II. PERMETTRE L'APPROPRIATION DU PACTE DE STABILITÉ PAR CHAQUE ETAT MEMBRE

Dans sa conception initiale, le pacte de stabilité reposait sur l'idée que l'éventualité de sanctions dissuaderait les Etats de contrevenir au pacte. On a vu que tel n'était pas le cas en pratique.

Compte tenu de l'absence de véritable incitation des Etats membres à respecter le pacte de stabilité, et en particulier à mener une politique budgétaire appropriée en période de croissance économique forte, certains jugent nécessaire que les Etats adoptent des règles et des procédures nationales à cet égard. De telles règles et procédures présenteraient en outre l'avantage de permettre une meilleure appropriation des règles de « bonne pratique » budgétaire, qui tendent actuellement à être perçues comme imposées par l'Union européenne, alors qu'elles sont de l'intérêt individuel de chaque Etat.

Plusieurs auteurs ont fait des propositions ambitieuses en ce sens. Ainsi, dans le récent rapport du Conseil d'analyse économique consacré à la réforme du pacte de stabilité 50 ( * ) , M. Olivier Garnier propose la mise en place d'un « Pacte national de stabilité et de croissance », qui réunirait l'ensemble des acteurs (Etat, collectivités territoriales, sécurité sociale) dans une véritable programmation pluriannuelle, et comprendrait notamment des mesures automatiques afin d'assurer le respect de l'objectif national de dépenses d'assurance-maladie (ONDAM).

Le Conseil européen , conformément aux préconisations de la Commission européenne et de votre commission des finances, propose des réformes plus pragmatiques. Il s'agirait en particulier :

- d'instaurer des règles nationales ;

- de faire du premier programme de stabilité de chaque nouvelle législature un véritable engagement pluriannuel ;

- de mieux associer les Parlements nationaux.

Ces réformes constituent de simples invitations de la part du Conseil européen, qui ne peut imposer leur mise en oeuvre. On peut les interpréter comme une invitation aux Etats membres d'effectuer eux-mêmes la réforme du pacte de stabilité qu'il n'a pu réaliser, en particulier en ce qui concerne l'incitation à mener une politique budgétaire appropriée en période de croissance économique forte.

A. LES RÉFORMES NATIONALES PRÉCONISÉES PAR LE CONSEIL EUROPÉEN

1. L'instauration de règles nationales

Le Conseil estime que « les règles nationales budgétaires devraient compléter les engagements pris par les Etats membres au titre du Pacte de stabilité et de croissance ».

Il précise qu' « au niveau de l'UE, des mesures incitatives devraient être prévues et des mesures dissuasives supprimées », comme celles résultant « de certaines règles comptables et statistiques du SEC 95 », afin que les règles nationales soutiennent les objectifs du pacte de stabilité.

2. Un programme de stabilité pour chaque législature

Le Conseil invite les Etats membres, lors de l'élaboration de la « première actualisation de leur programme de stabilité/convergence après l'entrée en fonction d'un nouveau gouvernement » :

- à « faire preuve de continuité pour ce qui est des objectifs budgétaires » ;

- à fournir, « avec une prévision pour l'ensemble de la législature », des informations sur les moyens et les instruments qu'ils entendent utiliser pour atteindre ces objectifs.

Ces préconisations s'inspirent de la proposition, faite par la Commission européenne en septembre 2004, de faire en sorte que les programmes de stabilité et de convergence définissent « la stratégie budgétaire à moyen terme au début du mandat électoral des nouveaux gouvernements ».

3. L'association des Parlements nationaux

a) Une nécessité reconnue depuis plusieurs années

La nécessité de mieux associer les Parlements nationaux à la mise en oeuvre du pacte de stabilité est reconnue depuis plusieurs années.

Ainsi, les propositions conjointes sur la gouvernance économique présentées par la France et l'Allemagne le 20 décembre 2002 , comprenaient notamment, dans le cas des grandes orientations de politique économique (GOPE), « une implication plus marquée des Parlements nationaux ».

De même, dans un rapport d'information de mai 2003 51 ( * ) , notre collègue Joël Bourdin proposait de rapprocher les organismes européens des citoyens de la zone euro, en leur imposant une obligation d'exposer régulièrement leurs décisions aux Parlements nationaux.

b) Une nécessité soulignée par votre commission des finances

Dans le rapport précité sur le projet de loi de finances pour 2004, votre commission des finances préconisait également « d'accroître la légitimité des décisions prises par les institutions communautaires, ce qui suppose, notamment, d'impliquer davantage les Parlements nationaux », en particulier dans le cas de la définition des grandes orientations de politique économique (GOPE).

c) Un diagnostic partagé par la Commission européenne

La Commission européenne partage ce diagnostic. Dans la communication de septembre 2004, elle estime qu' « une participation plus étroite des Parlements nationaux au processus de coordination pourrait contribuer à renforcer l'obligation de rendre des comptes au niveau des Etats membres et accroître ainsi l'efficacité de la pression exercée par les pairs ».

d) Une proposition précisée par le Conseil européen

Cette orientation a été confirmée et précisée par le Conseil européen précité des 22 et 23 mars 2005.

Le Conseil européen invite les gouvernements des Etats membres « à présenter les programmes de stabilité/convergence et les avis du Conseil y relatifs à leurs Parlements nationaux ».

Il propose en outre que les Parlements tiennent « un débat sur le suivi à donner aux recommandations formulées dans le cadre de la procédure d'alerte rapide et de la procédure concernant les déficits excessifs ».

4. L'abandon du projet d'instaurer des organismes indépendants chargés de surveiller la politique budgétaire

Le projet d'instaurer des organismes nationaux indépendants chargés de porter un jugement sur la politique budgétaire n'a en revanche pas été évoqué par le rapport précité du Conseil, semble-t-il à juste titre.

a) Une proposition de la Commission européenne

Dans sa communication de septembre 2004, la Commission européenne propose de mettre en place des organismes nationaux indépendants chargés de surveiller les politiques budgétaires :

« Suite aux exemples réussis existants d'organismes nationaux, tels que des instituts indépendants, qui mènent la surveillance des politiques budgétaires et économiques nationales et font connaître publiquement leur avis sur la mise en oeuvre de celles-ci, les Etats membres pourraient étudier comment ce type d'institutions pourraient s'intégrer dans leur cadre institutionnel national ».

Cette proposition a été exposée sous une forme « maximaliste » par M. Charles Wyplosz, dans un article publié en 2003.

La proposition de M. Charles Wyplosz

La proposition de M. Wyplosz s'inspire des comités de politique monétaire existant auprès des banques centrales. M. Wyplosz propose de mettre en place, dans chaque Etat membre de la zone euro, un « comité de politique budgétaire », chargé de fixer, chaque année, un plafond de déficit public ne devant pas être dépassé. Ce plafond serait déterminé, notamment, en fonction de règles définies au niveau communautaire. Le législateur garderait en revanche sa latitude actuelle pour déterminer les autres paramètres budgétaires.

Source : Charles Wyplosz, « Le pacte de stabilité atteint ses limites », Revue d'économie financière, n° 71, août 2003

b) Un projet abandonné, à juste titre

Cette idée, séduisante d'un point de vue économique, fait bon marché des exigences constitutionnelles des Etats membres.

Dans le rapport général sur le projet de loi de finances pour 2004, votre commission des finances a considéré qu'il n'était pas souhaitable d'aller aussi loin , la détermination de l'objectif de déficit public devant demeurer de la compétence du législateur.

Ce projet n'est pas évoqué par le Conseil dans son rapport précité du 20 mars 2005.

* 50 « Réformer le pacte de stabilité et de croissance », janvier 2005 (rapport n° 52).

* 51 Joël Bourdin, « Le pacte de stabilité et de croissance : un débat au Sénat », délégation pour la planification, rapport d'information n° 369 (2002-2003).

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