DEUXIÈME PARTIE : L'ASSISTANCE HUMANITAIRE FOURNIE PAR LES ORGANISATIONS INTERNATIONALES ET LES INTERVENANTS FRANÇAIS

I. L'IMPORTANTE PRÉSENCE FRANÇAISE

A. LES MOYENS BUDGÉTAIRES CONSACRÉS PAR LA FRANCE À L'ASSISTANCE HUMANITAIRE

1. Près de 60 millions d'euros de crédits budgétaires mobilisés d'emblée

Bien que ne figurant pas parmi les premiers pays donateurs, la France a mobilisé rapidement d'importants crédits budgétaires au profit des pays touchés par la catastrophe. Il n'est cependant pas possible de déterminer précisément les moyens affectés à l'Indonésie , dans la mesure où la majorité des versements ont été réalisés ou prévus sans mention géographique de la destination de l'aide 9 ( * ) , notamment au profit des agences de l'ONU qui ont été les premiers destinataires, au titre de l'exercice 2004.

Le montant global estimé des crédits budgétaires, hors dépenses militaires et des six agences de l'eau, approche ainsi les 41 millions d'euros. L'intégration du surcoût de la présence militaire dans la région devrait in fine aboutir à un effort d'environ 59 millions d'euros, dont 17,6 millions d'euros imputés sur l'exercice 2004 et versés à quatre agences des Nations-Unies . Ces premiers versements ont été particulièrement bien perçus par les Nations-Unies. La ventilation et l'imputation des dépenses sont précisées dans le tableau ci-après :

Dépenses budgétaires consacrées à l'aide aux pays touchés par le tsunami (estimation au 1 er février 2005)

(en millions d'euros)

Imputation budgétaire

Destination

Montant

Observations

Exercice 2004

Chapitre 37-95 « Dépenses accidentelles » du budget des charges communes du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie (décret du 30 décembre 2004)

Comité international de la Croix-Rouge (CICR)

5

UNICEF

4

Programme alimentaire mondial

1,5

Programme alimentaire mondial

2,6

Crédits sans emploi qui étaient déjà inscrits dans les comptes du PAM et ont été spécifiquement « fléchés » vers l'aide post-tsunami

Organisation mondiale de la santé

4

Bureau de coordination de l'aide humanitaire (BCAH/UNOCHA)

0,5

Total pour 2004

17,6

Fonds effectivement versés ; les comptes bancaires y afférents ont été crédités le 31 décembre 2004

Exercice 2005

Chapitre 42-15 « Coopération internationale et développement » du budget du MAE

Thèmes prioritaires d'utilisation des fonds par les services locaux de coopération ou des ONG : scolarisation, formation, accès à l'eau potable, santé publique, aide à l'enfance, prévention des catastrophes

10

(mesures nouvelles)

Ouverture de crédits gagée par une annulation de même montant sur le chapitre 37-95 « Dépenses accidentelles » du budget des charges communes du MINEFI

Tranche supplémentaire par décret d'avance sur le chapitre 42-15 du budget du MAE

10

(redéploie-ments)

Ouverture de crédits gagée par cinq annulations de 2 millions d'euros sur les budgets ministériels suivants : santé, intérieur, affaires étrangères, économie et finances, équipement

Chapitre 42-37 article 51 « Fonds d'urgence humanitaire » du budget du MAE

Crédits consacrés à l'Indonésie : envoi par vols spéciaux de 70 secouristes de la sécurité civile, hôpital de campagne ESCRIM, fret humanitaire

1,31

Dont 15.045 euros de valorisation des stocks de la Délégation pour l'action humanitaire (DAH) du MAE

Crédits consacrés aux autres pays : Sri Lanka, Maldives, Thaïlande

0,55

Dont 77.543 euros de valorisation des stocks de la DAH

Crédits d'administration centrale du MAE et de la défense

Autres dépenses d'urgence : fret, rapatriements, mise à disposition d'un patrouilleur maritime, experts pour identification

1,24

Dont crédits délégués aux postes (30.000 euros pour l'ambassade de France en Indonésie)

Dépenses de « préparation » (hors provisions pour opérations extérieures) du budget de la défense

Opération Beryx : présence à Sumatra des bâtiments « Jeanne d'Arc » et « Georges Leygues » et de 11 hélicoptères

15,84 (estimation à mi janvier)

Détail du coût : 436.000 euros par jour pour la Jeanne d'Arc et 224.000 euros par jour pour le Georges Leygues, sur une période de 24 jours (arrivée le 14 janvier)

Opération Beryx : présence aux Maldives et au Sri Lanka de la frégate « Dupleix »

1,79 (estimation mi janvier)

Détail du coût : 224.000 euros par jour sur une période de 8 jours (arrivée le 11 janvier)

Total pour 2005

40,73

Crédits dépensés (FUH), engagés (Beryx) ou prévus (projets de coopération)

Total des crédits budgétaires

58,33

Source : ministère des affaires étrangères

Les dépenses d'aide humanitaire d'urgence et de secours aux personnes (3,1 millions d'euros) du Fond d'urgence humanitaire et du ministère de la défense ont permis le financement de 146 tonnes métriques d'aide d'urgence, dont 70 tonnes à destination de l'Indonésie (nourriture, équipement médical et unités de potabilisation) et de 148 experts (médecins, protection civile, police scientifique). Il convient également de relever que cette dépense était initialement (le 12 janvier) évaluée à 4,7 millions d'euros, mais que les frais de rapatriement se sont finalement révélés moindres que prévus , en raison du nombre relativement peu important de victimes françaises et de leur prise en charge, dans la majorité des cas, par des compagnies d'assurance. L'investissement s'est donc à ce titre révélé plutôt humain (prise en charge psychologique lors du retour en France) que financier.

Le surcoût lié à la présence militaire dans l'Océan indien, qui avait fait l'objet d'une évaluation maximale le 11 janvier par le CPCO (Etat-major des armées), sera probablement révisé à la hausse , les estimations de mi-février du ministère de la défense faisant état d'un coût d'environ 18,4 millions d'euros (hors amortissement des bâtiments), au lieu de 17,6 millions d'euros prévus un mois plus tôt en hypothèse haute.

2. Les dépenses publiques non directement imputables au budget de l'Etat

Les dépenses de l'Etat, prévues ou engagées, au titre de l'aide post-tsunami pour l'ensemble des pays touchés comprennent en outre les éléments suivants :

- à la demande du ministère de l'écologie et du développement durable, les six agences de l'eau (établissements publics placés sous la tutelle du ministère) pourront consacrer 3 millions d'euros à des dépenses d'assistance dans les domaines de l'eau et de l'assainissement, en partenariat avec des ONG, ce qui nécessite une modification de leurs statuts. Le décret correspondant est en cours de rédaction ;

- la quote-part de la France dans les dépenses du budget communautaire (office humanitaire ECHO et Commission européenne) mobilisées pour cette crise, soit 80,4 millions d'euros à fin janvier (17 % de 473 millions d'euros). L'aide européenne incluait 123 millions d'euros d'aide d'urgence 10 ( * ) , déjà versés, et 350 millions d'euros destinés à l'effort de reconstruction (après approbation par le Parlement européen) ;

- les incidences prévisibles mais non encore évaluables, à titre bilatéral, des mesures relatives au traitement de la dette et d'ordre commercial , actuellement en cours de discussion dans les enceintes compétentes ;

- une proposition de prêt très concessionnel , pour un montant de 300 millions d'euros et dont les conditions ne sont pas encore finalisées, qui serait géré par l'Agence française de développement. L'Indonésie n'a pour le moment pas donné suite.

Enfin les dépenses publiques comprennent les engagements de dons des collectivités territoriales , qui dépassent aujourd'hui les 10 millions d'euros. Les montants les plus élevés ont été votés par les collectivités suivantes :

Principaux montants d'aide octroyés par les collectivités territoriales aux victimes du tsunami (estimation au 28 janvier 2005)

(en euros)

Collectivité

Montant

Affectation

Conseils régionaux

Ile de France

3.000.000

Uniquement pour des dépenses de reconstruction : équipement public, habitat et infrastructures

Bretagne

400.000

100.000 euros au titre de l'urgence et 300.000 euros pour la reconstruction (sur trois ans)

Rhône-Alpes

350.000

Dont 150.000 euros pour les associations de la région réalisant des interventions d'urgence en Asie

PACA

300.000

Non disponible

Conseils généraux

Hauts-de-Seine

250.000

Croix-Rouge

Gironde

200.000

Médecins du Monde

Haute-Marne

200.000

170.000 euros au profit de la Croix-Rouge et 30.000 euros pour le collectif de collectivités territoriales de Champagne-Ardennes

Seine-Maritime

200.000

UNICEF

Yvelines

150.000

Reconstruction en Indonésie

Communes

Paris

1.000.000

Non disponible

Lyon

300.000

Croix-Rouge et Secours Populaire (actions d'urgence)

Montpellier

230.000

Non disponible

Nantes

150.000

Non disponible

Marseille

100.000

Croix-Rouge

Toulouse

100.000

Non disponible

Nice

100.000

Fonds d'action humanitaire (MAE), au profit de la ville de Phuket dans le cadre du jumelage

Source : ministère des affaires étrangères

Une fraction de ces dons n'est pas attribuée aux ONG, mais au ministère des affaires étrangères, et transitera donc par un fonds de concours dont l'affectation des crédits devra respecter la volonté des donateurs. Vos rapporteurs spéciaux jugent que l'existence de ce fonds de concours a fait l'objet d'une information et d'une communication insuffisantes auprès des donateurs publics et privés ; son abondement connaît néanmoins un accroissement plus tardif mais réel, et atteint aujourd'hui plusieurs centaines de milliers d'euros.

3. La mise en place opportune d'un délégué interministériel

a) Les missions imparties au délégué

Par décret n° 2005-33 11 ( * ) du 18 janvier 2005 un « délégué interministériel à l'aide de la France aux Etats affectés par la catastrophe du 26 décembre 2004 », M. Jean-Claude Mallet (que vos rapporteurs spéciaux ont rencontré à leur retour de mission le 10 février), a été très rapidement désigné par le Premier ministre pour coordonner l'action interministérielle de la France et assurer sa cohérence avec celle des autres partenaires (Etats, organisation internationales, Union européenne, ONG, collectivités locales et entreprises), tant pour le volet humanitaire que pour la reconstruction et le développement. L'article 2 du décret précité dispose ainsi :

« Le délégué interministériel (...), en liaison avec le ministère des affaires étrangères, anime et coordonne l'action à court et moyen terme des services de l'Etat, en particulier dans les domaines de l'assistance humanitaire, de la prévention sanitaire, de la reconstruction et du développement.

« Il veille à la cohérence entre l'action de l'Etat, d'une part, et celle des organisations non gouvernementales, des collectivités territoriales et des entreprises, d'autre part.

« Il s'assure de la coordination de l'action de la France avec les institutions multilatérales et européennes.

« Il veille à la diffusion de l'information sur l'action de l'Etat et les politiques publiques mises en oeuvre ».

La lettre de mission adressée le 20 janvier 2005 par le Premier ministre au délégué précise que l'animation et la coordination des actions des services de l'Etat et de ses établissements publics (en particulier l'Agence française de développement) inclut notamment « l'utilisation des financements annoncés par la France, les concours et prestations des ministères, les missions d'expertise et la participation de la France aux opérations et dialogues bilatéraux et multilatéraux liés à ces événements ». Ce délégué sera donc notamment co-décisionnaire de l'affectation des 20 millions d'euros (cf. supra ) dégagés pour financer des actions de coopération sur le moyen terme. Le délégué doit également s'assurer « de la cohérence entre les actions de l'Etat et celles des organisations non gouvernementales intervenant sur le terrain », ce qui inclut une action d'information réciproque, et entretenir un « contact régulier avec les collectivités territoriales et leurs associations représentatives ainsi que les entreprises, pour les initiatives qu'elles prennent ». Le délégué doit enfin veiller à la qualité de la coordination avec le système des Nations-Unies et l'Union européenne, en établissant un contact étroit avec leurs représentants pour cette crise et ses suites.

Ainsi que le dispose l'article 3 du décret précité, ce délégué dispose, pour l'accomplissement de sa mission, du concours des différents ministères impliqués dans la gestion de l'aide : ministère des affaires étrangères, ministère de la défense, ministère de l'intérieur, ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, ministère de la justice, ministère de la santé, et tous les autres ministères intéressés. Ses moyens de fonctionnement sont pris en charge par le ministère des affaires étrangères .

b) Les actions déjà menées et à venir

Le délégué a constitué une équipe interministérielle composée de 4 adjoints et 4 chargés de mission. Une première mission s'est rendue au Sri Lanka début février, puis une seconde est en Indonésie du 13 au 18 février, ces deux pays étant clairement les plus concernés par l'effort financier d'aide. Quatre secteurs ont été jugés prioritaires dans l'affectation des fonds consacrés aux actions de coopération : la santé, l'eau et l'assainissement, l'enfance et les systèmes d'alerte et de prévention 12 ( * ) . Les infrastructures, l'agriculture et la pêche sont également perçues comme importants.

L'ampleur de la catastrophe, la générosité inédite des donateurs et le très grand nombre des intervenants publics et privés, français et internationaux, ont constitué un « choc » pour l'opinion et les Etats, qui incitent à une vraie mutation de l'organisation et de la gestion publiques de l'aide . Pour les principales structures qui gèrent les fonds ou agissent en tant qu'opérateurs, la crise suscite des questionnements sur la nature même de leur activité . Ainsi la Banque mondiale, qui était plutôt habituée à solliciter les bailleurs pour rassembler des fonds, pourrait voir son rôle dans cette crise évoluer de la maîtrise d'oeuvre directe de projets vers la gestion et l'affectation des abondants moyens désormais disponibles.

* 9 Rappelons toutefois que l'Inde a refusé toute aide d'urgence en provenance des Etats étrangers.

* 10 Dont 100 millions d'euros versés aux fonds d'actions humanitaires et 23 millions d'euros au BCAH.

* 11 Décret n° 2005-33 relatif au délégué interministériel à l'aide de la France aux Etats affectés par la catastrophe du 26 décembre 2004.

* 12 Un préfet fait d'ailleurs partie de la délégation qui s'est rendue en Indonésie.

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