INTERVENTION DE M. PHILIPPE DOUSTE-BLAZY, MINISTRE DE LA SANTÉ

M. DOUSTE-BLAZY - Merci Jean-Claude.

D'abord je suis très heureux de venir ici devant l'Office Parlementaire des Choix Scientifiques et Technologiques, je connais le travail que vous y réalisez. Je viens m'y inviter simplement dix minutes, mais je suis à votre disposition pour y revenir plus longtemps.

Je suis très heureux de retrouver Jean-Claude ÉTIENNE qui est un ami et Jean DIONIS DU SÉJOUR. Nous avons toujours encore un petit problème parce qu'il croit encore que le rugby d'Agen et meilleur que celui de Toulouse, je lui ai cependant définitivement fait comprendre le contraire.

Je voudrais saluer toutes les personnes qui sont ici présentes, en particulier les responsables de la CNIL, de la Caisse Nationale d'Assurance Maladie, tous mes confrères qui sont ici les responsables de la télémédecine de la direction des hôpitaux, Tony GUELL du CNESS et les représentants des patients.

Je voudrais simplement vous dire une chose très rapide.

Je crois que dans le métier que nous faisons aujourd'hui, c'est-à-dire en définitive la définition même d'une politique de santé publique, nous allons avoir besoin de plus en plus de moyens technologiques nouveaux, ce que vous étudiez.

Hier j'ai donné une conférence de presse parce qu'on se dit que la canicule peut revenir. Nous voyons le drame de l'année dernière.

En définitive qu'allons-nous faire pour prévenir ?

Entre le moment où avec des moyens technologiques inouïs que nous connaissons bien à Toulouse, Météo France va dire à l'Institut National de Veille Sanitaire ce qui se passe, l'Institut de Veille Sanitaire va immédiatement m'en parler, je vais monter un PC Santé et à partir de là, ce n'est que du réseau sentinelle via des technologies, pour parler aux préfets qui, eux-mêmes, parleront aux DASS, aux ARH et à tous les effecteurs. Cela se fera par réseau sentinelle et par technologie de l'information.

C'est un premier élément, une première remarque.

Ma deuxième remarque - Jean-Claude en a parlé à l'instant - porte sur la télémédecine, or il est un peu difficile de parler de télémédecine à côté de Louis LARENG, je vais donc être très humble.

La première fois que j'ai entendu parler de télémédecine, c'était en 1979 quand je faisais ma thèse de science d'Etat à Montréal où il y avait des électrocardiogrammes que nous étudiions de Montréal pour la Baie James. C'était le grand chantier électrique à plusieurs milliers de kilomètres de là, il faisait très froid et des ouvriers faisaient des infarctus. Il n'y avait pas de médecin donc nous lisions des électrocardiogrammes.

C'était déjà en 1979 et vous, Monsieur LARENG, après avoir inventé le SAMU, vous êtes en train de mettre en place la télémédecine. La vision que vous avez de la médecine moderne est tout à fait considérable et je voulais, ici, vous en rendre hommage.

Vous avez dit ce matin ou vous êtes en train d'étudier des choses assez importantes concernant la télémédecine.

Comment la télémédecine peut-elle être une télémédecine de terrain ? La question est celle-là.

Comment peut-on faire des consultations de spécialistes avancées dans des hôpitaux de proximité, mais comment peut-on éviter aussi des consultations de spécialistes avancées s'il y a une superbe technique ?

L'électrocardiogramme est par exemple facile parce que c'est très codé. A moins d'être vraiment idiot, personne ne peut se tromper pour faire un électrocardiogramme. Il y a même des couleurs qui sont données pour les deux bras et les deux jambes. C'est donc reproductible.

En revanche le problème d'une échocardiographie est que celui qui la fait, cherche un peu avec son expérience. Donc pour lire une échocardiographie, il faut l'avoir faite pratiquement ou en tout cas trouver des incidences reproductives. C'est très bien si vous trouvez des incidences reproductives, nous en épidémiologie, par exemple, c'était le grand sujet que nous avions avec les échocardiographies.

On ne peut pas faire des études internationales sur l'échocardiographie dans la mesure où celui qui la fait, ne la fait pas tout à fait de la même façon à Helsinki qu'à Paris. Dès l'instant où celui qui la fait ne la fait pas de la même manière, vous ne pouvez pas étudier, comparer comme pour une glycémie où une glycémie est une glycémie, il suffit d'indiquer la méthode qu'on utilise et, à partir de là, on peut comparer.

Je me permets de dire que la télémédecine a juste une limite, celle de la reproductibilité de la méthode.

Le problème est la prise en charge de la télémédecine en tant qu'acte médical dans la tarification. Je suis vraiment prêt à vous aider totalement à ce sujet, c'est extrêmement important, ou on y croit ou on n'y croit pas, mais si on y croit, il faut évidemment le payer.

Ensuite vous avez la présence de personnes médicales aux deux bouts de la chaîne, c'est un sujet qui est en lien avec ce que j'ai dit, c'est-à-dire la reproductibilité.

Est-ce que quelqu'un peut faire une échocardiographie bidimensionnelle sans connaître parfaitement la cardiologie ?

Je n'ai pas la réponse et elle n'est pas tellement facile. En tout cas il faut que la personne qui le fait, ait l'habitude de le faire, c'est une évidence.

Concernant le dossier médical personnel ne vous trompez pas, c'est une affaire majeure.

Il y a dix ans avec une femme pour laquelle j'ai la plus grande admiration et qui m'a beaucoup appris dans les missions que j'ai aujourd'hui, qui s'appelle Madame Simone VEIL, nous avions décidé d'un dossier médical partagé et ce, avec Monsieur Jean-Claude MALLET qui, à l'époque, était patron de la CNAM. Simplement nous n'avons pas eu le courage à moment donné de le rendre obligatoire.

Ensuite en 1995, 1996, Alain JUPPÉ assez visionnaire aussi dans sa réforme, qui n'est pas passée en définitive parce qu'elle n'a pas été comprise, avait mis dedans le dossier médical obligatoire et les médecins n'étaient pas d'accord.

Vous ne pouvez pas faire une réforme de l'assurance maladie si vous gardez le système médical actuel, si vous gardez la médecine libérale, vous ne pouvez pas faire une réforme contre eux. Il ne s'agit pas de leur faire des cadeaux, mais vous ne pouvez pas non plus le faire contre eux.

Aujourd'hui il me semble donc assez important de penser que c'est accepté, je crois. Les syndicats médicaux me disent qu'ils l'acceptent.

Qu'acceptent-ils ?

Qu'est qu'un dossier médical personnalisé ?

Ça a l'air trop beau.

En fait c'est obligatoire quelqu'un qui ne passerait pas par le dossier médical partagé ou personnel - je ne sais pas comment on va l'appeler, dossier médical personnalisé - ne serait pas remboursé. Il est donc obligatoire.

Il touche tous les actes médicaux, il intéresse évidemment l'assurance maladie. Une personne qui ferait quatre électrocardiogrammes d'effort dans la journée, les quatre étant normaux, on pourrait être amené à se demander au bout du troisième, pourquoi on le fait. On est en effet pratiquement sûr à 98 % que dans une épreuve maximale négative, il n'y a rien aux coronaires.

C'est cela qui va nous intéresser également. Je suis sûr que ce sera un facteur - il ne faut cependant pas le présenter ainsi - de moindres dépenses.

Ensuite je crois que c'est important parce que quand j'étais médecin hospitalier, on disait que le malade avait par exemple son dossier à la clinique Pasteur ou à Purpan ou à Broussais. Bernard KOUCHNER est passé par-là entre-temps avec sa loi, le dossier médical appartient au malade ce qui est très bien, c'est une énorme avancée.

Ce n'est pas au médecin d'avoir le dossier, mais au malade. Dès l'instant où il est personnalisé et informatisé, il va évidemment se promener dans le système de santé.

Il est donc très important que le médecin libéral joue le jeu du dossier médical et que le médecin hospitalier joue le jeu du dossier médical, c'est très important. C'est la raison pour laquelle je vais, lundi 14 juin, à Bordeaux avec Alain COULOMB, patron de l'ANAES, pour justement montrer pour la première fois comment les hospitaliers doivent jouer le jeu du dossier médical, y compris des bonnes pratiques.

Ce n'est pas parce qu'on est professeur de médecine et grand patron qu'on ne doit pas jouer les bonnes pratiques. Vous savez bien que souvent, c'est nous-mêmes qui les édictons, peut-être, excepté que tout le monde doit jouer le même jeu, il n'y a pas deux sortes de médecine et de science médicale.

Je crois que c'est excessivement important, je prends l'exemple aussi d'un week-end de Pentecôte - et tous ceux qui ont fait des gardes ou des remplacements, qui ont fait de la médecine libérale me comprendront - où le malade sort d'hématologie, leucémie aiguë ou autre, sort de l'hôpital. Bien sûr il sort le vendredi après-midi pour faire le grand week-end et l'interne oublie de faire la lettre.

Le malade a eu sa numération de formule sanguine le matin, la radio, tout, mais il n'y a pas de règle. On arrive en début de week-end le vendredi après-midi avec le malade qui arrive chez lui pour les trois jours, il a 75 ans et on ne sait ni combien il a de globules rouges, ni combien il a de globules blancs, si sa radio, etc.

Que fait-on ? On refait tout, c'est la première chose qu'on refait parce qu'on ne passe pas un week-end de Pentecôte avec un tel malade sans avoir refait le tout. Or avec le dossier médical, il suffira de se mettre dessus et on verra toutes les analyses du matin.

Je pense donc que pour suivre un malade, c'est un élément extrêmement important de qualité, très pratique qui permet la coordination des soins.

Je ne vais pas refaire ici la réforme de l'assurance maladie, je me permets simplement de croire au dossier médical non seulement pour des raisons économiques, mais aussi pour des raisons de qualité de soins.

Je me permets quand même de vous dire que 128 000 hospitalisations par an sont dues à des maladies iatrogéniques médicamenteuses et que sur ces 128 000 hospitalisations, il y a 11 000 morts, autant que les accidents de la route.

On ne le dit pas parce que ce n'est pas bien de le dire, mais tout cela n'est pas normal. Je crois donc au fait de connaître parfaitement les antécédents du patient, son traitement.

Je terminerai en disant qu'évidemment le grand sujet c'est la confidentialité.

On me dit qu'aujourd'hui un million de Français déclare ses impôts déjà par Internet, qu'un million et demi de personnes regardent son compte en banque par Internet. Cela doit donc être confidentiel sinon cela ne se ferait pas.

On me dit que la confidentialité est de mise sur Internet. La CNIL doit regarder ce point de très près et je lui demanderai de le regarder d'autant plus près que si vous ne donnez pas votre feu vert en le médiatisant, cela ne marchera jamais. Je vous demande donc d'être les plus durs possible, les plus sérieux possible, nous ne demandons aucun passe-droit, mais la certitude que ce sera confidentiel.

Nous, à notre petit niveau, avons pensé que l'entrée par Internet se ferait par l'intermédiaire de la carte personnalisée du malade. Cela peut être le numéro INSEE, le numéro NIR ou autres, c'est à vous de nous dire quoi.

Pour qu'un médecin puisse y rentrer, il faut qu'il ait d'abord la carte du malade et ensuite la carte CPS pour savoir quel est le médecin qui est rentré dedans, pour qu'il n'y ait pas des assurances privées ou quelqu'un d'autre qui puisse y rentrer.

Le seul problème que j'ai concerne les urgences.

Qu'est-ce qu'on fait si une personne est dans le coma dans la rue, le SAMU la prend et elle n'a pas sa carte sur elle ?

Je vous demande d'y réfléchir, je n'ai pas la réponse.

La CNIL va avoir à étudier le projet de loi, je crois, très bientôt et je voudrais vous remercier profondément si vous pouvez nous aider

Après il y a un calendrier de déploiement. En Conseil des Ministres le Président de la République a dit que maintenant on allait me trouver mille raisons pour ne pas le faire et qu'il faudrait avoir une volonté politique très forte.

En dehors de la CNIL qui me paraît être fondamentale - sans elle on ne peut pas avancer - je le ferai, j'irai jusqu'au bout parce que si je crois beaucoup à la régulation médicalisée des dépenses, je ne crois pas du tout à la régulation comptable.

Mais si elle ne marche pas, il y aura obligatoirement une régulation comptable que je connais. Ce sera la franchise de 300 € par Français ou en fonction des revenus ce qui me plairait davantage. Mais on remet déjà en cause toute la Sécurité Sociale et je sais que c'est la dernière fois qu'on peut le faire.

Je vous demande donc de m'aider parce que c'est une affaire importante, nous mettons notre crédibilité politique et surtout une certaine idée de la médecine en jeu.

J'estime qu'on pourra évaluer des médecins avec le dossier, on pourra commencer par les URML et ensuite évaluer, voir comment on peut avancer. On va faire de la formation médicale continue, on pourra mettre en place des guides de bonne pratique.

Par le dossier médical personnalisé, on pourra tirer le système par le haut. C'est une affaire technique, je ne sais pas si on y arrivera, je le souhaite. Je souhaite qu'au début de 2005, on demande à des hébergeurs de données de santé de commencer, puis il faudra très rapidement que la France entière soit prête. Fin 2006, début 2007, des appels des offres seront lancés.

Je ne sais pas encore ce qu'on va faire, mais plus le système sera efficace, mieux ce sera. Il faut voir cela avec la Caisse Nationale d'Assurance Maladie, l'administration du ministère, est-ce un GIP ou non, il faut voir cela ensemble, Monsieur RICHARD doit avoir son idée.

Je souhaite vraiment que ce soit efficace.

Je voudrais Monsieur ÉTIENNE et Monsieur DIONIS DU SÉJOUR, vous prier de m'excuser, je vais devoir vous quitter parce que j'ai rendez-vous avec des syndicats. Monsieur MOATTI pourra me remplacer éventuellement tout à l'heure.

M. DIONIS DU SÉJOUR - Je dirai juste un mot pour vous remercier d'avoir trouvé le temps.

Nous avons travaillé avec les personnes autour de la table depuis environ six mois. Aujourd'hui, c'est une réunion de travail de synthèse.

Nous avons travaillé sur trois points :

- l'utilité d'une loi sur la télémédecine,

- des propositions à faire sur la certification de l'information médicale sur le web,

- avec beaucoup d'humilité, un certain nombre d'apports sur le dossier médical partagé.

Le dossier est très important et nous sommes loin d'avoir la prétention de le couvrir dans son ensemble, mais nous avons quelques idées,

Est-ce que sur ces trois points, vous êtes ouvert à ce que dès que le projet de loi arrivera, nous puissions travailler par amendement en coordination avec vous ?

M. DOUSTE-BLAZY - Télémédecine, dossier médical, quel est le deuxième ?

M. DIONIS DU SÉJOUR - Certification, labellisation de l'information médicale sur le web, faire le tri, c'est très important.

M. DOUSTE-BLAZY - En ce qui concerne l'affaire du dossier médical, le projet de loi sera en Conseil des Ministres le 16 juin et en début de discussion parlementaire le 27 juin.

Tous les amendements, Jean, qui viendront de ce haut lieu seront bien sûr a priori accepté par le Ministre, c'est une affaire entendue. Il faut que ce soit efficace, que vous sentiez que vous ne travaillez pas pour rien. Et je dirai à l'Assemblée, d'abord au groupe puis au groupe majoritaire, que ça vient de vous.

Nous pourrons peut-être le faire ensemble, nous pourrions le porter ensemble.

Deuxièmement concernant la télémédecine, ne pouvons-nous pas raccrocher un texte déjà à quelque chose ou vous faut-il une loi spéciale ?

M. DIONIS DU SÉJOUR - Il n'y en a pas.

M. DOUSTE-BLAZY - Et ne pouvons-nous pas le raccrocher à l'assurance maladie ?

Quand je vois le calendrier parlementaire..., à moins que vous ne fassiez une niche avec le groupe UDF.

M. DIONIS DU SÉJOUR - Personnellement je ne crois pas vraiment à la niche, je sais qu'actuellement, nous sommes surchargés ainsi qu'au deuxième semestre 2004 et je sais qu'il y a urgence à poser un certain nombre de choses en télémédecine.

M. DOUSTE-BLAZY - Je suis à votre disposition pour faire rentrer la télémédecine soit dans le texte assurance maladie soit dans le texte santé publique le 9 juillet en deuxième lecture du Sénat ; là ça va encore plus vite, c'est la deuxième lecture du Sénat et c'est terminé.

Etes-vous prêts ? C'est une question importante ou alors ce sera à l'assurance maladie, mais prévenez-moi avant parce que le 9 juillet, c'est bientôt.

Troisièmement en ce qui concerne le web, c'est bien sûr extrêmement important, je suis à votre disposition pour revenir vous écouter un jour.

Je voudrais saluer également les personnes de l'Académie de Médecine et de l'Ordre que je n'ai pas saluées. Pour différentes raisons, en particulier familiales, je suis très heureux de les saluer.

M. LE PRÉSIDENT - En ce qui concerne l'aspect plutôt santé publique ou plutôt assurance maladie, en fonction de l'évolution très rapide de la réflexion que nous conduisons ensemble, nous aurons l'occasion de vous en reparler et de voir comment nous pourrons décider avec vous et selon votre volonté, le meilleur endroit et la meilleure opportunité pour l'insérer de façon législative.

En tout cas merci beaucoup.

M. DOUSTE-BLAZY - Je vous prie de m'excuser.

(Départ de Monsieur le Ministre)

M. LE PRÉSIDENT - Comme initialement, la venue du Ministre n'était pas prévue, nous ne vous en avions pas parlé dans l'invitation que nous vous avions adressée à tous.

Pas plus tard qu'hier, à l'occasion d'un échange que j'ai eu avec lui, je me suis permis de lui dire combien nous pensions important qu'il vienne prendre position devant nous sur sa volonté et son acceptation d'insérer soit des modes rédactionnels nouveaux dans les textes législatifs soit sa perception vis-à-vis des amendements que nous serions susceptibles de proposer tant au niveau de l'Assemblée Nationale qu'à celui du Sénat, de ce que vous pourriez et entendiez faire valoir comme principe nouveau à inclure dans un mode rédactionnel législatif.

Il y a toujours trop de lois, cela a été dit, mais à certains moments, nous en avons quand même besoin et je ne serais pas étonné qu'au niveau de la CNIL, une demande précise puisse être exprimée à propos de la thématique qui nous vaut de nous retrouver ce matin.

Sans plus attendre, Monsieur BERNARD, intervenez.

M. François BERNARD - Merci Monsieur le Président, je ne voulais pas prendre la parole le premier dans ce débat, mais sur ce point très précis de la procédure et du calendrier - et j'aurais d'autres choses à dire qui s'insèreront dans la discussion - il y a une question importante.

Je parle de la CNIL non pas parce que je la représente ici - je m'appelle François BERNARD et je représente le Conseil d'Etat à la CNIL -, mais parce que le Ministre a bien voulu indiquer l'importance qu'il accordait à l'avis de la CNIL que d'ailleurs le gouvernement qui n'y était pas obligé, a saisi d'une demande d'avis sur ce projet de loi.

Nous avons donc, à la CNIL, le projet de loi relatif à l'assurance maladie et nous l'examinerons cet après-midi.

De ce fait ce que je peux dire ce matin n'a pas de valeur collégiale, cela ne peut être que des réactions personnelles.

D'autre part, ce soir en revanche la CNIL aura une opinion non pas sur l'ensemble de ce projet de loi massif, mais sur les deux ou trois points essentiels qui la concernent et en particulier sur le dossier médical personnel.

Or - et c'est là que je ferai mon observation de calendrier et de procédure - le Ministre a laissé entendre il y a un instant qu'il avait l'esprit très ouvert pour accueillir voire susciter des amendements parlementaires.

Je crois qu'il est important que la CNIL puisse exprimer son opinion non seulement parce que le Ministre a reconnu qu'en l'espèce, cet avis avait une importance particulière, mais aussi parce qu'en ce qui concerne certaines dispositions de ce projet de loi, se posent des problèmes qui ne sont pas des problèmes d'opportunité ou des problèmes politiques, mais des problèmes d'ordre juridique.

Ces questions d'ordre juridique font qu'il serait très important d'avoir l'avis non seulement de la CNIL, mais aussi du Conseil d'Etat au nom duquel je suis encore moins autorisé à parler aujourd'hui.

Il faut savoir que le Conseil d'Etat et la CNIL ne donnent leur avis que sur les projets de loi lorsqu'ils sont envoyés à la CNIL - c'est en l'espèce le cas - et pas sur les amendements parlementaires.

Autrement dit puisque le gouvernement va avoir très rapidement entre les mains l'avis de la CNIL sur le projet de loi qui est déposé, s'il tient compte des observations de la CNIL et les insère dans son projet de loi soumis au Parlement des amendements et ce, dès la phase du projet de loi et qu'on renvoie des choses très importantes lors de la discussion parlementaire et des amendements, cela ne pourra être examiné ni par la CNIL ni par le Conseil d'Etat.

M. DIONIS DU SÉJOUR - Monsieur BERNARD, cela ne peut pas fonctionner ainsi, je suis désolé, mais c'est un problème de tuyauterie parlementaire.

Il y aura un projet de loi dont je suppose qu'il est déjà écrit autrement il ne serait pas déposé le 27 juin sur le Bureau de l'Assemblée Nationale. Il y aura donc un projet de loi d'initiative gouvernementale dont vous serez bien sûr saisi, puis il y aura des amendements parlementaires.

Ces amendements seront importants puisque, avec vous, nous avons quand même fait un parcours sur six mois. Il ne faut cependant pas que cela vous angoisse. Je viens d'être rapporteur d'un texte sur la loi sur la confiance d'économie numérique qui est un des textes fondateurs de l'Internet français. Nous avons beaucoup et très bien travaillé avec la CNIL sur les amendements parlementaires.

Je crois qu'il faut que très rapidement Jean-Claude ÉTIENNE et moi-même, vous fassions parvenir les propositions. Elles ne seront ni intégrées ni consolidées avec le texte du gouvernement, mais après, il faut que vous fassiez confiance au débat parlementaire pour faire cette consolidation, cela se passe bien.

M. LE PRÉSIDENT - Dans le courant de la semaine prochaine, vous aurez ce que nous proposons de dégager comme perspectives législatives en termes soit d'amendements soit de complément à l'existant dans le domaine de la loi initiative et liberté.

Il n'y a pas de chapitre santé dans le domaine rédactionnel et il n'est pas impossible - c'est tout au moins ce que nous livrait le Ministre - que nous soyons obligés d'aller plus loin que simplement l'amendement des textes portant soit dans le domaine de la santé publique soit dans le domaine de l'assurance maladie, et qu'il nous faille apporter un additif qui ne pourrait à ce moment-là être concocté qu'avec vous sur le thème de la donnée législative en matière du texte de 1978 et des autres compléments déjà intervenus.

Nous vous proposons, si vous l'acceptez, de travailler avec vous dès le milieu de la semaine prochaine.

M. François BERNARD - Monsieur le Président, comment ne pourrai-je pas vous remercier de ce que vous venez de dire, oui bien sûr.

Encore une fois pour le Conseil d'Etat les choses se présentent différemment parce que si ce n'est pas d'origine gouvernementale, vous n'aurez pas l'avis du Conseil d'Etat.

Or - et là je sors tout à fait de mon rôle et de ma mission - il y a les problèmes juridiques véritables qui paraissent sérieux et il ne serait pas mauvais que vous ayez l'avis du Conseil d'Etat. Mais si c'est un simple amendement parlementaire vous ne l'aurez pas.

M. LE PRÉSIDENT - C'est la raison pour laquelle, par-delà la simple donne des amendements parlementaires, nous n'excluons pas aujourd'hui, au moment de notre réflexion, d'aller plus loin en termes de proposition de loi.

M. DIONIS DU SÉJOUR - Pour compléter et bien expliquer ce qui vient d'être dit. Je crois que nous devons quand même saisir les vecteurs parlementaires qui existent, les vecteurs législatifs en cours, parce que faire une proposition de loi d'initiative parlementaire qui aboutisse, est quand même largement aléatoire.

Nous devons donc saisir les deux vecteurs législatifs en cours, c'est-à-dire la loi de santé publique et la réforme de l'assurance maladie, pour faire passer certaines choses. Nous devons travailler ensemble là-dessus.

Si en fin de parcours - Jean-Claude ÉTIENNE vient d'ouvrir la porte - nous avons été bridés, nous sommes insatisfaits, etc., à ce moment-là, nous prendrons l'initiative d'une proposition de loi.

Faire aboutir une proposition de loi parlementaire n'est quand même pas simple et je crois que, là, nous avons un engagement fort du Ministre qui nous a dit qu'en ce qui concernait deux vecteurs législatifs en cours et sur le point d'aboutir - pour l'un la loi de santé publique et pour l'autre l'assurance maladie - sur lesquels il s'engageait fortement et était très ouvert, nous n'allons quand même pas laisser passer le train.

M. DUSSAUSSE - Je crois effectivement qu'un projet de loi est un projet de citoyenneté.

Je dirai objectivement que ce n'est pas parce que c'est difficile qu'on n'ose pas. Et s'il y a au moins une légitimité entre les technologies, le vrai débat de fond qui existe aujourd'hui et les attentes, c'est bien celle d'un projet de loi.

Qu'il se case dans quelque chose d'existant, c'est bien, mais je pense que vous avez tout à fait légitimité à le présenter comme tel.

M. LE PRÉSIDENT - En tout cas à partir de vos réflexions, il nous appartient de phaser au mieux avec le gouvernement, l'introduction des notions issues de la réflexion commune que nous développons.

Aujourd'hui nous ne pouvons pas vous dire si ce sera plutôt dans un projet de loi en sachant que la proposition de loi a un cheminement plus complexe. Dans la mesure cependant où, dès le départ, elle a les accompagnements nécessaires du gouvernement, c'est-à-dire une proposition de loi fortement accompagnée, cela peut aller vite, mais c'est habituellement plus complexe que le projet.

En tout cas les amendements nous tendent les bras à la faveur de deux dispositifs législatifs dont le Parlement sera saisi très prochainement.

De toute manière cela nous apparaît comme étant une occasion dans l'actualité à ne pas manquer ce qui n'exclut pas que dans certains domaines et en ce qui concerne certains aspects plus spécifiques, nous devions aller plus loin que les seuls amendements à un texte législatif en cours de discussion.

A ce moment-là - et je pense notamment au domaine qui ressort de votre responsabilité Monsieur BERNARD - nous puissions envisager plus que des amendements sur les projets ou propositions de lois existantes.

C'est ce que nous aurons à codifier au cours de la semaine prochaine en travaillant avec vous et avec le gouvernement sur ce sujet. Nous venons d'en convenir immédiatement avec le Ministre, à la suite de son intervention ici-même.

Pr. HERVÉ - Je vous ai beaucoup écouté et j'ai été très heureux.

Je représente une dizaine de réseaux ville hôpital, qui sont appuyés par l'URCAM, qui sont des médecins libéraux qui travaillent à l'hôpital dans le cadre de la loi du 4 mars 2002.

Nous avons deux demandes et nous vous enverrons la rédaction deux amendements que vous pourrez bien entendu modifier, mais qui nous paraissent fondamentaux si le projet qui est présenté, veut naître un jour et ne pas être un problème mort-né.

J'ai cru comprendre ici qu'on ne pouvait rien faire sans les professionnels, c'est une évidence. Pour que les professionnels puissent travailler, il faut qu'ils le fassent en confiance.

Actuellement dans ce qu'on appelle les réseaux ville hôpital, qui sont en définitive le support du dossier médical partagé au niveau de la ville et de l'hôpital, il faut absolument donner un statut juridique à ces fameux réseaux ville hôpital.

Ils n'en ont pas si bien que si moi-même qui suis président du réseau ASDES - accès aux soins, accès au droit, éducation de la santé - n'avais pas eu la confiance de la DHOS et en particulier de sa représentante d'aujourd'hui - et je tiens à la remercier -, si je n'avais pas l'appui des URML et si en tant que professeur de médecine, je ne croyais pas à la santé publique, au fait de prendre les personnes avec leur facteur de risques de manière à éviter qu'elles ne développent des maladies et en particulier le cancer, je n'aurais qu'une seule solution raisonnable et non pas ésotérique, qui serait en définitive de démissionner.

C'est le premier point.

Le second point porte sur les prisons.

Je dirige moi-même l'UXA et je peux vous dire qu'en ce qui concerne la qualité - et tous les rapports l'ont déjà dit et moi j'y suis -, voir des patients qui viennent de manière aléatoire pendant trois ou quatre minutes parce qu'il y en a trop et que le Code de Procédure Pénal nous oblige à les voir le plus rapidement possible, c'est-à-dire au moins dans les 24 heures avec des plages énormément divisées, fait que nous faisons un très mauvais travail. En outre nous avons les avocats qui sont derrière - et nous le comprenons très bien - si nous passons sur telle ou telle pathologie, nous serions condamnés sur un point particulier.

En ce qui concerne les examens complémentaires que nous souhaitons, avec la difficulté de disposer d'un certain nombre de personnes de la police - maintenant c'est théoriquement l'administration pénitentiaire qui doit faire ce qu'on appelle les extractions -, avec le manque de moyens qui existe, nous sommes dans une situation très difficile et la télémédecine nous apparaît fondamentale.

Puisque je dirige le DEA d'éthique médicale et biologique à la faculté de médecine de Necker, je m'occupe un tout petit peu de la réflexion éthique et je tiens à dire pour terminer que ces deux points ont des répercussions éthiques fondamentales surtout le second.

En 1994 vous avez fait une loi pour séparer l'administration pénitentiaire de l'administration sanitaire. C'est une avancée extraordinaire que même nos collègues - le Ministre a cité Montréal - et même les Québécois trouvent excellente, extraordinaire dans la mesure où par rapport à la responsabilité médicale et l'éthique de la médecine, il y a des éléments en contradiction, il n'y a pas une décision qui ne fait pas en complexité. Il faut donc se méfier des éléments réducteurs.

Il est vraiment très important qu'en ce qui concerne la prison, il y ait des moyens qui permettent de pouvoir le faire et je dis bien des moyens.

Les établissements soumis à la TAA n'ont aucun intérêt à investir dans les prisons, ils prennent cela comme étant des burdens , c'est-à-dire des poids qui ne sont pas légitimes. Ce n'est pas encore rentré dans la culture.

En troisième lieu je parlerai du financement pérenne dont vous avez parlé.

Nous avons la chance d'avoir été à l'URCAM d'Ile-de-France, commission des réseaux, de passer du fameux FAVSQ - Fonds d'Amélioration de la Qualité des Soins de Ville - à la fameuse commission à la DRDR. Nous sommes donc pérennes.

Cela fait quand même deux ans que nous sommes en discussion avec l'APHP pour que les éléments que nous apportons au secteur privé, c'est-à-dire par les médecins libéraux, prise en charge d'accès aux soins, d'accès au droit, éducation de la santé, puissent se faire exactement à l'APHP.

L'hôpital ne peut pas investir dans les réseaux s'il n'y a pas une pérennité. Cela fait deux ans, la convention n'est pas encore signée.

Je vous le dis pour vous montrer les difficultés sur le terrain et dire qu'en ce qui concerne ces trois points, nous comptons sur vous, c'est-à-dire pour :

- le financement des réseaux,

- le statut,

- par rapport en particulier à la prison.

Là nous nous trouvons tout à fait dans des démarches qui sont très utiles et qui nous permettront de nous développer. Et comme je vous le disais, c'est une dizaine de réseaux qui vous le demande.

M. LE PRÉSIDENT - Merci beaucoup, nous vous répondons immédiatement, et quand je dis nous, c'est par pluriel de majesté puisque c'est au nom de Jean DIONIS DU SÉJOUR et de moi-même.

En ce qui concerne le point du statut juridique du réseau ville hôpital, j'en appelle aux deux députés ici présents, Jean et Bérangère, puisqu'elle va être amenée à rapporter sur l'aspect de la loi de santé, pour dire que c'est précisément dans ce domaine que nous pourrons introduire ce fameux statut juridique auquel vous faites référence. Nous vous en reparlerons.

Deuxièmement en ce qui concerne la problématique que vous avez soulevée, si importante, si concrète de la question d'offre de soins pour les prisons, nous voyons la manière dont la télémédecine a apporté des éléments de réponse très concrets et cette fois-ci notamment aux Etats-Unis. Ce n'est pas le Cantal, mais le Texas, néanmoins c'est éminemment transposable chez nous.

Cela diminue de plus de moitié les transferts des prisonniers qui ont besoin de soins, avec les risques, les coûts et les économies d'échelle considérables réalisées dans ce secteur. Ceci nous permettrait d'investir par ailleurs très largement dans le domaine de la télémédecine.

Nous aurons sur ce point précis des propositions s'inspirant, je le dis très franchement, de l'existant de par le monde et notamment dans le cas particulier de l'existant texan.

M. DIONIS DU SÉJOUR - En ce qui concerne le débat sur le projet de loi, je crois que nous ferons tout, nous utiliserons les deux vecteurs et nous serons pragmatiques.

Faites-nous confiance pour le pragmatisme, car nous savons ce qu'est un calendrier parlementaire chargé, nous n'avons pas envie de voir passer le train et de ne pas y monter. Au bout de six mois, nous avons des idées et nous avons envie de faire bouger les choses.

Maintenant si au bout du compte - et je m'inscris tout à fait dans ce qu'a dit Jean-Claude ÉTIENNE - il faut terminer l'effort par une proposition de loi d'initiative parlementaire sur la télémédecine, nous le ferons aussi.

M. LE PRÉSIDENT - Ce n'est pas impossible du tout.

M. DIONIS DU SÉJOUR - Pour terminer comme nous entrons dans une phase très active - et je le dis aussi de la part de Bérengère POLETTI - nous sommes ouverts à tout effort d'amendement et les institutions très honorables que vous représentez savent le faire, nous allons entrer dans une phase très active maintenant et très rapidement.

Nous sommes donc à votre disposition pour aller plus loin dans des auditions plus ponctuelles et étudier les amendements que vous souhaiteriez nous faire passer.

Merci beaucoup.

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