LE DROIT DE QUAI À SAINT-BARTHÉLEMY

Article 10 de la loi de finances rectificative n°74-1114 du 27 décembre 1974, modifié par loi n°96-1182 du 30 décembre 1996 art. 45 Finances rectificative pour 1996.

« Le droit de quai institué dans l'île de Saint-Barthélemy par arrêté du maire du 24 mai 1879, approuvé par arrêté du gouverneur de la Guadeloupe en conseil privé du 3 juin 1879, sera désormais perçu au taux de 5 p. 100 ad valorem sur toutes les marchandises importées par voie maritime ou aérienne sur le territoire de la commune de Saint-Barthélemy. Ce taux pourra être modifié par décret à la demande du conseil municipal de Saint-Barthélemy. Le droit de quai est perçu et contrôlé comme en matière de douane.

« Les infractions au droit de quai sont recherchées, constatées et réprimées, les poursuites effectuées, les instances instruites et jugées comme en matière de douane. Elles constituent des contraventions douanières de troisième classe, passibles des sanctions prévues à l'article 412 du code des douanes.

« Quiconque a omis de déclarer la valeur de la marchandise et du fret servant de calcul au droit de quai ou s'est opposé au contrôle des agents percepteurs tombe sous le coup des dispositions des alinéas précédents.

« Des agents de la commune de Saint-Barthélemy, agréés et commissionnés par arrêté du préfet de la Guadeloupe, sur proposition du maire de Saint-Barthélemy et après avis du directeur régional des douanes territorialement compétent, sont habilités à opérer les recouvrements et les contrôles nécessaires et à constater les infractions visées à l'alinéa précédent. A cette fin, ils peuvent procéder à la visite des marchandises et demander la communication de tout document nécessaire à leur contrôle.

« Le maire de Saint-Barthélemy peut demander l'assistance de la direction régionale des douanes en cas de besoin. »

ARRÊT DU CONSEIL D'ETAT DU 22 MARS 1985

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Recours du ministre du budget tendant à ce que le Conseil d'Etat :

1° annule le jugement du 20 novembre 1981, par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre a accordé à M. d'Yerville décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti, au titre des années 1974 et 1975 ;

2° décide que M. d'Yerville sera rétabli au titre des années 1974 et 1975, à raison des droits laissés à sa charge après la décision de dégrèvement partiel dont le contribuable a bénéficié, le 17 septembre 1979 ;

Vu les lettres patentes du roi Gustave III de Suède, en date du 7 septembre 1785, relatives à l'île de Saint-Barthélemy ; la loi du 3 mars 1878 approuvant le traité conclu le 10 août 1877, pour la rétrocession à la France de l'île de Saint-Barthélemy, ensemble le décret du 12 mars 1878 portant promulgation dudit traité, avec le protocole qui était annexé ; l'article 55-B de la loi du 29 juin 1918 ; la délibération du conseil général de la Guadeloupe du 2 juin 1922 ; la loi n° 46-451 du 19 mars 1946 ; le décret n° 48-563 du 30 mars 1948 ; le décret n° 48-1986 du 9 décembre 1948 ; la loi n° 59-1472 du 28 décembre 1959 ; l'article 73 de la Constitution du 4 octobre 1958 ; le code des tribunaux administratifs ; le code général des impôts ; l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945 et le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 ; la loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977 ; l'article 93-II de la loi n° 83-1179 du 29 décembre 1983 portant loi de finances pour 1984 ;

Considérant que, pour demander devant le tribunal administratif de Basse-Terre décharge des cotisations à l'impôt sur le revenu qui lui ont été assignées au titre des années 1974 et 1975 dans les rôles de la commune de Saint-Barthélemy [département de la Guadeloupe], M. d'Yerville a soutenu que cet impôt n'avait jamais été légalement introduit dans cette commune ;

Sur le moyen tiré de ce que les dispositions combinées de la loi du 19 mars 1946 et du décret du 30 mars 1948 auraient consacré l'exonération de fait de l'impôt sur le revenu des habitants de la commune de Saint-Barthélemy :

Considérant que la loi du 19 mars 1946 qui a érigé en départements français les colonies de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Réunion et de la Guyane française dispose, en son article 2, que « les lois et décrets actuellement en vigueur dans la France métropolitaine et qui ne sont pas encore appliqués à ces colonies feront l'objet de décrets d'application à ces nouveaux départements « ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 30 mars 1948, pris régulièrement sur le fondement de cette disposition législative : « Sous réserve des exceptions, dérogations et mesures transitoires énumérées dans les articles qui suivent, sont déclarés exécutoires dans le département de la Guadeloupe à compter du 1er janvier 1948, et pour autant que leurs dispositions n'y sont pas déjà introduites : le code général des impôts directs et taxes assimilées en vigueur dans la France métropolitaine au 19 mars 1946 et les textes qui l'ont modifié et complété, les lois et ordonnances relatives aux contributions directes et taxes assimilées en vigueur dans la France métropolitaine à la même date et non codifiées et les textes qui les ont modifiées ou complétées, les décrets et arrêtés pris pour l'application du code et des textes susvisés « ;

Considérant qu'à supposer que l'impôt général sur le revenu institué par la délibération du conseil général de la Guadeloupe du 2 juin 1922 n'ait pas été effectivement mis en recouvrement dans la commune de Saint-Barthélemy durant la période antérieure à la départementalisation de la colonie, la disposition de l'article 20 du décret susmentionné selon laquelle « le régime particulier appliqué aux dépendances de Saint-martin et Saint-Barthélemy, est maintenu provisoirement en vigueur « n'a pas pu, eu égard à la portée de l'habilitation de l'article 2 précité de la loi n° 46-451 du 19 mars 1946, avoir légalement pour objet et pour effet de maintenir un régime particulier d'exonération résultant d'une situation de fait illégale en plaçant la dépendance de Saint-Barthélemy en dehors du champ d'application de l'article 1er dudit décret ; qu'ainsi le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, est fondé à soutenir qu'en accordant décharge des impositions contestées à M. d'Yerville par le motif que l'article 20 du décret du 30 mars 1948 aurait maintenu au profit des contribuables de la commune de Saint-Barthélemy une exonération de fait de l'impôt général sur le revenu institué en Guadeloupe le 2 juin 1922, le tribunal administratif a fait une fausse application de ce texte ;

Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par M. d'Yerville devant le tribunal administratif de Basse-Terre ;

Sur le moyen tiré de ce que l'exonération de l'impôt sur le revenu des habitants de la commune de Saint-Barthélemy résulterait des stipulations d'un traité, en date du 10 août 1877, par lequel la Suède a rétrocédé à la France l'Ile de Saint-Barthélemy :

Considérant en premier lieu qu'il ne résulte pas de l'ordonnance d'avril 1785 prise au nom du roi de Suède et des lettres patentes du roi de Suède du 7 septembre 1785 accordant au port de Saint-Barthélemy des exemptions de droits, qui n'étaient, d'ailleurs, ni totales ni définitives, que l'île de Saint-Barthélemy aurait bénéficié à l'époque où elle était sous la souveraineté suédoise de privilèges fiscaux de caractère permanent et irrévocable ; que, dès lors, les stipulations de l'article 3 du protocole annexé au traité du 10 août 1877 par lequel la Suède a rétrocédé l'île de Saint-Barthélemy à la France, aux termes desquelles la France succède à certaines obligations de la couronne de Suède, n'ont eu ni pour objet ni pour effet de conférer à Saint-Barthélemy des privilèges fiscaux de la nature de ceux qui sont garantis par un traité ou un accord international ; que, dans ces conditions, les dispositions de caractère général de l'article 3 de la loi du 3 mars 1878 en vertu de laquelle a été régulièrement ratifié et publié le traité du 10 août 1877 et aux termes desquelles « toutes les lois, tous les règlements et arrêtés publiés ou promulgués à la Guadeloupe auront force et vigueur à Saint-Barthélemy à partir du jour de l'installation de l'autorité française dans cette île «, ont entraîné de plein droit l'application à Saint-Barthélemy du régime fiscal en vigueur à la Guadeloupe ;

Sur le moyen tiré de ce que l'exonération de l'impôt sur le revenu des habitants de la commune de Saint-Barthélemy résulterait de délibérations du Conseil général de la Guadeloupe : Considérant en premier lieu, que si, par délibération du 21 novembre 1878, le conseil général de la Guadeloupe a décidé de faire bénéficier l'île de Saint-Barthélemy, par analogie avec les dispositions en vigueur dans l'île de Saint-Martin, de certaines exemptions de droits et taxes, cette délibération n'a pu avoir pour effet, eu égard à la date à laquelle elle est intervenue, d'exempter les habitants de Saint-Barthélemy de l'impôt général sur le revenu qui n'a été institué à la Guadeloupe que par la délibération du conseil général de cette colonie en date du 2 juin 1922 ;

Considérant, en second lieu, que la délibération susmentionnée du conseil général de la Guadeloupe instituant, au profit du budget de la colonie, un « impôt général sur le revenu « n'a prévu, en cette matière, non plus que les délibérations qui l'ont complétée ou modifiée antérieurement à l'intervention de la loi du 19 mars 1946 et du décret du 30 mars 1949, aucune exemption au profit des contribuables de la commune de Saint-Barthélemy ;

Considérant, en troisième lieu, qu'à supposer que la délibération dont s'agit soit intervenue sur une procédure irrégulière, cette circonstance ne serait, en tout état de cause, pas de nature à avoir placé, en matière d'impôt sur le revenu, la commune de Saint-Barthélemy sous un régime différent de celui de la Guadeloupe ; que le moyen tiré de cette irrégularité est, par voie de conséquence, inopérant ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, à la date où est intervenu le décret du 30 mars 1948, le régime fiscal propre à la commune de Saint-Barthélemy ne comportait, en droit, en ce qui concerne l'impôt sur le revenu, aucun régime particulier d'exonération de nature à placer cette commune, en vertu de l'article 20 dudit décret, en dehors du champ d'application de l'article 1er de celui-ci, dont l'objet a été de déclarer exécutoires dans le département de la Guadeloupe les dispositions du code général des impôts en vigueur dans la France métropolitaine ;

Considérant que, de tout ce qui précède, il résulte que le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Basse-Terre a accordé à M. d'Yerville la décharge des impositions contestées ;

DECIDE :

[annulation du jugement et rétablissement de M. d'Yerville aux rôles de l'impôt sur le revenu de la commune de Saint-Barthélemy, au titre des années 1974 et 1975, à raison de l'intégralité des droits qui lui avaient été primitivement assignés].

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