements écrits, dont la valeur juridique est incertaine mais dont le coût politique du déni peut être élevé.

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