LA MISE EN PLACE DU DOSSIER MÉDICAL

M. LE PRÉSIDENT - Nous voici maintenant rendus à un moment de notre réunion où il nous faut, ensemble, assumer la réflexion sur un des piliers, si ce n'est le pilier, en tout cas je le prends comme tel et cela a été annoncé et affiché comme tel par le Ministre, à savoir l'affaire du dossier médical partagé.

Avant de vous donner la parole Professeur FIESCHI, j'en profite pour répondre, préciser et demander au Professeur HERVÉ qu'il nous communique aussi rapidement que possible ce qu'il imagine comme attendu rédactionnel qu'il faudrait introduire pour que concernant la problématique réseau ville hôpital, nous ayons une traduction concrète venant de vous sur ce que vous entendez exprimer.

Nous pourrons vous communiquer l'état de notre dossier sur ce que vous avez affiché en deuxième partie de votre intervention, notamment en ce qui concerne le domaine des prisons et de la médecine dans le domaine pénitentiaire avec tout ce que cela recouvre comme problèmes qui pourraient trouver une solution à travers la télémédecine.

Nous avons un calcul qui met en évidence les économies d'échelle réalisées, il y a là une accélération, une amélioration franche de la qualité des soins vis-à-vis du patient incarcéré et en même temps pour la société, la collectivité, une économie importante à réaliser.

C'est le bonheur puisque nous améliorons les soins et que cela coûte moins cher, d'après ce que nous voyons ailleurs.

Pr. FIESCHI - Monsieur le Président, pour lancer le débat, je vais brièvement rappeler quelques éléments qu'il me paraissait important de souligner dans le cadre du rapport que j'ai réalisé il y a un an au terme d'une mission exploratoire.

La réflexion menée il y a un an et demi environ, était tout à fait dans le droit fil de ce qui vient d'être rappelé par tous les intervenants sur ce sujet. Ce sont des propositions qui visent à améliorer le système de la santé par le partage des données du patient, on peut l'appeler le premier pilier, le deuxième pilier étant le partage des connaissances qui a également été évoqué.

C'est bâtir un système d'informations pour informer, éduquer et responsabiliser.

Je rappellerai rapidement quelques arguments sur cette nécessité qui, il y a un an et demi, n'était pas perçue par tout le monde. Nous voyons qu'aujourd'hui les idées avancent et avancent bien.

C'est très bien, mais je pense qu'il faut revoir quelques arguments sur cette nécessité et peut-être quelques éléments qui avaient été proposés pour l'action, en particulier sur les dispositifs des systèmes d'information dont nous disposons aujourd'hui.

Je me réjouis des propositions que vient de faire le Ministre sur la volonté politique très affirmée, il faut voir que la situation pour faire bouger le monde médical, les professionnels et les hôpitaux va demander beaucoup d'énergie. Si nous tenons à atteindre l'objectif, je crois qu'il faut avoir une recherche de chemin critique bien affinée.

Je pense qu'à travers cette démarche, il s'agit de poser les bases d'un système centré sur le patient pour permettre d'évaluer et de prendre à partir d'une expérience qui peut s'inscrire dans une continuité qui débouche sur un dossier pour tous bien entendu.

Cette démarche expérimentale me semble importante parce qu'à mon sens, le modèle défini a priori pose quelques difficultés méthodologiques. Je pense que ceci s'inscrit dans la nécessité de soutenir en même temps l'innovation et la recherche appliquée, basée sur les technologies de l'information et de la communication, pour améliorer les pratiques médicales.

Pour revenir sur la nécessité de cette démarche, je vais la rappeler parce qu'elle est fondamentale.

C'est bien entendu l'évolution de la prise en charge et de la demande des patients et ce sera certainement repris tout à l'heure.

Quelques éléments permettent de l'illustrer, c'est :

- L'utilisation d'Internet, je n'y reviens pas.

- Le nombre de patients en France.

Il y a vingt ans, il était de l'ordre d'une centaine et aujourd'hui il est d'environ 4 500.

Nous voyons bien que les choses évoluent, nous avons une vision de ce qui s'est passé il y a quelque temps aux Etats-Unis et nous le connaissons.

- La loi du 4 mars, je n'y reviens pas non plus.

En fait nous sommes dans un changement de modèle, c'est ce que les Anglo-Saxons appellent le patient temperament et que nous pouvons appeler la responsabilisation du patient.

Dans l'ancien modèle, la source d'information est le médecin, les livres et la télévision et dans le nouveau, les médecins, les livres et la télévision bien sûr, mais c'est l'Internet et en premier lieu. Aujourd'hui, c'est le premier média d'information aux Etats-Unis.

Dans l'ancien modèle le système d'information était centré sur le médecin, à base de papier et on travaillait sur les épisodes de soins parce que c'est la pathologie aiguë qui est très importante. Il y a encore une trentaine d'années, c'était le modèle par épisodes.

Dans le nouveau modèle, les systèmes d'information sont centrés sur le patient du fait de ce que nous pouvons appeler la transition épidémiologique, c'est-à-dire les maladies chroniques qui prennent le dessus et qui, aujourd'hui, sont des problèmes importants que nous avons à traiter, plus importants en nombre en tout cas et en durée que par le passé.

Le système d'information n'est plus papier, mais numérique et du fait de cette durée et de cette chronicité, nous nous inscrivons dans la continuité des soins.

Les attitudes et les rôles changent également. Nous sommes passés de l'ancien modèle avec un paternalisme médical où le médecin prenait ses décisions, à un nouveau modèle dans lequel nous avons un partenariat et une responsabilité partagée pour les décisions médicales.

Le système de santé évolue à travers cette transition épidémiologique qu'il faut intégrer dans notre réflexion.

La loi change également dans notre pays comme dans d'autres. Dans l'ancien modèle c'était les droits des médecins qui étaient le plus exprimés tout au moins, en tout cas affinés dans leur expression. Dans le nouveau modèle, la loi parle des droits du patient, c'est la loi du 4 mars et donc de l'accès au dossier.

Le problème que nous avons à résoudre à travers ce dossier, me semble-t-il, l'un de ces deux piliers, de cette amélioration que nous pouvons rechercher, est que la qualité est en question. Nous sommes face à des problèmes de non-qualité.

Le Ministre a rappelé tout à l'heure des problèmes de pathologies iatrogènes, je crois que c'est un problème très important ; il y a :

- sur-utilisation d'un certain nombre d'outils thérapeutiques, antibiotiques et autres,

- sous-utilisation d'autres outils,

- utilisation inappropriée,

- non-adhérence au protocole par les médecins comme par les patients,

- et finalement fragmentation d'un système de santé qui conduit à ce que nous pouvons appeler aujourd'hui un non-système.

Si nous regardons un peu quels sont les déterminants fondamentaux de cette non-qualité, nous trouverons d'abord une complexité croissante liée à cette technologie qui se développe dans tous les domaines de la biologie et de la médecine et à l'énorme quantité de connaissances qu'il faut acquérir et qui se développent de plus en plus.

En ce qui concerne la complexité, nous n'allons pas nous plaindre du fait que la technologie vient apporter des éléments supplémentaires et que la connaissance augmente.

Le deuxième point qui est un facteur de non-qualité est l'augmentation des maladies chroniques. On vit plus longtemps, l'espérance de vie est plus longue, l'augmentation des maladies chroniques apporte une complexité qui apporte une non-qualité. Nous ne pouvons pas nous plaindre non plus de l'espérance de vie qui s'allonge.

Le troisième point qui amène la non-qualité est la faible organisation des prises en charge, des procédures et des systèmes d'information qui sont inadaptés. C'est sur les systèmes d'information inadaptés qu'il faut, à mon avis, faire porter toute l'action et c'est donc le sens de ces recommandations.

Il s'agit de faire une prise en charge unifiée par un système d'information qui, d'une certaine façon, reconstitue l'unité du patient malgré l'hyper spécialisation de la médecine qui est nécessaire. Malgré cela, grâce à cette technologie, nous avons un outil pour :

- reconstituer l'unité du patient,

- permettre l'ouverture de l'hôpital ce qui est absolument nécessaire,

- permettre d'autoriser une vue des données suivant les spécialités, chacun retrouvant des informations qui intéressent sa spécialité, mais, dans une unité, autour du patient.

Ceci répond à l'objectif d'améliorer l'organisation des soins avec une transition qui accompagne cette transition épidémiologique dont je parlais tout à l'heure, qui est l'hospitalo-centrisme qui est en question.

C'est également un outil pour répondre à cette problématique. Cela doit permettre dans un premier ou deuxième temps - encore une fois c'est un problème de chemin critique et de stratégie de développement - de faciliter le couplage des données du patient et des connaissances pour une prise en charge de qualité et personnalisée.

Ce sont les quelques éléments importants à rappeler sur les fondamentaux.

Ensuite tout est un problème de solution d'implémentation et de culture avec des techniques sur lesquelles une déclinaison extrêmement large peut se faire.

L'important est que ça doit être centré sur le patient, cela ne peut pas être centré sur une pathologie, un organisme, une région de manière trop fermée parce que les patients bougent, ils se soignent parfois dans des endroits qui sont un peu limitrophes ou frontaliers entre des régions administratives.

Il faut donc avoir un concept extrêmement ouvert sur une notion de dossier centré sur le patient et une stratégie tout à fait adaptée à notre situation en France.

Je veux dire par-là que certaines expériences qui ont pu être développées dans d'autres pays, ne sont pas forcément à reprendre dans les mêmes termes.

En particulier en Suède, 90 % des médecins libéraux utilisent un dossier médical informatisé. Or en France, en médecine libérale, un vrai dossier médical informatisé représente moins de 10 % pour les médecins en médecine libérale.

Nous comprenons donc bien que nous ne pouvons pas avoir la même stratégie et les mêmes objectifs dans les mêmes termes - je parle en termes de temps - dans des situations aussi différentes.

Il faut voir qu'il y a une impulsion très forte à donner et que, de ce fait, il y a forcément une certaine inertie parce qu'à mon sens l'impulsion n'a pas été suffisamment donnée au niveau des hôpitaux qui sont les gros pourvoyeurs, les gros réservoirs d'informations médicales et dont les systèmes d'information sont d'un autre âge. En tout cas ils ne sont pas de l'âge que nous vivons aujourd'hui ni de celui d'Internet.

Il y a donc là un travail extrêmement important à faire, il faut solliciter en particulier les Agences régionales de l'hospitalisation (ARH) et tous les acteurs permettant de faire évoluer sensiblement et rapidement les systèmes d'informations hospitaliers qui posent un vrai problème.

En fait la question qui nous posée est que globalement dans le pays et ce, depuis des années, l'information n'a pas été suffisamment prise en compte comme une ressource. Ce n'est pas une ressource, il n'y a qu'à voir la façon dont les hôpitaux gèrent les archives médicales, c'est à la limite du scandale.

Cette ressource n'a jamais été identifiée en tant que telle, en tout cas pas suffisamment, et je crois que c'est effectivement là, une petite révolution qui est en cours et je me réjouis que la volonté politique se soit affirmée dans ce sens.

Pour lancer le débat, je peux m'arrêter là et revenir si vous le désirez.

M. LE PRÉSIDENT - Merci beaucoup, je sais que comme Monsieur BERNARD doit nous quitter rapidement, je vais lui donner la parole immédiatement pour qu'il réagisse non seulement sur cette question, mais éventuellement avec l'esprit d'escalier sur certains aspects que vous entendriez évoquer avant de partir.

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