3. Les discriminations à l'encontre des femmes dans les milieux professionnels et sportifs

Lors de sa séance du mercredi 27 avril après-midi, l'Assemblée a examiné en discussion commune deux rapports :

- le rapport de Mme Anna Curdova (République tchèque, Soc) sur la discrimination à l'encontre des femmes parmi les demandeurs d'emploi et sur le lieu de travail ;

- le rapport de Mme Manuela Aguiar (Portugal, PPE) sur la discrimination des femmes et des jeunes filles dans les activités sportives.

Intervenant dans la discussion générale sur le premier de ces rapports, Mme Arlette Grosskost a notamment souligné que les parcours de formation professionnelle n'intègrent pas encore de façon satisfaisante l'exigence de mixité qu'impose l'évolution de notre société :

« S'il est une égalité européenne qui reste d'actualité négative, aujourd'hui encore et malgré les efforts entrepris, c'est bien la discrimination socio-économique dont souffrent les femmes dans leur vie professionnelle. Membre de la délégation pour le droit des femmes de l'Assemblée nationale, mais aussi en tant que femme tout simplement, je suis, vous l'aurez compris, particulièrement attachée à cette cause.

« Je rappelle que la commission des droits de la femme du Parlement européen a constaté que les écarts de rémunération dans l'Union européenne s'élèvent à près de 30 %. En ce qui concerne mon pays, la France se situe au milieu de l'échelle entre les mauvais élèves et les bons élèves. Aujourd'hui en France, le salaire moyen des hommes est toujours de 25 % supérieur à celui des femmes. Et si l'on tient compte des conséquences salariales du niveau de formation, de l'ancienneté, du volume horaire et des responsabilités, il reste un écart d'environ 6 % qu'aucune raison objective ne permet d'expliquer.

« Malgré une amélioration ces dernières années, force est de constater que la dérégulation du marché du travail et l'incrustation d'un chômage massif ont pesé très lourdement sur les femmes et créé de nouvelles inégalités : persistance d'un surchômage féminin très important, qui n'a pas faibli depuis trente ans ; travail à temps partiel précaire et trop souvent subi ; inégalité aussi lors du premier emploi. Chez les moins de vingt-cinq ans, le taux de chômage est nettement plus élevé chez les jeunes femmes que chez les hommes : 23 % contre 18 %. Or, dans ces générations, les filles sont plus diplômées que les garçons.

« Pourtant, rien n'explique véritablement ces inégalités. Les deux éléments fréquemment avancés pour les justifier - moindre qualification et carrière professionnelle erratique - ont disparu. Aujourd'hui les femmes ont les mêmes diplômes et assument la même trajectoire professionnelle.

« De plus, à l'avenir, les femmes participeront activement à la cohésion économique et sociale. Elles représentent d'ores et déjà la moitié de la population active. Dans les prochaines années, le départ à la retraite des générations nées après guerre privera notre économie de plusieurs centaines de milliers de salariés. L'augmentation du taux d'activité des femmes est une réponse directe et évidente à ce défi. L'égalité salariale en est une autre.

« La mobilisation de tous les acteurs sera nécessaire. Tout doit être mis en oeuvre et entrepris pour ce faire. La volonté politique existe. Elle doit être fortement encouragée par une prise de conscience générale.

« C'est le sens du projet de loi préparé par Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, sur l'égalité salariale entre les femmes et les hommes. Ce texte volontariste, qui sera prochainement examiné par l'Assemblée nationale française, répondra à trois préoccupations : d'abord, supprimer les écarts de rémunération ; ensuite, concilier l'emploi et la parentalité. Les congés de maternité sont souvent à l'origine de différentiels de rémunération entre les hommes et les femmes. En proposant de neutraliser les incidences financières de ces congés, le projet de loi remédie à cet inconvénient. Il vise enfin à améliorer l'accès des jeunes filles et des femmes à l'apprentissage.

« Les parcours de formation professionnelle n'intègrent pas encore de façon satisfaisante l'exigence de mixité qu'impose l'évolution de notre société. L'égalité doit être reconnue sociologiquement dans notre société pour que, de lui-même, le monde du travail reconnaisse simplement et uniquement la compétence, sans s'intéresser au genre du salarié.

« En ce sens également, et je me permets de le souligner, le projet de Constitution européenne représente un progrès évident sur le chemin de l'égalité entre les hommes et les femmes.

« Je tiens à féliciter le rapporteur. Le rapport soumis ce jour balaie largement la problématique évoquée et mérite acceptation, dans toutes ses recommandations. »

M. Jean-Guy Branger a donné son sentiment sur le rapport concernant les discriminations dans le domaine sportif :

« Je tiens d'abord à saluer l'action de Mme Manuela Aguiar, qui a marqué d'une empreinte durable nos travaux en préparant de nombreux rapports que l'Assemblée a adoptés. Nous débattons aujourd'hui à nouveau d'un projet qu'elle a préparé afin de promouvoir l'égalité des femmes et des jeunes filles dans un domaine encore très largement masculin : le sport.

« Qu'il me soit permis de rappeler que la France a assuré, de 2002 à 2004, la présidence du réseau européen « Femmes et sport », structure de la Conférence sportive européenne, rassemblant des représentants des mouvements sportifs et des gouvernements de quarante et un États européens.

« Ce réseau européen poursuit plusieurs objectifs : en premier lieu, le développement d'une culture de l'égalité entre les hommes et les femmes envers les pratiques sportives ; en second lieu, favoriser la participation des femmes aux organes qui structurent le sport, aussi bien les fédérations que les comités olympiques dont elles sont malheureusement trop souvent absentes. Toutefois le principal objectif me paraît être la lutte contre les discriminations sournoises qui se multiplient à l'égard de la participation des femmes aux pratiques sportives, dans le cadre scolaire notamment.

« Je regrette, pour ma part, que le projet de recommandation ne soit pas plus explicite à l'égard des pressions qui visent à dissuader ou même à empêcher les jeunes filles de participer aux activités d'éducation physique normalement prévues aux programmes des différents niveaux scolaires.

« Je veux croire que dans l'article 5.c du projet de recommandation, l'invitation à prendre en compte le genre dans la définition des actions publiques en faveur du sport, ne saurait en aucun cas être interprétée comme une base légale pour établir ou maintenir des discriminations dans la pratique de sports par les jeunes filles ou les femmes.

« En France, on observe une très sensible diminution des pratiques sportives féminines dans les quartiers soumis à la propagande islamiste. De même, certains groupes prétendent obtenir des aménagements, notamment d'horaires, pour s'opposer à la mixité d'installations sportives.

« J'approuve naturellement la proposition de recommandation dans la mesure où elle nous invite à refuser les discriminations dans les compétitions nationales et, surtout, olympiques. Cependant quelles chances ont ces jeunes filles de parvenir à ces épreuves hautement médiatisées si on leur interdit l'accès au sport dans leur enfance ? On ne peut devenir une grande championne que si l'on commence tôt la pratique sportive.

« Ne nous y trompons pas, mes chers collègues, il y a là un élément particulièrement insidieux, des discriminations que certains voudraient rétablir au nom de coutumes obsolètes ou même de motifs pseudo-religieux.

« Notre Assemblée doit se montrer vigilante à l'égard de menées qui visent à nier une valeur essentielle du Conseil de l'Europe : le libre exercice de droits individuels de portée universelle. C'est en ce sens que je voudrais attirer votre attention sur cette recommandation : il ne s'agit nullement d'un problème marginal, mais bien d'un élément de ce modèle européen que d'aucuns voudraient saper, d'autant plus acharnés qu'ils devinent l'aspiration des populations extra-européennes à bénéficier à leur tour des mêmes droits individuels et universels. »

S'exprimant sur le même rapport, M. André Schneider a déclaré :

« L'excellent rapport qui vient de nous être présenté par notre collègue Manuela Aguiar fait heureusement état des progrès réalisés ces dernières années dans la lutte contre les discriminations à l'encontre des femmes et des jeunes filles dans les activités sportives mais insiste également sur les améliorations qui restent à apporter dans ce domaine.

« Sur le plan des principes, il n'y a aucune discussion possible et l'on ne peut que se rallier aux dispositions de l'article premier de la Charte européenne du sport adoptée en 1992, selon lesquelles il convient de « donner à chaque individu la possibilité de pratiquer le sport ». Cette affirmation suffit à exclure toute discrimination dans ce secteur.

« Maintenant, qu'en est-il dans la pratique ? Le rapport liste un certain nombre de problèmes parmi lesquels les difficultés de réinsertion professionnelle, la conciliation entre vie de famille et pratique sportive, les inégalités de rémunération entre sportifs et sportives, la place insuffisante des femmes dans les instances dirigeantes du sport et dans les structures d'entraînement, et la couverture insuffisante du sport féminin par les médias.

« Par rapport à ce constat, je souhaite formuler trois séries d'observations.

« En premier lieu, il est évident que bon nombre de ces difficultés ne sont que la transposition dans le domaine du sport de la peine qu'ont nos sociétés à promouvoir une réelle égalité entre les hommes et les femmes. De ce fait, dans les entreprises aussi, les salaires des femmes sont, à compétences égales, trop souvent inférieurs à ceux des hommes, la sous-représentation des femmes dans les instances dirigeantes est une réalité, dans le sport comme dans la société professionnelle, comme dans la politique, et la difficile conciliation entre la pratique du sport de haut niveau et la vie de famille peut être déplorée, mais elle existe aussi dans tous les autres aspects de la vie.

« Je veux dire par là que le problème qui nous occupe aujourd'hui découle en grande partie de dysfonctionnements de nos sociétés et que tout ce qui pourra être fait pour favoriser globalement l'égalité hommes-femmes aura naturellement des répercussions positives dans le monde du sport. Comme le souligne d'ailleurs à juste titre Mme Aguiar dans son rapport : « la plupart du temps, les textes de loi existent déjà. Il ne reste donc qu'à les appliquer ».

« Ma deuxième observation s'appuiera sur une autre citation contenue dans le document qui nous est soumis et selon laquelle « dans certains pays, la religion peut être un obstacle à un accès des femmes au sport, en particulier du fait des règles concernant la tenue vestimentaire des femmes ». Il s'agit là d'une réalité et, en France, on a pu lire des articles de presse faisant état de pressions familiales exercées sur des jeunes filles souhaitant pratiquer certains sports et devant affronter des interdits cultuels et culturels ou encore des revendications visant à réserver l'accès des piscines aux femmes à certaines heures.

« Face à ce genre de faits, il me semble que la solution doit être trouvée à la fois dans le dialogue et dans l'application ferme des principes de la laïcité qui, s'ils garantissent à chacun le libre exercice de sa religion, impliquent également la reconnaissance de la possibilité pour tous de pratiquer les activités légalement autorisées par la société.

« Toutes choses égales par ailleurs, on se trouve là face à des débats de même nature que ceux résultant du port du voile à l'école qui, cela mérite d'être souligné, concernaient en particulier l'enseignement de l'éducation physique et sportive. Sur ce plan, la France a tranché, votant, à une majorité dépassant largement les clivages politiques traditionnels, une loi interdisant le port du voile à l'école. Cet exemple montre bien que dialogue et fermeté sur les principes de la laïcité sont, dans nos sociétés, un moyen de pression.

« Enfin, ma dernière observation portera sur la nécessité de prendre des mesures spécifiques pour lutter contre les discriminations à l'égard des femmes dans le sport.

« Même si je viens de souligner que les difficultés que nous affrontons ont souvent leur source dans des phénomènes sociaux globaux, cela n'exclut en rien la prise de telles mesures. Il nous faut en effet être réaliste, quels que soient les efforts en cours, la véritable égalité entre les hommes et les femmes n'est pas encore une réalité et tout ce qui peut permettre de progresser vers cet objectif est bon à prendre.

« Mes chers collègues, Pierre de Coubertin, l'inventeur des Jeux Olympiques de l'ère moderne, déclarait en 1928 : « Le seul véritable héros olympique est, à mes yeux, l'adulte mâle... Quant à la participation des femmes aux Jeux, j'y demeure hostile ».

« Depuis lors, beaucoup de progrès ont été réalisés, beaucoup de préjugés surmontés. Il nous faut continuer et c'est pour cela que je soutiens les conclusions de l'excellent rapport de Mme Aguiar. »

A l'issue de ses travaux l'Assemblée a adopté deux recommandations :

- la recommandation n° 1700 sur la discrimination à l'encontre des femmes parmi les demandeurs d'emploi et sur le lieu de travail , demandant au Comité des ministres de charger le comité intergouvernemental compétent de mettre en place un projet pour combattre la discrimination à l'encontre des femmes et de mener une campagne de sensibilisation en vue d'éradiquer les stéréotypes et les idées préconçues défavorables aux femmes ;

- la recommandation n° 1701 invitant le Comité des ministres à charger le comité pour le développement du sport de continuer , en coopération avec d'autres instances pertinentes, à promouvoir la participation des femmes et des jeunes filles aux activités sportives , de lutter contre la discrimination à l'encontre des femmes et des jeunes filles dans les activités sportives et de procéder à une analyse approfondie des politiques nationales du sport et de leur impact sur la participation des femmes et des jeunes filles dans les activités sportives et à rédiger une « Stratégie européenne en faveur des Femmes et du Sport » et lui demandant enfin d'organiser une conférence interministérielle pour lancer cette Stratégie.

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