LA RESPONSABILITÉ MÉDICALE

Dr CALLOC'H - Merci Président. Je me présente, Jean-Louis CALLOC'H, Secrétaire général de l'Ordre des Médecins.

Sont présents mes confrères Jacques LUCAS qui, au sein d'un groupe de travail de la CNP, réfléchit justement à la confrontation de la déontologie au regard de la judiciarisation de notre société.

Il se tient disponible comme notre confrère de GAIL, Secrétaire général adjoint de l'Ordre des Médecins, en charge de l'évolution des technologies nouvelles au service des médecins, dans l'intérêt des patients. Lors du débat, mes deux confrères répondront aux questions qui les concernent.

A ma gauche enfin, vous avez Francisco JORNET, juriste en charge chez nous de la section de l'exercice professionnel.

Merci Président, nous sommes très honorés d'être présents. Je vous rappelle que le Conseil de l'Ordre est un organisme de fonctionnement privé à finalité publique qui se met à la disposition d'une finalité de santé publique en protégeant les intérêts des patients, tout en conseillant les médecins.

Je ne vais pas développer davantage ce bref raccourci de présentation, étant entendu qu'après le Professeur PELLETIER, le Professeur DUBOIS, le Professeur LARENG, tout a été dit sur les modalités pratiques de fonctionnement.

Pour faire court, que dire de la déontologie au regard de toutes ces contraintes présentes et futures ?

La technologie est en évolution et sera de plus en plus performante si bien que nous devrons avoir des médecins compétents, bien éclairés, bien informés dans la mise en application de ces technologies nouvelles.

Sachez que ce n'est pas qu'un phénomène français, mais un phénomène européen.

Pour ce que l'Ordre doit en connaître, puisqu'il fait partie d'instances internationales et notamment le Comité Permanent des Médecins Européens, nous pouvons vous dire que la prise en charge de la responsabilité civile des médecins sur la responsabilisation de ces actes, est assumée dans pratiquement tous les pays d'Europe.

Il est donc important que, pour la France, nous soyons également attentifs à l'évolution des textes de cette protection civile au regard de ces technologies nouvelles. Sachez cependant que ces prises en charge sont assumées par l'assureur.

En ce qui concerne l'Association Médicale Mondiale, autre instance à laquelle nous appartenons, il a été fait allusion à l'expérience américaine et toujours pour faire court, je peux vous dire que l'Ordre est en phase avec les points dominants des décisions de l'Association Médicale Mondiale, qui datent d'octobre 1999 sur l'indépendance des médecins.

Le médecin doit être totalement indépendant et libre de choisir, mais aussi de refuser la télémédecine. Cela ne saurait être aussi une technologie imposée, c'est une technologie d'appoint parmi d'autres.

Autrement, pour ce qui est de la responsabilité, il n'y a pas de changement pour nous. Cette technologie nouvelle n'apporte pas de nouvelles responsabilités, c'est le prolongement d'une responsabilité initiale qui s'actualise.

Le téléexpert ou le médecin appelé en second, se trouve également dans le fonctionnement de ce qui existait déjà, dans les contacts entre confrères et l'avis second demandé. La seule chose est que l'avis de l'expert l'engage dans la mesure où il a demandé lui aussi tous les éclaircissements indispensables au médecin premier ou médecin demandeur. Il est vrai que comme le médecin sollicité par la télétechnologie n'a pas l'examen clinique en direct, il doit formater toutes les questions qui lui paraissent essentielles.

Je fais court et je vous prie de m'en excuser, nous reviendrons sur ces points dans le débat.

Par ailleurs bien entendu divers articles du Code de déontologie concernant l'intérêt du patient, s'appliquent.

L'article 4 rappelle que le secret médical est institué dans l'intérêt des patients, ne l'oublions pas, et cette technologie nouvelle ne doit pas inverser la tendance. Ce n'est pas dans l'intérêt d'un payeur ou d'un financeur, mais toujours dans celui d'un patient que le secret médical est imposé.

Dans les conditions établies par la loi, à travers notre article 12, la collecte de données trouve toujours son application dans l'enregistrement, le traitement et la transmission d'informations nominatives ou indirectement nominatives.

Celles-ci sont autorisées - c'est l'article 12 -, mais dans les conditions prévues par la loi. Je rejoins le Professeur ARQUENS, il nous faut faire évoluer la loi nous le ferons.

Il nous faut cependant bien distinguer ce qui est conventionnel de ce qui est législatif. Actuellement, en ce qui concerne le dossier médical partagé, il pourrait y avoir des erreurs d'interprétation sur ce qui devrait relever de la loi dans le cahier des charges. Je m'éloigne un peu et cela fera partie du débat. Ne faisons pas rentrer dans la loi des choses conventionnelles, des choses qui n'ont pas à y être.

Dans les articles 72, 73 du Code de Déontologie, le médecin devra veiller à ce que son personnel se conforme aux obligations de confidentialité et protège comme lui-même les documents médicaux.

Il faut également que ce médecin veille à la compétence technologique de ses collaborateurs, car il est évident que ces technologies nouvelles font appel à des compétences médicales, mais aussi non médicales.

Là aussi nous avons des choses à recibler, à bien définir. Le médecin va devoir quelque part déléguer et il en est fortement question. C'est peut-être une délégation de compétences, mais toujours sous l'autorité des médecins qui se trouvent engagés dans un polymorphisme un peu inattendu au niveau d'un ingénieur dans une technologie de PMSI par exemple, dans une clinique.

Je fais toujours bref et je prie mes confrères de m'en excuser, qu'ils ne dévaluent pas la prestation de l'Ordre au fait que le Président m'a demandé de faire vite.

Je dis cela au regard du respect que nous avons pour l'Académie de Médecine, mais c'est sous la contrainte que je fais court. Voyez-vous, chers confrères, là aussi il peut y avoir des actes d'urgence.

En ce qui concerne la dilution des responsabilités, la technologie nouvelle ne doit pas amener un capharnaüm technologique qui arriverait à une dilution des responsabilités, pas du tout.

Chaque médecin - en premier, en second, médecin expert - doit assumer et s'il estime qu'il n'a pas eu les référentiels ou les informations, il doit se désister. C'est aussi une façon d'arrêter une collaboration, mais elle sera peut-être plus aiguë à définir.

Les modalités de ce désistement seront peut-être à définir de même qu'un langage commun, la constitution des dossiers, tout ceci sera à faire en bon entendement entre tous les intervenants.

Concernant l'article 64, lorsque plusieurs médecins collaborent à l'examen ou au traitement d'un malade, ils doivent se tenir mutuellement informés. Et ce n'est pas seulement la réponse mais aussi le suivi, y compris pour le médecin expert en second qui n'a toujours pas vu le patient. Ils doivent cependant quand même s'enquérir et ils doivent échanger entre eux de façon à assumer la responsabilité et veiller aussi à l'information du patient.

Un autre chapitre important est celui de l'information du patient. Ce patient est d'abord un citoyen, il a une carte bancaire, il entre dans une technologie nouvelle.

A-t-il par l'information citoyenne qu'il a reçue, pleine conscience que ceci trouve un prolongement dans sa carte Vitale et toutes les choses qui vont le faire rentrer dans cette technologie ?

Il va - la loi Kouchner le prévoit - être détenteur de son dossier médical. Il faut donc aussi qu'il y ait une bonne éducation de ce citoyen qui deviendra infailliblement un patient à jour sur la gestion de ce dossier informatisé et trop virtuel pour lui au regard des assureurs et d'autres partenaires.

Le Conseil de l'Ordre souhaite que soient bien formalisées toutes ces relations entre médecins et patients, en distinguant bien ce qui vient du champ conventionnel, payeur, de ce qui fait la pérennité d'une pensée citoyenne, c'est-à-dire le législateur.

Nous ne reviendrons pas sur les modalités d'enseignement, de fonctionnement en réseau.

Excusez-moi, nous avions beaucoup de choses à dire et là, je vais simplement vous rappeler que les points vitaux sont d'abord :

- l'information du patient,

- la préservation du secret médical,

- la qualité et les conditions de cette prestation technique qui suppose des médecins formés, compétents.

C'est encore un chapitre à développer pour qu'il n'y ait pas de conflits d'intérêts entre les payeurs et l'information des médecins, que ceux-ci restent autonomes et libres dans la formation continue sur ce détail précis de l'informatisation.

Et comme l'a été abordé aussi, viendront après - mais ce sera dans le débat - la manière d'honorer ces confrères. Des rémunérations nouvelles devront être étudiées car, là, nous sommes dans la virtualisation du contact humain.

Il n'en reste pas moins que comme vous l'avez compris, il y a un engagement total des responsabilités déontologiques, civiles et pénales.

Merci Président, en vous priant de bien vouloir m'excuser d'avoir été aussi court. Mes confrères et notre conseiller juridique sont à votre entière disposition.

M. JORNET - Je dirai juste deux mots en tant que conseiller juridique de l'Ordre et en ce qui concerne les interventions.

Aujourd'hui, en termes de responsabilité, comme tous les juristes, nous cherchons de la jurisprudence, et comme l'a notamment exposé Monsieur LARENG en termes de télémédecine et avec l'emploi de technologies nouvelles, il n'y a pas de jurisprudence.

Nous pouvons le voir de deux manières, soit la télémédecine est tellement bien faite qu'elle ne génère pas de préjudice et ne donne donc pas lieu à procès, soit elle est trop peu développée pour qu'on en arrive à un stage de judiciarisation. Ce sont deux hypothèses possibles.

La télémédecine peut aussi être entendue non pas uniquement sous l'angle de technologies nouvelles, mais sous celui de technologies plus anciennes comme le téléphone. Sous cet angle là il y a quand même un peu de jurisprudences dans deux hypothèses possibles.

Il y a l'hypothèse d'un rapport de télémédecine entre deux médecins où un médecin traitant non pas au sens de la loi de refondation mais au sens habituel, va demander un renseignement à un médecin consultant.

Il y a là une décision de la Cour Administrative d'Appel de Montpellier. Un médecin de garde avait demandé un renseignement téléphonique à un médecin ophtalmologiste. Les deux établissements ont été condamnés, ce qui signifie que chacun assume sa responsabilité. Alors que celui qui a été consulté, avait les données lui permettant de donner le bon conseil, il ne l'a pas donné. Et celui qui l'a consulté et qui avait le patient en face de lui, n'a pas pris la bonne décision et l'a renvoyé chez lui.

Un deuxième cas de figure possible est la télémédecine comprise dans une relation médecin-patient. Là encore au travers du téléphone, on a des exemples où des médecins ont été poursuivis et relaxés suivant qu'ils ont exercé leur activité médicale au téléphone dans les règles de l'art, de la déontologie ou pas.

Là, je ne peux pas dire autrement que mon Secrétaire général, en matière de responsabilité il n'y a aucune modification induite par les supports de télécommunications.

M. LE PRÉSIDENT - Merci beaucoup de cette densité des propos. Il n'y a pas de changement pour définir la façon dont l'avis d'expert peut être prononcé, c'est votre point de vue.

Il n'y a pas encore beaucoup de judiciarisation, tout au moins chez nous. Nous savons qu'il y en a beaucoup plus ailleurs, dans d'autres pays où la télémédecine est plus développée, pays d'ailleurs - et je pense notamment aux Etats-Unis - où en matière de pratique de la médecine, il y a un degré de judiciarisation à nul autre pareil.

En tout cas faire évoluer la loi a été votre expression Monsieur le Secrétaire général - et nous l'avons bien noté - rejoignant par des points de vue assez nombreux ce qui a été exprimé tout à l'heure par le Professeur LARENG.

Quelques mots Docteur HAZEBROUCK, puis le Professeur DUPRAT nous donnera le point de vue du juriste et nous ouvrirons le débat.

Dr HAZEBROUCK - Merci Monsieur le Président, je vais faire comme l'orateur précédent, je vais abandonner toute idée de propos structuré pour souligner quelques points de projecteurs considérant que je suis tout à fait solidaire de tout ce qui a été dit par les orateurs précédents. Cela permet de simplifier les choses.

Nous pouvons attendre d'une loi et d'une intervention de la puissance publique deux sortes de choses.

Il faut d'abord qu'elle améliore un certain nombre de dispositions d'ordre juridique et réglementaire et je voudrais souligner deux points qui me paraissent très importants à discuter.

Le premier qui va nous aider dans la réflexion sur la responsabilité - et sans dire du tout le contraire de ce qui a été dit - est qu'il faudrait une définition précise du lieu juridique d'un acte de télémédecine.

Pour l'instant il y un flou considérable faisant que nous ne savons pas si cela se passe chez le médecin qui donne son avis ou chez le malade en imaginant le cas d'une téléconsultation d'un médecin directement à un patient.

Cela a cependant des répercussions très importantes surtout quand on fait l'international pour savoir quel seront les tribunaux compétents et le type de règlement qu'on va appliquer. Si c'est une consultation mixant l'hôpital et la médecine de ville, il y a également des problèmes de tribunaux compétents et de mode de jugement des fautes.

Il est donc extrêmement important, me semble-t-il, que nous allions vers une définition juridique du lieu d'un acte de télémédecine. Cela peut paraître peut-être un peu farfelu au premier abord, mais il faut y réfléchir. Je pense que ce n'est pas du tout farfelu et je suis prêt à m'en expliquer longuement, mais comme on m'a demandé d'être bref, je coupe.

Le deuxième point très important - et je sais qu'il est au programme des discussions - est la question de la propriété des données médicales.

A qui sont ces données médicales ?

Il est important de le préciser en distinguant deux points très précis :

- les données médicales nominatives, qui concernent donc directement un patient,

- les banques de données médicales, les collections de données médicales.

Pour la clarté de mon propos, je tiens à préciser que quand je parle de données médicales, il s'agit non seulement de données dématérialisées, mais également de collections d'échantillons sanguins conservés au congélateur par un service hospitalier.

Le service hospitalier a prélevé des échantillons et les garde parce qu'un jour ou l'autre, il sait qu'une nouvelle méthode de dosage apparaîtra et que s'il a 2 500 échantillons de sang de telle maladie, il va pouvoir tout de suite sortir une série et faire un contrôle intéressant.

Cela peut être des banques de cellules, de tissus, d'ADN, tout ce que vous voulez.

A qui appartiennent ces données ?

Je vais faire une proposition que je voudrais voir débattre.

Les données médicales individuelles restent bien sûr sous le contrôle du patient, c'est évident, mais dès qu'il s'agit de collections, je voudrais qu'on puisse dire par la loi que ces données appartiennent au domaine public de façon à éviter une appropriation et une marchandisation de ces données.

Je voudrais que nous y réfléchissions parce que je crois que la volonté de faire ce qui avait été fait pour les dons d'organes en France, c'est-à-dire éviter la marchandisation du corps humain, devrait se poursuivre dans la même logique aux collections de données de type médical.

Je pense aussi que la puissance publique a un rôle réglementaire pour la structuration des expérimentations.

Je suis évidemment complètement d'accord avec le Professeur LARENG quand il dit que la région est un bon cadre pour développer les expérimentations. Grâce au merveilleux travail de cartographie de toutes les expériences de télémédecine faite en France, réalisé par Hélène FAURE, nous pouvons constater de temps en temps aussi que des régions voisines ont fait des expérimentations.

Ces expérimentations sont très comparables, mais malheureusement incompatibles concernant certains points si bien que des hôpitaux très proches, mais qui ont le malheur d'appartenir à deux circonscriptions administratives différentes, seront dans l'incapacité d'échanger parce que chaque région a travaillé toute seule dans son coin.

Ce n'est pas toujours très grave, mais ça peut l'être et je pense que si nous structurons, il faut penser aussi à une harmonisation un peu au-delà des circonscriptions administratives régionales.

Dans les autres actions de restructuration, nous pouvons aussi nous dire qu'il y a peut-être une réflexion à mener sur un point technique à savoir qu'il y a un nouveau système de nommage Internet qu'on appelle IPV6.

Nous pourrions peut-être dire que des expérimentations pour la mise en commun du dossier médical devraient plutôt s'appuyer sur cette nouvelle façon de faire du nommage d'adresse Internet parce qu'elles sont beaucoup plus sécurisées que les anciennes IPV4.

C'est un exemple de réflexions qui peuvent être accompagnées de façon extrêmement précises.

La dernière chose que je voulais dire est qu'il y a probablement une collaboration plus intense à mener entre des expérimentations faites sous le contrôle des Agences Régionales d'Organisations et des Régions d'une part, par le Ministère de la Santé d'autre part, et des travaux faits par le Ministère de la Recherche dans le domaine de nouvelles technologies, de la Direction de la Technologie ou de la Direction de la Recherche de façon qu'il y ait des travaux plus approfondis qu'aujourd'hui sur les questions d'usage, d'appropriation par les utilisateurs de ces nouveaux outils.

Comme l'a dit Monsieur LARENG - et j'en suis entièrement convaincu - la technologie peut presque tout aujourd'hui, elle existe, elle est disponible, le tout est de travailler sur les conditions d'appropriation, d'acceptabilité, de faisabilité.

Qu'est-ce qui fait qu'une expérience de télémédecine marche ou non ?

Quelles sont les conditions de réplication dans un endroit de l'expérience de télémédecine qui a marché à tel endroit pour éviter chaque fois de réinventer l'eau tiède ?

Actuellement des débauches d'argent public sont faites pour reproduire des expériences dont on sait déjà qu'elles ne vont pas fonctionner parce que cela n'a déjà pas fonctionné ailleurs, mais on reproduit les mêmes bêtises. Il n'y a eu ni synthèse ni travail de coordination dans ce domaine ce qui est parfois tout à fait regrettable et je m'arrêterai là.

M. LE PRÉSIDENT - Merci cher confrère d'avoir bien cerné la question.

Les données médicales à l'échelon individuel pourraient nous appartenir dans le domaine collectif, quand c'est colligé, elles pourraient appartenir à la collectivité.

A ce sujet avant de donner la parole à tous ceux qui souhaitent intervenir et pour conclure cette première partie de notre débat de ce matin, je voudrais demander au Professeur DUPRAT, professeur de droit public, de donner son sentiment.

Le Professeur DUPRAT participe aux travaux de notre groupe et nous avons déjà pu bénéficier de ses précieuses analyses sur la notion de propriété de son propre corps, qui m'ont vivement intéressé bien sûr.

Dans certaines approches, nous ne semblions pas être propriétaires de notre propre corps puisque nous ne pouvions pas en vendre certains éléments. En revanche peut-être y aurait-il quand même un semblant de propriété étant donné que nous pouvons en donner une partie.

Monsieur DUPRAT, si vous voulez bien nous éclairer.

Pr. DUPRAT - En ce qui concerne les différents aspects évoqués, je dois dire que je suis en parfaite harmonie de pensée notamment avec les observations qui ont été faites sur la base du Code de Déontologie.

Il est évident que nous perdons souvent de vue les données du Code de Déontologie qui sont cependant tout à fait déterminantes en particulier pour l'appréciation de la conduite du médecin, du praticien.

Un problème délicat va naturellement se poser, à savoir la question de l'articulation des rapports - et le rapport d'autorité va jouer - entre le médecin et les opérateurs qui vont intervenir à distance sous la conduite du médecin.

Ce point est déjà évoqué jusqu'à un certain degré dans le Code de Déontologie Médicale. Il faudra probablement être plus explicite pour que cette dimension soit prise en compte d'une manière tout à fait expresse et qu'un certain nombre d'incertitudes qui pourrait subsister, soit dorénavant écarté.

C'est un chantier qui va se présenter et j'imagine que le Conseil National l'a déjà abordé, c'est celui de l'adaptation de dispositions du Code même si globalement, par les principes énoncés, il détermine un cadre qui est déjà applicable à cette pratique qui n'est en fait qu'un changement d'instruments.

Il faut cependant toujours avoir à l'esprit que la mutation des instruments peut avoir un effet sur la règle juridique elle-même. Le mode opératoire peut conduire à rendre plus complexe des relations et, par conséquent, il est évident que la règle juridique doit être également ajustée, adaptée.

En tout cas, il est nécessaire de bien rappeler que la déontologie médicale est un socle sur lequel il convient de se reposer et qu'il ne faut pas en relativiser trop l'importance. C'est le premier point.

Le deuxième point qui a été évoqué, je crois, par le Docteur HAZEBROUCK, est celui du lieu.

A priori et comme vous le disiez d'ailleurs vous-même, la notion de lieu peut paraître un peu surprenante. On se dit qu'après tout les différents intervenants sont à égalité, rien n'empêche qu'une structure collective comme un établissement de santé de se doter des moyens et s'ils ne sont pas trop chers, un cabinet médical, un cabinet collectif pourrait également s'en doter.

Il le faudra bien de toute façon puisque l'échange va impliquer un établissement où se trouveront certains services avec leurs spécialistes et le cabinet médical qui va exploiter les ressources expertales qui y sont contenues au travers des spécialistes dans ces services.

Le problème se pose véritablement pour les échanges internationaux, ce sont des problèmes qui vont mettre en cause les questions de droit international privé et il faut savoir que selon le pays concerné, les relations entre les patients et les médecins ne sont pas toujours de même nature.

Chez nous par exemple la dimension statutaire dans les établissements publics est tout à fait fondamentale et va déterminer la position dans laquelle se trouve le médecin et le patient.

En revanche, il est évident que la relation contractuelle va jouer à plein dans un établissement de santé privé. Dans d'autres pays, la distinction n'est pas faite et c'est la relation contractuelle qui va intervenir.

Il est donc évident qu'il va probablement y avoir des difficultés pour ajuster les cadres juridiques.

Pour nous, il y a forcément le cadre européen qui est bien commode parce qu'il permettra d'aborder ce type de questions de manière peut-être plus harmonisée et de résoudre sur le plan juridique un certain nombre de difficultés qui pourront se présenter.

Du point de vue du traitement de la responsabilité, c'est peut-être plus commode si c'est du côté allemand parce que c'est la dimension contractuelle qui l'emportera alors que du côté français, il est évident que la dimension statutaire va également prévaloir du côté de l'établissement public. Un hiatus peut donc se présenter.

Selon le type d'activité qui sera en cause et du conseil qui sera donné, à ce moment-là, il sera très important de savoir d'où il émane pour savoir dans quel cadre juridique il devra être traité et en rapport avec quelles règles.

Là, c'est une question qui est probablement à préciser, qui risque de conduire à un certain nombre de conséquences intéressantes en tout cas importantes du point de vue de la mise en jeu de la responsabilité dans un échange international.

Vous posez également la question de l'exercice d'un droit de propriété de l'individu. Je tiens à dire tout de suite que naturellement quand le terme de propriété est utilisé, il l'est bien souvent de manière purement métaphorique. Il est évident que nous ne sommes pas les propriétaires de notre corps.

On nous a dit dans un certain nombre de rapports officiels extrêmement intéressants, notamment un sous la signature de Madame LENOIR, que les questions de protection de la personne pouvaient être aussi bien envisagées dans une dimension un peu spiritualiste qui a traditionnellement guidé la démarche dans ce domaine, que dans une approche plus matérialiste en quelque sorte, plus objective, qui reposerait sur une vision qui ferait peut-être intervenir des éléments qui ressortiraient d'un droit de propriété.

Pour l'instant, nous n'en sommes pas là. En réalité ce qui est donné, c'est une autorisation.

Nous pouvons considérer que nous avons un certain nombre de droits sur une information qui va être constituée. Or cette information fait intervenir deux personnes, le patient et surtout aussi le médecin parce que c'est le médecin qui va l'élaborer. Il y a peut-être des données brutes, mais l'information est le résultat d'un traitement et c'est le médecin qui va la détenir, l'élaborer.

C'est chez le médecin qu'il faudra déterminer ce qui va ressortir de son droit sur un certain nombre de données qui sont d'ailleurs généralement des notes personnelles, et ce qui va ressortir de données qui sont cosignées notamment dans le dossier médical, mais, là, nous sommes dans un autre cas.

Voilà Monsieur le Président, quelques observations à propos de ce qui vient d'être dit jusqu'à maintenant.

M. LE PRÉSIDENT - Merci cher Jean-Pierre, si en ce qui concerne le rapport, nous sommes prêts à mettre quelque part de côté tout en y faisant allusion, certains aspects métaphoriques que vous venez d'évoquer, il n'en reste pas moins quant au fond qu'il nous faut évoluer sur le terrain comme un laboureur.

Nous aurons à proposer certaines dispositions au regard de la donne législative et merci de les avoir, quelque part, stigmatisées dans une harmonie que peut-être notre discussion d'à présent va bouleverser.

Après tout la discussion est faite pour cela et je sais que Jean DIONIS DU SÉJOUR souhaite tout de suite vous interviewer les uns et les autres sur quelques aspects qui lui tiennent particulièrement à coeur.

Je vais donc lui laisser la parole et donner à tous ceux qui veulent la prendre tant autour de cette table qu'à celles et ceux qui sont dans la salle, et notamment aux parlementaires - je sais que Madame Bérangère POLETTI, députée, est très partie prenante de notre réflexion - la possibilité d'intervenir comme ils le veulent.

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